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É<br />

l i t t é r a t u r e É T R A N G È R E<br />

ENTREVUE<br />

GARTH<br />

RISK<br />

HALLBERG<br />

Trop,<br />

c’est<br />

mieux<br />

Avec le colossal et tentaculaire<br />

City on Fire, Garth Risk Hallberg<br />

offre à la démesure new-yorkaise<br />

son équivalent romanesque. Éloge<br />

de l’excès en compagnie de l’écrivain<br />

américain se réclamant autant de<br />

Patti Smith que de Victor Hugo.<br />

Par Dominic Tardif<br />

© Mark Vessey<br />

24 • LES LIBRAIRES • FÉVRIER-MARS 2016<br />

992 pages! Oui, oui, 992 pages! City on Fire, premier roman de Garth Risk<br />

Hallberg que Plon annonce comme l’événement de la rentrée, fait osciller<br />

la balance à 992 pages. Même pour les lecteurs les plus enthousiastes et<br />

déterminés, même pour ceux dont l’ambition se trouve fouettée par le défi<br />

sous toutes ses formes, même pour ceux qui se targuent d’avoir traversé<br />

À la recherche du temps perdu au cours d’un simple long week-end, 992<br />

pages, c’est du costaud, 992 pages, c’est de l’outrance, 992 pages, c’est un<br />

pied de nez à l’idée reçue voulant que notre capacité d’attention collective<br />

s’amenuise d’heure en heure.<br />

Depuis sa chambre d’hôtel à Paris, ville où il séjourne pour la première fois<br />

à l’occasion d’une tournée promo effrénée – « Je suis ici depuis 24 heures et<br />

je n’ai fait que répondre à des questions » –, le New-Yorkais qui a grandi à<br />

Greenville en Caroline du Nord soupèse avec candeur la grosseur surannée<br />

de son livre. Est-ce que ça aurait pu être moins long, lui demande-t-on, miplaisantin,<br />

mi-sérieux?<br />

« Tout le roman m’est apparu dans l’espace de deux minutes en 2003 [nous<br />

y reviendrons] et je savais déjà à ce moment qu’il s’agirait d’un de ces livres<br />

en trois volumes comme on en publiait au XIX e siècle, dans le genre des<br />

Misérables ou des Frères Karamazov. Je savais qu’il s’agirait d’un de ces<br />

livres qui va fouiller dans chaque recoin d’une ville. Je voyais d’emblée ce<br />

gigantesque tableau qui allait forcément être excessif, parce que toutes les<br />

œuvres d’art qui veulent dire quelque chose à mes yeux sont, à leur façon,<br />

excessives. Je me souviens d’avoir suivi ce cours avec un grand écrivain<br />

américain qui disait au sujet de Moby Dick, et des livres de Virginia Woolf ou<br />

d’Edgar Allan Poe, qu’ils s’abreuvaient tous à une certaine folie, qu’ils étaient<br />

tous excessifs. Il disait que ce qui n’est pas excessif n’est pas de l’art. »<br />

Garth Risk Hallberg passera les quatre années suivant son épiphanie à fuir et<br />

à remettre à plus tard – « complètement terrorisé » – l’édification de ce roman<br />

choral liant une constellation de personnages appartenant à des mondes<br />

souvent radicalement différents, dont l’ex-leader d’un groupe punk culte,<br />

un apprenti écrivain ayant récemment quitté son petit patelin de Géorgie,<br />

une comédienne frustrée se rabattant sur la gestion de l’entreprise de son<br />

richissime père et un adolescent timoré avalé par l’anarchiste faune d’un<br />

squat. Ce qui les unit? Le meurtre mystérieux d’une jeune fille dans Central<br />

Park, le 31 décembre 1976.<br />

« Quand je m’y suis finalement attelé, je me suis juré d’aller jusqu’au bout<br />

et de tout mettre sur la page. Le brouillon faisait 1400 pages, et j’ai coupé,<br />

coupé, coupé. Mais je ne voulais pas couper au point de ne garder que ce<br />

qui était strictement nécessaire. Je voulais que ça demeure excessif et qu’il y<br />

ait quelques longueurs, parce que la longueur est une des plus honorables<br />

traditions d’un certain genre de roman très long », plaide avec une salutaire<br />

part d’autodérision Risk Hallberg. « Je suis le même type de buveur que<br />

d’écrivain : si j’ai du plaisir, je veux que ça continue longtemps. »<br />

Entrepris alors que peu de briques étaient éditées, City on Fire surgit en<br />

librairie alors que le gros bouquin connaît ce qu’il convient d’appeler un

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