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rapport_violences_policieres_acat (1)

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72 RAPPORT D’ENQUÊTE . L’ORDRE ET LA FORCE<br />

Défenseur des droits recommandait des poursuites disciplinaires pour usage disproportionné de la force, si<br />

des sanctions ont bien été prononcées, elles paraissent faibles au regard des faits constatés (voir affaires<br />

Nassuir Oili, Geoffrey Tidjani et Abdelhakim Ajimi mentionnées p. 69-70).<br />

La CNDS puis le Défenseur des droits ont par ailleurs regretté à plusieurs reprises que l’autorité hiérarchique<br />

saisie pour engager des poursuites disciplinaires décide parfois d’attendre que le juge pénal<br />

ait statué pour prendre une sanction contre l’agent impliqué 141 . Pourtant, procédures disciplinaires et<br />

procédures pénales sont théoriquement indépendantes : l’Administration peut prononcer une sanction<br />

disciplinaire sans attendre l’issue de la procédure pénale. La CNDS estimait, en 2005, que, « dans certains<br />

dossiers où la réalité des faits n’est pas douteuse, la sanction administrative devrait intervenir sans<br />

délai 142 . » En 2011, le Défenseur des droits réitérait ce constat et réaffirmait le principe de séparation des<br />

poursuites disciplinaires et judiciaires. Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, s’était alors engagé à ce<br />

sujet à « veiller à l’application rigoureuse du principe d’indépendance des procédures disciplinaires et<br />

pénales » et à prendre des mesures conservatoires dans les affaires les plus graves, telles qu’un déplacement<br />

des fonctionnaires 143 . Aucun élément de permet pour l’instant à l’ACAT de vérifier que ces engagements<br />

ont depuis été tenus.<br />

Concernant les recommandations d’ordre général enfin, dans quelques avis récents examinés par<br />

l’ACAT, les conclusions du Défenseur semblent n’être pas prises au sérieux par les autorités. Deux<br />

recommandations d’ordre général au moins n’ont pas été suivies par le ministère, qui paraît accorder<br />

peu de crédit aux observations du Défenseur. La première concerne un avis de juillet 2015, recommandant<br />

de proscrire l’utilisation du Flash-Ball Superpro ® dans le cadre du maintien de l’ordre. S’appuyant<br />

sur l’imprécision de cette arme et les risques de blessures irréversibles qu’elle entraîne, le Défenseur<br />

des droits appelait à un moratoire général sur l’utilisation de cette arme et à son retrait rapide de la<br />

dotation 144 . Alors que l’IGPN avait elle-même soutenu cette position, le ministère de l’Intérieur a plaidé,<br />

pour sa part, le fait qu’« un moratoire sur les armes intermédiaires serait contre-productif et pourrait<br />

avoir des conséquences dangereuses ». « Nous ne pouvons pas nous permettre de désarmer nos forces<br />

de l’ordre », ajoutait le porte-parole du ministère en réponse au Défenseur des droits 145 . On a pu assister<br />

à la même défiance du ministère de l’Intérieur à l’encontre des travaux du Défenseur des droits concernant<br />

la situation des migrants à Calais, après la publication, en octobre 2015, d’un <strong>rapport</strong> dénonçant des<br />

violations aux droits fondamentaux et des allégations de <strong>violences</strong> policières. En réaction, un courrier<br />

du ministre de l’Intérieur accuse l’institution d’un certain nombre d’erreurs factuelles. Les <strong>violences</strong><br />

policières que le Défenseur des droits impute aux forces de l’ordre seraient formulées « dans des<br />

termes très généraux qui ne paraissent pas permettre d’établir des faits (…), le <strong>rapport</strong> se born[ant] le<br />

plus souvent à rappeler des éléments déclarés par d’autres associations ou institutions que le ministère<br />

de l’Intérieur a déjà eu l’occasion de démentir » 146 . L’ACAT est extrêmement inquiète du peu de crédit<br />

accordé ainsi à l’institution, dont les conclusions sont étayées par des investigations approfondies et de<br />

nombreuses données factuelles, qui sont par ailleurs reprises par plusieurs autorités européennes ou<br />

internationales, ainsi que par des ONG.<br />

141. CNDS, Bilan des six premières années d’activités, 2001-2006, p. 22<br />

142. CNDS, Rapport d’activité 2005, p. 13<br />

143. Défenseur des Droits, Rapport annuel 2012, p. 22<br />

144. Défenseur des droits, MDS 2015-147 du 16 juillet 2015<br />

145. AFP, communiqué de presse, du 22 juillet 2015<br />

146. Défenseur des droits, Analyse des éléments de réponse du ministère de l’Intérieur sur le <strong>rapport</strong> « Exilés et droits fondamentaux, la situation sur le territoire de<br />

Calais », 20 octobre 2015

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