SPECTRUM #6/2015

CULTURE
L’autre visage du cinéma suisse
Du 20 novembre au 21 février, Fri-Art, La Kunsthalle de Fribourg en partenariat
avec le Nouveau Monde, célèbre 50 ans de cinéma expérimental suisse avec
une exposition d’envergure. GUILLAUME BABEY
Photo : FriArt
Film Implosion!, le titre de la nouvelle
exposition du Fri-Art an -
nonce la couleur.
En effet, l’entreprise est de taille puisqu’
elle aura demandé quatre ans d’un travail
d’exhumation de films suisses étranges
et avant-gardistes, autant dans la forme
que dans le fond. L’exposition est le
résultat d’une recherche du FNS condui -
te conjointement par l’Institute for the
Performing Arts and Film de la Haute école
d’art de Zurich, de la Section d’histoire et
esthétique du cinéma à l’université de
Lausanne et de la Hochschule für Design
und Kunst de Lucerne pour réunir
quelques 70 œuvres d’artistes très di -
vers dont certains sont hélas tombés
dans l’oubli. Le curateur Balthazar Lovay
a eu fort à faire pour mettre en place la
toute première exposition historique
consacrée au cinéma expérimental à un
niveau national.
Un cinéma polymorphe
Ces films, tous très différents les uns des
autres, apportent une diversité bien -
venue dans le paysage cinémato gra -
phique suisse. La programmation comporte
des documentaires dont Opération
Béton le premier film de Jean-Luc Godard
sur le barrage de la Grande-Dixence,
rarement montré au public. Fredi M.
Murer, mieux connu pour ses fictions et
téléfilms, avait commencé sa carrière
avec Chicorée, portrait onirique du poète
Urban Gwerder, grande figure de la contre-culture
des années 60. Les Fribour -
geois ne sont pas en reste avec le film
L’Auge de Jacques Thévoz mettant en
scène Jacques Probst dans une satire aux
confins du psychédélisme. L’expo sition
propose aussi des films engagés, témoins
de leur époque, comme Züri Bännt sorti
en 1980 qui traite de la révolte des jeu -
nes zurichois dans une période de forte
austérité.
La vidéaste Carole Roussopoulos explore
le féminisme dans Scum Manifesto de
1976.
Aux frontières du média
L’expérimental pur est aussi représenté,
notamment au travers du travail d’artis -
tes polyvalents comme le peintre Peter
Stämpfli pour qui le cinéma est un grand
laboratoire propice à toutes les expériences.
Ses courts-métrages filmés au
format super-8 rejoignent les travaux
des vidéastes Muriel Olesen, Janos
Urban ou encore René Bauermeister.
Mais certains vont plus loin encore en
déconstruisant les matériaux même du
film tel que la lumière ou la pellicule,
dans le but de remettre en question les
qualités d’illusionniste du média luimême.
Les installations géantes d’Urs
Breintenstein, incluent le spectateur
dans la lumière d’un projecteur, Dieter
Roth perce des pellicules tandis qu’Ecart
et Jogn Armleder dessinent à même des
bandes 16mm trouvées dans la rue.
Un espace sensoriel
Cependant, Fri-Art ne se contente pas de
présenter ces bijoux oubliés. Il propose
en plus de revivre cette période unique
du cinéma élargi des années 60, de mettre
en résonnance ces différentes œuvres
avec des concerts ou des performances,
notamment au Nouveau Mon de, mettant
en avant la multiplicité des différents
points de vue offerts par ces films. Le
spectateur sera dans une installation son
et image pour une meilleure immersion.
Au travers de cette exposition
ambitieuse, autant par la diver sité de sa
programmation que par la taille de son
installation, l’ambition de Film
Implosion! est claire ; montrer la multiplicité
des discours et points de vue du
paysage cinématographique suisse.
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6/2015 DÉCEMBRE/DEZEMBER