You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
32 RAPPORT D’ENQUÊTE . L’ORDRE ET LA FORCE<br />
Lou (28 ans), blessé<br />
en 2015 : « J’ai reçu le<br />
flashball entre la verge<br />
et l’aine. En dessous de<br />
l’appendice. J’ai été opéré<br />
deux fois au niveau de la<br />
verge et de l’appendice.<br />
Dès que l’hématome<br />
sera dissipé, dès que le<br />
sang sera parti, ils vont<br />
regarder si j’ai les cordons<br />
spermatiques sectionnés.<br />
Et s’ils sont sectionnés, je<br />
serai stérile. J’ai 50 % de<br />
chances de l’être. Je suis le<br />
plus touché, mais je n’étais<br />
pas le seul, il y a eu trois<br />
ou quatre blessés. Ils ont<br />
tiré une dizaine de fois au<br />
flashball. »<br />
VITESSE D'UNE<br />
BALLE DE FLASHBALL<br />
380 km / h<br />
=<br />
VITESSE D’UNE BALLE<br />
DE FLASHBALL SUPERPRO<br />
186 km / h<br />
=<br />
SERVICE DE DJOKOVIC<br />
À ROLAND GARROS<br />
« L’impact d’un lanceur de balles de défense peut provoquer<br />
des hématomes très importants, avec, parfois,<br />
une déformation au point d’impact. Il peut faire éclater<br />
la peau et peut provoquer une hémorragie. De graves<br />
lésions pulmonaires sont possibles. Un coup violent<br />
au niveau du coeur peut également provoquer un arrêt<br />
cardiaque. » Docteur Stéphanie Lévêque<br />
Un <strong>rapport</strong> de l’école nationale de police du Québec dresse un schéma des zones<br />
corporelles d’impacts « vertes », « jaunes » et « rouges », selon leur niveau de traumatisme<br />
et leur degré de force mortelle 47 . Toute la zone du torse, de la tête et des parties<br />
génitales est inscrite en rouge (niveau de traumatisme élevé, degré de force mortel),<br />
précisant que « les traumatismes survenant dans la zone rouge sont susceptibles de<br />
causer un état d’inconscience, une blessure sérieuse à l’organisme ou la mort. Les<br />
séquelles tendent à être plus permanentes que temporaires. »<br />
Une arme reconnue dangereuse par la justice française<br />
En juin 2015, le tribunal administratif de Nice a reconnu pour la première fois la dangerosité<br />
du flashball qu’il décrit comme une arme « comportant des risques exceptionnels<br />
», et a mis en cause la responsabilité de l’État. Le juge administratif a considéré,<br />
concernant cette arme, que « les dommages subis excèdent, par leur gravité, les<br />
charges qui doivent être normalement supportées par les particuliers en contrepartie<br />
des avantages résultant de ce service public ».<br />
France : au moins un mort et plus de 39 blessés graves depuis 2005<br />
Les autorités françaises ont la plus grande difficulté à reconnaître les dégâts occasionnés<br />
par ces armes. Le nombre de blessés est régulièrement sous-estimé. Un exemple<br />
frappant est celui du <strong>rapport</strong> relatif à l’emploi des munitions en opérations de maintien de<br />
l’ordre, remis au ministre de l’Intérieur par l’IGGN et l’IGPN après le drame de Sivens.<br />
Examinant les armes et les munitions utilisées dans le cadre d’opérations de maintien de<br />
l’ordre, le <strong>rapport</strong> cite l’exemple de l’Espagne, où, « au cours des dix dernières années,<br />
on dénombre 18 blessés graves à cause des balles de gomme », précisant que « la plupart<br />
des blessures concernent la perte d’un œil, (...) des cas de traumatismes crâniens,<br />
de fractures cervicales ou de lésions internes » 48 . À Aucun moment pourtant, les deux<br />
Inspections ne prennent la peine de mentionner les nombreuses victimes françaises de<br />
lanceurs de balles de défense.<br />
En juin 2014, un responsable de l’IGPN estimait pour sa part à une « vingtaine » le<br />
nombre de blessés graves par lanceurs de balles de défense en France 49 . À défaut<br />
de données officielles, l’ACAT a tenté de recenser le nombre de personnes blessées<br />
gravement par des tirs de Flash-Ball Superpro ® ou de LBD 40x46 ® . Ces données, obtenues<br />
par recoupement d’informations, sont loin d’être exhaustives.<br />
Sur les dix dernières années, l’ACAT a recensé au moins 39 personnes grièvement<br />
blessées, pour la plupart au visage. 21 ont été éborgnées ou ont perdu l’usage d’un<br />
œil. Par ailleurs, un homme atteint par un tir au thorax à courte distance est décédé en<br />
décembre 2010. D’après les observations de l’ACAT, les victimes de ces armes sont<br />
souvent très jeunes : un tiers étaient mineures lorsqu’elles ont été mutilées. Une sur<br />
deux n’avait pas 25 ans. Parmi celles-ci, deux enfants étaient âgés de neuf ans. La<br />
majorité de ces situations sont survenues lors de manifestations et d’opérations de<br />
maintien de l’ordre (annexe 2).<br />
47. Ibid<br />
48. IGPN et IGGN, Rapport relatif à l’emploi des munitions en opérations de maintien de l’ordre, 13 novembre 2014, p. 33<br />
49. « Flashball : la police cherche comment limiter les bavures et accidents », Médiapart, 26 juin 2014