RENCONTRE BRUNO LOBBÉ Bruno Lobé est le nouveau directeur du Manège depuis un an. Arrivé d’Orléans, il attend avec impatience de présenter sa programmation au public rémois à partir du 20 septembre.
2 RENCONTRE Directeur de théâtre, un rêve d’enfant ? Pas vraiment. J’ai tenté des études de droit à Paris, mais j’ai dû assister à 2 mois de cours la première année et 3 semaines la seconde année. La vie parisienne était plus attirante, je sortais beaucoup en boîtes, notamment le Palace. Nous étions en pleines années 80, j’étais un oiseau de nuit. Impossible de tenir les études et les sorties. J’ai donc trouvé un boulot de guichetier à la Sécurité sociale, avant de suivre une formation de gestion. J’ai ensuite été embauché par l’entreprise de prêt-àporter Bidermann, qui travaillait pour Daniel Hechter, Kenzo ou Lagerfeld. Maurice Bidermann, qui est le frère de Régine, m’a embauché non pas sur mes diplômes mais sur ma personnalité. L’ambiance était familiale. Comment en êtes-vous arrivé au monde du spectacle ? Par une boîte de recrutement, j’ai été embauché en 1993 pour devenir chef comptable de la compagnie du chorégraphe Angelin Preljocaj. En arrivant dans leurs locaux, on m’a dit « Tu es notre nouvel administrateur. » J’ai alors vraiment découvert la danse contemporaine, j’ai vu beaucoup de spectacles, rencontré beaucoup de danseurs… Cela a été une vraie révélation ! Pour quelle raison ? La danse permet d’associer beaucoup d’autres disciplines artistiques : musique, vidéo… Les chorégraphes effectuent un travail de création ex nihilo, contrairement aux metteurs en scène de théâtre, qui travaillent sur des textes existants et qui ont souvent déjà été mis en scène. La danse, cela vient des tripes ! La compagnie est ensuite partie dans le sud de la France. Pour des raisons amoureuses, je ne voulais pas quitter la région parisienne. J’ai travaillé pour les premières Rencontres nationales de danse urbaine à la Villette, à Paris. Cela m’a permis de sillonner la France et de découvrir de jeunes danseurs aux personnalités enthousiasmantes. J’ai ensuite participé à la préfiguration du Centre National de la Danse qui allait ouvrir à Pantin. J’embarquais des jeunes femmes du ministère des Finances dans le monde de la danse, alors qu’elles n’y connaissaient rien et qu’elles étaient là pour parler argent. Mais je suis parti le jour où j’ai compris que je ne faisais plus que de la gestion. Direction la Rochelle. À la demande de la chorégraphe Régine Chopinot, je l’ai rejointe au Centre Chorégraphique Nationale de la Rochelle. J’y suis resté sept années. Sept années passionnantes, car tournées vers l’artistique. Comme par exemple pour aider à la création d’une compagnie de danse contemporaine au Vietnam. Puis à Orléans, vous aviez trois casquettes. C’était absolument intenable : j’étais administrateur, secrétaire général et chargé de la programmation danse de la Scène nationale d'Orléans. À quoi sert le secrétaire général d’un théâtre ? Il travaille avec le directeur, s’occupe de la politique de communication, des questions de billetterie, de l’action culturelle… tout ce qui n’est pas programmation et administration. Le Manège est aussi labellisé Scène nationale. Qu’est-ce que c’est ? C’est un label qui remonte à la décentralisation culturelle initiée par Jack Lang. Ces lieux diffusent en région ce qui se fait de mieux en matière de spectacle vivant contemporain. Les Scènes nationales diffusent des œuvres contemporaines, agissent en réseau, produisent des spectacles, organisent des actions artistiques et culturelles afin d’élargir les publics… À quoi servent ces actions ? À donner envie aux gens de venir nous voir et de venir voir les artistes différemment. Et je mets autant de vigueur et de créativité dans les actions artistiques et culturelles que dans la programmation. Cela passe aussi par une interview pour se faire connaître et donner envie de venir. Il faut gommer le petit côté institutionnel ou sacré du théâtre. Cela ne sert à rien de proposer de la création contemporaine aux 200 mêmes personnes ! Je dois d'abord rencontrer le public, puis qu'il me fasse confiance, nous pourrons alors goûter à des univers artistiques un peu plus particuliers. Un restaurant va ouvrir au Manège. Il s’appellera la Verrière, car situé sous une verrière dans la cour entre le Manège et le Cirque. C’est l’équipe du Cabasson, rue Cérès, qui en a la charge. Ne parlons pas de menu, mais de la programmation… C'est moi qui l'ai entièrement conçue. Dans la continuité de la précédente programmation, mais avec des différences à l'intérieur. Continuité parce que le Manège s'intéresse toujours au cirque et à la danse. Il y aura davantage de spectacles de grandes formes avec une distribution importante, davantage aussi de spectacles dans différents domaines artistiques, beaucoup d'artistes émergents et beaucoup de premières. Par exemple, la première du spectacle Les Princesses du Cheptel Aleïkoum. Car les résidences de créations seront nombreuses. Les artistes pourront créer leur spectacle au cirque ou au manège. Il y aura aussi beaucoup de musique jouée en direct lors des spectacles. Deux temps forts rythmeront la saison. Début novembre Born to be a live, un temps fort consacré aux jeunes chorégraphes, et Métacorpus, temps fort dédié aux grandes marionnettes, en décembre. Deux équipes artistiques seront associées aux trois prochaines saisons: Mié Coquempot et le collectif Petit Travers. Quatre artistes seront en compagnonnage durant toute la saison, et une DJ en résidence, Barbara Butch. Vous regrettez Orléans ? Je l’avoue, la Loire me manque un peu. Mais j’ai reçu un très bon accueil à Reims. Je n’étais venu que deux ou trois fois, pourtant je me suis très vite repéré alors que je suis un handicapé de l’orientation ! Je n’ai aucune inquiétude à me faire des connaissances à Reims et à m’y constituer un réseau social. Dans le domaine de la culture, j’ai rencontré les responsables de l’Opéra, de l’Essad, de la Cartonnerie ou de Cesare. Cela peut sembler un peu Bisounours, mais nous avons un vrai plaisir à nous retrouver. Et il y a d’excellents restaurants à Reims. w w w . m a n e g e d e r e i m s . c o m