Au cas par caseUn hymne à l’univers du créateur <strong>de</strong> la série Blueberry.Agé <strong>de</strong> 74 ans, Jean Giraud, alias Moebius, <strong>de</strong>ssinateuret scénariste <strong>de</strong> BD, vous invite à la découverte <strong>de</strong>son univers au sein <strong>de</strong> la Fondation Cartier. Dénommée« Moebius, Transe-Forme », cette exposition se construitcomme un voyage dans l’antre <strong>de</strong> Moebius. L’expositionest visib<strong>le</strong> du 12 octobre 2010 au 13 mars 2011.On retrouve là <strong>le</strong>s traces <strong>de</strong> tout ce qui retient particulièrementl’attention <strong>de</strong> Jean Giraud. Féru <strong>de</strong> chamanisme,<strong>de</strong> voyance et autres sciences tournées vers <strong>le</strong> surnaturel,Moebius tire <strong>de</strong> là une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> son inspiration.C’est sous <strong>le</strong> signe <strong>de</strong> la métamorphose qu’une tel<strong>le</strong> expositiona vu <strong>le</strong> jour. On y découvre près <strong>de</strong> 400 <strong>de</strong>ssins,planches <strong>de</strong> BD mais aussi <strong>de</strong> nombreux agrandissements<strong>de</strong> quelques œuvres <strong>de</strong> l’auteur.Pour réunir et organiser tous ces documents, il a fallu pasmoins d’un an. Mais <strong>le</strong> résultat vaut <strong>le</strong> déplacement etpromet <strong>de</strong> laisser aux visiteurs une image forte <strong>de</strong> l’univers<strong>de</strong> Moebius que d’aucuns ont pu découvrir à traversla série Blueberry.Bercé par la science-fiction, Jean Giraud a participé auxtournages <strong>de</strong> nombreux films liés à cet univers, ainsi d’Alien,d’Abyss ou encore du cinquième élément. Ce véritab<strong>le</strong>amateur d’OVNI vous fera découvrir un film d’animationtournant en 3D sur <strong>le</strong>s lieux <strong>de</strong> l’exposition. IntituléLa planète encore, il s’agit d’une adaptation d’une BDque Moebius a réalisé aux côtés <strong>de</strong> Geoffrey Niquet.La ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>ssinée crée sa bul<strong>le</strong> en Al<strong>le</strong>magneLe genre y est peu à peu reconnuÀ l’occasion <strong>de</strong> cette exposition, la Fondation Cartier proposeun livre-anthologie autour <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> l’artiste :Moebius-transe-forme. On pourra aussi, pour <strong>le</strong>s plusjeunes se procurer un livre pour enfants : Coloriagesavec Moebius.Source : RTLInfo.beL'Al<strong>le</strong>magne et la ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>ssinée, ce n'était jusqu'àmaintenant pas vraiment une histoire d'amour.« En Al<strong>le</strong>magne <strong>le</strong>s préjugés sur la ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>ssinée ont lavie dure, beaucoup <strong>de</strong> gens croient que c'est toujours undomaine réservé aux enfants » déclare ainsi ChristianMaiwald <strong>de</strong> la maison d'édition berlinoise Reprodukt.Dans <strong>le</strong>s années 60-70, la BD était même complètementmorte outre-Rhin. Selon Ralf König, pionnier mondial <strong>de</strong>Après l'appel lancé par <strong>le</strong>s éditeurs du côté livre, enmatière <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s droits numériques et <strong>de</strong>sinitiatives hasar<strong>de</strong>uses d'agents littéraires, la réaction duGroupement <strong>de</strong>s auteurs <strong>de</strong> ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>ssinée ne s'est pasvraiment fait attendre.Leur réaction est aussi vive qu'argumentée. Dans un PDF<strong>de</strong>quatre pages, <strong>le</strong>s éléments pointés par <strong>le</strong> SNE sont repris etdémontés avec une perspective simp<strong>le</strong>.La situation déplorée par <strong>le</strong> SNE nous apparaît clairementcomme une conséquence symptomatique <strong>de</strong> l'obstinationdu SNE, et notamment du SNE-BD, à refuser tout dialogueavec ses partenaires et en premier lieu <strong>le</strong>s auteurs.Estimant que <strong>le</strong> SNE crie maintenant au feu alors qu'il aendossé <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> « du pompier-pyromane », <strong>le</strong> syndicat faitvaloir que son Appel du numérique, lancé en mars 2010avait déjà marqué <strong>le</strong>s points noirs, d'autant plus qu'il avaitété repris par la suite « par <strong>le</strong>s organisations professionnel<strong>le</strong>s<strong>de</strong> l’ensemb<strong>le</strong> <strong>de</strong>s auteurs et illustrateurs du livre ».la BD gay humoristique, <strong>le</strong>s sombres années nazies, etl'américanisation forcenée <strong>de</strong> l'après-guerre y sont pourquelque chose : « Quand j'étais enfant, il n'y avait que <strong>de</strong>scomics américains comme Mickey ».C'est <strong>le</strong> roman graphique qui redore <strong>le</strong> blason <strong>de</strong> la BDen Al<strong>le</strong>magne. Plus sérieux, mélange <strong>de</strong> roman et <strong>de</strong> BD,« <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> gens s'aperçoivent que ce médiapeut aussi par<strong>le</strong>r aux adultes » explique Maiwald citéepar l'AFP.Pour une rémunération juste <strong>de</strong>s auteurs en BD numérique !Petit appel, grand échoL'univers <strong>de</strong> la BD fait d'autre part preuve <strong>de</strong> quelquesdifférences avec <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> du livre. Puisque la numérisationpeut impliquer une adaptation particulière, au regard<strong>de</strong> la mise en page et du caractère séquentiel d'une BD, <strong>le</strong>Snac-GABD estime que <strong>le</strong> titre numérique et celui papier,doivent « faire l’objet d’un contrat séparé et distinctcomme la cession <strong>de</strong>s droits audiovisuels ».Dans ces conditions, la cession <strong>de</strong>s droits ne reposait jusqu'àprésent que sur la vente <strong>de</strong>s exemplaires et <strong>le</strong> commerce <strong>de</strong>biens matériels. Le numérique bou<strong>le</strong>versant quelque peu ladiffusion traditionnel<strong>le</strong> <strong>de</strong> l'oeuvre, plusieurs points noirsrestent à éclaircir :❍ <strong>le</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> consommation à venir (téléchargement<strong>de</strong> fichiers ou simp<strong>le</strong>s consultations),❍ <strong>le</strong> prix du "livre numérique",❍ <strong>le</strong> taux <strong>de</strong> la TVA qui lui sera appliquée dans <strong>le</strong> futur,❍ <strong>le</strong> ou <strong>le</strong>s modè<strong>le</strong>s économiques d’accès aux oeuvres(prix pour l’acquisition d’une oeuvre, abonnement pour<strong>de</strong>s accès limités ou non à <strong>de</strong>s catalogues éditoriaux, recettespublicitaires, etc.),Le mouvement est visib<strong>le</strong>, même à la foire <strong>de</strong> Francfort :<strong>le</strong>s éditeurs Reprodukt et Édition Mo<strong>de</strong>rne sont ainsiinstallés dans <strong>le</strong> hall 5 dédié à la littérature, et non plusdans la section Comic comme <strong>le</strong>s années précé<strong>de</strong>ntes.Le spécialiste al<strong>le</strong>mand <strong>de</strong> la BD Klaus Schikowski :« La BD est maintenant chroniquée dans <strong>le</strong>s colonnes littéraires<strong>de</strong>s journaux al<strong>le</strong>mands, ce qui était inenvisageab<strong>le</strong>il y a encore quelques années ! La BD est désormaisentrée en Al<strong>le</strong>magne dans <strong>le</strong> domaine <strong>de</strong> la culturerespectab<strong>le</strong> ». La BD, ou tout du moins sa frange romangraphique.Ce qui a d'ail<strong>le</strong>urs <strong>le</strong> don d'énerver Splitter, éditeur <strong>de</strong>Delcourt et So<strong>le</strong>il en Al<strong>le</strong>magne, qui se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pourquoil'on ne par<strong>le</strong> que <strong>de</strong>s romans graphiques. « C’est paradoxal,note l’agent Paul Derouet, conseil<strong>le</strong>r auprès du Festivald’Erlangen. Pendant <strong>de</strong>s années, nous nous sommes battuspour que la BD soit reconnue comme une littérature à partentière. Maintenant que nous y sommes à peu près parvenus,ils se désolidarisent <strong>de</strong> l’ensemb<strong>le</strong> <strong>de</strong> la profession. »Chacun veut sa part du gâteau. Réjouissons-nous pourl'instant du début <strong>de</strong> la reconnaissance du 9 ème art cheznos voisins.R.TEt d'ajouter :Il n’y a aucun fon<strong>de</strong>ment légal ni même moral à ce que« l’exploitation numérique » soit automatiquement inclusedans l’acquisition <strong>de</strong>s droits d’exploitation du « livre papier ».Le modè<strong>le</strong> économique du numérique est différent etémergeant, il convient d’abord <strong>de</strong> réfléchir à la manière <strong>de</strong><strong>le</strong> faire fonctionner avant d’en fixer <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s.Et pour ce qui est du prix <strong>de</strong> vente fixé par l'éditeur, toutcela est bel et bon, et « serait parfait si <strong>le</strong>s éditeurs,lorsqu’ils fixent <strong>le</strong> prix <strong>de</strong> vente <strong>de</strong> nos ouvrages et larépartition <strong>de</strong>s revenus, tenaient compte <strong>de</strong> notre droitlégitime à vivre <strong>de</strong> notre travail. »De nouveaux cadres !Puisque l'on évoque <strong>le</strong> numérique, <strong>le</strong> choix d'un « nouveaupartenariat » reste encore à négocier, souligne-t-il, avec<strong>de</strong>s bases saines, reposant sur « une juste rémunération<strong>de</strong>s auteurs pour <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> économique <strong>de</strong> <strong>de</strong>main, parune négociation col<strong>le</strong>ctive, catégoriel<strong>le</strong> et non par <strong>de</strong>snégociations contractuel<strong>le</strong>s au cas par cas ».On prendra un exemp<strong>le</strong> assez frappant : <strong>le</strong>s auteurs <strong>de</strong> BDlivrent <strong>de</strong> plus en plus d'oeuvres sous forme numérique. Uncoût qui est donc épargné pour <strong>le</strong>s éditeurs, qui travail<strong>le</strong>ntsur ces fichiers, et dont la fabrication n'est plus à <strong>le</strong>ur charge« et cela sans aucune répercussion, ni sur <strong>le</strong> prix public, nisur la rémunération <strong>de</strong>s auteurs ». Quant à la promotion<strong>de</strong>s titres, quel auteur ne dispose aujourd'hui pas <strong>de</strong> sonblog, sa Fan Page Facebook, et ainsi <strong>de</strong> suite ?Aujourd'hui, <strong>le</strong>s auteurs ne récupèrent que la portion congrue<strong>de</strong> <strong>le</strong>ur travail. Appliquer à l'édition numérique <strong>le</strong>s mêmespourcentages qu'à l'édition papier revient à tuer la professiond'auteur <strong>de</strong> Ban<strong>de</strong> Dessinée à plus ou moins court terme,selon l'essor <strong>de</strong> ce nouveau marché. »N.G.38
Du beau, du bon…du BD !Freak Angels, Tome 2W. Ellis, P. DuffieldEntre <strong>le</strong>s ombresArnaud Bout<strong>le</strong>Douze gamins qui ont réduit <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> àun sinistre état voilà vingt-trois ans, et quiaujourd'hui payent <strong>le</strong>ur écot à cette sociétéqu'ils méprisaient alors. En reconstituant unsemblant<strong>de</strong> vie communautaire dont ils rég<strong>le</strong>mentent<strong>le</strong>s moindres détails, <strong>le</strong>s 11 Freakangelsfont la pluie et <strong>le</strong> beau temps.Leurs pouvoirs psychiques <strong>le</strong>s mettent en liaison permanente <strong>le</strong>s uns avec <strong>le</strong>s autres.Cette même force qui <strong>le</strong>s aida à créer une fin du mon<strong>de</strong> légèrement anticipée, quelquesannées auparavant. Whitechapel, <strong>le</strong>ur territoire, <strong>le</strong> <strong>de</strong>rnier bastion d'une humanité qu'ilsont élue, et qu'ils chérissent.Mais la menace qui vient <strong>de</strong>s a<strong>le</strong>ntours nécessite <strong>de</strong>s adaptations. Viru<strong>le</strong>ntes réactions<strong>de</strong> protection, cas <strong>de</strong> force majeur... Les gamins ont vingt-trois ans aujourd'hui, mais pasquestion <strong>de</strong> se laisser impressionner par un simp<strong>le</strong> obusier. Quand il s'agit <strong>de</strong> défendrela société qu'ils ont rebâtie, tous <strong>le</strong>s moyens sont bons. Même <strong>le</strong>s plus inattendus,comme l'empathie.Si <strong>le</strong>s <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong> Freakangels évoquent en vous la moindre sympathie, alors définitivement,il vous faut vous ruer sur ce <strong>de</strong>uxième opus, et embarquer <strong>le</strong> premier avec. Cetteaventure déjantée, dans un E<strong>de</strong>n incongru est un must actuel du genre.Laissez tomber ce qui vous semb<strong>le</strong>rait <strong>de</strong>s imperfections du <strong>de</strong>ssin ; oubliez <strong>le</strong> scénarioque vous croiriez à tort simpliste. Freakangels confirme aisément <strong>le</strong>s attentes que l'onavait avec <strong>le</strong> premier tome. Empli d'une vitalité coupab<strong>le</strong> et d'une suffocante tension,c'est un roman graphique d'apprentissage, au même titre que <strong>le</strong>s bilsdungromans al<strong>le</strong>mandsdu XIX ème sièc<strong>le</strong>. (Freakangels, chronique du tome 1)À une différence près : ils sont onze post-ados, un brin attardés, avec une ultra-conscience<strong>de</strong> <strong>le</strong>urs actes. Et <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs pouvoirs. Enfin, <strong>de</strong> presque tous <strong>le</strong>urs pouvoirs. Embal<strong>le</strong>r c'estpesé : petit bijou.Seul au mon<strong>de</strong>. Avec <strong>de</strong>s regrets, <strong>de</strong>sremords et la neige pour uniques compagnons.Une solitu<strong>de</strong> aussi vaste qu’un universvidé <strong>de</strong> toute substance humaine. Mêmel’é<strong>le</strong>ctricité s’est fait la mal<strong>le</strong>. Et pour cause,plus personne pour la fabriquer. Il s’est bienpassé quelque chose, évi<strong>de</strong>mment, mais tantl’humanité a été absorbée par sa propreabsence, que cet événement n’a plus guèred’importance.Tout ce qui compte, c’est la vie, seu<strong>le</strong>, <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier survivant. Dans <strong>de</strong>s tons <strong>de</strong> gris,rarement parsemés <strong>de</strong> cou<strong>le</strong>urs estompées, une aquarel<strong>le</strong> qui aurait déteint, on bascu<strong>le</strong>entre souvenirs d’enfance et une existence sans temporalité ni repères. Si l’on oublie <strong>le</strong>défi<strong>le</strong>ment <strong>de</strong>s saisons, et la migration <strong>de</strong> crustacés gigantesques, la vie s’écou<strong>le</strong> avecun observateur insolite pour s’en apercevoir.Existe-t-el<strong>le</strong> vraiment, cette vie, puisqu’il est seul à la contemp<strong>le</strong>r ? Après tout, cet arbreprofondément enraciné au loin dans une forêt, s’il venait à tomber, entendrait-on <strong>le</strong>craquement <strong>de</strong> ses branches, quand il s’effondre ?Le mythe <strong>de</strong> Robinson Crusoé est ici revisité à si vaste échel<strong>le</strong>, qu’il en <strong>de</strong>vient presquediffici<strong>le</strong> <strong>de</strong> ne pas trouver à notre protagoniste un air <strong>de</strong> famil<strong>le</strong>. Mais sans Vendredi,que resterait-il <strong>de</strong> Robinson, sinon un humain déshumanisé ? Noyé dans ses souvenirs,revivant <strong>le</strong>s instants passés avec cette femme aimée, il erre, et nous prend à témoin <strong>de</strong>son errance. Sans but, sinon cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> trouver un toit pour dormir, <strong>de</strong> décrocher quelquestoi<strong>le</strong>s <strong>de</strong> maître pour égayer son intérieur et <strong>de</strong> parcourir la vil<strong>le</strong> à la recherche <strong>de</strong> nourriture...Une vie <strong>de</strong> vagabond dans une fin du mon<strong>de</strong>. À quoi rime que la Terre continue<strong>de</strong> tourner si el<strong>le</strong> ne porte plus l’humanité dans ses révolutions ?Triste et émouvant, ce titre explore p<strong>le</strong>inement un thème lourd <strong>de</strong> questions - surtout si<strong>de</strong>main je ne peux pas faire mon p<strong>le</strong>in d’essence - très actuel<strong>le</strong>s. En parcourant <strong>le</strong>s lianesgigantesques qui sillonnent cette cité, nous voici dans une quête sans but et sans moyens.Les écueils du genre sont minimes, la fenêtre sur cette solitu<strong>de</strong> s’ouvre. Et se referme.Freakangels t.2 - W Ellis, P DuffieldPublié chez Le Lombard146 pages, 14,95 €9782803627370Entre <strong>le</strong>s ombres - Arnaud Bout<strong>le</strong>Publié chez Glénat72 pages, 14 €978272347254839