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Télécharger ActuaLitté, le papiel, #4 de novembre

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L’(autre) homme <strong>de</strong> ma vieStephen McCau<strong>le</strong>yL’humanité est-el<strong>le</strong> peuplée <strong>de</strong> misanthropes, au rang <strong>de</strong>squelscompter Stephen McCau<strong>le</strong>y ? Peu probab<strong>le</strong>, mais unechose est certaine, notre petit mon<strong>de</strong> humain va à la dérive,et ça, même Stephen McCau<strong>le</strong>y ne pourra pas tenter <strong>de</strong>vous faire ava<strong>le</strong>r <strong>le</strong> contraire. Même avec l’ironie verte etchantante qui caractérise tout <strong>le</strong> bouquin.La question majeure du livre est : que faites-vous quandvous découvrez que votre conjoint aimé et chéri a une maîtresse? Et que feriez-vous, si vous-même, auteur <strong>de</strong> l’adultère, vous aperceviezque votre liaison commence à bien plus vous fasciner que votre coup<strong>le</strong> ? Nous ysommes, <strong>le</strong>s jeux sont faits, bienvenue dans une bel<strong>le</strong> comédie <strong>de</strong> moeurs tout cequ’il y a <strong>de</strong> plus sarcastique.L’histoire, c’est cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> Richard Rossi, qui travail<strong>le</strong> dans une société d’édition <strong>de</strong>logiciels, et qui surtout prétend à qui veux bien l’entendre - ses amis, en l’occurrence- qu’il sait tout <strong>de</strong> l’art <strong>de</strong> la dissimulation. D’ail<strong>le</strong>urs, sa liaison avecBenjamin, homme marié, pas vraiment disponib<strong>le</strong>, donc, ne peut s’expliquer quepar cette faculté à tromper son mon<strong>de</strong> et parvenir à faire ava<strong>le</strong>r n’importe quoi.On retrouve là l’univers mo<strong>de</strong>lé par Stephen McCau<strong>le</strong>y, où <strong>de</strong>s gays tombentamoureux d’hommes mariés - souvenez-vous <strong>de</strong> L’objet <strong>de</strong> mon affection, en1987 - <strong>le</strong> tout dans <strong>de</strong>s histoires assez amusantes. Les femmes ne sont d’ordinairepas <strong>de</strong> reste puisque même hétéros, el<strong>le</strong>s s’entichent <strong>de</strong> partenaires homos, et tousces gens finissent par nous <strong>de</strong>venir très sympathiques...Je pense donc j’écrisAvec un certain humour, il parvient à nous par<strong>le</strong>r <strong>de</strong> lui, et nous faire rire, par<strong>de</strong>s phrases toujours hallucinantes, comparant son visage à la cordillère <strong>de</strong>sAn<strong>de</strong>s - mais au moins, il n’a pas <strong>de</strong> cancer <strong>de</strong> la peau... Des formu<strong>le</strong>s plaisantes,qui parsèment <strong>le</strong> livre et constituent un autre pan <strong>de</strong> cette comédie <strong>de</strong> moeursassez drô<strong>le</strong>.Le tout se dérou<strong>le</strong> durant l’administration Bush, et permet <strong>de</strong> déplorer une certaineperte <strong>de</strong> l’autorité et la rigueur mora<strong>le</strong>, toujours pour <strong>le</strong>s mettre en perspectivedans une satire sur la fin <strong>de</strong>s années <strong>de</strong> prospérité. Une pério<strong>de</strong> où l’Amérique secherche plus que jamais et tente <strong>de</strong> trouver dans <strong>de</strong>s activités, même idiotes ouvaines, un nouveau sens à sa vie.Il faut bien se conso<strong>le</strong>r <strong>de</strong>s déceptions <strong>de</strong> l’existence avec plus ou moins <strong>de</strong> passion.Le tout avec <strong>de</strong>s plaisanteries assez fines, dans un mon<strong>de</strong> homosexuel proched’Oscar Wil<strong>de</strong>, et libéré <strong>de</strong> toutes <strong>le</strong>s contraintes culturel<strong>le</strong>s qui pourraient peser<strong>de</strong>ssus. Des pratiquants <strong>de</strong> yoga, sans <strong>le</strong> baratin spirituel, en somme...Et comme l’écrit justement Stephen, à un certain point, dans toute relation,la discrétion supplante la fidélité, comme gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> la vertu... Une seu<strong>le</strong> déception :pourquoi nous avoir changé la couverture américaine, un peu plus colorée ?Ce nouveau roman a quelque chose <strong>de</strong> plus mature que <strong>le</strong>s précé<strong>de</strong>nts, <strong>de</strong> plus calme.D’ail<strong>le</strong>urs, son Richard, âgé <strong>de</strong> 50 ans, addict à la sal<strong>le</strong> <strong>de</strong> sport et à son psychologue,a renoncé au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’entreprise privée, malgré un bon salaire, pour quelquechose <strong>de</strong> plus serein. Son amour a été emporté par <strong>le</strong> SIDA huit ans auparavant...Le crédo <strong>de</strong> la vio<strong>le</strong>nceBoston TeranCredo... Ce que je crois... Une forme insolite <strong>de</strong> manifestepour livrer un avis. Ce qui stigmatise dans un premiertemps l’expression <strong>de</strong> cette vio<strong>le</strong>nce, toute hâtive <strong>de</strong> sefaire comprendre, c’est qu’el<strong>le</strong> est protéiforme, <strong>de</strong>puisla grossière fumée noire qui émane <strong>de</strong> la couverture,jusque dans ses manifestations économiques. L’argent,c’est <strong>le</strong> pouvoir. Et <strong>le</strong> pouvoir ne s’exerce que sur l’autre.Bienvenue dans une partie du mon<strong>de</strong> qui en impose par<strong>le</strong> brillant <strong>de</strong> son porte-monnaie...Pourtant, nous sommes loin <strong>de</strong> l’Occi<strong>de</strong>nt mo<strong>de</strong>rne.Dans ce Texas <strong>de</strong> 1910, non loin d’un Mexique en friche,agité par <strong>le</strong>s spasmes d’une révolution douteuse, vit un criminel et assassin<strong>de</strong> la plus bel<strong>le</strong> sorte. Celui qui croit en son art. Rawbone fait d’ail<strong>le</strong>urs <strong>de</strong> cetterévolte l’occasion d’entretenir <strong>le</strong> marché noir <strong>de</strong>s armes et traite directement avec<strong>le</strong>s Mexicains <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> machines à tuer. Seu<strong>le</strong>ment, il ne parviendra pas à<strong>de</strong>stination. Le <strong>de</strong>stin est parfois rail<strong>le</strong>ur.Arrêté par <strong>le</strong> FBI et remis aux bons soins <strong>de</strong> l’agent John Lour<strong>de</strong>s (quel mirac<strong>le</strong> !),Rawbone va parvenir à s’extirper d’un bien mauvais pas. Chose amusante - ce <strong>de</strong>stin,décidément - Lour<strong>de</strong>s est <strong>le</strong> fils <strong>de</strong> Rawbone, qui lui, l’ignore complètement.Une autre histoire <strong>de</strong> vio<strong>le</strong>nce, cel<strong>le</strong> faite à l’i<strong>de</strong>ntité et sa construction. Pas étonnantque <strong>le</strong>s requins d’Hollywood soient déjà sur <strong>le</strong> coup d’une adaptation prochaine.Cette histoire d’un père impossib<strong>le</strong> et d’un fils abandonné, dont <strong>le</strong>s vies sont <strong>de</strong>venuesdiamétra<strong>le</strong>ment opposées, finira par <strong>le</strong>s mettre tous <strong>de</strong>ux dans un camion,où <strong>le</strong> manichéisme du blanc et du noir s’exacerbe.Permettez : je passe assez volontiers sous si<strong>le</strong>nce tout ce contexte <strong>de</strong> guérilla etd’action pure, propre à certains films hollywoodiens (tiens donc !) qui ne me semb<strong>le</strong>pas <strong>le</strong> plus intéressant du livre et qu’il vaut mieux découvrir par soi-même. Ces affaires<strong>de</strong> vente d’armes et cargaison que l’on transporte sont plus un prétexte qu’unefin en soi. Ce qui est regrettab<strong>le</strong> d’ail<strong>le</strong>urs, parce qu’il est probab<strong>le</strong> que tout filmadapté du livre par <strong>le</strong>s mains américaines accentuera plutôt cet aspect.Ce qui marque plus fortement l’esprit tourne autour <strong>de</strong> cette relation père ignorant,fils vindicatif. Les principaux thèmes familiaux y passent : haine, amour, doute,vérité, mensonge, entre la froi<strong>de</strong>ur rigi<strong>de</strong> d’un père et une sorte <strong>de</strong> romantismeaccompli d’un fils. Le retour du père prodigue pourrait-on dire. En marge <strong>de</strong> <strong>le</strong>urspéripéties, c’est une histoire <strong>de</strong> redécouverte <strong>de</strong> l’autre à laquel<strong>le</strong> on assiste.Une sorte <strong>de</strong> tragédie sur fond <strong>de</strong> puits <strong>de</strong> pétro<strong>le</strong> et <strong>de</strong> contrô<strong>le</strong> omniprésent par<strong>le</strong>s forces sous-jacentes américaines, dans laquel<strong>le</strong> cette drô<strong>le</strong> <strong>de</strong> famil<strong>le</strong> va serecomposer. Un père qui est né <strong>le</strong> jour <strong>de</strong> l’assassinat <strong>de</strong> Lincoln ne doit pas êtrevéritab<strong>le</strong>ment simp<strong>le</strong> à accepter comme modè<strong>le</strong> - et sûrement frappé d’un sceauassez détestab<strong>le</strong>. La ré<strong>de</strong>mption sera à la mesure <strong>de</strong> cette naissance obscure etel<strong>le</strong>-même placée sous <strong>le</strong> signe d’une nouvel<strong>le</strong> vio<strong>le</strong>nce.Avec assez <strong>de</strong> tenue pour donner une <strong>le</strong>cture légère, forte dans son action, maissurtout un sty<strong>le</strong> rendu par <strong>le</strong> traducteur Franck Reichert, qui donne <strong>de</strong>s dialogueschargé d’émotions - mais non au sens mièvre - ce Credo tient bien en main. M’estd’avis que l’on peut y trouver ce que l’on aime. Mais plus qu’une affaire <strong>de</strong> vio<strong>le</strong>nce,<strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur attentif y découvrira une histoire <strong>de</strong> pardon, au beau milieu <strong>de</strong>sexplosions, <strong>de</strong>s meurtres et <strong>de</strong> la cupidité ambiante.Dans la parabo<strong>le</strong> du fils prodigue, la seu<strong>le</strong> différence, c’est que c’est <strong>le</strong> père quiexcuse son fils et se réjouit <strong>de</strong> son retour...47

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