Magazine PEEL #12
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<strong>#12</strong> avril - MAi 17
ffluves printanières = [S] & [Cl]<br />
Du Hip Hop et des allumettes. À lire ces mots on pourrait vite penser, effrayés par quelques vains discours<br />
extrémistes, que l’émeute couve. Que nenni messire ! Laissons ces oiseaux de mauvais augure à<br />
leurs poubelles, qui, au risque de les décevoir, ne vont pas brûler dans cette courte scène. Ici, il s’agit de<br />
culture, chose qui leur est quasiment étrangère. Il s’agit tout d’abord, de beatbox, cette technique du Hip<br />
Hop qui consiste à se muer en homme-orchestre avec rien d’autre que le son de sa bouche. Vous pourrez<br />
ainsi découvrir, en poursuivant votre lecture, le travail d’Adrien Contesse qui a élaboré un alphabet<br />
du beatbox avec son projet Vocal Grammatics. Il s’agit par ailleurs d’allumettes, ou plutôt d’hommes<br />
allumettes, œuvres totémiques du plasticien berlinois Wolfgang Stiller que vous avez sans doute pu<br />
voir exposées place des Vosges à Paris. Avec le mot Sushis, l’ambiance est tout de suite beaucoup plus<br />
chic et apaisée (sauf pour les poissons). Ici, nous vous parlerons des créations de la nouvelle carte de<br />
Guillaume Libert, le chef du restaurant japonais Matsuri, simplement exquises et (sub)aquatiques. On<br />
pourrait presque, accompagnés par quelques paroles Gainsbourguiennes aller se retrouver au fond de<br />
la piscine. Sous l’eau, ou sans eau. Vous vous souvenez sans doute de la soirée Underwater qui eut lieu<br />
dans le bassin vide de la piscine Talleyrand à Reims le 28 février 2004 ? Révolutionnaire ! Cette soirée,<br />
qui avait vu des groupes rémois (Klanguage et MyPark) ainsi que deux DJ (Ark et Krikor) se succéder<br />
jusqu’à une heure tardive au fond du bassin restera parmi les événements mythiques de la vie nocturne<br />
rémoise. Pour ceux qui ne connaitraient pas ou ceux qui voudraient se souvenir, nous avons procédé à<br />
une sorte de « déstratification », à découvrir plus loin. Si les flashs stroboscopiques ne vous aveuglent<br />
plus, vous pourrez percevoir, dans notre cahier spécial, l’hommage que nous rendons au grand photographe,<br />
hélas disparu, Gérard Rondeau, dont une des dernières grandes expositions eut lieu au cellier,<br />
à Reims, fin 2015. Explorer, c’est ce que font à leur manière les artistes de l’expocollective organisée<br />
dans le prolongement de la nuit numérique au Centre St Exupéry : un événement Magique, Joyeux et<br />
Créatif. Après quelques images d’une charmante playlist musicale dessinée par Anne-Sophie Velly, nous<br />
convions enfin Feu Robertson et son univers psyché-stratosphérique pour vous inviter à tourner les<br />
pages de ce douzième numéro du magazine Peel, qui peut, le cas échéant, vous servir d’éventail en cas<br />
de forte chaleur soudaine. Joli printemps !<br />
Ce numéro comporte un supplément de 24 pages<br />
sur l’œuvre du photographe Gérard Rondeau en double page centrale.<br />
Le magazine Peel est édité<br />
par Belleripe SARL.<br />
Tous droits réservés.<br />
Toute reproduction, même<br />
partielle est interdite, sans<br />
autorisation.<br />
Le magazine Peel décline<br />
toute responsabilité pour<br />
les documents remis.<br />
Les textes, illustrations<br />
et photographies publiés<br />
engagent la seule<br />
responsabilité de leurs<br />
auteurs et leur présence<br />
dans le magazine implique<br />
leur libre publication.<br />
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gratuitement dans 150 points<br />
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<strong>Magazine</strong> à parution<br />
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EN COUVERTURE<br />
© Gérard Rondeau<br />
ÉDITEUR / Dir. de publication<br />
Benoît Pelletier<br />
rédacteur en chef<br />
arts / musique / édito<br />
Alexis Jama-Bieri<br />
directeur créatif<br />
Benoît Pelletier<br />
RÉALISATION GRAPHIQUE<br />
www.belleripe.fr<br />
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08 / grand peel board<br />
10 / peel good<br />
12 / Wolfgang stiller<br />
Métaphore de l'impermanence<br />
18 / magnifique society<br />
20 / Adrien contesse<br />
24 / GÉRARD RONDEAU<br />
32 / EXPOCOLLECTIVE<br />
[kin stezi]<br />
38 / Manuela Marques<br />
La force de Coriolis à l'épreuve du Cellier<br />
40 / Feu Robertson<br />
les troubles de l’amour romantique<br />
44 / 28.02.2004<br />
UNDERWATER<br />
contributeurs<br />
48 / guillaume LIBERT<br />
chef référent des restaurants matsuri<br />
ALEXIS<br />
JAMA-BIERI<br />
dirigeant culturel<br />
Reims<br />
BENOÎT<br />
PELLETIER<br />
directeur créatif<br />
photographe<br />
Reims<br />
JULES<br />
FÉVRIER<br />
journaliste<br />
& photographe<br />
REIMS<br />
AGATHE CEBE<br />
rédactrice &<br />
journaliste freelance<br />
REIMS<br />
Jérôme<br />
Descamps<br />
réalisateur<br />
& montreur de films<br />
Reims<br />
JEAN<br />
DELESTRADE<br />
souplesse &<br />
décontraction<br />
Reims<br />
SYLVÈRE<br />
HIEULLE<br />
OVNI (& accessoirement<br />
photographe)<br />
Reims<br />
Anne-sophie<br />
velly<br />
DA de Maison Vide<br />
art contemporain,<br />
musiques & confettis<br />
Reims
La playlist dessinée<br />
d'anne-sophie velly<br />
www.mixcloud.com/salsifi-velly/<br />
Karaocake<br />
Summertime<br />
La voix de Camille Chambon et les arrangements<br />
de Stéphane Laporte nous emportent dans un spleen<br />
dans lequel on se love sans réfléchir. Un « summertime »<br />
ravissant, tout en nuance… C’est beau.<br />
Aldous RH<br />
Sensuality<br />
Prince made in Manchester mixé avec Connan Mockasin :<br />
un mariage de goûts tout à fait maîtrisé qui attise la gourmandise.<br />
À l'écoute de « Sensuality » on se laisse aller à<br />
bouger la tête puis les épaules pour descendre lentement<br />
jusqu’au creux des reins… Souriez, vous ondulez.<br />
Alden Penner<br />
Lost the skin<br />
En boucle pendant 8 jours je dirais… Fragile et d’une<br />
jolie simplicité on s’accroche à la voix d'Alden Penner<br />
comme si elle ne tenait qu’à un fil. C’est lumineux comme<br />
un matin d’automne. Comme lorsqu'on entre dans l’hiver<br />
mais qu’on s’accroche à l’été avec obstination.<br />
Malik Djoudi<br />
Peur de rien<br />
« Tu sais j’ai peur de rien, à part du vide, qu’il anime mes<br />
lendemains ». Malik nous emmène avec lui dans cette apesanteur<br />
personnelle. On le suit les yeux fermés dans un<br />
rassurant brouillard, parce que tu sais, j’ai peur de rien…<br />
Juliette Armanet<br />
L’indien<br />
« Flèche, pas farouche Full bouche à bouche ».<br />
L’amour acidulé, ça pique et c’est bon. Pour l’amour d’un<br />
sioux, on ferait n’importe quoi.<br />
Kumisolo<br />
Ping-Pong Machine<br />
« Tu ne peux pas perdre au ping-pong machine ».<br />
Une partie de ping-pong en Yukata dans un western<br />
franco-japonais des année 60 ? Nous y sommes.<br />
C’est frais, c’est pop, c’est Kumisolo. Jouez votre coeur<br />
au ping pong, il n’y a pas de perdant.<br />
Andy Shauf<br />
The magician<br />
Difficile de choisir un morceau d'Andy Shauf, j’éprouve<br />
un intérêt complètement déraisonnable pour chacun<br />
d’eux. Une voix timide, des mélodies fortes, une atmosphère<br />
cotonneuse, un personnage fragile. C’est fin, c’est<br />
juste, c’est simple. Andy Shauf c’est un musicien-équilibriste<br />
qui irait du sommet d’une montagne à un autre en<br />
marchant sur une corde sensible, sans filet de sécurité,<br />
en observant ce qui se passe en bas sans jamais vaciller.<br />
Drugdealer & Weyes blood<br />
Suddenly<br />
Retour vers le futur, nous sommes dans les 60’s.<br />
Dans le salon une boule à neige prend la poussière sur<br />
la cheminée, et puis tout a coup quelqu’un décide de<br />
la secouer et l’atmosphère change. Dans « suddlenly »<br />
Natalie Mering, l’énigmatique chanteuse de Weyes blood<br />
nous souffle à l’oreille une douce et agréable solitude.<br />
On passe d’un plan fixe à un traveling au ralenti tout en<br />
finesse. On flotte.<br />
Black bones<br />
you're the tomb<br />
Quand une bande de joueurs de baseball coiffés de sombreros<br />
fluos se mettent à jouer des maracas la nuit sur<br />
une plage à Cancun tout en buvant des verres de Mezcal.<br />
Forcément, c’est joyeux, et ça ressemble à un aller simple<br />
dans une dimension parallèle.<br />
Un projet indéfinissable et addictif, on reprendrait bien<br />
un verre de Mezcal avec eux sous la lune.
8 évènements à ne pas rater<br />
en avril - Mai<br />
QUOI " Province ",<br />
une exposition sur<br />
un livre.<br />
Quand Jusqu'au 30<br />
avril.<br />
Où Lieu minuscule.<br />
: L'agence d'architecture<br />
GENS publie<br />
" Province ", un livre<br />
d'images illustrant le<br />
travail d'un peu plus<br />
d'une décennie.<br />
le-lieu-minuscule.tumblr.com<br />
QUOI Moyen Âge<br />
et publicité.<br />
Quand Du 29 mars<br />
au 31 décembre.<br />
Où Tour Jean Sans<br />
Peur, 20 rue Étienne<br />
Marcel - Paris.<br />
: Comment communiquer<br />
sur les événements<br />
commerciaux, les<br />
festivités, les condamnations<br />
en justice dans<br />
un monde où le petit<br />
peuple ne sait pas lire<br />
et où les journaux<br />
n'existent pas ?<br />
www.tourjeansanspeur.com<br />
© dr © dr<br />
© dr<br />
© dr<br />
QUOI The radical Eye<br />
Quand Jusqu’au<br />
21 mai.<br />
Où La Tate Modern -<br />
Londres<br />
: Cette exposition met<br />
en lumière une sélection<br />
de photographies datant<br />
de 1920 à 1950, prêtées<br />
gracieusement par Elton<br />
John. Un must-see<br />
à Londres.<br />
www.tate.org.uk<br />
QUOI Le Grand Jeu,<br />
de Céline Minard<br />
(Éditions Payot Rivages)<br />
Où Dispo dans toutes<br />
les bonnes librairies.<br />
: Un roman magnifique<br />
sur la solitude, quand<br />
une femme quitte<br />
tout pour vivre dans<br />
un refuge high tech<br />
accroché à la paroi d’un<br />
massif montagneux.<br />
Face à soi-même et face<br />
aux éléments. Un récit<br />
beau et intense.<br />
www.payot-rivages.net<br />
QUOI Mécaniques<br />
remontées.<br />
Quand Du 23 mars<br />
au 06 août.<br />
Où Le CENTQUATRE,<br />
5 rue Curial - Paris.<br />
: Zimoun investit<br />
les espaces avec ses<br />
sculptures sonores pour<br />
sa plus grande exposition.<br />
Constituées de<br />
petits objets, ses œuvres<br />
envoûtent le visiteur,<br />
tout en modifiant sa<br />
perception de l’espace.<br />
www.104.fr<br />
QUOI Duo des halles,<br />
une démarche artistique<br />
au cœur des marchés...<br />
Quand 2017-2018.<br />
Le calendrier des<br />
interventions adoptera<br />
le rythme des saisons.<br />
Premières sessions fin<br />
avril-début mai.<br />
Où Halles du Boulingrin.<br />
: La démarche<br />
de Romuald Ducros,<br />
est de photographier<br />
les clients des marchés<br />
de façon étudiée et<br />
artistique dans une<br />
structure démontable<br />
installée parmi les<br />
commerçants.<br />
© dr © dr<br />
© dr<br />
QUOI Les rendez-vous<br />
culinaires du Boulingrin.<br />
Quand Chaque 1 er<br />
vendredi du mois<br />
de 10h à 12h.<br />
Où Halles du Boulingrin.<br />
: Chaque 1 er vendredi<br />
du mois, un chef vient<br />
concocter en public une<br />
recette de son choix.<br />
QUOI Les Puces<br />
de Reims.<br />
Quand Chaque 1 er<br />
dimanche du mois<br />
à partir de 9h à 17h.<br />
Où Halles du Boulingrin.<br />
www.europuces.com<br />
© r. ducros
LA<br />
CARTONNERIE<br />
PRINTEMPS MMXVII<br />
AOU<br />
CHA CHA CHA<br />
ET MES YEUX DANS TES YEUX<br />
D E L U X E<br />
JOSÉ JAMES I TEENAGE KICKS #4<br />
MOUNTAIN BIKE I WILLIAM Z VILLAIN<br />
POGO CAR CRASH CONTROL<br />
LADY SIR I TOOTS & THE MAYTALS<br />
LA MAGNIFIQUE SOCIETY<br />
19, 20 & 21 MAI AU PARC DE CHAMPAGNE<br />
AIR I MODERAT I JAMIE CULLUM<br />
AGNES OBEL I CAMILLE I VITALIC ODC LIVE<br />
BOYS NOIZE I GREGORY PORTER<br />
MØME I HER I THEE OH SEES<br />
FISHBACH I TALISCO I JACQUES<br />
PARADIS I LORENZO I THYLACINE<br />
et tellement d’autres choses encore<br />
AOU CHA CHA CHA ! est une citation empruntée à “L’Amour à la Plage” de Niagara<br />
LA CARTONNERIE<br />
scène des musiques actuelles i reims<br />
84 RUE DU DR. LEMOINE 51100 REIMS I T. 03 26 36 72 40<br />
WWW.CARTONNERIE.FR<br />
LACARTONNERIEDEREIMS<br />
@ C A R T O R E I M S
par<br />
agathe cebe<br />
andy shauf<br />
Il est Canadien, originaire du Saskatchewan.<br />
Et s’il est peu connu du grand<br />
public, il est l’un des artistes les plus<br />
talentueux de la musique folk contemporaine,<br />
l’égal d’un Sufjan Stevens.<br />
Comme le songwriter américain,<br />
il creuse son propre sillon, sur les traces<br />
d’un Elliot Smith trop tôt disparu.<br />
L’ancien musicien punk aux mélodies<br />
désormais bien adoucies est rare en<br />
Europe. Son passage à Reims est<br />
exceptionnel. Pour le reste, le « concert<br />
à emporter » qu’il a donné pour<br />
la Blogothèque voici un an devrait<br />
achever de vous convaincre.<br />
Le vendredi 16 juin, au Cryptoportique,<br />
dans le cadre de Place aux Spectacle,<br />
sur une invitation de Velours<br />
Brel ressuscité<br />
Il n’y a pas besoin d’hologramme pour faire<br />
revivre un artiste. Et, pour preuve, du 4 au 13 mai,<br />
au Bar de la Comédie, on entendra du Brel. C’est<br />
Olivier Vaillant, auteur, compositeur, interprète<br />
et multi-instrumentiste, qui se charge de donner<br />
un second souffle au chanteur. Accompagné de<br />
musiciens, d’un vidéaste designer sonore et d’un<br />
scénographe, il met à profit son nouvel univers<br />
musical, et, en gardant l’authenticité des textes<br />
de Brel, propose aux spectateurs un voyage<br />
sonore électronique. L’ensemble va bien au-delà<br />
des grandes orchestrations de l’époque, et une<br />
écoute inédite de Brel s’impose, dans une ambiance<br />
conviviale de cabaret. C’est du sang neuf<br />
qui circule dans les veines de notre cher Jacques,<br />
qui ne nous quitte jamais vraiment pour de bon.<br />
Cabaret Brel – du 4 au 13 mai – Bar de la Comédie<br />
Infos et réservations : 03 26 48 49 00<br />
Transistor<br />
fantôme<br />
Bruit Fantôme hante à nouveau le<br />
spectre de la musique rémoise. Transistor<br />
Galaxii sort un nouvel EP, Origamii,<br />
cinq morceaux qui vibrent de plusieurs<br />
influences. Stan Adry, derrière le masque<br />
de Bruit Fantôme, derrière le masque<br />
de Transistor Galaxii, musicien et<br />
membre du collectif Vapeur, propose<br />
un parcours nocturne, embarquant dans<br />
une hypnose mélancolique et spleenétique.<br />
Flottant entre des univers spatioculturels,<br />
le son de Transistor Galaxii<br />
résonne dans l’inconscient de chacun,<br />
se plie et se déplie, pour se recomposer<br />
à chaque écoute. Ce poltergeist musical<br />
est chez Highlife Recordings, en écoute<br />
et en téléchargement sur Spotify,<br />
Deezer et Itunes.<br />
Infos : facebook @transistorgalaxii<br />
et @highliferec<br />
Aux pieds du mur<br />
Parce que mai est le mois des festivals,<br />
il en est un qui virevolte, du 16 au 23 mai.<br />
Hors les Murs propose des spectacles et<br />
performances de danse contemporaine,<br />
sur diverses scènes rémoises, au Cellier,<br />
au Conservatoire, au Manège. Le Laboratoire<br />
Chorégraphique compose cette 12 e<br />
édition du festival à travers les thèmes<br />
des légendes, du désir et de la sagesse :<br />
vaste programme pour célébrer le corps<br />
et l’espace. Bien installé sur la scène<br />
culturelle rémoise, le festival Hors les<br />
Murs fait découvrir au public des artistes<br />
émergents, des prestations surprenantes,<br />
des créations rémoises, et des compagnies<br />
étrangères. Dans ou hors les murs,<br />
l’art vivant de la danse sait toujours se<br />
faire une place.<br />
Festival Hors les murs – 16-23 mai<br />
Infos et résas : 03 26 40 02 41
Lapie qui parle<br />
L’artiste rémois Christian Lapie se prête<br />
à un dialogue avec Yves Laval, président<br />
de la Société des Amis des Arts et de<br />
Musée. Le 3 mai, dès 18h30, dans la salle<br />
La Môme Moineau du Cellier, l’artiste évoquera,<br />
sur le thème de « L’homme dressé »<br />
ses sculptures monumentales. Erigés<br />
partout dans le monde, ces géants de<br />
bois brut et comme brûlé sont issus d’une<br />
inspiration mystique de la forêt amazonienne.<br />
Aujourd’hui, une de ces œuvres<br />
est visible dans la cour du musée des<br />
Beaux-Arts de Reims, et cette conférence<br />
est l’occasion, pour les rémois, de mieux<br />
comprendre le processus créateur d’un<br />
artiste proche de sa ville, et qui emporte<br />
malgré tout dans la grande diversité<br />
esthétique du monde.<br />
Conférence / échange au Cellier<br />
2 rue de Mars – 3 mai à 18h30<br />
Infos et réservations<br />
03 26 24 58 20<br />
Dédale de Glass<br />
9<br />
Pendant ses trois jours d’Avant-Garde, la Magnifique<br />
Society propose des concerts qui n’ont jamais si<br />
bien porté leur nom. Car avant-gardistes, ils le sont,<br />
si l’on en croit l’œuvre de Philip Glass, jouée le 18<br />
mai, au Palais du Tau. Le Centre des monuments<br />
nationaux, partenaire du concert, a rendu possible<br />
son accueil dans ce haut lieu patrimonial. D’ailleurs,<br />
plus qu’un concert, il s’agit d’une performance<br />
musicale et sonore inédite, où une grande partie<br />
de l’orchestration est laissée à la magie du hasard.<br />
« Music with Changing Parts » est une composition<br />
construite en 1970 et qui doit sa longévité à son<br />
ouverture. En effet, la partition fait la part belle à<br />
la liberté d’évoluer, au gré des interprétations et des<br />
représentations. Philip Glass a écrit des modules<br />
répétitifs, qui sont joués, les uns après les autres,<br />
et qui se distinguent par leurs instrumentalisations<br />
et leurs durées. En concert, habituellement, c’est<br />
Philip Glass qui permet de passer d’un module<br />
à un autre, quand ça lui chante, quand la création<br />
musicale le permet. Chaque représentation est<br />
unique, et c’est pour cela que la Magnifique Society,<br />
dans le versant expérimental de son festival, a<br />
décidé de vous le proposer, comme une aventure<br />
sonore inédite, ondulant entre le passé et le futur.<br />
Le 18 mai, c’est l’ensemble DEDALUS qui prend<br />
à bras le corps ce monument musical pour en<br />
donner une interprétation nouvelle et singulière.<br />
Saxophones, piano, percussions, flûte et guitare<br />
s’entêtent autour de la partition de Philip Glass.<br />
Un moment hypnotique, assurément. Le concert<br />
sera précédé d’une conférence, à 18h30, à la médiathèque<br />
Falala, de Joseph Ghosn, sur les répétitifs<br />
américains, dont mister Glass. Un before instructif.<br />
« Music with Changing Parts », de Philip Glass,<br />
par l’ensemble Dédalus Le 18 mai au Palais du Tau<br />
2 place du Cardinal Luçon<br />
Infos et réservations : lamagnifiquesociety.com
ASPERGE VERTE<br />
DE ROBERT BLANC,<br />
CHAMPIGNON, BOUILLON LÉGER<br />
par arnaud lallement<br />
Recette pour 4 personnes<br />
Temps de préparation : 20 mn<br />
Temps de cuisson : 20 mn<br />
ASPERGE<br />
8 asperges | 20 g de beurre<br />
Couper les pointes de huit asperges. Faire blanchir pendant 2 à<br />
3 mn. Glacer au moment avec du beurre. Dans les deux asperges<br />
restantes couper huit lamelles fines.<br />
morille<br />
150 g de petites morilles | 10 g de beurre | sel | poivre<br />
Parer les morilles. Réserver les parures. Poêler au beurre. Assaisonner.<br />
Bouillon de champignons<br />
200 g de champignons de paris et parures de morilles | 50 g de<br />
beurre | 500 g d’eau<br />
Faire revenir les champignons et les parures au beurre. Ajouter<br />
l’eau. Faire cuire et réduire à 100 g. Monter le bouillon au beurre.<br />
Jus vert<br />
200 g de pousses d’épinard<br />
Faire blanchir les pousses d’épinards. Mixer avec un peu d’eau. Passer<br />
au chinois. Verser un peu de cette purée dans une pipette.<br />
CROUTONS<br />
2 tranches de pain de mie<br />
Couper huit ronds de 2 cm. Poser sur une plaque. Arroser d’un filet<br />
d’huile d’olive. Cuire au four à 180°C pendant 5 mn.<br />
Avec Julien, nous nous connaissons depuis<br />
vingt ans, raconte Arnaud Lallement,<br />
nous avons vécus ensemble des moments<br />
extraordinaires. Je trouve sa cuvée Saint<br />
Vincent superbe, particulièrement le millésime<br />
1996, très droit dans les premières<br />
gorgées, et qui se révèle croquant au fil<br />
de la dégustation. Ce parallèle me fait<br />
penser à l’asperge verte, moins connue<br />
que la blanche en Champagne. J’ai découvert<br />
celles du producteur Robert Blanc il<br />
y a vingt ans chez Alain Chapel et j’en suis<br />
tombé amoureux. À l’époque, personne<br />
n’en faisait d’aussi belles. Elles étaient<br />
magnifiques, alignées bien droites, les<br />
unes à côté des autres, assemblées,<br />
calibrées, fagotées en cortège harmonieux.<br />
J’aime le côté sauvage, presque<br />
mystérieux de l’asperge. C’est un végétal<br />
particulièrement délicat en cuisson si l’on<br />
veut en saisir toute la subtilité. Son apparente<br />
raideur dévoile en bouche une riche<br />
palette où les amers se combinent à des<br />
notes douces et pulpeuses, où le craquant<br />
se fait tendre et fondant…<br />
Dressage<br />
Poudre de champignons<br />
Faire un rond de poudre de champignons dans chaque assiette.<br />
Disposer deux pointes et deux lamelles d’asperges. Ajouter deux<br />
croûtons. Disposer trois morilles autour. À l’aide de la pipette,<br />
faire un trait de jus vert. Servir le bouillon à table.<br />
ASPERGE VERTE DE ROBERT BLANC, CHAMPIGNON, BOUILLON LÉGER © matthieu cellard
écit de cuisine<br />
Le thé à la menthe<br />
de Alassane<br />
un récit autour d'une recette<br />
ou une recette autour d'un récit<br />
par Jérôme descamps<br />
Ingrédients<br />
2 boîtes de 25 gr de thé vert de Chine<br />
1 bouquet de menthe fraiche<br />
Sucre (à votre goût)<br />
1 broc d’eau claire<br />
Ustensiles nécessaires<br />
1 saladier ou récipient en métal avec un peu d’eau<br />
4 petits verres à thé<br />
1 braséro + charbon de bois<br />
2 petites théières en métal<br />
1 gobelet en métal pour transvaser le thé<br />
Au Sénégal et au Fouta particulièrement, le thé<br />
à la menthe accompagne tout moment de convivialité.<br />
C’est une cérémonie quotidienne à laquelle<br />
Alassane, jeune homme souple et rieur, apporte<br />
le plus grand soin tout en se mêlant aux conversations<br />
de la cour. Il faut être patient, ce temps fait<br />
partie de l’échange, il doit être prolongé. Le service<br />
se fait en trois thés, du plus fort au plus léger<br />
(à Dakar on dit que le premier thé est amer comme<br />
la mort, le deuxième doux comme la vie et le troisième<br />
sucré comme l’amour).<br />
Alassane allume le charbon de bois dans le braséro,<br />
verse la boîte de thé et l’eau dans l’une<br />
des théières qu’il met à bouillir directement<br />
sur les braises.<br />
Pendant ce temps, il nettoie ses ustensiles, rince<br />
les verres et la menthe et mange une tranche<br />
de pastèque.<br />
Dans la seconde théière, il met le sucre (ici on sert<br />
le premier thé assez sucré) puis il verse le thé bouillant<br />
dans cette théière et reverse de l’eau dans<br />
la première qu’il remet à bouillir (il prépare toujours<br />
par avance les autres services).<br />
Le transvasement commence de la seconde théière<br />
vers le gobelet en aérant bien le thé pour progressivement<br />
dissoudre complètement le sucre et créer de<br />
la mousse. J’ai compté plus de vingt transvasements<br />
d’un récipient à l’autre, Alassane dit qu’il aime ce<br />
geste d’équilibriste.<br />
Il goûte et réajuste le sucre si nécessaire. Quand<br />
une très légère odeur de caramel flatte les narines<br />
et que la mousse se densifie, il commence à en<br />
verser dans chaque verre.<br />
Puis, il plonge la poignée de menthe fraiche dans<br />
le thé et recommence les transvasements. Tous les<br />
deux / trois transvasements, il recueille la mousse,<br />
la dépose dans chaque verre et verse le trop plein<br />
de liquide des fonds de verre dans le gobelet.<br />
Quand les verres sont pleins de mousse, il fait<br />
réchauffer le thé en prélevant un peu du précieux<br />
liquide. Il regarde ses sms puis verse le trop plein<br />
prélevé dans un verre pour faire descendre la<br />
mousse au fond et renouvelle l’opération dans<br />
chaque verre.<br />
Il verse le thé jusqu’à ce que la mousse déborde<br />
légèrement et fait servir immédiatement. La fabrication<br />
dure autant qu’il y a d’invités.<br />
Aspirer la mousse, c’est déjà boire le thé à la<br />
menthe, la cuisine moléculaire existe dans toute<br />
l’Afrique depuis quelques centaines d’années,<br />
cet espuma de thé est une merveille.<br />
Ce sont les plus jeunes qui servent le thé. Où que<br />
vous vous trouviez dans la concession, ils vous<br />
retrouveront pour que vous buviez vos trois thés.<br />
Comme dans les communions ou les mariages en<br />
France, les petits serveurs, finissent les verres car<br />
le thé est réservé aux adultes. J. D.<br />
La recette simple<br />
de Guillaume Libert<br />
chef référent des restaurants matsuri<br />
Tartare de coquilles Saint-Jacques<br />
Saint-Jacques sans corail | Pommes Granny Smith | Jus<br />
de yuzu | Huile d’olive | Pâte de miso blanc | Ciboulette<br />
Découpez les Saint-Jacques et les pommes<br />
en dés. Réservez au frais dans des bols<br />
séparés. Préparer la sauce en mélangeant<br />
le jus de yuzupon, l’huile d’olive et un peu<br />
de pâte de miso blanc. Juste avant de servir,<br />
brasser délicatement dans un saladier<br />
les dés de Saint-Jacques et de pommes<br />
et la sauce. Servez en petits bols parsemés<br />
de ciboulette ciselée.<br />
" Ceci n’est pas<br />
un bouquet ",<br />
mais une création de Marie<br />
Guillemot, une fleuriste<br />
(qui " ne voulait pas faire<br />
fleuriste " cf Peel 8)<br />
à la démarche singulière,<br />
spécialiste du pas de côté<br />
végétal. Un bouquet<br />
presque traditionnel pour<br />
ce numéro 12. Presque.<br />
www.marieguillemot.fr
art contemporain<br />
1_<br />
2_
2<br />
art contemporain<br />
Wolfgang<br />
stiller<br />
Métaphore de l'impermanence<br />
Il y a quelques semaines, alors<br />
que je me rendais d’un pas<br />
rapide au Centre Pompidou,<br />
mon regard fut attiré ou plutôt<br />
aspiré, alors que je traversais<br />
la place des Vosges, par<br />
l’exposition des Matchstick<br />
men de l’artiste berlinois<br />
Wolfgang Stiller à la galerie Mark<br />
Hachem. Poussé par le besoin<br />
d’explorer son œuvre, je franchissais<br />
l‘entrée de la galerie<br />
d‘art, pour une rencontre avec<br />
les Matchstick men, sortes<br />
d’allumettes géantes dont<br />
l’extrêmité représente une tête<br />
consummée. On imagine alors<br />
l’odeur du souffre qui habituellement<br />
accompagne le craquement<br />
de l’allumette, l’écair<br />
instantanné et la combustion<br />
rapide de la tête d‘allumette.<br />
Mystique et totémique.<br />
Wolfgang Stiller est un artiste<br />
allemand né en 1961 en RFA<br />
qui a suivi des études d’art à<br />
Düsseldorf. Il a vécu et travaillé<br />
notamment à New-York et Pékin<br />
et s’est installé depuis plusieurs<br />
années à Berlin.<br />
Interview.<br />
Quelle est la première œuvre que vous<br />
avez réalisée ?<br />
Je ne suis certainement pas ce genre<br />
d'artiste qui a déjà commencé à peindre<br />
à l’âge de trois ans. Evidemment, nous<br />
avons tous peints en étant enfants, mais<br />
sans créer d‘oeuvre intentionnellement.<br />
J'ai envisagé l'art comme un sujet<br />
majeur lorsque j'ai commencé à étudier<br />
le design graphique. Je réalisais notamment<br />
des études de natures mortes et<br />
des dessins de nus. Puis je me suis inscrit<br />
à l'académie d'art de Düsseldorf qui<br />
était à l'époque la meilleure école d'art<br />
en Allemagne. J'ai toujours travaillé<br />
avec les lignes et l'espace. À un certain<br />
moment j'ai commencé à appliquer du<br />
fil à la toile pour y connecter des objets.<br />
Au fil du temps, j'ai abandonné la<br />
toile et commencé en 1984 à créer des<br />
dessins à partir de fils : je les considère<br />
comme mes premières sculptures<br />
réelles, même si ces fils ont simplement<br />
opéré une description de l'espace.<br />
par des artistes tels qu'Alberto Giacometti,<br />
Francis Bacon et Joseph Beuys.<br />
Partez-vous d’une idée ou plutôt d‘un<br />
matériau pour concevoir vos œuvres ?<br />
J'ai deux façons différentes d'aborder<br />
une nouvelle série d'œuvres.<br />
La première est celle que j'utilise le plus<br />
souvent : je pars d‘une idée ou d‘un<br />
concept qui me vient à l'esprit et je<br />
recherche le matériel idoine pour transformer<br />
l'idée ou le concept en un travail<br />
en trois dimensions. L'autre approche<br />
part de matériaux que je rencontre<br />
accidentellementet qui ne demandent<br />
qu'à être transformés en œuvre d'art.<br />
Par exemple, j'ai effectué, il y a quelques<br />
années, une résidence d'artiste de deux<br />
mois à Taiwan et je prévoyait réaliser<br />
des travaux en latex pour l'exposition<br />
de rendu de résidence, quand j'ai<br />
accidentellement découvert des pièges à<br />
crevettes qui ont changé la direction de<br />
ma réflexion. J'ai alors utilisé ces pièges<br />
à crevettes pour créer une installation,<br />
radicalement différente de mon idée<br />
originelle.<br />
Quelles sont vos influences majeures ?<br />
Pour n'en citer que quelques-unes,<br />
j'ai pour diverses raisons été influencé
art contemporain<br />
3_<br />
Avec quels matériaux préférez-vous<br />
travailler (latex, métal, verre, bois,<br />
résine…) ?<br />
Comme je l'ai mentionné précédemment,<br />
je choisis le matériau qui me<br />
semble le plus adapté pour le travail<br />
que j'ai à l'esprit. Dans l’absolu, j'utilise<br />
pour mes œuvres tous types de matériaux<br />
en les détournant de leur usage<br />
d'origine, et j'apprécie particulièrement<br />
en exploiter de nouveaux.<br />
Le lieu d’exposition a-t-il une importance<br />
particulière dans la conception<br />
de vos œuvres?<br />
Je travaille toujours avec le lieu<br />
d'exposition, car beaucoup de mes<br />
œuvres sont des installations. En tant<br />
qu'installateur, je prête une attention<br />
particulière à l'espace que j'inclus<br />
comme élément de l'œuvre finale.<br />
Une même œuvre peut donc en effet<br />
sembler tout à fait différente dans un<br />
espace différent. Parfois un espace va<br />
m’inspirer particulièrement et m'amener<br />
à créer quelque chose que je n'avais<br />
pas pensé avant. Il est donc très important<br />
pour moi de montrer mes œuvres<br />
dans l'environnement approprié.<br />
Par exemple, l'année dernière j'ai<br />
choisi de refuser une exposition solo<br />
en France qui était organisée dans un<br />
bâtiment ancien converti en espace<br />
d'art parce que je n'ai pas ressenti de<br />
connexion avec le lieu.<br />
Vous avez réalisé des sortes de « cabinets<br />
de curiosités », puis diverses formes<br />
d’installations avant de concevoir les<br />
Matchstick men. Comment vous est<br />
venue cette idée d’hommes allumettes ?<br />
Alors que je vivais à Pékin, j'ai été<br />
amené à concevoir des mannequins<br />
pour un film sur l'occupation japonaise<br />
en Chine sur lequel je travaillais.<br />
Durant mes recherches documentaires,<br />
j'ai découvert des photographies de<br />
décapitations qui m'ont perturbées.<br />
En voyant ces images de décapitations,<br />
je me suis rendu compte à quel<br />
point une tête humaine était différente<br />
lorsqu'elle était séparée de son corps.<br />
J'ai alors conservé les moules des têtes<br />
que j'ai utilisés pour ce film. Puis plus<br />
tard, j'ai commencé à jouer avec des<br />
morceaux de bambou que j'avais dans<br />
mon atelier en y attachant les têtes.<br />
Peu à peu, ces bâtons surmontés de
4<br />
art contemporain<br />
4_
art contemporain<br />
5_<br />
6_<br />
têtes humaines devinrent des allumettes<br />
et avec celà s'est développé le<br />
concept de ma série Matchstick men.<br />
En tant que sculpteur je m'intéresse aux<br />
possibilités de montrer la tête humaine<br />
sans corps. Alors, je poursuis mon<br />
exploration.<br />
Pour les lecteurs de Peel qui découvriraient<br />
ces oeuvres en images, pouvezvous<br />
dire si les têtes de ces Matchstick<br />
men sont réellement brûlées ou s’il<br />
s’agit d’un trompe l’œil ?<br />
Les matchstickmen n'ont jamais approché<br />
la moindre source de chaleur. Tout<br />
est sculpté et peint.<br />
Vous présentez des boites d’allumettes<br />
géantes où sont rangés les Matchstick<br />
men. Pensiez-vous au cercueil lorsque<br />
vous les avez conçues : Est-ce une allégorie<br />
de la mort ?<br />
Bien sûr, c'est certainement une façon<br />
dont elles peuvent être interprétées.<br />
En même temps, je les utilise dans mes<br />
installations d'art comme une sorte de<br />
point d'équilibre vis à vis des Matchstick<br />
men qui sont distribués au hasard<br />
dans l’espace d‘exposition.<br />
Ces personnages en allumettes consumées<br />
ou non peuvent-ils être interprêtés<br />
comme des sortes de " Vanités " contemporaines<br />
?<br />
J'essaie toujours de laisser la possibilité<br />
au public de répondre avec ses propres<br />
idées. Ces personnages peuvent être<br />
interprêtés de nombreuses façons, mais<br />
j'aime les voir comme une métaphore<br />
de l'impermanence. Nous avons tous<br />
une durée de vie limitée, mais nous<br />
aimerions l'oublier. Certains brûlent<br />
plus longtemps que d'autres. Naturellement,<br />
ils peuvent aussi être considérés<br />
comme une critique de la manière dont<br />
nous nous traitons, du gaspillage des<br />
ressources humaines et de l'exploitation<br />
mutuelle. Ils ont aussi un côté<br />
drôle dans ces œuvres que les enfants<br />
peuvent facilement percevoir.<br />
Les Matchstick ment peuvent-ils être vus<br />
comme des êtres totémiques ?<br />
Pour certaines personnes ils peuvent<br />
représenter des êtres totémiques, pour<br />
d’autres les Matchstick men peuvent<br />
rappeler, lorsqu‘ils sont alignés contre<br />
un mur, les guerriers de terre cuite<br />
chinois.<br />
w w w . w o l f g a n g s t i l l e r . c o m<br />
texte<br />
Alexis Jama Bieri
6<br />
art contemporain<br />
1_ Matchbox 2008, dim. 90 x 40 x 190 cm,<br />
wood, paint, PU © Achim Kukulies<br />
2_ Matchstickmen 2008, dim. 15 x 15 x 150 cm each,<br />
wood, paint, PU © Xiaoni Li<br />
3_ Remembrance 2016, dim. 120 x 83 x 26 cm each,<br />
bronze, burned wood, paint © Xiaoni Li<br />
4_ Matchbox 2008-2012, dim. 160 x 34 x 60 cm,<br />
wood, paint, PU © artist<br />
5_ Matchstickmen 2012-2014, dim. 15 x 15 x 160 cm<br />
each, wood, paint, PU © artist<br />
6_ Matchstickmen installation 2008, dimensions<br />
variables, wood, paint, PU © Achim Kukulies
festival incontournable<br />
Carton<br />
plein<br />
Du 19 au 21 mai, le rythme cardiaque de la ville de<br />
Reims va s’accélérer sensiblement. Et pour cause :<br />
le festival organisé par Césaré et la Cartonnerie<br />
voit les choses en grand : la Magnifique Society<br />
s’installe au Parc de Champagne, mais pas seulement…<br />
En effet, plusieurs rendez-vous s’égrènent<br />
dans Reims, et sur le line-up du festival, les grands<br />
noms de la scène musicale actuelle et avertie font<br />
des ricochets.
8<br />
festival incontournable<br />
a Magnifique Society veut rassembler, et la musique<br />
étant le meilleur lien fédérateur, une fois n’est pas coutume,<br />
la Cartonnerie et Césaré misent tout sur une programmation<br />
éclectique qui distingue deux temps forts dans le festival.<br />
Les 16-17-18 mai, l’Avant-Garde va agir comme un tour de<br />
chauffe. Qualifié de « versant expérimental », l’Avant-Garde<br />
propose des performances qui sortent de l’ordinaire. Des installations<br />
vous attendent au Cellier, à la médiathèque Falala, à<br />
l’Appart Café et au Cryptoportique. Mais aussi, une programmation<br />
musicale insolite se nichera au Palais du Tau et l’Atelier<br />
de la Comédie. C’est d’ailleurs là-bas que vous pourrez entendre<br />
« Présages », de Laurent Durupt dont nous vous parlions dans<br />
le précédent Peel. Spécifique aussi, un concert au casque est<br />
organisé au Parc de Champagne : musique et plein air, à la fois<br />
individuel et collectif, expérience inédite « into the wild ».<br />
Les trois jours suivants, comme vous serez échauffés, étirés,<br />
vous serez prêts pour le marathon musical prévu par la Magni-<br />
INSERTION<br />
fique Society. Les 19-20-21 mai, au Parc de Champagne, quatre<br />
scènes joueront à cache-cache – ou pas ! – sous les grands arbres<br />
verts.<br />
JNG<br />
L’espace Tokyo Space Odd, scène venue de loin, est une installation<br />
qui accueillera le public pour des concerts came from Japan,<br />
neuf artistes, hip-hop, pop music et DJ set, qui illustrent la<br />
magnificence musicale encore méconnue du Japon. Mais aussi,<br />
c’est dans cet espace dédié qu’une salle d’arcades sera installée,<br />
pour (re)découvrir vos jeux vidéo favoris dans un contexte atypique.<br />
Sur la Scène Cristal, vous retrouverez les dignes incarnations<br />
de la scène actuelle française, et même rémoise et limitrophe.<br />
Judy, Puzupuzu, Fishbach, entre autres, représenteront cette génération<br />
musicale dynamique et proche de nous, car en pleine<br />
ascension dans notre périmètre. Au pied de la Scène Club, vous<br />
pourrez danser, non-stop, sur les bonnes basses ininterrompues<br />
d’une programmation décapante, entre, par exemple, Lorenzo,<br />
Requin Chagrin ou MØME. Enfin, la Grande Scène se distingue<br />
par une programmation internationale de grandes têtes<br />
d’affiche. Le punch de Talisco, ou encore Agnès Obel, planante,<br />
mais aussi sacré Air ou Moderat et ses ambiances cinématographiques,<br />
ou enfin Jamie Cullum, génie du piano jazz.<br />
D’une scène l’autre, les festivaliers de la Magnifique Society ont<br />
donc la possibilité d’onduler d’une préférence à l’autre. Le vendredi,<br />
dès 19h, le samedi à partir de 14h ou le dimanche à partir<br />
de 15h : le Parc de Champagne se veut comme un second lieu<br />
de vie, pendant ces trois jours de plaisir partagé.<br />
En choisissant tous ces lieux de rendez-vous, la Magnifique<br />
Society souhaite, plus encore que l’expérience musicale, mettre<br />
en valeur Reims et les Rémois. Elégant, le festival met en lumière<br />
des hauts lieux de la culture rémoise, mais également des<br />
repères historiques de grande valeur. Le Parc de Champagne<br />
en est un, précisément pour son lien avec l’enfance, pour le<br />
soin de ses espaces verts, en perpétuelle évolution, ou encore<br />
pour ses recoins anecdotiques et familiers. Et si certains univers<br />
musicaux se marieront parfaitement à cet écrin bucolique, la<br />
Magnifique Society n’hésite pas à y mettre sa griffe, impertinente<br />
et espiègle, en cassant les codes attendus. Nul doute que<br />
le rap décapant de Tommy Cash fera frémir les marronniers<br />
comme jamais.<br />
La billetterie est d’ores et déjà ouverte. Vous pouvez réserver<br />
vos places directement à la Cartonnerie ou en ligne sur le site<br />
Le Trésor, mais les points de ventes habituels sont aussi en service.<br />
Pour organiser au mieux votre festival, plusieurs solutions<br />
s’offrent à vous : le pass 3 jours (19-20-21 mai), le pass 2 jours<br />
(19-20 mai) ou les billets jours.<br />
Cette première édition de la Magnifique Society, dans le sillage<br />
de son prédécesseur Elektricity, s’annonce déjà comme unique<br />
et incontournable. C’est toujours important les premières fois.<br />
Et c’est encore plus précieux de pouvoir dire « J’y étais… » Avec<br />
les beaux jours, l’énergie nouvelle et les bonne vibes printanières,<br />
et parce qu’il n’est pas de plus magnifique society qu’une<br />
society qui danse à l’unisson, soyez citoyens responsables :<br />
venez faire vibrer notre ville, dans son petit cœur tout vert de<br />
Champagne.<br />
l a m a g n i f i q u e s o c i e t y . c o m<br />
Un Hors série du magazine<br />
Peel entièrement consacré<br />
à La Magnifique Society<br />
disponible la deuxième<br />
semaine du mois de mai !<br />
texte<br />
Agathe Cebe
le champollion du beatbox
le champollion du beatbox<br />
adrien<br />
contesse<br />
808 Snaze Roll, Inward Hollow,<br />
Sharp Shaker, Reversed Open Hi Hat<br />
nouvelle poésie vocale<br />
Adrien Contesse est un jeune<br />
designer graphique rémois qui,<br />
au gré de différentes sollicitations,<br />
n’a jamais cessé de<br />
poursuivre des projets personnels<br />
de recherche. Il en est un,<br />
en particulier, spécialement en<br />
exergue et qui s’égrène en particules<br />
géniales : Vocal Grammatics,<br />
le système d’écriture pour<br />
le beatbox.<br />
Tout commence il y a quinze ans, quand Adrien, alors adolescent<br />
et digne héritier de la culture 80s, veut s’essayer au beatbox<br />
à travers des tutoriels sur internet. Déjà, il est interpelé : la<br />
théorie du son est utile, certes, mais il manque une technique<br />
d’écriture pour mémoriser, pérenniser et progresser. Dans un<br />
carnet, il griffonne un alphabet, une transcription très arbitraire<br />
: les premiers balbutiements d’un projet de longue haleine.<br />
Plus tard, en 3 e année à l’ESAD d’Amiens, le sujet de réflexion<br />
en fil rouge est « le code ». Adrien se tourne vers ses amours<br />
adolescentes et essaie de travailler sur le beatbox avec l’alpha-<br />
texte<br />
Agathe Cebe<br />
portrait<br />
Benoît Pelletier<br />
Terme phonétique : Rétroflex.<br />
Description : la pointe de la langue est posée contre le milieu du palais.
le champollion du beatbox<br />
bet phonétique international, mais le manque d’intuitif ne le<br />
satisfait pas. Il faut aller plus loin, il faut créer, il faut explorer<br />
un terrain vierge. Et c’est en 5 e année, lors de ses travaux de<br />
mémoire thématique et de projet graphique qu’Adrien élabore<br />
son alphabet beatbox, avec des modules faciles à mémoriser,<br />
combinables à l’infini, pour répondre à l’ouverture évolutive et<br />
perpétuelle du beatbox.<br />
Graphiquement, Adrien s’est inspiré de l’alphabet coréen. Pour<br />
le système, il s’agit d’organiser les éléments indispensables à la<br />
pratique du beatbox. C’est de la dissection : un son, fragmenté,<br />
observé sous toutes les coutures, analysé, transcrit élément par<br />
élément, et recomposé. Vocal Grammatics est en open source.<br />
Il s’adapte à toutes les possibilités sans cesse inventées et démultipliées<br />
par les performeurs. Et en amont, la conception du langage<br />
obéit à une rigueur essentielle.<br />
Les problématiques principales : où et comment ? Où et comment<br />
se place un son ? À travers ces deux questions, Adrien<br />
utilise une tablature de la bouche et la rend interactive, via un<br />
vocabulaire phonétique international : Vocal Grammatics outrepasse<br />
toutes les frontières. Vocal Grammatics est universel.<br />
Chaque signe est conçu comme un assemblage de plusieurs<br />
modules qui se différencient par leurs tailles, et donc, au-delà,<br />
par leurs natures. Les plus gros signes montrent où se situe le<br />
son. Les plus petits, comment se fait le son. Une combinaison de<br />
deux signes, au minimum, est obligatoire pour obtenir un son.<br />
Les gros signes sont les signes d’organes : lèvres, dents, cavité<br />
nasale, langue, palais, larynx, etc. Ils sont dessinés en fonction<br />
de la forme de l’organe en question, pour une compréhension<br />
intuitive. La langue, quant à elle, possède neuf formes différentes,<br />
car neuf variations de positions. Ces signes sont ceux<br />
des points d’articulation, points de départ essentiels à l’élaboration<br />
d’un son.<br />
Au-delà de cette position de base, les petits signes complètent<br />
la composition pour orienter l’apprenti vers une technique de<br />
production (durée) et une dynamique respiratoire. Les petits<br />
signes indiquant le ponctuel sont à l’intérieur du grand signe,<br />
ceux indiquant une durée se placent à côté. Ces petits signes<br />
précisent donc comment effectuer un son, dans la durée, dans<br />
le souffle, dans les variations tonales, dans les résonnances, et<br />
dans les différentes apertures. Les petits signes indiquent les<br />
précisions morphologiques, détails millimétrés qui peuvent,<br />
dans une variante insignifiante, transformer un son en un autre.<br />
Aujourd’hui, Vocal Grammatics est pensé, articulé, utilisé.<br />
Le système fonctionne et séduit. Mais Adrien veut ouvrir la<br />
connaissance au plus grand nombre. L’objectif de ce langage<br />
neuf reste le partage : le partage des compositions, le partage<br />
des techniques, le partage didactique. Il travaille donc sur une<br />
application qui permet de comprendre, d’assimiler et d’utiliser<br />
l’écriture pour le beatbox.<br />
Très intuitive, cette application s’adresse à un public large. Apprentissage,<br />
bibliothèque participative de sons et d’enregistrements,<br />
outil de composition : si le beatbox est une communauté,<br />
Adrien l’ouvre pour une approche universelle et évolutive.<br />
« Il faut démocratiser la connaissance au-delà de la technique »<br />
affirme-t-il. Adrien est intellectuellement généreux, et son projet<br />
aussi.<br />
Pourtant, dans la course folle de cette recherche, le projet a<br />
besoin de financements. Pour que l’application puisse arriver<br />
sur vos tablettes, Adrien va lancer une campagne de crowdfunding.<br />
Aussi, la suite est pleine de promesses : Vocal Grammatics<br />
attire déjà l’attention des pédagogues ainsi que des rééducateurs<br />
du langage. En effet, la recherche continue, et le système d’écriture<br />
d’Adrien, par sa proximité avec les outils phonétiques et<br />
son inédite articulation morphologique, permettrait d’aider<br />
médicalement les différents dysfonctionnements du langage.<br />
C’est ambitieux, et cela nécessite une évolution du système, par<br />
l’introduction de signes de voyellisation, inutiles au beatbox,<br />
utiles à l’être humain qui veut se réapproprier le langage. Aussi,<br />
des outils didactiques et ludiques manquent encore, même si,<br />
après expérience, une petite fille de 9 ans a mis 15 minutes à<br />
comprendre et utiliser le système d’Adrien…<br />
Il faut bien de l’audace et du génie pour oser toucher au langage<br />
et à l’écriture. Adrien Contesse possède les deux, langés<br />
d’humilité et de talent. Vocal Grammatics en a encore sous le<br />
pied et c’est assez excitant de pouvoir être témoins de l’évolution<br />
d’une telle ambition. Le beatbox n’a jamais autant été à portée<br />
de main, et le système d’écriture d’Adrien réveille notre instinct<br />
joueur, rythmique, mais aussi la conscience de nos possibilités<br />
multiples : tout s’apprend, à force de travail et de persévérance,<br />
quand les outils sont solides, adaptés et, cherry on the cake,<br />
made in Reims.<br />
a d r i e n c o n t e s s e . c o m<br />
@ v o c a l g r a m m a t i c s s u r f a c e b o o k
2<br />
le champollion du beatbox<br />
Identification des organes de la phonation.<br />
Exemples de composition de signes.<br />
Outil pour composer ses propres signes.
photographie
4<br />
photographie<br />
Dans<br />
la boite<br />
ronde<br />
des<br />
pellicules<br />
gérard rondeau<br />
Écrire sur Gérard Rondeau,<br />
témoin du monde, c’est<br />
une réflexion d’ombres<br />
et de lumières, un vertige.<br />
En écoutant parler ses<br />
proches, on découvre une<br />
richesse humaine rare<br />
et subtile, cette même<br />
richesse qui transparaît<br />
dans l’ensemble de son<br />
œuvre. Le parcours de<br />
Gérard Rondeau et les<br />
photos qui en sont nées<br />
laissent croire que, de<br />
toute évidence, le seul<br />
mérite de la passion peut<br />
suffire à la postérité.<br />
Gérard Rondeau est sans pareil. Classieux et distingué, son<br />
travail photographique est un miroir tendu vers l’homme qu’il<br />
était : attaché à ses valeurs, à sa région, à l’humain, mais aussi<br />
ouvert sur son monde contemporain, acteur conscient de l’Histoire<br />
sous ses pieds. Et tout a commencé avec Cartier-Bresson :<br />
noir et blanc, captures sensibles d’instants furtifs, journal<br />
intime du temps qui passe, portraits vivants. « Le travail de<br />
Gérard est toujours attaché à une histoire » nous confie son épouse,<br />
Sylvie Rondeau.<br />
Il y a eu des rencontres, comme des prétextes. En décembre<br />
1989, son ami Patrick David, de Médecins du Monde, est<br />
passé le voir, chez lui, impromptu. Un avion part cette nuit.<br />
Il faut prendre une décision immédiate. L’accompagner ou non.<br />
Gérard Rondeau a dit oui, à cette mission, aux missions suivantes,<br />
à vingt ans d’aventures intenses. De ces aventures<br />
naissent des engagements personnels. Comme à Sarajevo, où il<br />
…
photographie<br />
veille et chronique le quotidien pendant le siège. Gérard Rondeau<br />
n’a eu que des engagements du cœur, des engagements<br />
humains et passionnels. Cela se considère aussi dans ses projets<br />
culturels, toujours intéressés par les arts et la littérature :<br />
il travaille près du peintre Paul Rebeyrolle, des romanciers Yves<br />
Gibeau et Bernard Frank, du quatuor Ysaÿe. Il voyage en terre<br />
familière avec Jean-Paul Kauffmann, le long de la Marne, et la<br />
photo se mêle aux mots, pour ne jamais s’en dissocier.<br />
L’image photographique se considère comme une poésie et<br />
Gérard Rondeau joue avec la composition de ses clichés, de<br />
signe en signaux. Il est poète, et c’est ainsi que le caractérise<br />
son ami Jean-Paul Kauffmann, tantôt en « Voyant » rimbaldien,<br />
tantôt en dandy baudelairien.<br />
Fasciné par les destins, Gérard Rondeau se distingue dans sa<br />
pratique du portrait. Il portait sur lui son petit Leica, et toutes<br />
les poches déchirées de ses vestes en témoignent encore : la discrétion<br />
de ses clichés est une religion. Et quand le sujet s’attend<br />
à être croqué par l’objectif, l’intimité entre lui et le photographe<br />
n’admet pas beaucoup d’épreuves : en une ou deux prises de vue,<br />
Gérard Rondeau savait capturer le regard, la lumière, les lignes,<br />
les pensées. Un fossile sur pellicule. La marque unique d’un instant<br />
et d’un destin fixé, en héritage, pour le futur.<br />
L’élégance et la pudeur de l’homme définissent chacun de ses<br />
projets photographiques. Gérard Rondeau est un passeur.<br />
« Il voyait tout et autrement. Aucun fait ne lui échappait, son regard<br />
perçant scannait le moindre détail. « Ce qui m’intéresse, c’est<br />
ce qui ne se voit pas », répétait-il. Mais lui, le voyait de son œil<br />
impitoyable. » nous souffle Jean-Paul Kauffmann. Son sérieux<br />
et son souci du détail se manifestaient jusqu’à l’installation de<br />
ses expositions. Au millimètre près. « Il travaillait jour et nuit<br />
pour placer exactement ses tirages et parvenir à l’équilibre parfait.<br />
» témoigne encore son ami. Et son épouse insistera aussi<br />
sur ce point, prenant à cœur, aujourd’hui, ce travail pointilleux<br />
d’accrochage : « J’installe les expositions de Gérard de manière à<br />
ce que tout soit comme s’il l’avait fait lui-même. »<br />
Les photos de Gérard Rondeau sont des outils historiques et<br />
philosophiques. Des livres aux films, l’œil curieux est emporté,<br />
sans filtre, dans une partition photographique qui émeut, qui<br />
instruit, et qui se souvient. Son art n’est pas ingrat : Gérard<br />
Rondeau sait ce qu’il doit à l’Histoire et à la culture. C’est cette<br />
reconnaissance qui donne toute la force aux témoignages photographiques.<br />
Où qu’il aille, à son passage, les lieux et les gens<br />
ont pris du sens. Il savait « retenir le sens caché du monde invisible<br />
» nous dit joliment Jean-Paul Kauffmann.<br />
Cet héritage généreux, comme une collection d’instants précieux,<br />
se moque bien du temps qui file. L’essence est capturée,<br />
la grâce est préservée. C’est un poing qui se referme sur une<br />
luciole indisciplinée. La discrétion a forgé la force de Gérard<br />
Rondeau, lui laissant aussi la place et l’énergie d’un prédateur à<br />
l’affût des sujets doués de beauté et de sens. Son travail transpire<br />
l’intelligence de celui qui ne veut ressembler à personne, qui ne<br />
veut appartenir à aucun courant, qui ne veut que se faire oublier<br />
pour avoir l’aisance d’un cliché unique et inimitable. D’ailleurs,<br />
ses photos ne disent pas tout, elles laissent aussi la part belle à la<br />
suggestion du public : complice à perpétuité.<br />
Aujourd’hui, le flambeau est dignement repris par ceux qui l’aiment.<br />
Son épouse prépare les collections et dispose les œuvres<br />
avec patience et application sur les divers lieux d’expositions.<br />
Ses amis proches, Jean-Paul Kauffmann le premier, s’adonnent<br />
à des discours éclairés lors des vernissages. Ils sont des témoins.<br />
Les lucioles ont changé de poings. Mais la passion bienveillante<br />
ne change pas.<br />
Gérard Rondeau était « très sensible au tragique de la vie » nous<br />
confie Jean-Paul Kauffmann. Et pourtant, son travail photographique<br />
offre une belle contradiction à cette tragédie humaine,<br />
celle qui nous est commune, cette fatalité omnipotente. Plus<br />
qu’une contradiction : un antidote. L’éternité.
6<br />
photographie<br />
Le Taittinger, le prix des chefs<br />
La dernière commande passée à Gérard Rondeau honore<br />
à la fois la cuisine, l’humain et le patrimoine rémois<br />
rayonnant. « Le Taittinger, le prix des chefs », paru<br />
aux éditions du signe, propose un voyage culinaire et<br />
artistique autour des grands pôles de ce prix de grande<br />
renommée. Derrière une organisation du détail, derrière<br />
tant d’exigeantes recettes, il y a des êtres humains.<br />
Gérard Rondeau a su, dans une galerie de portraits,<br />
sensible et singulière, montrer, tout en contrastes, la<br />
diversité humaine, vivante, qui lustre le prestige du<br />
Prix Taittinger, saison après saison. Si l’année 2016<br />
est figée dans l’encre de cet ouvrage, c’est bien toute<br />
l’histoire passée qui se dessine, comme fortification<br />
de l’esprit Taittinger. En perpétuelle évolution, le Prix<br />
Taittinger puise dans l’héritage des années l’ouverture<br />
vers le futur, vers les futurs. Hommes et femmes, chacun<br />
des portraits de Gérard Rondeau incarne la force<br />
de l’héritier, fier et solide, en équilibre parfait entre tradition<br />
et projection. « Le Taittinger, c’est une affaire de<br />
cœur », préface Pierre-Emmanuel Taittinger, et nul autre<br />
objectif que celui de Gérard Rondeau ne pouvait, dans<br />
un éternel noir et blanc, rendre meilleur hommage à la<br />
grandeur, à la fierté, à l’humilité, au talent, au doute, à<br />
la satisfaction, à l’effort, au don, le tout concentré en un<br />
seul regard.<br />
_Paul Bowles
photographie
8<br />
photographie<br />
Le regard<br />
envisagé<br />
Sur la page d’accueil du site de Gérard Rondeau, une route.<br />
Chemin de terre qui semble brûler sous une lumière pourtant<br />
grise. Le ciel est nuageux, il n’y a personne. Une simple<br />
légende accompagne cette photographie, Chemin des Dames,<br />
France 2003. On peut imaginer que l’origine lointaine de cette<br />
route, c’est l’histoire meurtrie par la guerre qui a tant marqué<br />
le travail de Gérard Rondeau. Mais l’origine de cette route, c’est<br />
aussi le corps du photographe. On le devine sans le voir. Toute<br />
image commence par l’effacement de l’artiste pour figurer un<br />
monde, ou seulement l’interroger. Quand Gérard Rondeau<br />
photographie les ruines de Sarajevo après la guerre, des détails<br />
hallucinatoires de la cathédrale de Reims, ou encore le visage<br />
crépusculaire de Paul Bowles à Tanger, dans chacune de ces<br />
images, il célèbre la fragilité d’une présence. L’imminence<br />
même de sa disparition. Une de ses photographies n’a jamais<br />
cessé de me marquer : un portrait en noir et blanc d’Yves<br />
Bonnefoy réalisé en 2001, dans son petit bureau du deuxième<br />
étage de la rue Lepic, à Paris. Le poète est assis sur une chaise,<br />
mains jointes, dos à la fenêtre. Il regarde avec une attention<br />
évasive celui que l’on ne voit pas : Gérard Rondeau. Autour de<br />
Bonnefoy, le temps semble s’être arrêté. Un rideau flottant est<br />
traversé par le soleil, on distingue aussi quelques livres dans la<br />
bibliothèque, masqués par une ombre — toujours douce dans<br />
l’œuvre de Rondeau. Quelques années après, je me suis trouvé<br />
à la place du photographe. J’avais rendez-vous avec Yves Bonnefoy.<br />
Devant l’écrivain, j’ai repensé au portrait de Rondeau,<br />
et au titre du livre de Clément Rosset sorti soudainement de<br />
ma mémoire. « Le réel et son double ». Regarde-t-on autrement<br />
quelqu'un après l’avoir d’abord découvert dans une image ?<br />
Ce portrait fut en quelque sorte la promesse d’une rencontre<br />
humaine. En juillet 2016, le poète s’est éteint. J’ai écrit alors<br />
pour « Le Monde » un long article accompagné de cette photographie<br />
dans laquelle — miraculeusement — deux regards ne<br />
cessent encore dialoguer dans le silence et l’absence.<br />
Amaury da Cunha<br />
Écrivain, journaliste au Monde, photographe<br />
www.amaurydacunha.com<br />
_Cabu<br />
_Jean-Paul Gaultier<br />
_Yves Bonnefoy
photographie<br />
_Paul Rebeyrolle
photographie<br />
d a n s l ' i n t i m i t é d u m o n d e<br />
e s p a c e r e b e y r o l l e à e y m o u t i e r s<br />
j u s q u ’ a u 2 1 m a i 2 0 1 7<br />
h o r s c a d r e . d e s m u s é e s , d e s a r t i s t e s<br />
c h â t e a u d e c o u r c e l l e s à m o n t i g n y - l e s - m e t z<br />
d u 7 a v r i l a u 2 j u i l l e t 2 0 1 7<br />
e n t r e s i l e n c e e t o m b r e<br />
f e s t i v a l p h o t o m e d ,<br />
g a l e r i e b a r t h é l é m y d e d o n à s a n a r y - s u r - m e r<br />
d u 1 8 m a i a u 1 1 j u i n 2 0 1 7<br />
w w w . g e r a r d r o n d e a u . c o m<br />
texte<br />
Agathe Cebe<br />
photographies<br />
Gérard Rondeau
1_<br />
art contemporain
2<br />
art contemporain<br />
2_<br />
[kin<br />
stezi]<br />
Expocollective<br />
Prolongeant la nuitnumérique #14, l’expocollective<br />
est présentée au Centre culturel numérique St<br />
Exupéry jusqu’au 24 mai. Elle permet de découvrir<br />
les installations de plusieurs artistes dont Lawrence<br />
Malstaf, qui créé des pièces sensorielles immersives<br />
; Nicolas Canot, qui centre son travail sur la<br />
musique électronique et électroacoustique et<br />
GMTW, qui utilise les potentialités de l'image et la<br />
pluralité des modes de production, du dessin à la<br />
maquette, en passant par l'installation ; le collectif<br />
One Life Remains qui crée des jeux vidéo ; et Dan<br />
Gregor qui travaille la lumière.<br />
texte<br />
Alexis Jama Bieri
art contemporain<br />
3_<br />
Quelles sont vos influences ?<br />
Lawrence Malstaf : Tinguely, le Jazz, le design industriel.<br />
Je collabore avec des danseurs et des chorégraphes, en créant<br />
des engins motorisés destinés à concurrencer ou compléter le<br />
corps humain.<br />
Nicolas Canot : Le jazz, le rock, la techno... J’écoute Rashad<br />
Becker, Susana Santos Silva ou le trio In Love With qui ont en<br />
commun une attention à la rigueur formelle. Concernant les<br />
arts numériques, j’apprécie Tristan Perich ou Ryochi Kurokawa.<br />
GMTW : L’imagerie médiévale, le motif et ses déclinaisons sur<br />
papier peint. J’en avais d’ailleurs longuement parlé dans Peel #3.<br />
One Life Remains : L’influence de la philosophie se retrouve<br />
dans La discipline du rectangle que nous présentons à l’expocollective.<br />
Le jeu vidéo est aussi une source d’inspiration.<br />
Dan Gregor : La nature, la science, le monde urbain et la musique.<br />
Comment définiriez-vous votre art ?<br />
NC : Mes créations couvrent divers horizons sonores selon que<br />
je travaille seul ou en collaboration. Je pense que ce qui lie l’ensemble<br />
se situe quelque part entre brutalisme et minimalisme.<br />
En général, j’essaye de ne pas trop polir les choses.<br />
GMTW : Mon travail est une forme de graphisme hybride,<br />
déambulant entre dessin, maquette, installation et photographie.<br />
OLR : Nous faisons des jeux vidéo à la croisée du punk et de l’art<br />
conceptuel. Le jeu vidéo est un medium de la main, de l’agir, de<br />
la performance, mais aussi un medium du système, de la règle,<br />
de l’intangible. Notre travail consiste à questionner cette tension.<br />
DG : Je travaille surtout dans le cadre du " New media " la lumière<br />
et la projection. Mon expression artistique est très proche<br />
du minimalisme.<br />
Que représente pour vous la Kinesthésie ?<br />
LM : Un système de rétroaction sensorielle important dans ce<br />
qui implique le déplacement de notre corps. Pourtant, notre<br />
industrie occidentale a développé très peu d'outils permettant<br />
l'interaction et / ou la communication à ce niveau.
4<br />
art contemporain<br />
4_<br />
5_<br />
1_ La discipline du rectangle © Mylène Farcy<br />
2_ Netykavkai © Dan Gregor<br />
3_ Compass © Mylène Farcy<br />
4_ Trace-s © Mylène Farcy<br />
5_ La discipline du rectangle © François Christophe<br />
6_ La discipline du rectangle © Mylène Farcy<br />
7_ Netykavkai © Dan Gregor<br />
6_ 7_
art contemporain<br />
NC : La « mémoire proprioceptive » est un élément fondamental<br />
du geste musical, une question d’équilibre entre l’énergie<br />
déployée par le corps et un rendement sonore efficace. Bien<br />
que je ne me définisse plus comme guitariste aujourd’hui, je<br />
pense avoir conservé quelque chose de cette sensibilité dans ma<br />
manière d’interagir avec mon ordinateur ou mes contrôleurs,<br />
d’improviser.<br />
GMTW : Cette notion m’évoque l’aller-retour à vélo entre Reims<br />
(Fr) et Nida (Lt), à l’origine de l'élaboration de TRACE-S et la<br />
perte de sensibilité de 3 doigts (majeur, annulaire et auriculaire)<br />
due à des étapes longues et à un chargement lourd. J’étais alors<br />
au cœur du sujet par la conscience immédiate des mouvements<br />
et de leurs contraintes.<br />
OLR : La kinesthésie est une question classique dans le jeu<br />
vidéo car le jeu implique la mise en relation de plusieurs modalités<br />
sensorielles. Face à un dispositif vidéoludique, le joueur,<br />
immobile, semble comme absent aux yeux d’un observateur<br />
extérieur. Pourtant, l’engagement corporel est total.<br />
DG : Mes œuvres sont centrées sur le public, les interactions<br />
de l'auditoire.<br />
Pouvez-vous nous parler de l’installation que vous présentez à<br />
l’expocollective [kin stezi] ?<br />
LM : Compass est une machine d'orientation à porter autour de<br />
la taille. L'appareil impose une attraction ou une répulsion sur<br />
la taille, comme dans un champ magnétique. La machine est<br />
programmée pour vous faire suivre une carte invisible, mais<br />
vous pouvez choisir entre lui résister ou céder et vous laisser<br />
guider.<br />
NC : TRACE-S est une installation visuelle et sonore interactive<br />
sur la mémoire des systèmes et l’accumulation involontaire des<br />
traces numériques. Au départ, il y a la trace GPS du périple à<br />
vélo pour lequel GMTW m’a demandé de concevoir un tracker<br />
qui enregistrait sur carte SD les données topographiques et<br />
cinétiques du voyage. Sans connexion au web le souvenir digital<br />
est resté une trace personnelle qui n’aurait pas à être vue.<br />
GMTW : TRACE-S est une superposition de strates où chaque<br />
participant, par sa gestuelle écrit son passage dans l’œuvre tout<br />
en effaçant les traces des participants précédents. Dans le même<br />
temps, ma trace GPS participe à déformer davantage l’image et<br />
le son. 2 motifs faits de lignes ou de points gris et rouges sont<br />
tour à tour pliés, dépliés, froissés tels des cartes topographiques<br />
glissées dans une poche. Ils forment une cartographie imaginaire<br />
mouvante, synchronisée aux motifs sonores créés par les<br />
participants.<br />
OLR : Dans La discipline du rectangle il s’agit de se placer face<br />
à une caméra et un écran où apparaît un rectangle blanc qui<br />
se déplace, change de proportions. Il s’agit alors d’adapter la<br />
position de son corps de manière à éviter toute collision avec<br />
les bords du rectangle qui s’affichent autour de soi. Bien sûr,<br />
chaque joueur dispose d’un corps qui lui est propre, mais le<br />
programme ne prend pas en compte ces différences. Aveugle<br />
à ces particularités, il continue d’émettre l’injonction qui est<br />
la sienne – rester à l’intérieur du rectangle. Cette proposition<br />
questionne le rapport à la norme, à l’image de soi, au visible et à<br />
l’invisible à l’ère du numérique.<br />
DG : Netykavka est directement influencé par le travail d'un<br />
artiste d'avant-garde britannique Anthony McCall que j'ai eu<br />
la chance de rencontrer à Berlin. Netykavka est une paraphrase<br />
des œuvres de McCall avec une capacité de réponse supplémentaire<br />
par le toucher.<br />
Quelles ont été les particularités de sa mise en œuvre ?<br />
LM : Il y a 13 ans, je portais mon jeune fils dans une sorte de<br />
sac à dos. Quand nous allions au marché, il tendait les bras en<br />
essayant de saisir les choses et son mouvement changeait mon<br />
centre de gravité et d'orientation. Ce fut le point de départ du<br />
projet Compass.<br />
NC : GMTW et moi cherchions à utiliser les données de son<br />
voyage. Jusqu’à ce que nous réalisions que la pratique du vélo<br />
étant liée à cette question de la kinesthésie (ratio équilibre /<br />
énergie / trajectoire / vitesse), nous pouvions jouer à mêler les<br />
flux de données écrites et le temps-réel. Il a fallu travailler très<br />
vite, TRACE-S étant une création ex-nihilo et le système numérique<br />
mis en œuvre, assez complexe. Mais j’aime énormément<br />
travailler vite, sans me retourner puisque c’est, après tout, exactement<br />
ce qui motive ma pratique d’improvisateur !<br />
OLR : La discipline du rectangle fut élaborée à Cluj (Ro) sous<br />
forme de performance. Le prototype conçu alors a ensuite servi<br />
de base de travail pour la réalisation en 2016 d’une installation<br />
complète de 7 stèles intitulée Les disciplines du rectangle. Les<br />
stèles sont depuis présentées ensemble, ou séparément comme<br />
c’est ici le cas.<br />
l e m a g a z i n e p e e l e s t p a r t e n a i r e<br />
d e l a n u i t n u m é r i q u e # 1 4<br />
e x p o c o l l e c t i v e [ k i n s t e z i ] d u 1 5 . 0 3 a u 2 4 . 0 5 2 0 1 7<br />
à s a i n t - e x u p é r y<br />
w w w . s a i n t e x - r e i m s . c o m
6<br />
AIR MODERAT JAMIE CULLUM AGNES OBEL<br />
CAMILLE VITALIC ODC LIVE BOYS NOIZE GREGORY PORTER<br />
TRENTEMØLLER MØME JACQUES PARCELS SLEAFORD MODS<br />
THEE OH SEES ALEX CAMERON HER LORENZO<br />
FISHBACH ALLTTA (20SYL & MR. J. MEDEIROS) BON GAMIN (ICHON, MYTH SYZER, LOVENI)<br />
THYLACINE PARADIS LESCOP LITTLE SIMZ GROUP DOUEH & CHEVEU PAPOOZ<br />
REQUIN CHAGRIN JULIETTE ARMANET BON ENTENDEUR TOMMY CA$H THEY.<br />
BUSTY & THE BASS SHOW ME THE BODY BCUC TALISCO BLACK BONES JUDY PUZUPUZU<br />
BROTHERS GRINDI MANBERG 10LEC6 2080 WEDNESDAY CAMPANELLA SEIHO DÉ DÉ MOUSE<br />
YMCK KILLA DOTAMA PINOCCHIOP SAM TIBA (CLUB CHEVAL) ARCADE MANIAC<br />
16, 17 ET 18 MAI : L’AVANT-GARDE, 3 JOURS D’EXPÉRIENCES SONORES AU CŒUR DE REIMS<br />
19, 20 ET 21 MAI : CONCERTS, ATELIERS, TOKYO SPACE ODD AU PARC DE CHAMPAGNE<br />
LAMAGNIFIQUESOCIETY.COM<br />
artwork agence Miracle
photographie<br />
_Miroir 2, 2014 © Manuela Marques<br />
_Cerf-volant 2 © Manuela Marques<br />
_Main 3, 2014 © Manuela Marques
8<br />
photographie<br />
La photographe et vidéaste Manuela Marques va<br />
se jouer de l'espace du Cellier où elle expose ses<br />
œuvres du 13 mai au 30 juillet. Un espace minéral<br />
où les deux travées symétriques répondent<br />
parfaitement au principe de dédoublement dans<br />
lequel l'artiste aime à conduire et parfois désorienter<br />
son public.<br />
L'exposition emprunte son titre à la force inertielle qui affecte<br />
le mouvement des corps dans un milieu en rotation décrite<br />
par l'ingénieur-mathématicien Gaspard-Gustave de Coriolis<br />
au 19 e siècle. Cette force est un principe de la cinématique<br />
dont l'énoncé est plutôt simple : tout objet en mouvement par<br />
rapport à la Terre va être dévié, vers sa droite dans l'hémisphère<br />
nord et vers sa gauche aux antipodes. Cela vaut pour<br />
les courant aériens et marins.<br />
En fait, c'est plutôt une pseudo-force car il n'y a pas d'interaction<br />
entre les corps concernés, c'est seulement une façon<br />
d'exprimer que les lois de la mécanique changent quand on<br />
change de point de vue.<br />
Et c'est bien de cela dont il s'agit dans le travail de Manuela<br />
Marques, le vent, le minéral et la question du référentiel<br />
pour appréhender la réalité. « L’ exposition est traversée par<br />
le souffle : celui qui parcourt l’activité humaine, de la vitalité<br />
d’un corps en mouvement jusqu’à la formation d’une bulle<br />
de savon, comme celui qui émane de la nature, mouvements<br />
de l’air par lesquels s’exercent des forces contraires ou se<br />
déplacent les végétaux », écrit la commissaire de l'exposition<br />
Audrey Illouz dans sa note d'intention.<br />
L'immense cave du Cellier divisée en deux espaces parallèles<br />
se prête idéalement à cette circulation de forces contradictoires<br />
et complémentaires. " Le corpus d'images choisies pour<br />
l'exposition est intimement lié à l'architecture du lieu qui<br />
invite au dédoublement. Une partie du travail de Manuela<br />
Marques explore les phénomènes optiques jusqu'aux aberrations,<br />
en utilisant un miroir d'une façon récurrente comme<br />
support de ses compostions, miroirs noirs plus ou moins<br />
opaques qui perturbent le regard et lui imposent une distance<br />
réflexive avec la réalité. L’ exposition oscille entre opacité et<br />
dévoilement, mouvement et suspension, présence et effacement<br />
comme autant d’amorces narratives ", indique-t-elle.<br />
Au spectateur alors de se laisser porter par ce souffle qui<br />
façonne la bulle de savon dans une lumière irisée ou cette<br />
haleine chaude sur un mobilier qui y dépose son auréole ; de<br />
s'étonner devant une nature qui semble en mouvement par<br />
un détail de l'image, ou de se désorienter, comme une sensation<br />
de déjà vu, en contemplant des surfaces troubles presque<br />
abstraites où l'on peine à comprendre ce qui se cache en dessous.<br />
texte<br />
Jules Février<br />
Manuela<br />
Marques<br />
La force de Coriolis<br />
à l'épreuve du Cellier<br />
Quel est votre rapport au minéral ?<br />
Ce qui m'intéresse dans la minéralité<br />
c'est la fausse apparence de l'inerte.<br />
Dans le minéral je ne vois rien d'inerte,<br />
j'y vois au contraire du vivant. La<br />
question est de savoir comment je peux<br />
retransposer cette idée d'inertie et comment<br />
il devient par mon travail tout à<br />
coup un élément dynamique.<br />
Quel votre rapport au corps photographié<br />
?<br />
J'aime utiliser la photographie pour<br />
son ambiguïté. Ce que je cherche dans<br />
l'exercice du portrait c'est ce que le<br />
visage ne dit pas, ce qui n'est pas apparent.<br />
Je m'attache alors à donner corps<br />
à cette absence. Les visages que je photographie<br />
sont rarement frontaux, ne<br />
se dévoilent pas d'une façon évidente,<br />
j'aime révéler d'une certaine manière ce<br />
qui est caché.<br />
Quel est votre rapport à la réalité ?<br />
Depuis 2013, je recompose le réel<br />
dans beaucoup de mes photographies.<br />
Tout un pan de mon travail s'opère<br />
autour à la retranscription du réel<br />
plutôt que d'une photographie directe.<br />
Je prélève des détails d'une scène qui<br />
m'intéresse et je les recompose en studio<br />
ou alors je peux utiliser des miroirs<br />
noirs dans le paysage. C'est ma façon<br />
de m'approprier le réel en fabricant un<br />
autre type de réalité, comme un énième<br />
avatar du monde physique dans lequel<br />
nous vivons tous. La photographie<br />
me permet alors d'expérimenter ce que<br />
je peux faire de ce réel.<br />
Manuela Marques, vidéaste et photographe<br />
née au Portugal, vit<br />
et travaille à Paris. Elle est par<br />
ailleurs enseignante à l’ESAD<br />
de Reims. Elle est représentée par<br />
la Galerie Anne Barrault à Paris et<br />
Caroline Pagès Gallery à Lisbonne.<br />
Elle présente jusqu'au 22 mai une<br />
exposition, La face cachée du soleil<br />
au Musée Calouste Gulbenkian à<br />
Lisbonne.<br />
" l a f o r c e d e c o r i o l i s "<br />
l e c e l l i e r , 4 b i s r u e d e m a r s<br />
5 1 1 0 0 r e i m s<br />
e n t r é e l i b r e d u m e r c r e d i<br />
a u d i m a n c h e d e 1 4 h à 1 8 h<br />
w w w . i n f o c u l t u r e - r e i m s . f r<br />
w w w . r e i m s . f r
ock arty<br />
Feu Robertson<br />
les troubles de l’amour romantique
0<br />
rock arty<br />
Feu Robertson traine dans ses<br />
pas un univers rock, arty, utopiste,<br />
anticonformiste, poétique<br />
et politique. Un rock de nuit<br />
pluvieuse et d’arrière-cour<br />
trempé à l’art contemporain.<br />
Un rock d’insurgés et de<br />
résidence entourée de barbelés<br />
électrifiés, entre rage et<br />
retenue. Le groupe rémois de 4<br />
musiciens venus en partie des<br />
musiques expérimentales, mené<br />
par Charlotte Ganache qui signe<br />
toutes les lyrics et les compositions,<br />
a récemment sorti son 2 e<br />
album studio « Sticky Situations<br />
with Trouble » sur le label<br />
Partycul System. Les 9 morceaux<br />
de cet album sont tous<br />
liés par le même thème : les<br />
troubles de l’amour romantique<br />
et de ses tourments inévitables.<br />
Le 10 mars dernier, Feu Robertson<br />
se produisait sur la scène<br />
du club de la Cartonnerie à<br />
Reims. Entrevue avec Charlotte<br />
Ganache autour d’un café.<br />
Quelles sont les influences de Feu<br />
Robertson ?<br />
La musique des années 60 et 70, c’està-dire<br />
le rock qui devient adulte. Ça va<br />
de Bob Dylan aux Beatles, en passant<br />
par les Rolling Stones avec 2 groupes<br />
essentiels qui sont The Doors et The<br />
Velvet Underground. Autre musique<br />
qui nous influence : la noise et la pop<br />
des 90’s avec Sonic Youth et Beck.<br />
Pourquoi le nom Feu Robertson ?<br />
C’est parti d’un personnage historique<br />
complexe, qui s’appelait Etienne-Gaspard<br />
Robert, qui a vécu à mi-chemin<br />
entre les 18 e et 19 e siècles. Ce personnage,<br />
qui prend le pseudo de Robertson,<br />
est fascinant parce qu’à la fois très<br />
connu et inconnu et j’aime beaucoup<br />
ce genre de personnage historique que<br />
tout le monde croit connaître, comme<br />
certains grands de l’histoire.<br />
C’est un ecclésiastique très cultivé,<br />
professeur de physique et d’astronomie<br />
qui vit dans le Paris des Lumières et<br />
qui se lance en 1783 dans la course aux<br />
ballons volants en concurrence avec<br />
les frères Montgolfier alors qu’il a seulement<br />
20 ans. Dans cette compétition<br />
effrénée à l’innovation, il va mettre au<br />
point la nacelle, mais hélas il n’arrivera<br />
que second avec son coéquipier appelé<br />
le « professeur Charles », car il volera 2<br />
mois après les frères Montgolfier.<br />
Ensuite il va changer son orbite de<br />
vie et va devenir Fantasmagore,<br />
une profession du spectacle de cette<br />
époque. Ce sont des gens, ancêtres<br />
du cinéma, qui recréaient avec des<br />
lanternes magiques des scènes, peintes,<br />
en projection. Robertson va améliorer<br />
le système pour en faire un spectacle<br />
total en y ajoutant de la musique et les<br />
premiers effets spéciaux en brulant des<br />
écorces pour générer des parfums et<br />
recréer des brouillards artificiels. Ce<br />
qui est assez drôle c’est que Robertson<br />
va être cité au milieu des 60’s en tant<br />
que précurseur du cinéma par Jim<br />
Morrison dans son mémoire de fin<br />
d’études à l’Université de Californie de<br />
Los Angeles. Et quelques années après,<br />
Jim Morrison sera enterré au cimetière<br />
du Père Lachaise, par hasard à 40 m de<br />
Robertson.<br />
Le terme « Feu » est lié à ma rencontre<br />
avec ce personnage disparu lorsque je<br />
suis allé sur la tombe de Jim Morrison.<br />
J’avais alors remarqué en quittant<br />
la tombe de Morrison un très beau<br />
monument funéraire sur lequel étaient<br />
inscrits 3 mots énigmatiques : Physique,<br />
Aérostat, Fantasmagorie… et Etienne<br />
Robertson - On voit d’ailleurs que<br />
jusque sur sa pierre tombale Robertson<br />
est présenté sous son pseudo : C’est un<br />
personnage qui a toujours été dans la<br />
recréation de lui-même et dans l’image.<br />
Après cette intrigante découverte je me<br />
suis renseigné sur ce personnage qui va<br />
rester toute sa vie à Paris où il mourra<br />
en 1837 à l’âge de 74 ans. Quand j’ai dû<br />
trouver un nom au groupe pour lancer<br />
le projet, j’ai alors voulu faire revivre le<br />
nom de ce personnage comme un chamane,<br />
un esprit qui pourrait venir nous<br />
guider. C’est ainsi que Feu Robertson est<br />
né en 2010.<br />
Comment faites-vous évoluer votre<br />
musique entre la sérénité, relative, du<br />
studio et l’effervescence du Live ?<br />
La musique c’est avant tout du jeu. Le<br />
groupe est à géométrie variable, on peut<br />
jouer sur une grosse scène ou dans un<br />
petit bar, en groupe ou en duo. Quand
ock arty<br />
tu fondes un groupe, tu sais qu’il y a<br />
des écarts, des différences de vues entre<br />
les membres et tu sais que certains le<br />
quitteront un jour. C’est très difficile<br />
de faire vivre un groupe. On n’a pas les<br />
mêmes dispos et j’aime ça. C’est une vie<br />
de troupe et de camaraderie.<br />
Les morceaux sont composés au départ<br />
pour le live. J’amène des morceaux tout<br />
faits avec la volonté qu'ils puissent être<br />
repris et interprétés par d’autres.<br />
On met une première couche de<br />
guitares lead et après on agrémente<br />
d’une autre guitare, puis on apporte les<br />
arrangements annexes : flutes, piano,<br />
beat électronique… On distend chaque<br />
morceau. D’une durée initiale de 4 min.<br />
un morceau peut par exemple atteindre,<br />
après arrangements, une durée de 9<br />
min.<br />
Comme pour le précédent album, le<br />
nouvel album de Feu Robertson est sorti<br />
sur le label Partycul System dont tu es<br />
le directeur artistique. Peux-tu nous<br />
dire dans quelles circonstances est né<br />
le label?<br />
Le label est né à Reims en juin 1999. En<br />
créant Partycul System, l'idée était de<br />
fédérer des énergies, de créer une véritable<br />
dynamique de musiciens. D'ailleurs,<br />
nous nous considérons plus (de<br />
l'intérieur) comme un mouvement, une<br />
coopérative d'initiatives obsédantes, un<br />
collectif du rêve apprivoisé ou encore<br />
une amicale de dynamiteurs sympathiques.<br />
La première sortie du label fut<br />
le premier album de Rroselicoeur.<br />
On aura tous compris le jeu de mots<br />
derrière l’intitulé du label…<br />
Cet intitulé, c’est pour la blague<br />
de potache évidemment ! Pour le<br />
bilinguisme aussi. Et enfin pour<br />
correspondre un peu à cette idée de<br />
microcosme / macrocosme qui nous<br />
plaît. L'idée d'être une galaxie à part au<br />
sein de l'univers musical.<br />
Quelles sont les récurrences de Partycul<br />
System ?<br />
Des fraternités constructives (des dadas<br />
aux beatniks) nous influencent indirectement,<br />
c'est évident. Pour les éléments<br />
récurrents qui tendent et sous-tendent<br />
Partycul System, il y a l'amour d'un<br />
instrument en partyculier : la guitare.<br />
Il y a aussi l'attirance perpétuelle pour<br />
l'onirisme et le côté psychédélique de la<br />
musique.<br />
Pour toi, un label c’est simplement un<br />
faiseur de disques?<br />
Cela va bien au-delà ! Nous avons par<br />
exemple monté 3 saisons de soirées<br />
autour de l'écoute de poésies et de<br />
musique (Les sonoramas) avec la<br />
médiathèque cathédrale à Reims il y a<br />
quelques années, où nous faisions intervenir<br />
aussi bien des compositeurs que<br />
des mélomanes, des lecteurs, des poètes<br />
ou des comédiens. Nous avons aussi<br />
organisé des rencontres de musique<br />
improvisée (Equilibre instable) sur<br />
plusieurs années (avec l’association Les<br />
Pirates de l'Art). On peut aussi parler<br />
du collectif Supersoft[14-18] qui peut<br />
parfois apparaître comme l'orchestre du<br />
label, par les directions qu'il donne ou<br />
les musiciens qu'il fait intervenir.<br />
Tu nous disais plus tôt que Rroselicoeur<br />
a été un des premiers groupes du label.<br />
Peux-tu nous en dire enfin quelques<br />
mots ?<br />
Rroselicoeur est un projet que j'ai<br />
cofondé avec 3 autres personnes<br />
(Deïns Larco, Lou Flanagan et Thomas<br />
Dupuis). Nous avons évolué ensuite<br />
en trio. Bien sûr, ce groupe fut le point<br />
de départ de l'aventure du label, dans<br />
le sens où il rassemblait lui-même<br />
beaucoup d'énergies et d'initiatives.<br />
Rroselicoeur, par son esthétique (rock<br />
psyché à tendance noise et free) a aussi<br />
contribué à définir l'esthétique du label.<br />
s t i c k y s i t u a t i o n s w i t h t r o u b l e<br />
f e u r o b e r t s o n , e d . p a r t y c u l s y s t e m<br />
f a c e b o o k @ f e u r o b e r t s o n 1
2<br />
texte<br />
Alexis Jama-Bieri<br />
portrait<br />
Benoît Pelletier
archéologie musicale / concert mytique<br />
28.02.2004<br />
UNDERWATER
4<br />
archéologie musicale / concert mytique<br />
Souvenirs de la première et dernière<br />
swimming pool party rémoise<br />
J’attends le bus, arrêt Etape. Les yeux dans le vague. J’attends.<br />
À quelques mètres de moi, deux ados attendent aussi. Le premier<br />
dit à l’autre : « Tu sais quoi, le mec il est descendu avec une<br />
bouteille en métal ». L’autre ricane, forcément. Le premier lui répond<br />
que si, et qu’il le jure sur la vie de sa mère. De leurs oreilles<br />
respectives pendouillent des écouteurs qui crachouillent de la<br />
musique autotunée. Je lève la tête et jette un œil distrait sur<br />
Royez Music, le Centre d’Information Jeunesse et la piscine<br />
Talleyrand. J’attends le bus 9 direction Victoire. Je descendrais<br />
à l’arrêt Baussonnet. Je m’amuse à faire mentalement le trajet<br />
: les promenades, la gare, sous le pont, l’arrière de la gare.<br />
C’est dingue d’ailleurs comme ce quartier de la gare a changé<br />
en quelques années, il ne ressemble plus du tout à celui que<br />
j’ai connu : il a été rasé pour en reconstruire un autre. Quinze<br />
années déjà que je suis arrivé à Reims. Ça commence à faire. J’ai<br />
connu le quartier de la gare avant les travaux. À partir de quand<br />
peut-on dire que l’on est rémois ? « Je suis rémois ». Y a t’il un<br />
délai, des critères ? Si je considère que c’est la ville dans laquelle<br />
j’ai vécu le plus longtemps, que j’y ai rencontré la femme de ma<br />
vie, que mon fils y est né. C’est marrant cette question d’appartenance<br />
à un territoire. Je me souviens très bien d’un concert<br />
des Shoes sur le parvis pour Elektricity. J’étais avec des amis<br />
venus à Reims pour le week-end. L’un d’eux me dit qu’il trouve<br />
ça super. Je lui réponds que moi aussi et que ce sont des mecs<br />
d’ici. Et je le dis avec une certaine fierté. C’est peut-être là que je<br />
suis devenu rémois. C’est aussi avoir des souvenirs en partage,<br />
des concerts notamment : « Tu te souviens du concert de Jagga<br />
Jazzist à Saint Ex pour Octob’Rock ? », « et celui des Western sous<br />
le Magic Mirror ? » J’attends toujours le bus. La piscine Talleyrand.<br />
Voilà un autre de mes souvenirs marquants de cette vie<br />
rémoise. La soirée Underwater.<br />
Une oasis dans le désert<br />
Le souvenir d’une soirée dingue qui s’est déroulée le samedi 28<br />
février 2004. Je fais appel à mes souvenirs qui, il faut bien le reconnaitre,<br />
sont très flous. Quelques images me reviennent, des<br />
sensations aussi. Il va me falloir de l’aide pour reconstituer les<br />
éléments de la soirée. Rodolphe Rouchaussé me semble la personne<br />
toute indiquée pour cela. Aujourd’hui au Polca, il était à<br />
l’époque salarié de la REMCA qui organisait la soirée. Quelques<br />
échanges de mails et nous nous retrouvons au Floor de la Cartonnerie.<br />
Devant lui, une vieille chemise cartonnée « tirée des<br />
archives » me dit-il « et que je m’attendais pas à ressortir, je ne sais<br />
même plus ce qu’il y a dedans ». Pendant que nous discutons,<br />
il tourne et retourne les feuilles, poussant des « c’est pas vrai »<br />
pleins de surprise et de nostalgie. Des plans de scène, le plan de<br />
sécurité du lieu, la feuille de route… « C’était la première vraie<br />
soirée organisée par le REMCA. » La REMCA est la structure<br />
qui a pensé et structuré le projet Cartonnerie. « La période était<br />
un peu particulière pour la musique live à Reims. L’Usine avait<br />
fermée et la Cartonnerie en cours de construction : la première<br />
pierre venait d’être posée en mars 2003. Pendant près de cinq années,<br />
les concerts ont été très rares voir inexistants faute de lieu.<br />
C’était un peu le désert. » Et cette soirée Underwater se posait<br />
un peu comme l’oasis dans ce désert. « Les places sont parties<br />
super vite et nous avons dû malheureusement refuser pas mal de<br />
monde. » Je me souviens effectivement que devant l’entrée de la<br />
piscine, un attroupement s’était constitué et que la chasse aux<br />
places disponibles était ouverte. Comment est venue cette idée<br />
- avouons le - peu commune de faire un concert dans une piscine<br />
: « À l’époque, Gérald Chabaud qui dirigeait la REMCA était<br />
rattaché à la ville de Reims, ses bureaux étaient donc à la mairie.<br />
Entre deux portes, il a entendu que la piscine Talleyrand devait<br />
être vidangée pour entretien, il a sauté sur l’occasion. »<br />
Dans mon petit pull marine<br />
Rodolphe me montre les plans des installations qu’il avait dessinés<br />
avec application pour la commission de sécurité. Je ferme<br />
les yeux pour rassembler les images qui me restent. Et dans<br />
mes souvenirs, c’était très impressionnant. « C’est Jean-Jacques<br />
Frémaux et Stéphane Lebonvallet qui s’occupaient des lumières,<br />
ils avaient fait un super boulot, les projecteurs posés au pied des<br />
poteaux qui soutiennent les coursives donnaient une vraie sensation<br />
de hauteur ». La scène ? Dans le bassin, évidemment.
archéologie musicale / concert mytique<br />
_photos ci-dessous © Les 4 Éléments, Stéphane Bordonaro, Jean-jacques Fremaux
6<br />
archéologie musicale / concert mytique<br />
« Nous avions moquetté toute la piscine et la scène installée<br />
du côté le plus profond ». Et donc le public dans le bassin.<br />
« Pour y accéder, il fallait prendre les escaliers habituellement utilisés<br />
par les nageurs, c’était bizarre ». Des filets de protections<br />
étaient installés tout autour pour que le public ne tombe pas.<br />
« La scène n’était pas très haute puisqu’il y avait la pente naturelle<br />
du bassin. En fond, nous avions mis un pendrillon et un écran<br />
sur lequel tournaient des images ». En continuant à fouiller dans<br />
son dossier il retombe sur un document très important : « Je ne<br />
me souvenais plus de ça ! La ville nous avait refusé la demande<br />
de buvette temporaire : pas le droit de<br />
vendre de l’alcool dans une enceinte<br />
sportive… » Bizarre, je ne suis pas le<br />
seul à me souvenir avoir bu quelques<br />
coups, devait y avoir un réseau parallèle.<br />
Prémisses et parfum Lancôme<br />
Côté musique. « À l’époque, Gérald<br />
avait évidemment un œil sur ce qui<br />
se faisait musicalement à Reims ».<br />
Et deux groupes retenaient clairement<br />
son attention : Klanguage<br />
et Park. Klanguage était le premier<br />
groupe d’un certain Pierre-<br />
Alexandre Busson aka Yuksek. « C’est<br />
un groupe qu’il avait monté avec un<br />
bassiste qui s’appelait Romain et une<br />
chanteuse, Marianne-Elise. Lui, était<br />
déjà aux machines. » Il avait 26 ans<br />
à l’époque, un EP et quelques prestations<br />
scéniques remarquées à Octob’Rock notamment. L’électro<br />
prenait déjà une place prépondérante, prémisses de ce qui allait<br />
se passer quelques années plus tard.<br />
Park. Le groupe de François et Marie Pavan. Témoin du côté<br />
scène, un autre François, Malnovic celui-là, pour qui cette soirée<br />
avait un goût particulier. « François Pavan était mon prof de<br />
gratte quand j’étais ado. Nous nous entendions plutôt pas mal et<br />
on ne s’étaient pas croisés depuis un bout de temps. Je l’ai appelé,<br />
il m’a proposé de passer chez lui : il venait tout juste de monter<br />
Park avec Marie et m’a fait écouter quelques trucs. Il m’a ensuite<br />
demandé un coup de main et nous avons commencé à bosser<br />
ensemble sur la production d’un morceau. Et comme ça fonctionnait<br />
bien, il m’a proposé de venir sur scène avec eux pour le jouer<br />
en live. C’était le concert d’Underwater. J’avais 22 ans et c’était<br />
mon premier vrai concert sur scène. Je peux te dire que je m’en<br />
souviens… » Ce titre, c’était Seventeen, qui a connu son heure<br />
de gloire puisque quelques temps plus tard il a été utilisé pour<br />
la pub Hypnose, un parfum de Lancôme. « Olivier Vaillant est<br />
aussi monté sur scène pour un morceau : Charity Business. »<br />
Pendant le changement de plateau<br />
entre les deux groupes, une scène<br />
avait été installée sur les coursives<br />
pour les Fils Funky « une formation<br />
qui regroupait des membres des<br />
Boules de Feu - la fanfare de médecine<br />
- à qui nous avions demander<br />
de travailler un répertoire spécial ».<br />
Rodolphe se souvient que « pendant<br />
plusieurs jours aux studios de répétition<br />
de la Girafe Bleue, ils avaient<br />
bossé sur des versions acoustiques de<br />
grands standards de l’électro. »<br />
À peine le concert de Klanguage<br />
achevé, le relais a été pris par deux<br />
DJ placés eux aussi dans les coursives<br />
pour faire danser le public jusqu’à 3h<br />
du matin : Ark et Krikor. Rodolphe<br />
se rappelle que « Ark était un pote de<br />
PA qui nous l’avait présenté, de son<br />
vrai nom Guillaume Berroyer, le fils<br />
de Jacky, qui a vécu à Reims ».<br />
J’ai évoqué cette soirée avec un tas d’autres personnes. Tous en<br />
gardent un souvenir vraiment particulier. Une soirée qui a marqué<br />
les esprits. « Quand nous étions sur scène avec Park, nous<br />
avions le sentiment que c’était un moment qui n’arriverait qu’une<br />
fois, que ça n’aurait peut-être plus jamais lieu et qu’il fallait en<br />
profiter » me dit François. « Un truc unique et je l’ai vécu sur<br />
scène, une vraie chance. »<br />
Le bus arrive.<br />
Photographie © Sylvère Hieule • Graphisme © Romuald Gabriel<br />
texte<br />
Jean Delestrade<br />
illustration<br />
Hélène Paris
création & cuisine japonaise<br />
L’homme<br />
avec<br />
une forêt<br />
sur<br />
l’avantbras<br />
guillaume libert,<br />
chef référent<br />
des restaurants matsuri
8<br />
création & cuisine japonaise<br />
Un homme jeune d’aujourd’hui,<br />
piercing industriel, boucles et petits<br />
écarteurs d’oreilles, coupe en brosse<br />
et regard vif. Guillaume Libert est<br />
chef de cuisine référent pour les<br />
restaurants Matsuri. Rencontre à la<br />
Défense juste avant le coup de feu de<br />
11h30. Guillaume Libert, gant bleu<br />
et manches relevées sur une forêt de<br />
sapins tatouée tout en nuance sur son<br />
avant-bras gauche est au centre du<br />
célèbre convoyeur tournant. Il s’affaire,<br />
va, vient, découpe un dos de saumon,<br />
arrange des queues de crevettes sur un<br />
plateau.<br />
J’ai fait un lycée hôtelier à Saint-Quentin<br />
dans le 02 et j’ai commencé en<br />
brasserie mais ça ne m’a pas plu du<br />
tout, travailler dans une brigade de vingt<br />
personnes où ça hurle ne me disait rien,<br />
j’ai arrêté pendant deux ans pour faire<br />
des petits boulots. Ensuite, j’ai repris<br />
un travail en brasserie et c’est là que le<br />
chef de Matsuri / Reims m’a contacté, on<br />
était en 2007. Je suis resté second de<br />
cuisine quatre ans et je suis passé chef<br />
de cuisine pour ouvrir le restaurant de<br />
Matsuri / Saint-Etienne. Au bout de deux<br />
ans, je suis arrivé sur Paris.<br />
Guillaume Libert prépare des plateaux<br />
Bento, il arrange du radis (daïkon,<br />
radis jaune japonais) mariné et effilé<br />
sur lequel il dépose des lamelles de<br />
saumon.<br />
Je suis allé deux fois au Japon, c’est une<br />
culture que j’apprécie particulièrement.<br />
Les japonais sont respectueux, nous,<br />
européens, sommes des barbares.<br />
Au Japon, tout est propre et calme,<br />
même si ce sont des grands stressés<br />
que l’on voit courir partout, ils restent<br />
zen. La principale différence entre<br />
la France et le Japon réside dans<br />
les poissons employés. Les japonais<br />
consomment très peu de saumon et<br />
énormément de thon, chez nous, c’est le<br />
contraire. Il consomme beaucoup<br />
de thon gras, le otoro, mais ici, c’est hors<br />
de prix. Et par exemple, il consomme<br />
des crevettes d’eau douce crues dès<br />
le matin, mais là, j’ai un peu de mal…<br />
(sourire). Il travaille aussi l’alose avec la<br />
peau, mais ici, les clients ne veulent pas<br />
consommer la peau de poisson même<br />
ébouillantée ou grillée. J’ai vu aussi un<br />
sushi avec lard grillé, poireau et mayonnaise,<br />
je ne peux en aucun cas présenter<br />
ça ici, les clients vont me regarder<br />
bizarrement.<br />
Le riz roule dans la paume de la main<br />
gauche de Guillaume, les sushis se<br />
forment.<br />
Je travaille avec un riz à sushi qui est<br />
cultivé en Italie. C’est un grain long qui<br />
se tient à la cuisson, ce n’est pas un riz<br />
gluant, c’est un riz collant. Quand on<br />
met la boulette de riz dans la bouche,<br />
la salive doit dissocier chaque grain, en<br />
aucun cas ce n’est une purée. Pour un<br />
résultat optimum, nous mélangeons le<br />
riz encore chaud au vinaigre de riz pour<br />
qu’il pénètre bien chaque grain puis un<br />
peu de sucre et du sel. En fait, nous en<br />
revenons à la recette de base, le vinaigre<br />
stoppe la prolifération microbienne,<br />
ainsi les japonais pouvaient conserver<br />
le poisson juste posé sur ce riz. Le sushi<br />
était né.<br />
Découpe et mélange d’un tartare de<br />
saumon dans un grand saladier : saumon<br />
+ concombre + radis daïkon +<br />
shichimi (mélange de sept épices) +<br />
sauce kamebishi (soja et yuzupon) +<br />
quelques germes de poireaux au-dessus<br />
au moment de servir.<br />
J’ai appris avec M. Ichikawa, depuis<br />
j’essaye de coller à la façon japonaise<br />
de découper le poisson. Il faut suivre le<br />
sens du poisson. Pour le saumon qui<br />
vient de Norvège, le sens du gras est<br />
travaillé en croix pour que ce soit le plus<br />
joli possible. J’emploie le dos pour les<br />
sashimis et le ventre pour les sushis.<br />
Il faut plusieurs mois pour lever un filet<br />
de saumon, pour qu’il soit propre et sans<br />
pertes. Au début, j’ai fait beaucoup de<br />
tartares (rire). Pour la cuisine japonaise,<br />
il ne faut pas être trop pressé, il faut<br />
apprendre de ses erreurs et rectifier.<br />
C’est parti pour la préparation du<br />
tartare de thon : thon + crémette + miso<br />
blanc (pâte de soja légèrement fermentée)<br />
+ concombre.<br />
Je créé deux cartes par an. J’imagine des<br />
mariages à mon bureau, j’écris la recette<br />
puis je vais la tester en restaurant. Je<br />
dois faire le lien entre la créativité, la<br />
complexité de la recette et la modélisation<br />
pour l’ensemble des restaurants.<br />
Pour chaque produit qui entre, je dois<br />
trouver deux ou trois recettes afin<br />
qu’il y ait le moins de perte possible.<br />
Pour ce printemps / été, je viens de<br />
mettre au point trois nouveaux California<br />
(Avocat + herbes fraîches / aneth et<br />
ciboulette – Carotte + fromage frais<br />
aux herbes – Crudités + fromage frais<br />
+ herbes fraîches) et deux Usuzukuris<br />
(fines tranches de poissons avec une<br />
sauce Yuzupon / jus de yuzu et huile<br />
d’olive) dont celui aux Saint-Jacques<br />
avec betterave et mangue. Pour la<br />
dynamique des treize restaurants de la<br />
marque, nous communiquons entre nous<br />
par Facebook et nous mettons aussi au<br />
point des « Éditions éphémères » qui permettent<br />
de tester des créations. Dès que<br />
l’une d’entre elle plait aux clients, nous<br />
la passons à la carte. Nous sommes<br />
aussi à l’écoute des clients, en ce<br />
moment nous nous ouvrons aux envies<br />
de végétarisme et nous faisons attention<br />
aux intolérances alimentaires.<br />
Il découpe un filet d’anguille fumée,<br />
le large couteau tranche la chair en<br />
diagonal, il lisse chaque morceau et les<br />
pose sur un plateau.<br />
Au Japon, les hommes mangent avec les<br />
doigts, les femmes avec des baguettes,<br />
c’est une autre différence avec la France.<br />
Ma recommandation principale est de<br />
faire comme eux, tremper vivement le<br />
sushi dans une sauce salée rehaussée<br />
de wasabi, surtout pas sucrée. Croquer<br />
la bouchée, poisson vers la langue, surtout<br />
pas le riz. Le goût qui doit éclater en<br />
bouche ce n’est pas le riz vinaigré, c’est<br />
le poisson.<br />
r e s t a u r a n t m a t s u r i<br />
9 r u e d e c h a t i v e s l e , 5 1 1 0 0 r e i m s<br />
w w w . m a t s u r i . f r 0 3 2 6 8 6 1 0 1 0<br />
texte<br />
Jérôme Descamps
UN CONNU<br />
YOHANN DINIZ<br />
NOM<br />
Yohann Diniz.<br />
PROFESSION<br />
Athlète.<br />
ÂGE<br />
39 ans.<br />
PLUS BEAU SOUVENIR<br />
D'avoir battu le record du monde<br />
du 50 000 mètres piste à Reims au stade<br />
George Hebert en mars 2011.<br />
un rêve<br />
Allier son métier et sa passion.<br />
une passion<br />
La Culture.<br />
photographie<br />
Sylvère Hieule
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