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12 Minutes Pratiques<br />
Toutefois, il conviendra d’être très vigilant sur ce point car le<br />
régime de l’agent des sûretés, tel que mis en place par l’ordonnance<br />
du 4 mai 2017, accorde une large place à la liberté contractuelle.<br />
La convention désignant l’agent des sûretés doit, à peine<br />
de nullité, être constatée par un écrit qui mentionne sa qualité,<br />
l’objet et la durée de sa mission ainsi que l’étendue de ses pouvoirs<br />
(C. civ. art. 2488-7). Par suite, le rédacteur de la mainlevée<br />
devra consulter avec attention les stipulations de la convention<br />
d’agent des sûretés pour s’assurer que le pouvoir de donner mainlevée<br />
de l’inscription prise directement par<br />
l’un des créanciers a bien été conféré à l’agent.<br />
On supposera que c’est le cas en l’espèce.<br />
Sur la forme<br />
4. Nécessité d’une mention en marge.<br />
L’agent des sûretés ayant été désigné dans<br />
notre cas postérieurement à la prise de l’inscription,<br />
il est inconnu au fichier immobilier<br />
où seule apparaît la banque X, créancier<br />
d’origine.<br />
L’ordonnance du 4 mai 2017, comme les<br />
décrets 55-22 du 4 janvier 1955 et 55-1350<br />
du 14 octobre 1955, sont muets sur la question de savoir si,<br />
lorsqu’un agent des sûretés est désigné en cours d’opération<br />
de crédit garantie par une sûreté hypothécaire, cet événement<br />
doit être publié. Il nous faut donc raisonner par analogie avec<br />
d’autres mécanismes juridiques comparables.<br />
Le législateur prévoit que sont publiés sous forme de mention<br />
en marge les subrogations, mainlevées, réductions, cessions<br />
d’antériorité et transferts, prorogations de délais, changements<br />
de domicile, et d’une manière générale, toutes modifications,<br />
notamment dans la personne du créancier bénéficiaire de<br />
l’inscription, qui n’ont pas pour effet d’aggraver la situation<br />
du débiteur (C. civ. art. 2430). La désignation d’un agent des<br />
sûretés ne saurait être qualifiée de cession de créance ni de<br />
cession d’antériorité. C’est précisément l’objet de la réforme<br />
de 2017 que d’avoir mis en place un outil juridique sui generis<br />
pour organiser le crédit syndiqué, afin d’éviter le recours<br />
aux qualifications de droit commun qui avaient prouvé leur<br />
insuffisance par le passé.<br />
Néanmoins, l’article 2430 inclut dans les mentions en marge de<br />
façon générale toutes les modifications sur l’inscription qui n’ont<br />
pas pour effet d’aggraver la situation du débiteur. Or, la jurisprudence<br />
a précisé à ce sujet qu’un changement de créancier<br />
ne peut pas avoir pour effet d’aggraver la situation du débiteur<br />
ni du tiers détenteur de l’immeuble (Cass. 3 e civ. 11-10-2006<br />
n° 05-21.313 FS-PB : RJDA 3/07 n° 263 ; Cass. 3 e civ. 27-1-2010<br />
n° 08-21.324 FS-PB : RJDA 7/10 n° 784 ; Cass. 3 e civ. 11-6-2014<br />
n° 13-14.579 F-D). On peut penser qu’il en ira a fortiori de même<br />
pour la désignation d’un agent des sûretés car celle-ci ne consiste<br />
pas en un changement de créancier, mais simplement du titulaire<br />
des sûretés, le créancier demeurant titulaire de la créance.<br />
Ainsi, bien que l’agent des sûretés ne soit pas précisément<br />
nommé par l’article 2430, on peut considérer qu’il appartient à<br />
la catégorie résiduelle des modifications intervenues sur l’inscription<br />
n’aggravant pas la situation du débiteur. Par suite, la<br />
désignation de l’agent des sûretés aurait dû selon nous faire<br />
La convention d’agent<br />
des sûretés, comme<br />
ses modificatifs,<br />
doit être notariée ab initio<br />
l’objet d’une mention en marge lors de la signature de la convention.<br />
Cette formalité n’a pas été effectuée en l’espèce.<br />
5. Mainlevée à défaut de mention en marge. Lorsqu’une mainlevée<br />
doit être effectuée par une personne qui n’apparaît pas<br />
comme le créancier ayant pris l’inscription initiale, la mainlevée<br />
peut être régularisée en relatant le(s) événement(s) intervenu(s)<br />
depuis l’inscription et qui auraient dû faire l’objet d’une mention<br />
en marge. Il en va ainsi par exemple :<br />
- pour une cession de créance : en l’absence<br />
de mention en marge de la cession,<br />
la radiation peut être opérée sur la production<br />
de la mainlevée consentie par le cessionnaire<br />
et appuyée par l’expédition de<br />
l’acte de cession (J.-Cl. Notarial formulaire,<br />
V° Mainlevée fasc. 32 par P. Frémont et<br />
C. Dantcheff, n° 119) ;<br />
- pour une subrogation : le créancier subrogé,<br />
dont la subrogation n’a pas été mentionnée<br />
en marge, peut valablement donner mainlevée<br />
s’il justifie, en plus de sa capacité, de l’existence<br />
et de la régularité de la transmission de<br />
l’hypothèque (P. Frémont et C. Dantcheff, précités, n° 190).<br />
Dans le même sens, l’Association des conservateurs, se fondant<br />
sur une réponse ministérielle du 30 juin 1976, a d’ailleurs précisé<br />
que la mention en marge est inutile si la modification de<br />
l’un des éléments de l’inscription se trouve publiée au fichier<br />
d’une autre manière à titre principal (Bull. AMC 1976 art. 1055).<br />
6. À l’instar de ces situations, il nous paraît donc possible au<br />
cas particulier de dresser la mainlevée par l’agent des sûretés,<br />
en justifiant dans l’acte de sa nomination et de ses pouvoirs,<br />
issus tant de la loi que de la convention le désignant.<br />
La comparution de l’agent des sûretés pourra être rédigée de<br />
la manière suivante :<br />
« La société… (banque Y), agissant en son propre nom et<br />
pour le compte de divers créanciers en qualité d’agent<br />
des sûretés, conformément à l’article 2488-6 du Code civil,<br />
en vertu de la convention l’ayant désignée en cette qualité<br />
reçue par Me… notaire à… le…, laquelle la rend titulaire<br />
de l’inscription ci-après désignée et lui donne pouvoir<br />
d’en donner mainlevée avec ou sans paiement. »<br />
À l’appui de la mainlevée, devra être produite l’expédition<br />
de la convention d’agent des sûretés. En conséquence,<br />
celle-ci devra avoir été rédigée ab initio par acte notarié<br />
(C. civ. art. 710-1).<br />
En revanche, les cessions de participation intervenues au<br />
sein du pool bancaire consécutivement à la nomination de<br />
l’agent des sûretés n’ont pas besoin d’être relatées ici, l’agent<br />
des sûretés agissant à la façon d’un fiduciaire pour le compte<br />
du pool, mais en son propre nom. C’est tout l’intérêt de la<br />
réforme de 2017 qui évite désormais d’avoir recours à la technique<br />
du mandat. La présence de l’agent des sûretés fait écran<br />
entre le débiteur et les créanciers.<br />
SOLUTION NOTAIRE HEBDO 21 décembre 2017 n° 14