SOLANINE et vieux légumes -------------------------------------------------- Texte et portrait : Stéphane de Laage 44 / Magazine <strong>JAD</strong> ANNE-MARIE ROYER-PANTIN Ne manquez pas son rendez-vous, au Parc floral de la Source, le dimanche 22 juillet à 15h30. © Pixabay
Au cœur de son cycle de conférences, l’historienne et écrivain Anne-Marie Royer-Pantin nous parlera de ces légumes anciens. Passionnée et passionnante, les Orléanais l’adorent et en redemandent… Cet été au parc floral de La Source, elle nous parlera aussi de ces fruits et de certains arbres que nous avons oubliés, ou dont nous ne savons plus la provenance. Ces végétaux ont une histoire et des origines parfois étonnantes, et ont souvent fait la renommée du Loiret. Tomate, patate, cresson, asperge, tout le monde connait. Mais l’igname ou le crosne, un peu moins sans doute. Tous ces légumes sont anciens et l’on a oublié, c’est bien naturel, leur provenance. Qui se souvient que la tomate arrive en Europe, en traversée directe des Amériques Centrale et du Sud. « A vrai dire, elle ne passionne pas les foules à son arrivée, explique Anne-Marie Royer- Pantin. Et pour cause, elle est toxique ». La tomate est de la famille des Solanines, qui contiennent une molécule qui rend fou, dit-on, ce qui n’est pas loin de la vérité. Alors pourquoi l’avoir importée ? Par curiosité. Les explorateurs sont accompagnés dans leurs traversées, de scientifiques et de botanistes, en charge de récolter les informations sur de nouvelles espèces, et les curiosités de toutes natures, inconnues en Europe. Les végétaux d’une façon générale en font partie. La tomate est largement décrite au Jardin des Apothicaires d’Orléans au début du XVI ème siècle, avec force dessins et écritures manuscrites. Ce n’est qu’en croisant et en recroisant les espèces de tomates que l’on finit par trouver, sans doute un peu par hasard, les tomates que nous connaissons aujourd’hui. Il aura fallu par ailleurs développer la culture des légumes sous châssis pour les obtenir de façon régulière sous nos latitudes. La tomate est gélive, ce n’est un secret pour personne, ce qui explique que seuls les italiens et les pays du Sud de la France s’y intéressent au début. Mais n’oublions pas qu’Orléans était une ville de garnison. Des milliers de chevaux produisaient donc des quantités impressionnantes de fumier qui génère de la chaleur, idéale pour les cultures, au point que les quartiers sont le coeur d’adjudications pour ce précieux combustible. Ce n’est qu’à la fin du XVIII ème siècle que la tomate entre dans nos plats, grâce notamment à la carte de célèbres restaurants parisiens. La patate… aux soldats prussiens Anne-Marie Royer-Pantin est intarissable sur la pomme de terre. « Ce n’est qu’au XIX ème siècle qu’on s’y intéresse pour la cuisine. Avant, seuls les cochons et les soldats prussiens en consomment !" C’est aux vignerons que l’on doit cette culture inattendue. Ils découvrent que la pomme de terre se plante facilement entre les rangs de vigne ; facile à arracher sans en endommager les pieds. Ainsi viendront les pommes de terre nouvelles et pomme de terre de semence à Chécy notamment, qui deviendra une spécialité nationale. La région de Puiseaux dans le Gâtinais comptait alors beaucoup de vignes, jusqu’en 1870 environ où le phylloxera la décime. Elle sera remplacée par une pomme de terre typique appelée la Saucisse rouge du Gâtinais ! L’asperge de Sologne est aussi célèbre. Dès le XVIII ème siècle elle est un plat raffiné que l’on trouve sur la table de l’évêque d’Orléans. On retrouve une demande d’autorisation des vignerons, encore eux, qui les plantent aussi dans les vignes, pour les vendre sur les marchés. A la même époque, les épinards sont un plat de pauvre que les étudiants mangent sous la forme de boulettes sucrées. Dans un tout autre genre, le crosne - ou cerfeuil tubéreux - est importé du Japon en 1840. Paul Chatelier, correspondant de l’académie des sciences, le cultive chez lui, au château de la Commanderie à Chécy. Le succès est immense, le crosne se cultive en grande quantité à Sully et fera les belles heures de certaines tables parisiennes. Que dire enfin du Cresson Alénois, planté dans la terre ? Rabelais l’avait baptisé le Nasitort. Ce cresson est en effet membre de la famille des crucifères, donc des moutardes ! Charlemagne avait prescrit de le planter dans les jardins impériaux, et de surcroit, ce cresson est autorisé pendant le carême ! Il sera longtemps lui aussi une spécialité légumière du Loiret. Des histoires comme celles-ci, Anne -Marie Royer-Pantin en a plein son cabas. C’est un bonheur de l’écouter… Alors ne manquez pas ce rendez-vous au Parc floral de la Source ! n Magazine <strong>JAD</strong> / 45