alternativesEstebanUn bar autogéré :De l’Autre CôTé du PonTOu comm<strong>en</strong>t une idée délirante se transforme <strong>en</strong> un lieu coopératif convivialà la croisée des réseaux.Un grand mur propose diverses expositions.(1) Confédération paysanne, 8, quaiJoffre, 69002 Lyon, tél : 04 78 38 3397.(2) ARDEAR, Association régionalede développem<strong>en</strong>t de l’emploi agricoleet rural, 8, quai Joffre, 69002Lyon, tél : 04 78 38 29 20.(3) Association Contres<strong>en</strong>s, 235, rueV<strong>en</strong>dôme, 69003 Lyon, tél : 04 78 7292 01.Durant l’été 2001, Axel et Jérôme t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t lebras sur la route, quelque part <strong>en</strong>treStockholm et Lyon, voyageant au gré desr<strong>en</strong>contres, et espérant trouver quelque voitureprête à leur r<strong>en</strong>dre leur coup de pouce. De cepériple naît un projet un peu fou : s’équiper d’unbus qui roulerait aux énergies r<strong>en</strong>ouvelables. Ason bord, une équipe de sci<strong>en</strong>tifiques et artistes<strong>en</strong> tous g<strong>en</strong>res qui constituerai<strong>en</strong>t une sorte d’<strong>en</strong>cyclopédie<strong>en</strong> lisant, analysant ou représ<strong>en</strong>tantles contrées traversées et les cultures r<strong>en</strong>contrées.Ce bus servirait de trait d’union <strong>en</strong>tre les paysparcourus.L’objectif : tisser des li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre les g<strong>en</strong>s. Si l’idéedu bus fut abandonnée, <strong>en</strong> revanche l’idée d’unbar comme point de r<strong>en</strong>contres et d’échangespr<strong>en</strong>d forme. Axel est alors Lyonnais, et Jérômevit à Lille. Ils se connaiss<strong>en</strong>t depuis le collège, oùils ont étudié et fait un bout de chemin <strong>en</strong>sembledans le pays de Gex, près de la frontière suisse.Malgré la distance, Axel et Jérôme continu<strong>en</strong>t dese voir et de parler de leur projet, tous les deuxmois <strong>en</strong>viron, du côté de Lille.Un projet agriculturelEn février 2003, Jérôme emménage <strong>en</strong> colocationavec Axel à Lyon, dans le quartier de laGuillotière, car c’est dans ce coin de la ville qu’ilssouhait<strong>en</strong>t mettre <strong>en</strong> place leur projet de bar. Unquartier cosmopolite où différ<strong>en</strong>tes culturescoexist<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>tre restaurants chinois et sandwicheriesde chiches-kebabs. C’est dans ce quartierqu’ils retrouv<strong>en</strong>t Boris, un ami r<strong>en</strong>contré dans leNord. Ce dernier, qui comm<strong>en</strong>ce à bi<strong>en</strong> connaîtrela scène de musiques actuelles lyonnaises, se jointau duo. C’est alors que comm<strong>en</strong>ce la recherched’un lieu à même d’accueillir leur projet de bar. Atrois ils défrich<strong>en</strong>t le quartier de la Guillotière,tout <strong>en</strong> comm<strong>en</strong>çant à tisser des contacts auprèsde la Confédération paysanne (1) et de l’Ardear(2), deux structures très proches du monde paysan,car ils cherch<strong>en</strong>t déjà à établir des li<strong>en</strong>s avecde petits producteurs paysans du coin afin d’alim<strong>en</strong>terleur futur bar de bons produits locaux. Ilscré<strong>en</strong>t l’association agriculturelle Contres<strong>en</strong>s(sans salarié-es) (3), afin de comm<strong>en</strong>cer leur activitéde diffusion de bonnes choses lors de manifestationscomme les RAM (R<strong>en</strong>contres pour uneAutre Mondialisation), <strong>en</strong> janvier 2004.4 0 S!l<strong>en</strong>ce n°356 avril 2008
Après avoir posé tous les trois leurs économiessur une table, ils décid<strong>en</strong>t de chercher unebanque qui leur permettrait de réunir l’arg<strong>en</strong>tmanquant pour créer le bar (avec salarié-es).Comme ils souhait<strong>en</strong>t monter leur structure sousla forme d’une coopérative Scop, le mouvem<strong>en</strong>trégional des Scops de Rhône-Alpes les appuie <strong>en</strong>apportant des garanties financières au projet, et leCrédit coopératif répondant, après hésitation,positivem<strong>en</strong>t à leur demande de prêt bancaire : lebar peut <strong>en</strong>fin voir le jour.Le choix de la situation géographique du bar futlà aussi un désir de se démarquer de ce qui se pratique: une grande partie des bars et salles deconcerts de la ville est <strong>en</strong> effet conc<strong>en</strong>trée à laCroix-Rousse et sur la presqu’île. D’où l’idéed’être « de l’autre côté » du fleuve, près desberges du Rhône et du pont de la Guillotière, <strong>en</strong>étant dés<strong>en</strong>clavé de l’île c<strong>en</strong>trale et de l’ « hyperc<strong>en</strong>tre ». Le nom du bar est donc tout trouvé :un autre côté est possible !En mars 2004, le bar De l’Autre CôTé du PonTouvre <strong>en</strong>fin son comptoir à ses tous premierscli<strong>en</strong>ts, après de longs travaux, au 25 coursGambetta, à la Guillotière. S’il est vrai que sonactivité permet de générer des rev<strong>en</strong>us, cet arg<strong>en</strong>tn’est pas utilisé pour être accumulé. Une coopérativeScop n’a d’ailleurs pas le profil d’une <strong>en</strong>treprisepour capitalistes ! Les créateurs du bar souhait<strong>en</strong>t<strong>en</strong> effet faire de l’arg<strong>en</strong>t un outil deredistribution, et non une fin <strong>en</strong> soi. Les bénéficessont donc dédiés à trois pôles : celui dessalarié-e-s (qui gèr<strong>en</strong>t le bar au quotidi<strong>en</strong>), celuides petits producteurs paysans (qui le fourniss<strong>en</strong>t<strong>en</strong> boissons et produits paysans locaux) et celuides artistes (qui anim<strong>en</strong>t le lieu). Tous les jours,le midi, on peut donc y manger et y déguster debons produits paysans, et le soir pas trop tard ony grignote de petites assiettes légères de tapas. Lesbières artisanales locales y sont excell<strong>en</strong>tes, etmoins chères qu’ailleurs pour autant, tout commele café, même s’il est issu d’un commerce pluséquitable.De l’autre côté du son : desnotes de musiques équitablesDans l’univers de la musique comme dans l’alim<strong>en</strong>tation,la distribution est trop souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>treles mains de majors et de géants de la grosse distribution,des multinationales (gros labels, industriesagro-alim<strong>en</strong>taires…). L’équipe du bar décidedonc d’aller à contre-courant de cette fâcheuset<strong>en</strong>dance <strong>en</strong> décidant d’accompagner de petitsproducteurs et brasseurs de bières paysans, souv<strong>en</strong>tbios, mais aussi des artistes et petits collectifsmusicaux qui début<strong>en</strong>t, tout <strong>en</strong> les rémunérantcorrectem<strong>en</strong>t (fait assez rare dans l’universdes cafés-concerts) : des notes de musiques justeset des notes de frais équitables !Afin d’ouvrir le bar à un public plus large, depuisfin 2006 il ouvre ses portes égalem<strong>en</strong>t ledimanche, avec spectacles et espace non-fumeur,pour que les <strong>en</strong>fants puiss<strong>en</strong>t aussi voir les contesqui ont lieu un dimanche par mois, mais durantl’automne et l’hiver uniquem<strong>en</strong>t, d’octobre àmars.Et pour ne pas trop impressionner le public avecune carte de produits étiquetés « paysans bioséquitables <strong>en</strong>gagés », l’équipe du bar décide d<strong>en</strong>e pas trop afficher ni communiquer cet aspectlà,afin d’être un vrai bistrot de quartier, et non unrepaire pour g<strong>en</strong>s déjà convaincus.Et ça marche : soirée slams chaque mois depuisEstebanUne petite scène permet d’accueillir des spectacles.septembre 2006 avec notamm<strong>en</strong>t la Tribut duverbe (4), concerts de musiques variées et réguliersle soir <strong>en</strong> fin de semaine, des soirées rapsprévues <strong>en</strong> 2008, et un public mixte de 18 à 60ans et plus. Et le bouche à oreille fonctionne, lelieu accueillant plus de 700 passages chaquesemaine <strong>en</strong> moy<strong>en</strong>ne, avec une capacité d’accueilde plus de 60 personnes assises dans la salle, p<strong>en</strong>dantles spectacles (contes, concerts, projections…).« Les g<strong>en</strong>s vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>ici</strong> pour la cohér<strong>en</strong>cedu lieu, pour y retrouver les amis, leurs réseaux, lesbons produits », note Jérôme.L’équipe de la coopérative s’est agrandie peu à peudepuis 2004, passant de 3 à 7 salarié-es à tempsplein (5), et dans laquelle chaque personne a sonmot à dire, notamm<strong>en</strong>t lors de leur réunion hebdomadairedu jeudi après-midi, selon le principed’une <strong>en</strong>treprise coopérative où une personne =une voix. Toutes les décisions sont ainsi prisescollectivem<strong>en</strong>t. Idem pour le gérant du bar, qui(4) La Tribut du verbe, 24, rueImbert-Colomès, 69001 Lyon, tél :06 17 10 40 35, www.latributduverbe.com(5) A temps plein, soit 39 heureshebdomadaires, mais avec sixsemaines de congés payés pour parv<strong>en</strong>irà un équival<strong>en</strong>t de 35 heureshebdomadaires. Il s’agit là de laconv<strong>en</strong>tion collective hôtellerie-restauration.S!l<strong>en</strong>ce n°356 avril 20084 1