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Québec : l’autre terre du français<br />

DOSSIER<br />

La présence française au Canada n’a duré que 150 ans et<br />

aura pourtant donné naissance à une nation québécoise forte<br />

aujourd’hui de 8 millions d’habitants revendiquant le français<br />

comme marqueur d’une identité propre. Mais cette permanence<br />

de la langue de Molière a été un long combat au centre de<br />

revendications indépendantistes encore vivaces.<br />

Rarement un pays n’a eu autant de lois sur sa<br />

propre langue. C’en est même devenu une<br />

passion aussi bien politique que culturelle,<br />

une affirmation identitaire qui prend ses<br />

racines au siècle de Voltaire pour s’exacerber<br />

au moment de la Révolution tranquille<br />

des années 60. La loi 101, votée en 1977, est le résultat de toute<br />

une succession de lois, d’études parlementaires, et même<br />

d’un livre blanc. Elle est la pierre fondatrice du projet souverainiste.<br />

Au Québec, le français est désormais la langue officielle,<br />

une langue de résistance malgré tout, sans cesse menacée<br />

dans un vaste continent anglophone.<br />

Héritage d’un colonialisme français qui n’aura pourtant existé<br />

que 155 ans au Québec. De 1608, fondation de Québec par<br />

Samuel de Champlain à 1763, cession du Canada, la France<br />

domine la vallée du Saint-Laurent et impose sa langue, sa<br />

culture, ses valeurs et sa religion. Au XVIII e siècle, elle abandonne<br />

progressivement ces vastes terres, peu rentables,<br />

d’abord avec le traité d’Utrecht (1713), quand Louis XIII cède<br />

déjà à l’Angleterre Terre-Neuve, la baie d’Hudson et l’Acadie.<br />

La crise économique et financière accélère la séparation. Hormis<br />

les dépenses militaires et les revenus du commerce, qui<br />

sont rapatriés dans l’Hexagone, rien n’est fait pour créer une<br />

province stable et riche. Le Canada coûte cher et rapporte peu<br />

comparé aux Antilles.<br />

LES PLAINES D’ABRAHAM<br />

Les plaines d’Abraham, immense espace au cœur de la ville<br />

de Québec, surplombant le fleuve Saint-Laurent, est aujourd’hui<br />

un mausolée, le lieu emblématique de la défaite<br />

du marquis de Montcalm par le général James Wolfe où s’est<br />

joué le destin francophone en Amérique pour s’achever avec<br />

le traité de Paris (1763), après sept ans de guerre. L’Angleterre<br />

conquiert (jusqu’à l’indépendance des États-Unis) toute<br />

l’Amérique du Nord, de la Floride (alors espagnole) jusqu’au<br />

Mississipi et au Canada. La France ne récupère que Saint-<br />

Pierre-et-Miquelon, ses droits de pêche de Terre-Neuve au<br />

golfe du Saint-Laurent, en échange de la Martinique et de la<br />

Guadeloupe, de comptoirs en Inde et de son poste de traite<br />

des esclaves au Sénégal. Le traité de Paris est un autre Yalta<br />

mondial : les possessions françaises, espagnoles et britanniques<br />

sont négociées, de Belle-Île à Minorque, de la Louisiane<br />

et la péninsule indienne, d’Haïti à Manille. Le Québec<br />

n’est qu’une parcelle des empires coloniaux européens.<br />

Ironie de l’histoire, le Québec aurait pu rester français. Mais<br />

la logique économique a prévalu. D’un côté, les Français<br />

voulaient conserver les riches Antilles plutôt que le Canada<br />

moqué par Voltaire : « Vous savez que ces deux nations sont en<br />

guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu'elles dépensent<br />

pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada<br />

ne vaut. » Le philosophe français n’avait pas de mots assez<br />

méprisants pour « la misérable Acadie » et le « petit terrain litigieux<br />

» qu’était le Canada : « J’aime mieux la paix que le Canada,<br />

et je crois que la France peut être heureuse sans Québec. » Facile<br />

de lâcher le Québec quand Saint-Domingue rapportait des<br />

fortunes avec son sucre. Plutôt que de dominer l’ensemble<br />

des Caraïbes, les lords britanniques, propriétaires des plantations<br />

lucratives mais moins compétitives face aux plantations<br />

françaises, ont préféré la concurrence à la perte de<br />

leurs marges sur le marché anglais.<br />

N° 2 / 2015<br />

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