# 16
déc
jan
18
nouveau volvo XC60
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ÉDITEUR / Dir. de publication
Benoît Pelletier
RÉALISATION / design / diffusion
www.belleripe.fr
Le passage d’une année à l’autre est souvent le temps privilégié
de l’imaginaire. Entre rêves de merveilleux des fêtes de la fin de l’année qui
s’achève et projections fantasmées de celle qui commence, nos cerveaux
fatigués ont besoin d’ailleurs, et cherchent à s’échapper vers des mondes
sans contraintes. On vous a donc concocté un petit numéro bien cosy
à déguster au coin du feu en tenant à distance le ciel gris que vous pouvez
apercevoir, loin, là bas, à travers la fenêtre. Nous vous emmenons d’abord
à la rencontre d’Hélène Builly, illustratrice pour la presse, l‘édition et la
culture, qui nous embarque avec ses images léchées dans son univers
poético-surréaliste sans limites. Nous vous présenterons aussi Gladys Hulot,
une artiste multifacettes qui développe un univers très personnel - assez
barré - qu’elle quitte parfois pour rencontrer les humains. Après un coup
d’œil sur le travail d’Hélène Lacombe, une architecte illustratrice qui réussit
la gageure de poétiser le dessin d’architecture avec un travail très frontal
au trait chirurgical, nous vous diront tout des ballets de Luc Petton qui
met en scène ces spectacles dingues faisant intervenir de – vrais – animaux
sauvages pour servir son propos. Il sera aussi question d’architecture avec
un focus sur le travail de Jean-Philippe Thomas, architecte du sensible, et
de musique à l’occasion d’un entretien avec Anthonin Ternant, le démiurge
de Black Bones, Angel, et The wolf under the Moon. Dans Creative Process,
on aime aussi vous raconter des histoires d’entrepreneurs, aventuriers des
temps modernes, qui placent la créativité au cœur de leur dynamique à
l’image d’Antony Villéger, un des dirigeants de Samm trading, de Jean-Philippe
Vidal, le créateur de Reims Parfum, ou des deux compères Agathe
Petit et Marie Hauguenois avec leur concept store d’un genre nouveau.
Ces plats de résistance seront bien sûr agrémentés de nos rubriques
habituelles. L’ensemble sera tout à la fois enrichissant, informatif et beau
comme l’année qui s’annonce. Belles fêtes de fin d’année et bonne année
avec Creative Process Magazine.
Benoît Pelletier
direction artistique
Benoît Pelletier
assisté de amélie luca
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par Belleripe SARL - 5 avenue vallioud
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Les textes, illustrations et photographies
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présence dans le magazine implique
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Magazine à parution bimestrielle.
Caroline © hélène builly
www.process-mag.com
08 / HOP
10 / goût
12 / alain cavalier : rendez-vous manqué
14 / gladys hulot : extra-terrienne extra-ordinaire
18 / jean-philippe thomas, architecte du sensible
24 / hélène lacombe
28 / « walk it back» de the national
30 / jean-philippe vidal : artiste nez
32 / antony villéger : Anto-logie
34 / hélène builly : colle-feuille-ciseaux
42 / black bones
44 / ainsi la nuit
46 / collectif 17
48 / fragrances & délit de bien-être
50 / figures kyan khojandi
P
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@magazineProcess
BENOÎT PELLETIER
éditeur
directeur créatif
& photographe
Anne-sophie velly
DA de Maison Vide art
contemporain, musiques
& confettis
JULES FÉVRIER
journaliste
& photographe
SYLVÈRE HIEULLE
OVNI (& accessoirement
photographe)
agathe cebe
rédactrice
& journaliste freelance
Peggy Leoty
communication / événementiel /
relations presse
© Stéphane de Bourgie
ontriuteurs
arnaud lallement
chef ***
CYRILLE PLANSON
redac-chef La Scène,
Le Piccolo, Théâtre(s) mag
Jérôme Descamps
réalisateur
& montreur de films
Anne De La Giraudière
Journaliste
Retrouvez nous sur
www.process-mag.com
LAYLIST
la playlist ECRILLUSTRÉE D’ANNE-SOPHIE VELLY www.mixcloud.com/salsifi-velly/
Trouble
1
Inaniel
Swims
Plage de
la 2concurrence
Ojard
Inaniel Swims nous glisse au
creux de l’oreille une pop
élégante, chantée en anglais
avec cet accent français si
marqué…
Tout doux, c’est avec une
certaine nonchalance solaire
qu’Inaniel nous conte ses
confusions sentimentales.
Sans prétention, ni chichi,
on l’accompagne volontiers
dans ces questionnements,
sans forcément lui trouver
de réponse.
Maxime Daoud sort son très
joli 1 er album « Euphonie » :
“ Emprunté, par l'intermédiaire
du bas latin euphonia, « douceur
de prononciation », du
grec euphônia, « bien »,
et phônê, « voix, son ».
Harmonie de sons agréablement
combinés, par opposition
à Cacophonie. Qualité
des combinaisons de sons
considérées comme agréables
à entendre ou faciles à prononcer.
” Un album poétique
et cinématographique d’une
douceur méditative…
La groupie
du 3pianiste
Michel
Berger
Y-a une mixtape
qui 4m’attend
Athanase
Granson
Il est de ces morceaux qui sont
désormais dans l’inconscient
collectif de la variété française.
Ces morceaux que l’on passe
en fin de soirée au bout de
quelques verres. Le but étant
de mettre l’auditoire en transe,
de danser quoi…
La groupie du pianiste a dû
vieillir, ses draps ne sont plus
roses. Elle a sans aucun doute
troqué le pianiste contre un
pastis depuis l’temps.
Mais elle dansera toujours
debout avec nous.
Athanase Granson, sur Le
label de Caen « We want
to wecord » (à prononcer
à haute voix), a fait une
superbe mixtape sur K7, que
l’on déguste comme un café
gourmand, dont chaque
petite merveille sucrée se
découvre avec joie. Nos
papilles auditives frétillent,
miam ! Pop, électro, psyché,
c’est party… We Want to
Wigoler.
Les os
des innocents
5 6
Baptiste
Brunello
Hutre
Forever
Pavot
Baptiste Brunello a « le coeur
gros comme un Hummer » et
« touille encore la glycéro avec
le manche de son marteau »
Plasticien, performer, musicien,
mélangez le tout et vous
obtenez… un Objet volant,
ou chantant, non identifié.
Une folie maitrisée, un décalage
contrôlé. L’auditeur fera
le choix ou non d’ y adhérer.
Nos oreilles rentrent dans un
05
univers parallèle, on ne comprend
pas tout mais on s’en
fout parce qu’« on ne va pas
éternellement se jeter
des côtelettes à la gueule… »
Le colonel moutarde avec le
poignard dans la cuisine. Emile
Sornin avec le clavecin dans la
salle de jeux.
Le tant attendu 2 d album de
Forever Pavot est arrivé. Nous
sommes en 1973, en plein
milieu d’une scène de crime,
entre une flute traversière, un
clavecin et une batterie jazzy :
faites entrer l’accusé…
Le morceau « Hutre », bande
son imaginaire d’un polar
sombre des années 70, est un
petit bijou. Vous n’avez pas le
droit de garder le silence…
faut pas rater ça
20h30
16/12
FreeBeat Battle
bar le floyd / reims
Amateurs de tous horizons et de tous styles
musicaux vont s’affronter. Les applaudissements
du public seront seuls juges. Le mot
d’ordre : “ Noël Badass ”, apprêtez-vous en
conséquence !
velours-prod.com
20h30
16/12
Rufus
Wainwright
comédie de reims
Le New York Times encense Rufus
Wainwright comme l'un des plus grands
auteurs-compositeurs-interprètes vocalistes
de sa génération. Coup de bol, il joue chez
nous.
cartonnerie.fr
lacomediedereims.fr
ews
loud
20h30
12+13/01
Les parapluies
de Cherbourg
opéra de reims
Après Le Violon sur le toit en 2016, la
compagnie Ars Lyrica retrouve le chemin de
Reims avec Les Parapluies de Cherbourg,
une comédie musicale revisitée par le metteur
en scène Emmanuel Dell’Erba, d’après
le célèbre film de Jacques Demy sur une
musique de Michel Legrand, Palme d’Or à
Cannes en 1964.
operadereims.com
© mohamed yamani
© DR © DR
jusqu'au
23/04
Roman-photo
MUCEM / Marseille
Le roman-photo a mauvaise presse.
Le terme sous-entend tout à la fois la niaiserie
sentimentale, la frivolité, ou encore
l’ingénuité. À ce jour, il n’a que rarement
retenu l’attention des historiens de l’image,
et encore moins celle des musées et des
centres d’art. Grave erreur ! Car le romanphoto
a pourtant bien des choses à nous
dire… et pas seulement des mots d’amour.
mucem.org
© dr. fondazione arnoldo e alberto mondadori
© dr © jean gilbert
jusqu'au
08/01
Jean Glibert
peintre en bâtiment
bozar / bruxelles
Auteur depuis plus de 40 ans d’une œuvre presque exclusivement
liée à l’architecture, située essentiellement en Wallonie
et à Bruxelles, Jean Glibert mêle sa logique de création à celle
des architectes avec lesquels il collabore autour d’interventions
uniques en leur genre.
bozar.be / jeanglibert.com
20h30
16/12
Milamarina &
Paulette Wright
Carré blanc / tinqueux
Affinités musicales, manifestes pour ces
deux là qui se sont bien trouvées, au Carré
blanc à Tinqueux.
le-carreblanc.fr
m
l
© DR
de 13h30 à 17h
27/01
Stage sabre
laser
ESCAL / Witry les Reims
Proposé par l’Académie de Sabre Laser de
Reims. Inspiré des batailles de la saga Star
Wars, cette initiation sportive est tournée
vers les arts martiaux et le côté ludique.
escal-witry.fr
arché de
a photo
des nouvelles du duo des halles
Le photographe Romuald Ducros mène
depuis plusieurs semaines un projet au
long cours qui se déroulera sur une année
entière : il installe sur les marchés rémois un
studio conçu spécialement et immortalise les
chalands en compagnie de leurs achats, toujours
avec la même lumière, toujours dans
la même position. Nous suivons l’élaboration
progressive du projet au fil du temps et vous
livrons dans chaque numéro quelques unes
des dernières images de la série en cours.
Une première restitution des images est
exposée aux Halles du Boulingrin depuis
le 22 septembre.
Dans le cadre de la programmation
" Arts visuels " de la ville de Reims
avec le soutien de Veuve Clicquot,
maison fondée en 1772.
www.laproductionremoise.fr
PAR AGATHE CEBE
Au renouveau
du bon goût
Après le boulot, et
avant Noël, c’est littéralement
ce que signifie
l’After Work Before
Christmas organisé à
l’Hotel Mercure Parc
des Expositions, le
mardi 19 décembre.
Ce n’est pas la première
fois que l’Ardoise sur le Pouce lance l’invitation.
Mais, avec l’hiver, avec le burn out de fin d’année,
avec l’arrivée des fêtes, il est certainement temps
de lâcher prise. Le prochain After Work du Mercure
Parc des Expos met les Pulls Moches à l’honneur.
En ligne de mire, les laines interdites par la
loi, les plus atroces accords de couleurs,
les motifs ratés et impossibles à identifier, les
tailles informes, étirées par la négligence du
temps qui passe, ou la négligence tout court…
Un pull moche n’a pas demandé à l’être. Il l’est.
Et ce 19 décembre, de 18h30 à minuit, il est temps
de lui rendre un petit hommage affectif et de lui
laisser la chance, au moins un soir, de briller parmi
les siens. Parce que la soirée s’annonce belle :
Champagne et grignotages divers associés, DJ
Set et même un petit corner-shop de cadeaux
de Noël. L’After Work du Mercure Parc des Expos
est tendance, et votre pull moche aussi.
Dans le fond, vous le savez.
after work
le 19 décembre de 18h30 à minuit
Hôtel Mercure Parc des expositions
2 rue Gabriel Voisin – 03 26 05 00 08
OP
Meddy et Thomas, aka Mastho, c’est
© dr
questions en passant
au studio tandem
le duo des Studios de la Carto. Bons
compères, ils sont ceux qui rentrent
par l’arrière, la petite porte grillagée,
dérobée, celle des groupes en
devenir, des jeunes pousses. Ils sont
tous les deux batteurs, avec un bon
bagage de scène, et ils ont en eux
la générosité bienveillante de la
transmission. Ils accompagnent les
groupes, pour « une première expérience
de stud’ sans enjeu, relax et
sympa ». Un peu comme eux, en fait.
À deux dans un studio, on ne se marche pas dessus ?
Meddy : Pas vraiment, puisqu’on travaille en alternance !
Thomas : Quand l’un bosse, l’autre ne bosse mais vient quand même travailler
son instrument… On est bien là, en fait.
Meddy : Mais pour le job, une personne suffit. On est comme un couple qui
se croise !
Le rythme à la Carto, c’est « Vélo-Studio-Dodo »?
Ensemble : On n’a pas de vélo !
Meddy : On n’a pas encore vraiment de recul sur le rythme du studio, on est
là depuis peu de temps en fait. Mais on arrive à avoir du temps pour nos
projets perso. La musique est dans notre emploi du temps.
Thomas : Oui, j’ai du temps aussi pour mes projets, mes projets sur ordi, mes
projets dans ma tête…
Meddy : Ah oui moi aussi j’ai des projets dans ma tête. Un roman, par
exemple. Je suis écrivain dans ma tête.
Le Studio, c’est plus un labo d’expériences ou une usine à talents ?
Meddy : Un labo d’expériences !
Thomas : Oui, ce n’est pas une usine. Des talents, il y en a, mais sans uniformité.
Il y a beaucoup de mixité ici, on fait des rencontres très diverses.
Meddy : On est là, on se retrouve, on partage un café, une bière. On discute
ensemble. C’est comme un routier. C’est hyper convivial.
Thomas : Comme une MJC, mais sans le J. Tout le monde est concerné par
notre dynamisme culturel.
Meddy & Thomas, c’est Tom & Jerry ou Arnold & Willy ?
Ensemble : On est les M&M’s ! On nous a rebaptisés comme ça, ici !
Meddy : Moi je suis le rouge, et Thomas le jaune.
Thomas : Ça nous va bien : on est des gueules sucrées.
Meddy : Et on a un cœur fondant.
Meddy, Thomas ça rime avec ?
« Estomac ». Et en plus c’est une rime riche.
Thomas, Meddy ça rime avec ?
Je suis nul pour trouver les rimes. Je dirais bien « gentil » mais ça fait cucul !
Instant groupie : qui adoreriez-vous voir passer ici, par les Studios, pour
des expériences musicales ?
Thomas : My Bloody Valentine, pour écouter Kevin Shields
08
faire de la guitare
pendant des heures.
Meddy : Billy Anderson ou Kurt Ballou.
© dr
JINGLE
JUNGLE
La Jungle, en hiver, ne fane pas. Au contraire.
L’extension de La Mine et de Fikus se pare de
ses plus beaux atours pour Noël, avec une expovente
collective organisée par tous les artistes
investis dans le projet. Un petit marché de Noël,
excentré, intime et authentique, du 16 au 24
décembre. Mais… La Jungle, après les fêtes, ne
s’endort pas. Au contraire. Après une première
exposition inaugurale et saisissante, un autre
artiste membre de La Mine va élever ses œuvres aux murs de cette
nouvelle galerie. Du 5 janvier au 17 février 2018, Eric Dabancourt
expose « Liens de vies », des toiles, du trait, à l’encre de chine et
à la plume. Parce que la vie tient à plusieurs fils, Eric Dabancourt,
dans une quête existentielle, trouve une respiration à travers les
traits entrelacés, comme des lignes de vie embrassées. En faisant
aussi écho à notre animalité instinctive et primitive, les œuvres
d’Eric Dabancourt emportent par leur pureté, et étourdissent par
leurs sens. « Chaque dessin commence par un premier point » et ce
premier point évolue, dans un voyage qu’on rêverait sans fin, au gré
du silence magistral du trait qui se suffit et qui tisse, lace, enlace,
connecte, à soi, aux autres.
Facebook @lajunglereims
www.edabancourt51.com
Intimité
analogique
À partir du 25 janvier 2018, la Cartonnerie
expose les clichés de Sébastien
Gomes, aka Moris, fidèle ombre
rôdant entre les crash barrières de l’avant-scène. Au gré des
concerts, Moris joue le goût du risque, avec son Canon AE1, et
pour seules empreintes celles laissées sur les pellicules. Une
part belle laissée au hasard, quand on sait comme les conditions
photographiques sont difficiles et aléatoires pendant les
concerts. Pourtant, en bon patient passionné, Moris ne se laisse
dominer ni par le mouvement ni par la lumière, et en fait plutôt
ses alliés : qu’elle soit « sur », ou « double », l’exposition rend
toujours compte, au final, d’un instant primordial et sensible,
d’une intimité insoupçonnée avec l’artiste. L’analogique rend,
au travail photographique de concert, une magie old-school
un peu désuète et qui, pourtant, fait la noblesse des images
qui nous parviennent aujourd’hui, traversant les âges avec leurs
petits défauts singuliers, leurs beautés particulières, et leur
étrange pouvoir de séduction.
C’est donc sur les murs gris béton de la Carto, dans le recoin
intime du vestiaire et de détente que les photos de Moris trouveront
leur écrin quelques semaines. Un retour aux sources,
une mise en abyme, des souvenirs développés en noir et blanc
de tous les moments forts qui se sont joués ces derniers mois
sur cette belle scène rémoise.
@moris_analog
@morisanalogphotography
Vernissage le 25 janvier 2018 - www.cartonnerie.fr
© dr © dr
L’empire
des sons
Le son, grand voyageur, est leur terrain de jeu favori.
En dépassant les frontières, géographiques, culturelles
et sociales, les compositeurs et improvisateurs Jean-
Baptiste Masson, Nicolas Canot, Philippe Le Goff et
François Leclère créent autour du field-recording, et
emportent leur public et leurs bagages. Le prochain rendez-vous
est donné le 26 janvier 2018, pour une soirée
co-organisée par INNER CORNER, Césaré et Saint-Ex,
culture numérique. SONOTIUM #10 nous rappelle aux
bons vents de l’année dernière quand, abritée entre les
murs expérimentaux de Quartier Libre, toute forme de
création se libérait de sa coquille. À cette époque,
le partage était différent, avec les jam sessions qui invitaient
des musiciens à contribuer à cette œuvre musicale
participative. Pour sa dixième édition, SONOTIUM
offre une soirée à la merci totale des quatre compositeurs
précédemment présentés. Pour faire durer
le plaisir, et reprendre ses esprits, un DJ Set terminera
la soirée.
D’expérience musicale, SONOTIUM #10 devient une
expédition. Une invitation au voyage qui embarque les
spectateurs dans un voyage, les pieds dans le vide, à
travers le globe. Tempêtes de glace, humidité des forêts
tropicales, villes hurlantes, déserts stridents : il s’agit
d’une succession de tableaux sonores, électroniques,
qui deviennent, par le pouvoir de l’envoûtante imagination,
quasi réels. En intimité recherchée et travaillée,
SONOTIUM #10, comme ses précédentes sessions,
baignera le public dans une obscurité mystique, un repli
onirique. C’est là l’audace de SONOTIUM : placer les
spectateurs dans la pudeur d’une expérience atypique,
à la fois dans l’introspection et le partage. Avec cette
thématique sonore du field-recording, l’expérience n’en
sera que plus poignante. Le voyage suppose rêves,
désirs, souvenirs. Chacun pour soi, soi pour le monde,
car le son est universel, et que bien des créations –
physiologiques et mentales – naissent, subrepticement,
à travers lui.
SONOTIUM #10 – Vendredi 26 janvier 2018
à 19h, à Saint-Ex – culture numérique.
Entrée libre. 03 26 77 41 41
et Facebook : @innercorner
© antonin leclere
G
goût
G
TRUFFE NOIRE
DU PERIGORD,
GNOCCHI DE POMME
DE TERRE
par Arnaud Lallement
Gnocchi de pomme de terre
250 g de pomme de terre | 15 g de farine | 20 g de fécule de
pomme de terre | 1 jaune d’œuf | 4 g de sel | 200 g de crème
liquide
Ne pas laver ni peler les pommes de terre. Inciser la peau sur
tout le tour. Cuire au four à 200°C pendant 45 mn. Récupérer
la chair à l’aide d’une cuillère. Passer au tamis. Ajouter le jaune
d’œuf, la farine et la fécule de pomme de terre. Faire des rouleaux
puis des petites boules à rouler à l’aide d’une fourchette.
Faire blanchir jusqu’à ce que les gnocchi remontent à la surface.
Faire chauffer et réduire la crème de moitié. Réchauffer
les gnocchi dans cette crème juste avant de servir. En réserver
pour le dressage.
Sauce truffe
200 g de jus de truffe | 200 g de crème épaisse | sel | poivre
Faire chauffer et réduire le jus de truffe de moitié. Ajouter la
crème épaisse, le sel et le poivre. Continuer de chauffer jusqu’à
ébullition. Réserver.
Truffe
75 g de truffes
Couper la truffe en tranches puis détailler vingt ronds de 4 cm.
Dressage
Disposer cinq gnocchi par assiette surmontés chacun d’une
rond de truffe. Servir la sauce truffe à table.
10
TRUFFE NOIRE DU PERIGORD, GNOCCHI DE POMME DE TERRE © matthieu cellard
Le
Foie gras
de Longpont
OÛT
Balade niçoise
Les fêtes approchent
avec, sur les tables,
les incontournables
de la fin d’année.
Au premier rang de
ceux-ci, le foie gras.
Pas si loin de Reims que cela, à
Longpont dans l’Aisne, aux limites
du Tardenois et du Valois, Sébastien
Carré conçoit de très bons
foies gras. C’est désormais dans
la Boucherie qu’il a reprisE à
Fère-en-Tardenois il y a quelques
années, et non plus dans sa
ferme de la Grange, à Longpont,
qu’il vend ses foies gras et
autres pâtés conçus à partir des
volailleS qu’il élève toujours.
Fin, salé et poivré à la perfection,
son foie gras de canard micuit
a souvent devancé dans des
concours agricoles – dont celui
du Salon de l’agriculture, à Paris
- les meilleurs représentants
du Sud-Ouest. À goûter aussi les
pâtés de campagne fermiers, les
cous farcis, rillettes et autres
délices…
Cyrille Planson
Vegan
Comment dire le ravissement de la lumière de cette journée d’octobre à
Nice ? Pour l’ardennais que je suis, la mer Méditerranée est comme un cadeau
inestimable, un émerveillement de gamin renouvelé chaque fois. Pas
la peine de résister, je plonge. L’eau est singulièrement trouble. Pénétrée
par le bleu du ciel, elle acquiert une densité presque liquoreuse. Sous l’eau,
au fur et à mesure des brasses, une évidence, l’impression de m’enfoncer
dans la matrice de la couleur bleu turquoise, nager dans les entrailles d’une
couleur. Une sensation unique qu’il faut pourtant quitter.
Après le bain, la faim. La promenade dans les petites rues de cette Italie
française apporte de quoi s’enthousiasmer. La socca et le pan bagnat sont
des plats de rues. Ils se mangent avec les doigts. Pour le pan bagnat, quoi
que vous fassiez, l’huile d’olive coulera sur vos phalanges et s’étalera dans
vos paumes, les miettes de thon déborderont, les œufs s’émietteront et
tomberont au sol, l’oignon sera récalcitrant, vos lèvres seront luisantes,
votre menton sans doute aussi. Dans les ruelles escarpées, ombragées, on
marche en levant les yeux pour adorer le ciel, les ombres douces, les couleurs
terre de Sienne, les ors, les vieux roses. On s’arrête pour regarder les
balcons fleuris, le linge qui pend, les persiennes entrouvertes, on pense au
magnifique film de Jean Vigo À propos de Nice. On croque, on se lèche et
on repart. Tête baissée, c’est autre chose. Les boutiques frelatées,
standardisées sont un immense dépit,
une contamination touristique sous le
sceau de « la belle France d’autrefois »,
un masque pour le tourisme mondialisé.
La socca nous rabiboche avec la ville.
Cette grande galette de pois chiche
roussie par les flammes et mangée à
même le papier est un délice indétrônable
avec la contemplation de la baie
des anges vue du parc du château. En
redescendant, traverser la place Garibaldi pour trouver la place Pi.
À l’ombre d’un magnifique pin, vous dégoterez le restaurant-concept Isak
qui propose, au milieu de produits et d’objets tendances à acheter,
une cuisine raffinée concoctée par le chef suédois Isak Oldenburg, miracle
d’une mondialisation vertueuse. Le 20 novembre 2017, il y avait un velouté
de chou-fleur, pickles de chanterelles, un maquereau de méditerranée, quinoa,
courgette et navet et un brownie aux amandes, topinambour et poire,
le tout pour 22 euros. Tout était d’une exquise fraîcheur, le goût simple des
aliments et des associations qui étonnent le palais. Le bar juste devant la
cuisine est une place de choix pour voir l’équipe s’affairer. Attention, ne
beurrez pas les crackers fait maison qu’on vous apporte en début de repas,
sinon vous êtes cuits, vous en reprendrez ! Jérôme Descamps
Isak restaurant – 2, rue Barillerie
La socca : Chez René – 1 rue Pairolière + Chez Pipo – 13 rue Bavastro
Pan Bagnat : Nissa porchetta – 26 rue Pairolière + Tintin – 2 bd du général de Gaulle
Pâtes fraîches (à rapporter absolument : les raviolis à la daube et aux blettes + testez
aussi les panisses à faire griller dans la poêle, un pur délice fondant) : Denis Roda – 7
rue Collet + Clé aux Pâtes – 8 bis rue Boucherie
À Talus-Saint-Prix, Alain Legret est l’un des premiers à
s’être positionner sur la tendance du moment : le vegan.
Afin d’approvisionner en bulles les inconditionnels de cette
alimentation absolument dépourvue de toute trace animale,
il produit des champagnes originaux, en excluant la colle à
base de produits d’origine animale. Il est même l’un des tout
premiers à avoir été labellisés pour cela. Le collage a pour
objectif de clarifier le vin avant sa commercialisation.
Il utilise pour cela des colles à base de protéines issues
de poissons, de lait ou de crustacés.
11
Pour l’anecdote, l’humoriste Raphaël
Mezrahi est lui aussi devenu producteur
de champagne vegan, dans l’Aube. C. P.
Le lentillon
de Champagne
Le sol calcaire de la Champagne lui conférerait une saveur douce
et sucrée à nulle autre pareille. Le lentillon de Champagne reste
méconnu, bien qu’il soit cultivé dans la région depuis la
plus haute Antiquité. Tous les nutritionnistes vous le diront,
notre alimentation n’est plus assez riche en légumes secs -
fèves, lentilles et autres haricots - qui ont fait le quotidien
des générations passées. Riche en fibre, en protéines, mais
aussi en calcium et en fer, il est notamment distribué par
la marque Louise Bon à la Grande Épicerie de Paris. C.P.
endez-vous manqué
ma Non rencontre
avec alain cavalier
Cher Alain Cavalier,
Vous m’avez dit non et ça m’a fait rire. Je vous ai proposé une rencontre
pour le magazine Process, une invitation à raconter votre méthode,
votre cuisine, votre atelier. Parler de la préparation, de l’immersion,
des références, des carnets, des images. Essayer de mettre
des mots sur ce processus mystérieux de la création.
« Allô, un cœur qui bat sous une soutane*, c’est bien, je l’entends, je
l’entends. Eh bien, non… eh bien non. Les grandes et les petites questions
sur le cinématographe provoquent chez moi un ennui colossal.
Quelquefois je suis obligé, parce que j’ai fait un film donc, je fais un petit
effort mais avec vous… Amicalement, on est lié, je n’ai pas d’effort à
faire et puis votre destin ne dépend pas de quelques banalités que je vous
exprimerais sur le cinématographe. Bon, comment allez-vous ? Si vous
êtes à Paris, vous m’appelez et on se voit, voilà. Je vous salue très bas. »
Monsieur Alain Cavalier, je vous aime. Je vous aime de dire non,
d’être impertinent, d’être drôle, d’être concentré sur votre travail,
d’être un artisan du cinématographe avec humilité, avec génie. J’emploie
les mots que vous n’aimez pas, les superlatifs que vous détestez,
vous qui avez choisi l’ascèse.
J’avais 20 ans. Je suis entré dans un cinéma et j’ai vu Un étrange
voyage. Je me souviens que les personnages longeaient une voie de
chemin de fer allant vers l’est, que la ville de Troyes était citée (traversée
?) et que ce nom de ville, c’était un peu chez moi dont on parle si
peu ou si mal. Je me souviens des échanges entre Jean Rochefort et sa
fille de cinéma, Camille de Casabianca, votre vraie fille dans la vie. Je
suis sorti bouleversé, conquis mais je n’avais pas encore repéré votre
nom. C’était un temps où je ne retenais pas le nom des réalisateurs.
Ensuite, ce fut Libera me. Physiquement, j’ai eu du mal à sortir de la
salle. Knock-out par tant de propositions, de tensions, d’inventivité.
Cette fois votre nom a coulé dans mon oreille, depuis je n’ai manqué
aucun rendez-vous.
Je me suis aussi promené dans La Chamade, dans Le combat dans
l’île, dans Le plein de super ou dans Martin et Léa. Comme vous le
dites si bien, vous êtes un filmeur, vous faites film de tout, pour vous
les notions de fiction et de documentaire sont juste de la matière à
filmer, pas de hiérarchie, vous voyagez de l’une à l’autre au gré de vos
envies, au gré de votre grande fantaisie. Grâce à vous, j’ai été ému
comme jamais par le regard bleu de la matelassière qui ne veut pas
vous dire le prix du matelas de laine qu’elle est en train de coudre,
c’était dans cette série de 24 portraits de femmes, que je regarde encore
avec émerveillement. Et aussi : « après les mains de la blanchisseuse,
les mains du cinéaste. Le cinéma a aussi ses fers à repasser, la
caméra et le magnétophone, le cinéaste ne les manipule pas, il lui fau-
drait quatre mains et deux têtes. Parfois il en rêve ». Cette conclusion
de La repasseuse m’a étreint deux fois : lorsque j’ai découvert le film
et lorsque les années 90 nous ont apporté ce que l’on appelait encore
« les petites caméras ». Cette merveille de technologie est devenue
votre outil d’écriture comme vous l’annonciez prophétiquement
dans cette phrase de 1987. Cette caméra que vous portez toujours
avec vous dans votre sac gris à longue bandoulière nous a donné La
Rencontre, la plus gonflée des déclarations d’amour et bien d’autres
magnifiques éclats de vie jusqu’à ce Paradis iconoclaste, un film fait
de petits amusements, d’émerveillements, d’épiphanies.
J’oubliais… Soir d’hiver dans une galerie éphémère de la rue des Récollets
à Paris, la projection du film rare Ce répondeur ne prend pas de
message. Hébété sur le trottoir, qu’est-ce-que je venais de voir ? J’étais
ivre de sens, saoul de votre mise en danger, grisé par vos métaphores,
estomaqué par votre capacité à jouer avec le cinématographe.
Et puis… comment oublier Thérèse, ces toiles de fond colorées pour
mieux dessiner vos comédiennes, la précision des gestes, la drôlerie
de certains dialogues, les séquences merveilleuses entre Catherine
Mouchet et Aurore Priéto ou Hélène Alexandridis, votre approche
de la spiritualité, votre questionnement sur l’extase et le sacrifice.
Et puis, et puis… Tout, je prends tout, je ne laisse rien de rien sur
le côté et j’attends les prochaines
étapes avec gourmandise.
Je sais que vous
n’aimez pas ça mais je vous le
dis, votre parcours, vos films
sont uniques, ils sont tous
une déclaration d’amour à
l’humanité, une ode à la liberté
libre qui vous tient tant à
cœur, une force pour chacun
d’entre nous car vous dites
toujours « encore ». Alors
oui, vous m’impressionnez et
je dois prendre un grand élan
de courage pour oublier tout
votre travail et aller boire un
boc avec vous pour parler de
près édités en DVD.
la vie et de ses petits amusements,
simplement.
- 6 portraits
• À venir
XL
Cher Alain Cavalier, vous
m’avez dit non et, bon Dieu,
que j’ai aimé ça.
© STEEVE LUNCKER
• Filmographie impressionnante depuis 1958.
Pas d’intégrale à peu près tous les films sont à peu
- Deux documentaires à propos d’Alain Cavalier :
Alain Cavalier, sept chapitres cinq jours deux
pièces-cuisine de Jean-Pierre Limosin (1995 – 55’),
Frère Alain-EA5 de Vincent Dieutre (2017 – 66’).
R
rencontre
- Un court métrage de Alain Cavalier, trace d’une
rencontre. www.lapelliculeensorcelee.org/cavalier/
cavalierAccueil.html
*J’ai réalisé Les ongles noirs, adaptation de la nouvelle d’Arthur Rimbaud Un cœur sous une soutane.
TEXTE jérôme descamps
12
Extra-terrienne
Extra-ordinaire
M
life on mars
Gladys Hulot est Hyrtis. Elle ne l’est pas comme Dr Jekyll est M.
Hyde : elle l’est, en incarnation profonde, bienveillante, et créatrice.
Port de tête, élégance, androgynie, Hyrtis évolue dans
l’univers alternatif qu’elle éclaire, devant elle, d’un spectre rassurant,
comme un barrage contre la « dictature de la normalité » du
monde. Mais Hyrtis, elle l’est aussi grâce / par / à travers le lien
qui l’unit à la muse. Muse fondamentale, muse ancestrale, Gladys
Hulot n’a jamais quitté l’essence baudelairienne de la création
artistique. « Je suis malheureuse sans muse. Je n’ai pas d’idéal,
de projection, de reconnaissance. La muse me tire vers le haut. »
me confie-t-elle. La discrétion de Gladys n’a d’égale que la fidélité
à sa muse, grande incarnation de ses inspirations, pour des
raisons qui, si elles échappent au commun des mortels, font sens
au travail intime de cette artiste particulière. Peut-être est-elle
une artiste en marge, mais uniquement dans celle qu’elle crée,
qu’elle dessine, qu’elle porte, comme un costume. « Je ne suis pas
en camouflage. Être bien dans son costume, c’est 60% du travail,
comme le dit Fabrice Lucchini. » Consciente d’incarner quelque
chose qui la transcende irrépressiblement, Gladys Hulot cherche
en chacune de ses muses une réponse, un appui, en funambule
entre la réalité et l’onirique. Elle est une artiste plurielle qui s’exprime
malgré tout à la première personne du singulier.
Je t’ai entendu parler du « règne de Bowie ». En quoi une muse règne-t-elle ?
La muse devient, pendant un certain temps, empereur de mon esprit, de mon
être, de ma vie. C’est tout un empire qui se construit, à son insu. Il s’agit, certes,
d’une dépendance, mais je dépends de qui je veux. Tant que je choisis ma muse,
je suis insoumise. Ce n’est donc pas un rapport fan/star : c’est bien plus complexe,
plus profond.
Et ton identification à la muse fait-elle partie du processus créateur ?
Je me nourris du personnage évoqué par la muse : ce qu’il est, son contexte de
vie, son histoire. Pour Bowie, par exemple, je n’ai pas voulu m’identifier à lui
mais plutôt incarner son époque, pour essayer de le comprendre, lui. Il ne s’agit
pas de nostalgie, car je ne peux pas être nostalgique d’une époque que je n’ai pas
connue. Mais j’ai voulu correspondre à son personnage en incarnant, quelques
mois, une icône warholienne. Cette idée s’est imposée après un rêve où me sont
apparus Bowie et Warhol.
Tes rêves jouent-ils un rôle précis dans ce mécanisme ?
Ils sont à la base de tout. Mon pseudo, Hyrtis, est né dans un rêve. Il s’agit d’une
part de mystère insondable et j’aime l’idée que ce nom n’appartient qu’à mon
inconscient. Mes rêves me permettent une communication intime avec mes
muses, et une libération de ma personne : ils m’ouvrent à l’incarnation pleine
d’Hyrtis, sans genre, et avec des épaules suffisamment larges pour supporter le
poids de la création.
15
TEXTE agathe cebe
portraits benoît pelletier
Tu as eu bon nombre de muses depuis l’enfance. Parfois vivantes – David Bowie
à l’époque, ou Philippe Katerine, par exemple – et parfois mortes – comme Rimbaud
ou Chopin : le rapport change-t-il ?
Je préfère quand mes muses sont vivantes. Il y a plus de chances d’interaction
réelle. Même si cela suppose un revers de médaille, que cela puisse mal se passer…
Que cela se passe mal ?
Qu’il n’y ait pas de réciprocité. Et comme je ne suis pas une fan noyée dans la
masse, ce genre de réaction génère beaucoup de frustration. Et cela peut être très
destructeur pour moi. Je rêve d’une relation comme entre Gainsbourg et Bardot,
ou DalÍ et Amanda Lear.
Les muses dirigent-elles ton travail musical comme ton travail graphique ?
Oui, tout est relié à la muse. Et la musique est venue, d’ailleurs, grâce à des muses.
Avec Nicolas Sirkis et David Bowie, j’ai commencé à travailler la lame sonore
comme un instrument rock. Ce n’est pas évident en solo ! Mais comme la solitude
me plaît, je travaille mes arrangements toute seule, jusqu’à même composer toute
seule pour mes instruments. J’ai su par des proches
de Bowie que mon cover de « Life on Mars » a été
vu et apprécié par lui, qu’il l’a partagé lui-même
sur son site. C’était une reconnaissance étourdissante.
Après, le thérémine est arrivé, avec Armen
Ra, ma muse actuelle. C’est la seule muse à laquelle
je ressemble sans intention particulière ! Il m’est
apparu en rêve, après la mort de Bowie, comme
un jumeau inespéré. C’était comme un passage
de relais entre eux. Et ma création est passée
d’une muse à l’autre avec une fluidité incroyable.
Et comme ma démarche profonde a tout de suite
© GLADYS HULOT
été comprise par lui, je me suis plongée toute entière dans son contexte de vie.
Le thérémine en fait partie et me permet une interaction quotidienne avec lui.
En amont de la muse, il y a donc un travail incroyable de nourriture culturelle…
Oui ! J’apprends tout, sur tout. Cela fait partie du processus créateur. Je dois maîtriser
tout ce qui fait que ma muse est ce qu’elle est. Et je dois aussi tout maîtriser
au sujet des supports auxquels je m’intéresse. Par exemple, en commençant ma
dernière œuvre, le tarot, j’ai tout appris sur ces cartes. Tout. Comme c’est un
projet énorme, j’ai exploré toutes les spécificités du tarot de Marseille, mais en le
revisitant selon l’inspiration insufflée par ma muse : la présence androgyne d’Armen
transcende chacune de
mes cartes. Certains pensent
qu’il s’agit d’une série d’autoportraits,
pourtant, c’est bien
Armen qui se décline, de carte
en carte.
www.gladyshulot.com
@gladys.hulot
16
Gladys Hulot se découvre à travers
quelques œuvres majeures :
- son tarot, sur internet (Instagram:
@gladys_hulot) en attendant son
édition.
- son clip cover « Life on Mars » ou
sa composition « Cold Songe », sur
sa chaîne YouTube (@gladyshulot),
en attendant sa prochaine apparition
en live.
© GLADYS HULOT
17
jean-philippe thomas
une sensibilité à fleur de bois
A
architecture
Des volumes qui laissent t
respirer, des portes coulissantes
en bois, une charpente
en acier surplombée
par une verrière qui diffuse
une lumière du jour tamisée
par des voiles blanches,
une œuvre photographique
de Georges Rousse : nous
sommes dans l’atelier
de Jean-Philippe Thomas.
Un lieu lumineux, chaleureux,
sobre, authentique
où l’on aime à s’attarder
et qui donne une idée
assez précise de l’univers
de l’architecte.
Cet atelier, c’est l’ancienne centrale électrique des usines Panhard-Citroën, située
près du canal, que Jean-Philippe Thomas a réhabilitée en 2007 pour s’y installer
avec son équipe d’architectes salariés et d’ingénieurs. « J’aime beaucoup la
notion de trace, je crois en une architecture qui s’intègre à l’histoire et à l’environnement.
On se doit de respecter le passé d’un bâtiment que l’on rénove, et
de la même manière on doit s’adapter au contexte paysager pour une nouvelle
construction. Se soucier de l’environnement et du développement durable, c’est
prendre en compte la réversibilité des choses. Un logement doit pouvoir se transformer
en bureau ou même en parking et redevenir logement. Un bâtiment doit
avoir plusieurs vies sans qu’on ait à tout casser », explique-t-il.
Des propos qui résonnent avec cette œuvre accrochée au mur : « Icône » de
George Rousse, réalisée dans les halles du Boulingrin bien avant leur réhabilitation.
« Georges Rousse est un artiste exceptionnel, qui éveilla en moi les rapports
fabuleux entre un lieu en devenir ou en perdition, sa mémoire et le côté éphémère
de l’œuvre. Le travail de Georges Rousse nous transcende et nous renvoie à
des souvenirs, aux phénomènes de perceptions et autres anamorphoses. »
Pour Jean-Philippe Thomas, un bâtiment ne se résume pas à une construction
savante et esthétique, il n’oublie jamais qu’une fois les plâtres essuyés, des femmes
et des hommes vont y circuler, travailler, respirer, se parler… Un lieu de vie n’est
pas seulement un lieu, c’est avant tout la vie.
« Je ne fais pas de l’architecture seulement pour l’objet à construire, ce qui compte
c’est le bien-être des habitants. Le bâtiment doit être en harmonie avec la nature
environnante et ses saisons, avec la lumière naturelle, proposer des volumes qui
tissent des liens entre les gens tout en les protégeant. »
Jean-Philippe Thomas est un amoureux de la culture scandinave et des paysages
sylvestres. De ses nombreux séjours nordiques, il a rapporté l’amour du bois qu’il
utilise dans la plupart de ses réalisations. Un matériau noble, sobre et écologique
qui insuffle naturellement un sentiment d’apaisement. « Le bois est un instrument
ultra-moderne, sa grande plasticité, ses performances techniques remarquables
et sa longévité toujours élégante permettent une grande précision dans
la construction qui doit s’inscrire dans le temps », affirme-t-il.
Une enfance ardennaise, des parents fonctionnaires et le souvenir des histoires
racontées par son grand-père, mineur d’origine italienne qui a fui la misère entre
les deux guerres pour extraire l’ardoise dans la vallée de la Meuse. Des racines
profondes qui lui confèrent une fierté retenue et un attachement viscéral à la
nature et aux matériaux bruts.
L’éthique précède l’esthétique
S’il a pensé un temps être cuisinier, c’est la passion des trains électriques qui a
sans doute fait naître sa vocation d’architecte. « Je construisais des gares en carton
avec un maximum de détails, à partir de vrais plans récupérés auprès de cheminots.
C’est ainsi, je crois, que j’ai pris conscience des volumes des bâtiments,
des liens qu’ils ont avec l’extérieur. C’était un monde idéalisé dont j’étais le maître
d’œuvre, mais j’étais encore loin d’imaginer que j’en ferais mon métier », lâche-t-il
dans un sourire discret et pudique.
Dans ses projets architecturaux, l’éthique précède toujours l’esthétique. Qu'il
s'agisse d'un bâtiment à construire ou à rénover, le respect de l’empreinte historique
et environnementale l’emportera toujours. Pour lui la modernité ne se
niche pas dans une arrogante « tabula rasa », mais dans le choix cohérent et intégré
au paysage des bons volumes, des bons matériaux et des technologies énergétiques
de pointe.
« Il faut maîtriser ce que l’on construit à chaque étape sans se faire piéger par la
forme, qui doit être pratiquement la résultante d’une logique fonctionnelle, ce
qui n’empêche évidemment pas de soigner l’esthétique. Je veux créer une archi-
_Siège Champagne Roederer
19
_Restaurant Le Grand Cerf
_Maison individuelle - maison T
_Maison individuelle - maison T
20
tecture sensible en lien avec l’extérieur et qui rende les habitants heureux. »
Créée en 2000, l’agence compte maintenant sept collaborateurs pour répondre
aux multiples marchés : bâtiments scolaires, publics, viticoles, logements collectifs
ou pour particuliers, maisons de champagnes prestigieuses ou restaurants
étoilés avec toujours la même signature : des volumes et des matériaux élégants et
durables qui invitent à la sérénité et au bien-être. Et le recours systématique aux
technologies de pointe pour limiter au maximum les déperditions énergétiques
et tendre autant que possible vers des bâtiments à énergie passive ou positive.
« On construit 80% de nos projet en bois, cette filière sèche est optimale d’un
point de vue énergétique et permet des chantiers rapides et précis. Et puis le
bois mobilise des métiers où il y a encore un savoir faire et
le soucis du détail. »
Diplômé de l’école d’architecture de Nancy en 1992, il reste
en Lorraine quelques années comme intervenant dans cette
même école et commence à travailler en free lance. À l’aube
de ce siècle, la construction d’un centre de recherche pour
l’entreprise Miko à Saint-Dizier le ramène en Champagne-
Ardenne où il fonde à Reims sa propre agence, AAT Architecture.
De 2000 à 2007, il est élu au Conseil régional de l’Ordre des
architectes et organise de 2005 à 2009 des voyages architecturaux
pour le CREPA, dont il préside la formation continue.
Enfin en 2011 il crée sa nouvelle société, « Jean-Philippe
Thomas Architectes », qui assoit son style résolument ancré
dans une logique de développement durable.
Dans ses souvenirs, deux architectures particulièrement
inspirantes pour son futur travail : le palais de la Bahia à
Marrakech, occupé par Lyautey au début du 20 e siècle, et le quartier Quayside à
Newcastle, où il a étudié deux ans avant son diplôme.
Le palais marocain pour son raffinement, ses multiples espaces baignés de lumière
éclatante ou d’une pénombre rafraîchissante, mais caché pudiquement
derrière un rempart peu ouvragé.
« J’estime que la notion de façade n’est pas très importante. Je ne fais pas une architecture
objet, jamais rien de volontairement ostensible. L’essentiel est toujours
à l’intérieur, les lieux doivent être conçus pour le bien-être des usagers. La façade
doit juste donner envie d’y entrer en s’intégrant au mieux dans le paysage. »
L’humain comme point focal de toute architecture
Pour le quartier Newcastle, c’est la compilation de « toutes les architectures possibles,
des sites industriels réhabilités comme des constructions contemporaines
avec ce pont piétonnier incroyable. Un lieu de vie et d’échanges perpétuels », se
rappelle-t-il. C’est l’image de la ville telle qu’il l’imagine dans le futur. « Des cités
appelées à s’étendre mais plutôt en hauteur, en se construisant sur elles-mêmes
avec des matériaux à fortes plasticité et aux performances énergétiques optimales,
comme le bois évidemment. »
Son premier projet marquant a été un collège à Château-Thierry, élaboré avec
un collectif d’architectes parisiens : « On a conçu une sorte d’origami très élégant
avec une signature paysagère en bois et en zinc. Un bâtiment
ouvert sur le panorama de la Vallée de la Marne, avec des
lieux à vivre et à étudier très délicats. »
Une élégance et une délicatesse contenues dans la sobriété
et l’efficience, des concepts qui président toujours aux projets
de l’architecte, que ce soient des bâtiments pour un large
public ou pour des particuliers. « J’ai besoin de me projeter
dans le lieu que je dessine, imaginer concrètement comment
je pourrais y vivre. Pour des habitations privées, il faut bien
sûr être en empathie avec le client mais le principe reste le
même : l’humain et surtout son bien-être, pour ne pas dire
son bonheur, doit absolument être l’élément central, tout
doit s’articuler autour des habitants », affirme Jean-Philippe
Thomas. Des principes éthiques qu’il a développés
avec la philosophe Anne Deschamps, une collaboration de
quelques années qui a été déterminante et qui a structuré sa
pensée. Anne Deschamp, est une philosophe de terrain, une facilitatrice comme
elle aime se qualifier. Professeure dans les Ardennes, créatrice du premier caféphilo
rural, elle prône l'action comme moteur de la joie de vivre . « Je cultive
la bienveillance grâce à un questionnement créatif qui permet de partager les
différences sur une terre commune à tous », explique-t-elle. À partir de 2012,
l’architecte et la philosophe réfléchissent devant la table à dessiner comme sur le
terrain pour élaborer des atmosphères nourrie d’émotions, de beau et de bienêtre.
Un éclairage philosophique et éthique qui a permis à Jean-Philippe Thomas
de cerner précisément l’enjeu humaniste de projets dont l’essence même est le
« mieux vivre » de l’habitant, qui demeure le point focal ultime de l’architecture.
www.jeanphilippe-thomas.com
21
1_
2_
3_
4_
1_Restaurant Le Grand Cerf
2, 3_Secteur tertiaire : bureaux construction bois
4_Collège Luis Ortiz à Saint-Dizier
5_Maison individuelle - maison T
6_Groupe scolaire de Condé-sur-Marne
5_
6_
22
TEXTE jules février
photographies benoît pelletier
•
Siyuline / Nathalie Vleeschouwer / Exquisite.j / Dragon / Catherine André / Moyuru / Clivia Nobili
12,rue de l'université - 07 86 99 44 03
Architecte de
formation, cette
jeune illustratrice
de 24 ans rencontre
un joli succès
avec ses dessins
d’architecture,
d’une redoutable
efficacité graphique
et picturale.
D
dESSIN
24
hélène lacombe
trait pour trait
« Ce qui m’intéresse est de donner
corps à la matérialité des façades,
de révéler tous les détails, souvent
invisibles, des édifices pour faire ressortir
différemment les structures des
bâtiments ». Ainsi Hélène Lacombe
évoque-t-elle son travail, tout d’épure
et de délicatesse. De la cathédrale de
Reims à la Cité radieuse, cette jeune
artiste déploie ses architectures, avec
un art consommé du détail. Loin de
toutes les modes, on pourrait croire,
au premier regard, à des dessins
100% techniques, tendance plans
d’élévations d’architecte. Et pourtant,
une poésie particulière se dégage
de ses œuvres réalisées à main levée.
Les façades sont toujours exécutées
selon un angle de perspective singulier
qui accentue la monumentalité
des bâtiments. La précision du trait
et la saisie de chaque détail témoignent
d’une minutie extrême.
« Mes dessins me représentent moi,
dit-elle. Je suis ultra-perfectionniste,
exigeante mais aussi très rêveuse. »
C’est un travail qui nécessite également
beaucoup de patience :
« de huit heures à quinze heures
pour un dessin » précise Hélène. •••
26
27
TEXTE anne de la giraudière
Génération Instagram
Issue d’une famille d’architectes,
Hélène Lacombe a attrapé très tôt le
virus de l’architecture. « D’aussi loin
que je me souvienne, j’ai toujours
dessiné et voulu être architecte.
Après une année d’arts appliqués
à Reims, je me suis donc inscrite à
l’École Nationale Supérieure d’Architecture
de Paris-Malaquais où je termine
actuellement mon master. En
2015, je suis partie faire un master en
design de produit à l’Aalto School of
Arts d’Helsinki. C’est lors de ce séjour
en Finlande que j’ai repris le dessin
de manière intensive et démarré une
activité d’illustratrice. » Presque par
hasard pourrait-on dire. Ses premiers
dessins à peine postés sur Instagram,
les commandes affluent.
Hélène Lacombe se met à produire
à tour de bras des illustrations de
bâtiments du monde entier, toujours
réalisées selon la même technique :
« J’utilise des feutres Posca pour leur
couleur intense, rehaussés d’un fin
stylo blanc pour affiner les détails
et travailler les ombres ». Avec plus
de 20 000 abonnés sur son compte
Instagram, elle bénéficie aujourd’hui
d’une certaine visibilité. « Instagram
est à la fois une galerie virtuelle pour
présenter mes œuvres et un formidable
outil relationnel ».
Sollicitée par des agences d’architecture
pour réaliser des dessins pour
les concours, elle est aussi demandée
pour dessiner sur des vitrines
parisiennes ou illustrer un guide
touristique à Bordeaux. Entre autres.
Une reconnaissance qui lui permet
désormais de choisir en toute liberté
les édifices qui l’inspirent. « Ma
technique a évolué, mon style aussi,
j’avais envie d’aller vers des architectures
plus contemporaines comme
celle de Beaubourg, mon bâtiment
préféré à Paris ». Si elle est fan des
architectes Richard Rogers et Renzo
Piano, Hélène Lacombe aime aussi
les peintures de Hockney, Hopper ou
encore de Monet, tout en suivant le
travail des illustrateurs de sa génération.
Mais son inspiration,
elle la puise avant tout dans ses
déambulations et ses nombreux
voyages. Représentée, à partir de janvier,
par Sergeant Paper, un art store
spécialisé dans les éditions limitées
d’artistes, Hélène rêve d’ouvrir sa
propre agence d’architecture dans
deux ou trois ans et de poursuivre
son travail d’illustration, avec déjà en
tête, un nouveau projet autour d’étonnantes
églises aux lignes futuristes en
Islande. À suivre…
www.atelierhelenelacombe.com
@helenelacombe
l'histoire
« Walk it back »
de The National
28
© DR
L’élégance. Le qualificatif revient souvent dans la presse
lorsqu’il est question de The National, un groupe américain
dont l’audience n’a jamais réussi à toucher le grand public en
France. Chez les puristes d’un rock de grande classe - dans le
sillage de REM et du mythique Michael Stipe s’il faut trouver
quelques filiations -, The National est une référence, sinon
LA référence. La voix de baryton de Matt Berninger donne
sa coloration chaude à toutes les compositions de The National,
un groupe composé de deux doublettes de frères (Aaron
et Bryce Dessner aux guitares, Bryan et Scott Devendorf à la
rythmique). Assez confidentiel en France, mais lié à quelques
valeurs sûres comme Sufjan Stevens ou My Brightest Diamond, dont ils ont été
des collaborateurs occasionnels (et réciproquement), le groupe de Brooklyn s’est
fait remarquer en s’engageant, aux côtés de Barack Obama, lors de sa première
campagne présidentielle (2008). Leur titre Fake Empire à la rythmique imparable
sera même utilisé pour plusieurs clips de campagnes de celui qui deviendra le
premier président noir américain.
_Nouvel album Sleep well beast
En septembre dernier, The National a sorti son nouvel album, Sleep well beast,
lequel recèle un titre étrange. Walk it back, - littéralement « Marche arrière » -,
intègre un texte lu par une voix féminine – celle de la compagne de Matt Berninger.
Cette courte insertion est tirée d’un article du New-York Times Magazine de
2004. Dans un dossier consacré à l’administration Bush et à ses « faucons » impérialistes,
au moment de leur toute-puissance post-11 septembre, une déclaration
était attribuée à un conseiller de George Bush, Karl Rove. Comme un écho au
Fake empire de l’album Boxer (2007).
« People like you are still living in what we call the reality-based community. You
believe that solutions emerge from your judicious study of discernible reality.
That’s not the way the world really works anymore. We’re an empire now, and
when we act, we create our own reality. And while you are studying that reality
— judiciously, as you will — we’ll act again, creating other new realities, which
you can study too, and that’s how things will sort out. We’re
history’s actors, and you, all of you, will be left to just study
what we do ».
Et donc en français :
« Les gens comme vous vivent encore dans ce que nous appelons
une communauté fondée sur la réalité. Vous croyez que
des solutions émergent de votre étude judicieuse de la réalité
perceptible. Ce n'est plus comme ça que le monde fonctionne
en réalité. Nous sommes un empire à présent, et lorsque nous
agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudierez cette
réalité - judicieusement, comme vous le ferez - nous agirons à nouveau, créant
d'autres réalités nouvelles, que vous pourrez étudier aussi, et c'est ainsi que les
rôles se répartiront. Nous sommes les acteurs de l'histoire, et vous, vous tous,
réduits à étudier de ce que nous faisons ».
Karl Rove s’est toujours défendu d’avoir dit cela devant le journaliste du New
York Times Ron Suskind, mais la citation fait peu de doute. On trouve dans cette
déclaration tout le cynisme et le mépris de classe dont l’administration Trump
n’est pas non plus avare. Evoquant la « réalité », elle fait écho aux arrangements
du nouveau président des Etats-Unis par son invention des « alternative facts ».
L’histoire pourrait s’arrêter là, mais un reporter de l’hebdomadaire Newsweek
a voulu donner à écouter ce titre, Walk it back, à ce fameux Karl Rove, lequel
commenta : « ça commence comme un morceau d’Euro Tech Pop puis chemine
vers un air plus énergique, plus facile à danser. Mais à mon avis, ça ne fera pas le
Top 40 ! » Plutôt remuant, mais toujours élégant, Walk it back est un titre à part
dans cet album qui demeure dans la droite ligne de ce que The National sait faire
de mieux : une musique racée, à l’écart des modes, portée par une rythmique
impeccable et la voix, chaude et profonde, de son chanteur, Matt Berninger. Sleep
well beast est l’un des « must have » de cet automne 2017. Pas si loin que cela de
ses albums référence, Boxer et Alligator.
americanmary.com
M
musique
29
TEXTE cyrille planson
© myona rimaldi guichaoua
Jean-Philippe Vidal
s’apprête à lancer
l’Eau de Reims, troisième
eau de parfum d’une
gamme dédiée à sa ville
d’adoption. Créateur
de la marque Reims
Parfums, son parcours
d’entrepreneur est
atypique. Ni diplômé
d’une école de commerce,
ARTISTE NEZ
ni spécifiquement
motivé par le seul
business, Jean-Philippe
Vidal est aussi…comédien
et metteur en
scène. un homme de
théâtre actif qui joue
partout en france
avec les plus grands
metteurs en scène et
qui gère ses activités
avec beaucoup de nez.
30
B
business
Notes de tête et notes de
Formé au cours Simon puis à l’école
du Théâtre National de Chaillot,
Jean-Philippe connaît une double
carrière sur les planches. Acteur
et metteur en scène, il s’approprie
aussi bien les œuvres de Feydeau
ou de Tchekhov que du dramaturge
norvégien Arne Lygre. Il fait connaissance
avec la Cité des Sacres en 1992
lorsque, répondant à l’invitation de
Christian Schiaretti, Jean-Philippe
intègre la troupe d’acteurs permanents
de La Comédie, centre dramatique
national. « Quitter Paris pour
la province quand on est acteur, c’est
plutôt à contre-courant. Mais Reims
s’est imposée à moi. Je me suis senti
bien dans cette ville, accueilli. »
Ni expert en parfum, ni chef d’entreprise
dans l’âme, il lance en 2016
l’Eau Gothique et l’Eau des Sacres,
composées d’essences nobles.
L’Eau de Reims, aux notes légèrement
plus féminines, sera quant à elle
disponible début 2018. Un projet
comme un défi personnel : « Je suis
dans une expression artistique, pas
dans une démarche commerciale.
Mon métier d’acteur me fait vivre.
J’avais besoin de jouer ma vie ailleurs
que sur scène, en permanence exposé.
Je ne voulais plus dépendre uniquement
du désir d’un metteur en scène ».
Créer des parfums pour raconter
une histoire. Celle d’une ville, de son
élégance, de son patrimoine Art déco
et de son vécu marqué par le sacre
des rois.
Monter sa troupe
« J’étais seul au démarrage de mon
projet puis je me suis entouré, comme
un metteur en scène travaille avec
un costumier ou un scénographe.
Mon expérience avec la compagnie
Sentinelle 02-05 que j’ai créée en 2005
m’a beaucoup servi. » Dans cet univers
confidentiel qu’est la parfumerie
de niche, Jean-Philippe rencontre
Bertrand Duchaufour, « nez » depuis
20 ans, notamment pour l’Artisan
Parfumeur. « Mon histoire lui a plu
et il accepté de m’accompagner. Je lui
ai envoyé des photos, des textes. Il est
venu ici respirer les fleurs de vignes.
Nous avons aussi travaillé autour
de l’odeur âcre de la craie et de l’aspect
poudré du biscuit rose. » Jean-Philippe
vend son appartement pour financer
son projet et choisit les Hommes
comme on distribue les rôles. Annabelle
Brun crée l’univers graphique
de la marque Reims Parfums. « J’aime
sa sensibilité, le regard esthétique
qu’elle porte sur les choses. Idem avec
le photographe Benoît Pelletier. Je ne
l’ai pas choisi par hasard, nous avions
travaillé ensemble sur un spectacle.
D’autres intervenants sont précieux
dans ce projet : Jean Perrin, ancien
directeur des services culturels de la
ville de Reims, qui me donne accès
à son réseau, et Luc Soussigne pour
l’aspect financier. »
En coulisse
Acquérir le vocabulaire, découvrir
le packaging, dénicher les fournisseurs
de flacons, renoncer au capot
en zamac parce que trop lourd, résoudre
un problème de concentration
de parfum et en changer la formule…
Rien n’est simple dans cette aventure
qu’il vit en autodidacte. « Chaque
référence est produite en 1 000 exemplaires.
C’est un peu dangereux,
je prends des risques mais c’est comme
ça que je vis. » L’artiste-artisan
construit pas à pas son réseau de
distribution : des points de vente
sélectionnés pour leur univers et leur
clientèle, à Reims, Paris, Las Vegas,
bientôt Naples et les villes jumelées
avec Reims. « Pour entrer en Iran,
pays féru de parfums français, je
devrai sans doute passer par un agent
commercial. Ce sera une nouvelle
étape pour le développement de ma
marque à l’international.
Je me donne quatre à cinq ans pour
atteindre l’équilibre financier. ».
reimsparfums
31
TEXTE peggy léoty
retrouvez nos points de vente à reims
• MUST Institut 15 rue du Cadran Saint Pierre
51100 REIMS
• #25 28 cours Langlet 51100 REIMS
• HG 4 Rue de Tambour 51100 REIMS
• Office de Tourisme de l'Agglomération
de Reims 6 rue Rockfeller 51100 REIMS
• Boutique Reims Cathédrale
5 Place du Cardinal Luçon 51100 REIMS
• Intemporel 11 rue Condorcet 51100 REIMS
Et aussi à Paris au Coq Comptoir et chez
Moloko ainsi que… à Las Vegas (Carredas).
S’il devait être un objet, Antony Villéger serait une coupe de
champagne pour être au cœur de la fête et des discussions. Ou
une pierre sur un sentier de montagne, pour regarder passer les
gens et imaginer leur vie. À la question « Tu voulais faire quoi
comme métier quand tu étais petit ? », il répond sans hésiter :
« Tous ! ». Pas étonnant, « Anto » déborde d’idées. Dirigeant d’une
entreprise spécialisée dans la communication, il a fait de l’objet
son sujet.
Cormontreuil / Saint-Etienne / New York
Bassiste dans un groupe de punk fondé quand il avait 13 ans, Antony grandit aux
côtés de Mathieu Ladevèze, qui deviendra le chanteur et compositeur Barcella, et
de Pierre-Alexandre Busson connu aujourd’hui sous le pseudonyme de Yuksek.
« On avait réclamé un skatepark au maire et on l’a eu ! » Quelques années après, il
fait le choix d’intégrer l’école de commerce de Saint-Etienne car on y dispense des
cours de théâtre d’improvisation.
Antony créé sa première entreprise en 2003, à Paris. « Cette boîte était un catalyseur
de talents au service du développement de sites Internet. J’allais chercher des
compétences jusqu’au Brésil ou au Japon et je dirigeais les projets. » Puis, c’est à
New York qu’il fait ses armes dans le marketing, en tant que free-lance pour Chanel
notamment. « Là-bas, j’ai pris ma première gifle
artistique au MET, devant « White Flag » du peintre
Jasper Johns. » Des dizaines de musées plus tard,
c’est le retour aux sources. Antony rejoint en 2007
l’entreprise familiale implantée à Cormontreuil.
Le commerce de Stephan, Antony, Michel et
Maryse
« Mes parents ont démarré leur affaire en 1989, chez
nous dans la véranda. Mon père commercialisait
des fins de série et ma mère des bijoux. Avec mon
frère Stephan, on aidait pendant les week-ends. Je
faisais des invitations pour les ventes et je les distribuais
dans les boîtes aux lettres du quartier. C’était
déjà du marketing ! ». L’entreprise Samm Trading
était née ; Samm étant l’acronyme des prénoms de
la famille. « Nous sommes progressivement passés
d’une entreprise qui vendait des objets, puis distribuait des objets publicitaires, à
une agence de conseil en communication par l’objet. »
Sélection de fournisseurs, création du showroom,… Depuis dix ans Antony
amène sa créativité, travaille sur des concepts, des cahiers de tendances, élabore
des stratégies de communication pour les clients. « On ne bosse pas avec des
catalogues d’objets, on construit des offres sur-mesure. » Aujourd’hui, il est directeur
général adjoint, fonction qu’il partage avec son frère, de la 27 e plus grande
entreprise française sur le marché des cadeaux d’affaires et promotionnels, réalisant
un chiffre d’affaires qui a augmenté de 60 % depuis 2013. S’appuyant sur un
portefeuille de 760 marques, Samm Trading vend plus de deux millions d’objets
chaque année, avec pour terrain de jeu l’Europe. La part de clients appartenant
au CAC 40 ou cotés au SBF 250 est en constante hausse (+ 265 % depuis 2014).
T’as pas un gimmick mec ?
« Je suis le genre de gars à qui on offre à chaque Noël un livre sur le design ou les logos
! » Antony admet avoir un rapport « organique » à l’objet et au graphisme. Des
goodies comme une publicité en trois dimensions, que les gens emportent chez
eux, au travail, à l’école, dans leur voiture, leur permettant de toucher, interagir
et vivre une expérience avec les marques, comme aucune autre technique marketing.
Parmi les belles références de l’entreprise, l’accompagnement du groupe
Supplay, de Fedex, de Shell ou le pochon à champagne en néoprène, breveté et
fabriqué à un million d’exemplaires pour la maison Lanson. « Ce pochon a été
distribué lors des Jeux Olympiques de Londres en 2012 et à Wimbledon ! »
En 2015, Samm Trading a également créé la marque « Développé avec [Cœur] à
Reims » car même un objet fabriqué à l’autre bout
du monde est conçu ou finalisé ici par des équipes,
avec une logistique, du packaging locaux et, dès
que possible, le recours à des établissements d’aide
par le travail. « On a infusé en dix ans 150 000 €
dans des actions locales de mécénat, essentiellement
dans le domaine artistique et culturel. Les artistes
ont cette incroyable faculté de créer des choses inédites
et singulières à chaque nouvelle œuvre. C‘est
très inspirant. »
Courant après l’éternel concept, Antony continue
à chercher l’inspiration dans ses voyages et à travers
l’art. « Le plus grand créateur ? Thomas Edison,
le pionnier de l’électricité. Il a inventé la première
ampoule électrique, le phonographe, et a déposé des
centaines de brevets ! Pas parce qu’Edison était un
génie, mais simplement parce qu’il était curieux !
Sois curieux, c’est le meilleur conseil qu’on puisse
donner à un enfant. »
1989 L'histoire commence dans la véranda familiale
1994 18m 2 de bureau / 2 salariés / 1 ère marque gérée
1998 52m 2 de bureau / 2 collaborateurs / 1 apprenti
2001 1 er million d’euros de C.A.
2002 128m 2 de bureau / 3 salariés
2008 204m 2 de bureau / 4 salariés
2017 500m 2 de bureau, 300m 2 de Show-Room, 2000m 2 de stockage /
11 salariés / 762 marques gérées / CA 2017 aux alentours de 4 M
www.sammtrading.fr
B
business
antony villéger
ANTO-LOGIE
33
TEXTE Peggy Léoty
PHOTOGRAPHIEs benoît pelletier
_L'île des lotophages © Hélène Builly.
Hélène Builly est aussi Lue
Bleylhine, parce qu’elle a pleine
conscience que l’un peut aussi être
l’autre. A travers ses collages
et illustrations, Hélène Builly
engage le dialogue avec le monde
communément représenté, et l’engage
à sortir de ses gonds, pour
montrer d’autres faces, alternatives,
cohérentes, plausibles,
fantasques. Mouvements, couleurs,
sujets se font échos dans des
constructions travaillées, pyramides
d’interprétations ouvertes
et contemplatives, ombrées
de hasard et d’imprévu. En s’évadant
de sa zone de confort, l’œil,
amadoué, se dit que pourquoi pas,
après tout, c’est possible aussi.
I
illustration
Colle-Feuille-Ciseaux
Univers élémentaires
Mais qu'est-ce donc qu'un " illustarteur
de confiance "?
Il s’agit probablement d'un boulanger
trapéziste…
Vous faites la part belle au collage:
que vous apporte cette technique
artistique ? Évolue-t-elle vers d'autres
techniques ?
Le collage, c’est passionnant ! La
technique n’a que peu d’intérêt : c’est
avant tout une irrésistible envie de
changer l'ordre des choses puis une
façon de comprendre le théâtre de la
vie. Il existe un jeu qui lui ressemble
un peu et qui consiste à tenter
d’oublier la fonction d’un objet pour
lui en imaginer une autre. Une image
porte déjà en elle toute une histoire,
la faire vivre dans un nouveau
contexte lui confère bien sûr de nouvelles
choses à dire mais l’inconscient
ne s’affranchit pas totalement de ce
qu’elle racontait auparavant : on entre
alors dans le détournement pour faire
naître des solutions imaginaires.
Le hasard est une source de création
formidable dans le collage, il rappelle
35
TEXTE agathe cebe
_Cahiers © Hélène Builly.
36
_Voxpopuli © Hélène Builly.
_Mars © Hélène Builly.
39
_MMXIV © Hélène Builly.
combien il est important de ne pas
avoir une idée fixe mais un vecteur,
car si le collage est un exercice
contraignant, cette contrainte s’allège
au moment où l’élément découpé
et posé dans un nouveau contexte
reprend le contrôle de lui-même.
C’est un peu comme un auteur qui
déciderait du personnage principal
de son livre et qui, au cours de l’écriture,
s’apercevrait qu’il n’était qu’un
prétexte pour faire naître le véritable
héros. Il se prépare, se trame toujours
un évènement qui nous échappe, c’est
l’histoire du Golem.
Mon approche artistique du collage
peut être assimilée à cette citation de
Paul Valéry : « Je n’aime rien tant que
ce qui va se produire ».
Lorsque l'on vous commande une
illustration, comment s'organise votre
création autour d'un propos imposé ?
Le client peut avoir une idée extrêmement
précise du message qu’il
souhaite faire passer mais l’image
finale, personne ne la connaît.
Et si le client la connaît, c’est qu’il
veut échapper au processus de
création. Je travaille avec l’imprévu.
Lorsque vous créez pour vos projets
personnels, quelles sont vos inspirations
profondes ?
J’aime les mots, les visages et leur
spectacle et je suis fascinée par les
choses que je n’aime pas. Je m’inspire
aussi de mes souvenirs, qui imprègnent
ma création. Par exemple,
la première fois, avec l’art, c’était en
Aveyron. Pas loin, il y avait une boutique
d’antiquités et un atelier obscur
où je me souviens avoir fabriqué un
masque à trois yeux, rouge et violet,
en papier mâché. Puis, de huit à neuf
ans, je suis sous l’eau car on y trouve
des yeux de Sainte Lucie et sur les
toits du quartier je regarde le ciel
infuser la mer. J’habite en Corse, il
neige pour la première fois depuis dix
ans et ma voisine sculpte dans son
jardin une sirène de glace. Aussi, plus
tard, après un bac littéraire, je passe
quatre ans dans une école de graphisme
à me promener dans la rue.
Par terre, dans les poubelles, il y a des
livres, des photos, des cahiers, un tas
de papiers à décoller et sur lesquels
écrire, à déchirer, à recoller ; une
petite cuiller en vermeil. Je rencontre
le photomontage avec Archigram,
John Heartfield, Marien, Yokoo Tadanori…
Et je dois beaucoup à Madame
Douarre, mon professeur d’Arts
Plastiques qui un jour m’a montré
le travail de Robert Rauschenberg..
www.helenebuilly.com
hélène builly est représentée
par costume3pieces.com
_MMXV © Hélène Builly.
_LBO voeux © Hélène Builly.
_Vroufff © Hélène Builly.
40
SoHome
18
IMMOBILIER
Parvis de la Cathédrale l www.sohome18.com l 03.52.82.97.42
TRANSACTION - LOCATION - GESTION - PROGRAMMES NEUFS
Black Bones
Dans une Pochette Surprise Party
Black Bones, c’est une dream team soudée, composée
de 5 musiciens joueurs de baseball : Paula,
Frederico, Jose, Mariano, menée par LE COACH.
Ils embarquent leur public dans un monde parallèle
mirobolant, une sorte de pochette-surprise
sans fond qui n’a de cesse de nous surprendre,
tant musicalement que visuellement.
Sombrero et batte de baseball, pom-pom girl
et piment rouge, Range Rover et guitare folk,
le tout sous lumière noire.
L’album Kili kili est à l’image de leur performance
scénique, gorgé d’imprévus savamment
maîtrisés par Anthonin, le curieux et génial
chef d’orchestre du groupe…. Pas évident de se
renouveler sans arrêt, c’est pourtant un challenge
réussi pour le moment, et ça ne fait que
commencer.
Kili Kili a été créé comme un best of, les tubes
s’enchaînent, les styles aussi, c’est un joli feu
d’artifice comme on les aime. C’est devant un
jus de tomate accompagné d’une bouteille de
tabasco (et non pas un verre de tequila) que
nous avons bavardé autour de la potion magique
Black Bones avec Coach Ternant.
M
musique
42
Tu as un parcours un peu atypique, tu n'as pas suivi le chemin du musicien classique
dit « classique ».
Je crois d'ailleurs savoir que tu as fait l'ESAD ( l'école supérieure d'art et design
de Reims). Quand je vois l’importance des visuels aussi présents que la musique
dans tes multiples projets dont Black Bones, je trouve ça plutôt cohérent, non ?
Oui, mais je ne crois pas que ce soit d’avoir fait l’ESAD qui m’ait donné l'envie
de faire de la scénographie. J’ai toujours plus ou moins dessiné et c’est la branche
que j’ai choisie pour mes études ; plutôt par défaut que par réelle envie d’en faire
un métier. La musique à cette époque était déjà plus importante… Mon intérêt
pour le dessin a ressurgi au début de mon projet The Wolf Under The Moon.
Faire des décors, penser des chorégraphies, cela me permet de me détacher de la
musique et d’avoir du recul.
Le groupe Black Bones a l’air hyper soudé, ça se ressent sur scène et le plaisir est
communicatif, comment as-tu monté l'« équipe » au départ ? Qui se cache sous les
sombreros ?
Au départ je voulais juste monter un groupe dans lequel je puisse jouer les morceaux
que je voulais avec la scénographie que je voulais. C’était très en réaction à
Bewitched qui avait été monté sous forme de collectif et où il fallait que les idées
soient validées par tout le monde. Dans Black Bones il y a Paula aux percussions
et chant (elle a le pouvoir de tenir sa batte en lévitation). Frederico au clavier,
à la basse et au chant : sa technique de batte est inspirée des arts martiaux. José
est aussi au clavier, à la basse et au chant : sa technique de batte est inspirée de
l’escrime. Enfin, Mariano aka le Hulk Mexicain à la batterie, connu pour sa force
et ses sautes d’humeur.
À quel moment as-tu eu envie de faire de la musique ?
C’est bizarre parce que la musique n’a pas été un truc qui allait de soi. Enfant,
mon rapport à la musique était les cours au collège, avec le cauchemar du passage
à la flûte à bec devant la classe, et mon père qui jouait « Jeux Interdits » à
la guitare classique ! Jouer d’un instrument était pour moi rebutant. Et puis à la
fin du collège mes copains avec qui je skatais se sont mis à la guitare. Alors pour
rester dans la bande, je m’y suis mis aussi… On a monté un groupe alors que
je n’écoutais pas de musique et que je n’étais jamais allé à un concert. Un jour,
en allant voir le film Albert Souffre avec le groupe, on a découvert les Pixies.
J’avais une cassette qui compilait leurs morceaux et j’avais l’impression de déjà
connaître sans avoir jamais entendu. Ça a été le choc. Je n’existerais pas sans les
Pixies.
Puis, après une douzaine de groupes et une quinzaine d’années, j’ai joué dans The
Bewitched Hands qui a été une grande aventure pour moi… et il y a trois ans,
suite à la fin des Bewitched, j’ai monté Black Bones et Angel. The Wolf Under The
Moon existait déjà depuis quelques années dans une forme moins développée
qu’aujourd’hui.
Je suis assez curieuse de connaitre tes références, ce qui t'as marqué en musique
parce que dans Black Bones on retrouve plein de choses sans vraiment savoir d’où
ça sort, ce qui est plutôt bon signe.
Mes premiers souvenirs musicaux sont les tubes des années 80, particulièrement
Gotainer mais aussi Lio, The Korgis, Tarzan Boy, The Stranglers… Suite à ma
découverte des Pixies, j’ai écouté énormément de rock indé US : Sebadoh, Pavement,
Dinosaur Jr, Ween… Puis avec le temps j’ai écouté de tout. Pour moi ma
musique est clairement influencée par ces deux époques, les années 80 et l’indie
US, j’essaie de m’en détacher mais ça me colle à la peau.
Tu l’as construit comment cet album ? Il est cohérent et en même temps les morceaux
sont très différents, on ne peut pas réellement lui donner une couleur tranchée.
À l’origine le répertoire de Black Bones est constitué de ce qui aurait dû être le
troisième album des Bewitched. Il y avait la volonté de faire des morceaux festifs
et dansants. Je voulais aussi composer des morceaux qui n’aient pas pour point
de départ la guitare. Par exemple, le morceau KILI KIKI a été composé suite à
une impro de 10mn en yaourt espagnol. La ligne de chant est un élément important,
c’est je crois ce qui fait la signature de mes morceaux. Il y a eu une première
version de l’album un peu trop pied au plancher, trop festive. Pour équilibrer on
a ajouté Desert Eye et Next Day qui sont plus mélancoliques.
L’imagerie de Black Bones c’est tapas, sport et tête de mort. Il sort d’où ce joyeux
mélange ?
Jusqu’à présent, pour tous les projets, l’idée de base est partie d’une blague. « Et
si je sortais d’un château au début du concert ! », « Et si je jouais de la folk avec
des ailes d’ange ! ». Pour Black Bones, il y avait une photo de presse à faire pour
annoncer notre premier concert. Le groupe devait être en noir et moi en blanc.
Frederico s’est fait prêter le teddy noir du photographe et en voyant la photo je
me suis dit que ce serait classe si tout le groupe en portait un. Après ça a été une
association d’idée : Teddy > Baseball > Gang > Mexique > Sombreros. J’aime le
contraste entre nos morceaux pop et la batte qui renvoie au sport et à la violence.
Dans tous tes projets le visuel est quasiment aussi important que la musique, et tu
fais presque tout tout seul, mais pour l'album Kili Kili tu as décidé de laisser carte
blanche à DDDXIE (graphiste Lillois), ça c'est fait comment ?
Il est important de dire que je ne fais pas tout tout seul. Je fais les choses quand
on ne peut pas les faire à ma place et je demande de l’aide quand ça sort de
mon domaine de compétence. Par exemple, pour le système lumineux des ailes
dans Angel j’ai fait appel à Charles Durand et Mylène Farcy. J’ai connu Olivier
Durteste aka DDDXIE lorsque j’ai sorti le vinyl de Wolf chez Alpage Records.
Il travaillait pour eux comme graphiste. J’avais envie d’un autre regard que le
mien sur la pochette. Ce que j’aime chez Olivier c’est que son travail est d’une
certaine manière à l’opposé du mien : il travaille avec très peu de couleurs, il est
très « clean », minimaliste. Il est aussi très fort sur l’organisation du texte et les
typographies.
Le projet Black Bones à plus ou moins court terme c'est quoi, c'est quand, c'est
où ?
C’est un concert le 15 décembre au Petit Bain à Paris. Les dates de l’année 2018
vont arriver prochainement, le groupe signe chez le tourneur Caramba. L’occasion
pour moi de remercier Rodolphe Rouchaussé, notre manager et du coup
ex-tourneur de Black Bones qui a porté les projets avec son enthousiasme légendaire.
Nous allons défendre KILI KILI au moins jusqu’aux festivals d’été. Parallèlement
nous commençons l’enregistrement du deuxième album en février.
@blackbonesreims sur facebook
43
TEXTE anne-sophie velly
Portrait benoît pelletier
Après avoir émerveillé le public
avec sa trilogie où danseurs et
oiseaux partageaient la scène,
Luc Petton présente un nouvel
opus à l’Opéra de Reims.
Cette fois-ci, le chorégraphe
convie des loups, des chouettes
et des vautours pour nous
entraîner dans une « poétique
de l’effroi ». Un voyage chorégraphique
au cœur des ténèbres
qui interroge les liens de l’homme
avec la nature.
B
ballet
44
BALLET / AINSI LA NUIT
DANSE AVEC LES LOUPS
(ENTRE AUTRES…)
TEXTE anne de la giraudière
Il a fallu des années à Luc Petton
pour concevoir ces rencontres
singulières et poétiques, entre
danseurs et oiseaux. Formé auprès
d'Alwin Nikolais à New York puis à
l'école allemande Folkwang d'Essen,
il revient au milieu des années 80
en France où il fonde une compagnie
avec Marilen Iglesias Breuker à
Reims avant de créer la compagnie
Le Guetteur en 1994 en Picardie.
Mais il lui faut attendre le tournant
de l'an 2000 pour s'atteler à ce qui
lui tient vraiment à coeur : danser
avec des oiseaux. Il renoue ainsi avec
cette passion première de la nature
et de l’ornithologie, acquise au fil
de l'enfance, en Bretagne face à l'île
d'Ouessant. « Les danseurs et les
oiseaux ont beaucoup en commun :
le vol, le rêve, un langage qui dépasse
les frontières… » souligne le chorégraphe.
Une ode à un vivre ensemble
En 2005 naît La Confidence des
oiseaux qui réunit sur scène quatre
danseurs et une trentaine de
volatiles : pies, geais, corneilles…
évoluant librement sur scène.
Du jamais vu ! Avant Luc Petton,
dans le milieu de la danse, personne
n'avait osé prendre ce risque, ni affronter
le travail que cela représente :
trouver des oiseleurs qui acceptent
de participer à l'aventure, élever les
petits, les habituer à leurs partenaires
humains, selon un long protocole
d’imprégnation. La magie opère et la
pièce connaît un succès phénoménal.
Le chorégraphe offre quelques années
plus tard un superbe hommage au
Lac des Cygnes, avec Swan, puis se
confronte à l’exotisme des grues de
Mandchourie dans Lightbird.
Un triptyque qui marque les esprits
et fait de la chorégraphie une ode
à un vivre ensemble où humains et
espèces animales se respectent et
s’enrichissent mutuellement. Car il
s'agit bien de cela : vivre ensemble.
Une quête poétique que Luc Petton
mène pour, dit il, « montrer qu’une
relation est vraiment possible dès que
l’on imagine que l’être humain n’est
pas au centre de l’univers mais seulement
un être parmi d’autres ».
Vertiges de la nuit
Avec Ainsi la nuit, Luc Petton relève
un nouveau défi en invitant sur scène
deux loups, des chouettes lapones
(un des plus grands oiseaux nocturnes)
et des vautours. Autant d’animaux
à forte empreinte imaginaire
qui nous entraînent, du crépuscule
à l’aube, dans les vertiges de la nuit.
« Cette création, comme une poétique
de l’effroi, traite de peurs premières,
allant jusqu’aux frontières de
l’inconcevable quand l’être humain,
destitué de son statut de prédateur,
n’est plus que proie » explique le
chorégraphe. Pour ce spectacle, Luc
Petton a réuni trois danseurs contemporains
mais aussi deux circassiens,
un contorsionniste et une trapéziste,
issus du Centre National des Arts du
Cirque. « Cela m’intéressait d’aller
vers une autre corporalité que celle
du danseur, de travailler un autre
rapport à l’intégrité où le corps peut
se démembrer, presque se décomposer,
se « décarniser » en quelque
sorte. Dans l’écriture chorégraphique,
je cherche à accentuer la sauvagerie
du corps, intégrer l’anomalie, pour
libérer la partie « ensauvagée » de
l’humain. »
Même si la chorégraphie est écrite,
il y a toujours une grande part
d'imprévu dans le spectacle.
C’est ce qui rend chaque représentation
unique et si vivante. « L'important,
c’est ce qui se passe entre
l’homme et l'animal, cet entre-deux
mystérieux qui fait qu’un mouvement
devient soudain de la danse dans un
instant à la fois fragile et immortel »
poursuit le chorégraphe. Pour arriver
à tisser un tel lien, le travail est long,
respectueux, attentif. Dès leur sortie
de l’œuf, les chouettes et vautours ont
été approchés par les interprètes qui
sont venus chaque jour les nourrir,
les habituer à leur présence, à leurs
gestes, à toutes sortes de sons, bref
les « imprégner » pendant des mois.
Quant aux deux loups, Marcus et
Mitchum, nés en octobre 2016, ils
ont été élevés par le chorégraphe
lui-même avant d’être mis en contact
avec les danseurs pour apprendre à
travailler ensemble. « Les animaux ne
sont pas dressés, précise Luc Petton.
Je veux qu’ils restent libres. Il s’agit
d’une imprégnation réciproque des
animaux par les humains et vice
versa. L’objectif est que ni les uns ni
les autres ne deviennent de simples
faire valoir ». C’est cette relation
unique, faite d’écoute et de complicité,
qui fait la force de ses spectacles.
« L’animal ne joue pas, il apparaît tel
qu’il est. Il y a là une forme de vérité
que je cherche à faire éclore. L’enjeu
est de poser un autre regard sur la
nature et de faire ressentir un autre
rapport au monde ».
Ainsi la nuit à l'opéra
le Jeudi 21 déc. à 20H
et le vendredi 22 déc. à 20h30
www.operadereims.com
PHOTOgraphies alain julien
Le collectif assume toute l’année des
missions qui lui sont confiées par
Ludovic Lagarde le directeur de la
Comédie.
C’est Ludovic qui m’a d’abord proposé
de m’associer au théâtre et ensuite de
rassembler autour de moi une équipe
d’acteurs que j’ai eu la chance de pouvoir
sélectionner. C’est lui qui nous a
proposé de quitter nos appartements
et de mettre entre parenthèses nos
vies à Lyon, Paris, Marseille, Montpellier,
pour venir vivre à Reims.
Chacun a dû quitter les compagnies
avec lesquelles il travaillait afin de me
rejoindre sur les créations qui nous
attendent, un pari intime risqué mais
aussi un laboratoire humain et artistique
exaltant.
Je connais tous les acteurs du collectif
17 depuis des années, Benjamin Dussud
par exemple est mon plus vieil
ami, cela fait quatorze ans qu’on fait
du théâtre ensemble, on a commencé
dans la compagnie amateur de notre
village à la Verpillière et depuis on a
fait des dizaines de projets qui ont fini
par nous mener à Reims, vivre cette
expérience permanente.
On est huit artistes, comédiens, metteur
en scène/auteur, plus une assistante
à la mise en scène (Naïma Perlot-Lhuillier)
et on vit à Reims, à la
Comédie, pour faire du théâtre tous
les jours. On développe une méthode
de travail qui nous est propre, on a le
temps d’expérimenter et c’est important
aujourd’hui parce qu’en dehors
de notre contexte on ne trouverait
nulle part une telle liberté de création.
Je me rends compte, et c’est évident
quand on y pense, qu’un des territoires
de la liberté c’est le temps.
Pendant la première étape de travail
sur Les Bacchantes d’Euripide,
nous nous sommes retrouvés face à
six traductions différentes pour un
même texte, seulement six parce que
j’avais déjà fait une sélection avant le
début des répétitions. Mon but était
de construire un montage original,
d’aiguiser la langue du spectacle et de
la faire nôtre, nous en avons discuté
ensemble afin que les acteurs s’intègrent
pleinement au processus de
création. J’ai parfois réécrit une scène,
une chanson, retouché un mot parce
que l’épreuve du plateau, et donc le
jeu, révélait plus sa nécessité que celle
d’un autre.
C’est en cela que nous pouvons revendiquer
la démarche d’un « collectif »,
car chacun participe, en temps réel,
à l’élaboration du spectacle. Même si
j’interviens en tant que metteur en
scène, que je nourris mes projets parfois
des années avant de rassembler
l’équipe et que mon rôle est de prendre
des risques en déployant des axes
qui échapperaient au consensus, les
spectacles que j’orchestre ne seraient
pas ce qu’ils sont si je ne donnais pas
l’occasion aux comédiens avec qui je
travaille, mais aussi aux artistes techniciens
qui gravitent autour du collectif
17, de dépasser ce que l’on attend
habituellement d’un simple exécutant.
Dans un mois, lorsque nous attaquerons
les dernières semaines de préparation
avant la première des Bacchantes
en janvier, nous étudierons
un texte qu’aucune équipe au monde
n’aura jamais vu, et c’est une richesse
que de pouvoir faire entendre aux
spectateurs une poésie unique. Cette
richesse, c’est du temps, du temps
donné à une équipe à qui il faut faire
confiance… C’est un travail permanent.
En dehors de nos temps de travail en
huis-clos, nous tentons de nous familiariser
avec notre nouvel environnement.
Nous allons passer deux ans à
Reims, c’est à la fois très long et très
court. Il n’y a pas de quoi se projeter
sur le long terme mais il faut tout de
même trouver ses marques, dévelop-
collectif
per des habitudes et créer de l’intimité
avec ce qui devient peu à peu notre
« chez nous ».
En observant ce que chacun fait pour
s’acclimater à une ville étrangère on
s’interroge aussi sur les secteurs fondamentaux
de la cohésion sociale au
sein d’une cité.
Presque tous les acteurs du collectif
font du sport, ils ont des abonnements
dans différentes salles où ils
rencontrent un public qui ne connait
pas nécessairement le théâtre, on
oublie souvent qu’il est important
de décloisonner nos systèmes de fréquentations.
Depuis le début de l’année on a pu
visiter des lieux très variés qui nous
ont davantage rapprochés de Reims
en trois mois que de n’importe quelle
autre ville où j’ai pu vivre sur de plus
longues périodes : on a joué dans différentes
écoles, devant les garçons de
l’institut universitaire de technologie,
qui ne comptaient qu’une seule
théâtre en bande organisée
le collectif 17
à reims
Le jeune metteur en scène Ferdinand
Barbet est à la tête du Collectif 17,
un groupe de 7 comédiennes et comédiens
formé à l’invitation de Ludovic
Lagarde, directeur de la Comédie de
Reims, pour vivre une vie de théâtre à
temps plein. Une vie de troupe, 100 %
théâtre, que nous raconte Ferdinand,
depuis l’intérieur.
T
théâtre
47
TEXTE Ferdinand Barbet
© DR
fille dans leur classe, ou devant les
jeunes artistes plasticiens/graphistes
de L’ESAD.
On boit des verres en ville avant de se
rendre dans les maisons associatives
comme Ex-Aequo. On passe aussi par
des médiathèques où on peut croiser
des étudiants qui révisent ou de
jeunes pré-ados un peu perdus, que
leurs parents ont laissé là, comme s’il
s’agissait d’une garderie, parce qu’ils
n’ont pas le temps de s’en occuper.
À chaque fois on propose aux gens,
avec qui on sympathise, de venir
nous rendre visite à la Comédie,
notre quartier général, pour voir nos
spectacles ou pour discuter, c’est pas
si simple mais on essaye de rassurer
les gens sur la question de l’art. Je me
rends compte que notre métier inspire
parfois une certaine crainte ou
alors du mépris selon les cas, je ne sais
pas encore très bien comment casser
ce phénomène, qui n’est sans doute
pas autre chose que de la peur, mais
je sens, qu’au moins, nous essayons,
avec les moyens qui sont les nôtres, de
donner une place à la poésie dans la
ville, pour tous, démocratiquement.
Éloïse s’est rendue à la journée du
refus de la misère, elle y a rencontré
des bénévoles qui recherchaient
quelqu’un pour donner des cours de
théâtre à des personnes qui n’y ont pas
accès. Sa présence à Reims permettra
peut-être d’ouvrir de nouvelles portes
qui jusqu’ici demeuraient closes, car
la « permanence d’un artiste » en un
lieu, présente une vertu que je découvre
: elle me donne l’occasion de
m’engager à l’intérieur d’une ville, que
je pensais ne pas être la mienne.
J’aime rappeler que nous sommes
huit, parce que huit c’est le numéro
atomique de l’oxygène, et c’est justement
ça que devrait être un artiste
dans une ville : une poche d’oxygène
pour les asphyxiés, un souffle pour
les écorchés et une douce bise pour
les âmes complexes. Mais l’oxygène ça
brûle, c’est comme un avertissement :
« d’accord pour propager des feux intérieurs
tout autour de toi, mais attention
à ce que le feu ne te saute pas à la
figure pour te lécher les joues… »
Nous sommes cinq à vivre en collocation
depuis le début de l’année, je
peux vous assurer que cela rend le
facteur humain particulièrement important.
Quatre garçons et une fille,
Lucile. On répète toute la journée et,
le soir, tandis que les corps sont épuisés,
il faut encore lutter pour que le
vivre ensemble se fasse sans qu’on en
vienne aux armes. Mon esprit préoccupé
se balade et s’évertue à de grands
écarts du type : Qui a mal appris son
texte ?
Qui pourrait ranger son assiette
quand il a fini de manger ?
Qui a eu un mauvais comportement
dans le travail ?
Qui pourrait passer un coup de balais
de temps en temps ?
Je découvre que c’est aussi cela une
aventure de troupe.
Trois comédiennes vivent seules dans
leur appartement respectif, elles ont
choisi d’aborder cette aventure en prenant
un peu plus de distance.
Certes, ce n’est pas le même degré
d’immersion, mais c’est aussi ce
qui permet à l’ensemble du collectif
de pouvoir respirer. D’ailleurs,
ce sont elles, Camille et Éloïse, qui
cumulent le plus d’activité en dehors
des horaires de travail, elles ont pris
en charge un grand nombre d’ateliers
qui les mettent en contact avec les étudiants
et les lycéens rémois.
Le Collectif 17 proposera cette année
le spectacle Lysistrata d’Aristophane,
en tournée dans des lieux qui ne sont
pas censés accueillir du théâtre, et le
diptyque « Quelqu’un arrive et je ne
me connais plus » composé des Bacchantes
d’Euripide et de Narcisse que
j’ai écrit. Louise, le huitième élément,
que l’on commence à bien connaître à
Reims, nous rejoint pendant ces créations
à la Comédie.
J’écrirai pour Myrtille Bordier et le
spectacle Lève toi et Resplendis et
accompagnerai les étudiants en cycle
d’orientation professionnel de la
classe de la Comédie à l’occasion d’un
stage de formation pour les acteurs.
En parallèle, nous mènerons des ateliers
auprès des jeunes de la ville.
Lucas et Salim-Éric me rejoindront
avec Laurent Durupt pour la création
de la pièce musicale Dronocracy.
Le Collectif 17 est composé de Ferdinand
Barbet, metteur en scène, et des
comédiens et comédiennes Salim-Eric
Abdeljalil, Louise Dupuis, Benjamin
Dussud, Lucas Gentil, Éloïse Hallauer,
Lucile Oza et Camille Souterin. Naïma
Perlot-Lhuillier est assistante à la mise
en scène.
FRagrances
&
délit de bien-être
Marie et Agathe sont deux
filles à projets. Des projets en
cours, des projets à venir, des
projets réussis, des projets qui
essayent. Elles se cherchaient
chacune une partenaire particulière,
pour avancer en autonomie
et en confiance, chacune
dans leur domaine. Elles
se sont trouvées. Agathe, les
cheveux, Marie, des pieds à la
tête, et un seul credo, celui du
bien-être, classieux et séduisant.
Quand deux électrons libres se
rencontrent et se trouvent des atomes
crochus, c’est un big bang. C’est un
peu ce qui s’est passé rue des Elus, ces
derniers mois. Agathe voulait céder
un peu d’espace pour recentrer son
activité, Marie cherchait à s’installer
dans les meilleures conditions
possibles. Entre partenariat et indépendance
préservée, le shop in shop
Agathe – B.A.S.I.C. est né et savait
déjà marcher.
B.A.S.I.C. se définit à travers son
nom. B.ohème… A.udacieux…
S.ensoriel… I.ntemporel…
C.onceptuel… Marie a tout pensé,
afin que son concept store soit digne
de ses attentes et du pari lancé. Parce
que derrière, il y a plus que du challenge,
il y a des convictions. Après
plusieurs années d’expérience dans la
parfumerie grande distribution, au
sein du groupe LVMH, Marie a voulu
centrer sa passion sur l’essentiel.
La beauté, le bien-être, le parfum ne
peuvent être littéralement engloutis
par le business. Mais au-delà,
la consommation de masse annihile
la qualité des produits que l’on pose,
quotidiennement, sur notre peau.
Marie rêvait de mieux. Marie a
incarné cette mission qui était sienne.
Une utopie ?
Une utopie, peut-être. Celle d’un
retour aux bases, aux basics, aux
sources, à Reims, horizon B.A.S.I.C.,
ligne de mire réussite. Et comme
nous manquons cruellement d’utopie,
celle de Marie séduit et tient
bien debout. La boutique rompt
avec certains standards nocifs de
notre consommation actuelle : chez
Marie, quelques produits – beauté,
bien-être, parfum, déco, issus de
quelques marques triées sur le volet.
Pas de rayons interminables avec un
embarras de choix anxiogène. Pour
autant, la boutique ne perd pas de
vue ce qui, malgré tout, fait le plaisir
du consommateur : du packaging
soigné et attrayant, des déclinaisons
de parfums. Tout dans la cohérence.
Marie sait ce qui est beau, sait le
mettre en valeur. Marie sait ce qui
est bon, sait le rendre séduisant aux
clients. C’est le naturel qui engendre
du naturel.
Marques & senteurs
« Je ne travaille qu’avec des marques
confidentielles. Des marques qui font
le choix d’être choisies par des distributeurs
aux univers singuliers, avec
une philosophie de vente fraîche. »
confie Marie. B.A.S.I.C. doit montrer
patte blanche pour proposer ce
qu’elle veut proposer. House doctor,
Juliette has a gun, Ombres portées,
Maison Margiela, Bivouak, Etat
Libre d’Orange, L:a Bruket, Maison
Kerzon, Minois Paris, Meraki, Bonne
Nouvelle, Une Nuit Nomade, Room
1015, Frédéric Malle.
Ça sonne comme des titres de livres.
Ça incarne autant de promesses.
En effet, chaque nouveau produit
de ces marques est surprenant.
« Et derrière chacun d’eux, il y a un an
de travail, il y a un nez qui a travaillé
vraiment, il y a une imagination, une
histoire. » Abandonnant le marketing
pur, ces marques marginales privilégient
la création créative. Et quand
l’originalité rejoint l’éthique…
De l’importance des choix
C’est en choisissant le bon que se crée
un cercle vertueux. Le partenariat
d’Agathe et Marie s’enroule dans une
spirale positive de bienveillance et
de choix créatifs tournés vers le bien.
« Nous travaillons avec des personnes
qui veulent aller bien, s’en donner les
moyens. Agathe reçoit des clientes
qui viennent pour des prothèses
capillaires. Ce sont des femmes
qui ont conscience des enjeux
sanitaires de leurs choix. » Les deux
jeunes femmes, main dans la main,
deviennent donc ambassadrices,
ensemble, d’un avenir façonné de
simplicité et d’essentiel. Leurs créations
– d’entreprises, de shop in shop,
d’utopie – en portent les valeurs.
agathe coiffure
agathe petit
b.a.s.i.c. la crème de la crème
marie hauguenois
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B
business
49
TEXTE agathe cebe
PHOTOGRAPHIES benoît pelletier
FigureS
kyan khojandi
NOM
Kyan Khojandi.
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Faiseur de trucs plutôt marrants.
ÂGE
35 ans.
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Les moments d'ennui avec mon
meilleur ami Gautier. Qu'est-ce qu'on
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