Journal ASMAC No 2 - Avril 2014
Pestalozzi 2.0 - Pneumologie/Pédiatrie / Brochure "Profession et famille"
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POINTE DE MIRE<br />
Médecin en cas de catastrophe<br />
Même si l’humanité est souvent frappée par des catastrophes naturelles, le tsunami en 2004 et le<br />
tremblement de terre à Haïti en 2010 restent gravés dans nos mémoires de par leur ampleur.<br />
L’auteur s’est retrouvé sur place dans les deux cas. En plein milieu de la misère et de la souffrance, il<br />
a appris comment les sauveteurs de différentes nations pouvaient collaborer de manière efficace<br />
pour venir en aide aux victimes.<br />
Rolf A. Streuli, MACP, FRCP, resp. suppl. Groupe spécialisé Médecine du Corps suisse d’aide humanitaire (DDC, DFAE)<br />
Le 27 décembre 2004, les premières dépêches<br />
sur un effroyable tremblement de<br />
terre survenu sur la côte ouest de Sumatra,<br />
provoquant un tsunami d’une ampleur<br />
encore jamais vue, commençaient à tomber.<br />
En tant que membre du Corps suisse<br />
d’aide humanitaire (CSA), j’ai tout de suite<br />
réalisé que je devais m’attendre à un appel<br />
de la centrale à Köniz me demandant si je<br />
serais disponible pour engagement. La<br />
demande ne s’est pas fait attendre et j’ai<br />
été convoqué pour le briefing et la remise<br />
du matériel au dépôt à Wabern. Il me fallait<br />
bien sûr, avant toute chose, régler ma<br />
suppléance à l’hôpital. Le CSA avait décidé,<br />
dans un premier temps, d’envoyer à Banda<br />
Aceh une équipe d’intervention d’urgence<br />
composée d’un spécialiste de l’eau,<br />
de trois logisticiens et d’un médecin pour<br />
déterminer les besoins sur place.<br />
En autostop vers la misère<br />
Chargés avec tout ce qui est indispensable<br />
pour vivre dans une région dont l’infrastructure<br />
a été détruite, nous avons embarqué<br />
le 30 décembre à Kloten dans l’avion<br />
pour Singapour, où nous sommes arrivés<br />
le lendemain matin. Ensuite, nous avons<br />
immédiatement poursuivi notre voyage<br />
jusqu’à Medan, la capitale de Sumatra du<br />
<strong>No</strong>rd. Depuis là, un énorme avion de<br />
transport de type «Hercules», de l’armée<br />
de l’air australienne, nous a emportés<br />
jusqu’à Banda Aceh, à la pointe nord de<br />
l’île. Déjà à l’approche, nous avons découvert<br />
les incroyables destructions dans la<br />
grande ville d’environ 400 000 habitants.<br />
En autostop, nous avons finalement atteint<br />
tard le soir l’hôpital militaire encore<br />
partiellement intact mis en service par<br />
l’armée australienne aux abords de la<br />
ville. Les Australiens ont été très accueillants<br />
et nous ont attribué des civières pour<br />
la nuit dans une grande tente. <strong>No</strong>us nous<br />
sommes vite endormis sous nos moustiquaires.<br />
Le lendemain, nous avons commencé par<br />
dresser une liste de tous les médicaments,<br />
instruments et du matériel médical nécessaires.<br />
Les collègues australiens avaient<br />
déjà une certaine vue d’ensemble et m’ont<br />
présenté leur catalogue des exigences que<br />
j’ai, après révision, immédiatement transmis<br />
par téléphone à la centrale à Berne.<br />
Fractures et pneumonies<br />
Après avoir accompli ce travail, je me suis<br />
mis à la disposition de l’équipe australienne<br />
qui était composée d’un chirurgien<br />
et d’un anesthésiste. La grande majorité<br />
des patients qui affluaient en masse dans<br />
les quelques hôpitaux encore en état de<br />
fonctionner avait des fractures – souvent<br />
ouvertes – des extrémités inférieures avec<br />
des blessures purulentes des parties<br />
molles, provoquées par des débris charriés<br />
par le tsunami. Il y avait aussi beaucoup<br />
de patients qui souffraient en plus de<br />
pneumonies d’aspiration et crachaient de<br />
la glaire putride de couleur noire. Plus<br />
tard, cette maladie a été désignée par le<br />
Center for Disease Control and Prevention<br />
(CDC) à Atlanta comme la «Tsunami related<br />
aspiration pneumonia». Elle était<br />
causée par des bactéries à Gram négatifs<br />
endémiques en Asie du Sud-Est. Comme<br />
il n’était possible d’effectuer ni des examens<br />
radiologiques ni de laboratoire,<br />
nous avons été obligés de nous appuyer sur<br />
un diagnostic avec les yeux, le nez, les<br />
mains et le stéthoscope. Des schémas<br />
posologiques compliqués pour les médicaments<br />
étaient dès le début condamnés<br />
à l’échec, comme le dossier médical se<br />
limitait à un bout de papier. Dans cette<br />
situation, l’antibiotique idéal était donc la<br />
ceftriaxone pouvant être appliquée une<br />
fois par jour à une dose de 2 g. En cas de<br />
suspicion clinique d’une infection anaé-<br />
Illustration 1: Clinique pédiatrique dans des tentes dans l’enceinte de<br />
l’Hôpital universitaire de Port-au-Prince, Haïti. L’espace disponible était<br />
fortement restreint en raison du grand nombre de petits patients et de<br />
leurs mères!<br />
30 VSAO JOURNAL <strong>ASMAC</strong> N O 2 <strong>Avril</strong> <strong>2014</strong>