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L’ORDRE ET LA FORCE . RAPPORT D’ENQUÊTE<br />

9<br />

INTRODUCTION. DE LA FORCE LÉGITIME<br />

AUX VIOLENCES POLICIÈRES<br />

Les forces de l’ordre peuvent avoir recours à la force dans le cadre de leur mission. Tout usage de la force<br />

par la police ou la gendarmerie n'est donc pas nécessairement illégal. Il peut même, dans certains cas, occasionner<br />

des blessures, voire la mort, sans toutefois être jugé illégal. Il ne peut cependant pas être mis en<br />

oeuvre dans n’importe quelles circonstances et doit répondre à certaines conditions.<br />

La question centrale se situe donc dans la frontière entre la légitimité et l’illégalité du recours à la force. Cette<br />

frontière est aussi ténue que fondamentale. Tout recours à la force dépassant le seuil autorisé par la loi est<br />

susceptible de constituer un traitement inhumain et dégradant prohibé par le droit international et le droit<br />

français, et ce même dans les circonstances les plus difficiles, telles que la lutte contre le terrorisme et le<br />

crime organisé. Il doit alors être sanctionné comme tel. Dans les faits, il est souvent difficile de déterminer le<br />

caractère légitime ou non du recours à la force. Deux conditions impératives président à sa mise en œuvre :<br />

nécessité et proportionnalité. Tout usage de la force qui ne serait pas nécessaire ou se révélerait disproportionné<br />

constituerait une violence policière illégale.<br />

APPRÉCIER LA NÉCESSITÉ DE LA FORCE<br />

La force ne peut tout d’abord être utilisée que si elle est rendue strictement nécessaire par le but poursuivi<br />

par les agents, ainsi que par le comportement de la personne qu’ils cherchent à appréhender (lorsqu’elle<br />

représente par exemple un danger ou une menace, résiste à son interpellation, etc.). Ainsi la force n’est-elle<br />

plus nécessaire dès que la personne est maîtrisée. Tout usage de la force sur une personne appréhendée ou<br />

tout emploi de la force à des fins de dissuasion ou de punition constitue un traitement inhumain et dégradant,<br />

qui doit être sanctionné comme tel.<br />

APPRÉCIER LA PROPORTIONNALITÉ DE LA FORCE<br />

Si l’usage de la force ne peut être évité, il doit être gradué et strictement proportionné au regard de la<br />

situation. Plusieurs indices doivent permettre d'apprécier le degré de force nécessaire : le comportement<br />

de la personne à appréhender, son âge, sa corpulence et son état de santé, le nombre d’agents des forces<br />

de l’ordre présents, leur équipement de protection éventuel ou le risque de provoquer des victimes collatérales.<br />

Au regard des circonstances, les forces de l’ordre doivent se demander si d’autres moyens seraient<br />

suffisants pour atteindre le but recherché, et surtout si les risques de blessures ou de décès que le recours<br />

à la force peut entraîner ne sont pas démesurés par <strong>rapport</strong> à l’objectif visé. Ce dernier n’est ainsi pas de<br />

même intensité s’il s’agit d’interpeller une personne menaçant immédiatement la vie d’autrui, ou s’il s’agit<br />

de reconduire à la frontière un étranger en situation irrégulière. L’usage de la force létale ne peut quant à lui<br />

être considéré comme légitime que lorsqu’il vise à sauver une vie humaine ou à empêcher qu’une personne<br />

ne soit grièvement blessée.<br />

« Seule la protection de la vie peut satisfaire la condition<br />

de proportionnalité lorsque la force létale est utilisée<br />

intentionnellement. Ainsi, on ne peut pas tuer un voleur en fuite<br />

qui ne représente pas un danger immédiat, même si cela signifie<br />

qu’il va s’échapper. » Christof Heyns, Rapporteur spécial des Nations unies<br />

sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires<br />

En toutes circonstances, lorsque les forces de l’ordre ont eu recours à la force, le droit international leur<br />

impose de démontrer qu’elle était nécessaire et proportionnée. Enfin, au-delà de ces principes fondamentaux<br />

de nécessité et de proportionnalité du recours à la force, il existe, pour chaque arme ou chaque geste<br />

technique policier, des règles d’utilisation qui doivent être respectées. Dans le cas contraire, le recours à la<br />

force est illégal et peut entraîner la responsabilité pénale et disciplinaire de son auteur.

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