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Au cœur de son cycle de conférences, l’historienne et<br />
écrivain Anne-Marie Royer-Pantin nous parlera de ces légumes anciens.<br />
Passionnée et passionnante, les Orléanais l’adorent et en redemandent…<br />
Cet été au parc floral de La Source, elle nous parlera aussi de ces fruits<br />
et de certains arbres que nous avons oubliés,<br />
ou dont nous ne savons plus la provenance.<br />
Ces végétaux ont une histoire et des origines parfois étonnantes, et<br />
ont souvent fait la renommée du Loiret.<br />
Tomate, patate, cresson, asperge, tout<br />
le monde connait. Mais l’igname ou le<br />
crosne, un peu moins sans doute.<br />
Tous ces légumes sont anciens et l’on a<br />
oublié, c’est bien naturel, leur provenance.<br />
Qui se souvient que la tomate arrive<br />
en Europe, en traversée directe des<br />
Amériques Centrale et du Sud. « A vrai<br />
dire, elle ne passionne pas les foules à<br />
son arrivée, explique Anne-Marie Royer-<br />
Pantin. Et pour cause, elle est toxique ».<br />
La tomate est de la famille des Solanines,<br />
qui contiennent une molécule qui rend<br />
fou, dit-on, ce qui n’est pas loin de la<br />
vérité. Alors pourquoi l’avoir importée ?<br />
Par curiosité. Les explorateurs sont<br />
accompagnés dans leurs traversées, de<br />
scientifiques et de botanistes, en charge de<br />
récolter les informations sur de nouvelles<br />
espèces, et les curiosités de toutes natures,<br />
inconnues en Europe. Les végétaux<br />
d’une façon générale en font partie. La<br />
tomate est largement décrite au Jardin<br />
des Apothicaires d’Orléans au début du<br />
XVI ème siècle, avec force dessins et écritures<br />
manuscrites.<br />
Ce n’est qu’en croisant et en recroisant<br />
les espèces de tomates que l’on finit par<br />
trouver, sans doute un peu par hasard,<br />
les tomates que nous connaissons<br />
aujourd’hui.<br />
Il aura fallu par ailleurs développer la<br />
culture des légumes sous châssis pour<br />
les obtenir de façon régulière sous<br />
nos latitudes. La tomate est gélive, ce<br />
n’est un secret pour personne, ce qui<br />
explique que seuls les italiens et les pays<br />
du Sud de la France s’y intéressent au<br />
début. Mais n’oublions pas qu’Orléans<br />
était une ville de garnison. Des milliers<br />
de chevaux produisaient donc des<br />
quantités impressionnantes de fumier<br />
qui génère de la chaleur, idéale pour les<br />
cultures, au point que les quartiers sont<br />
le coeur d’adjudications pour ce précieux<br />
combustible.<br />
Ce n’est qu’à la fin du XVIII ème siècle<br />
que la tomate entre dans nos plats,<br />
grâce notamment à la carte de célèbres<br />
restaurants parisiens.<br />
La patate…<br />
aux soldats prussiens<br />
Anne-Marie Royer-Pantin est intarissable<br />
sur la pomme de terre. « Ce n’est qu’au<br />
XIX ème siècle qu’on s’y intéresse pour la<br />
cuisine. Avant, seuls les cochons et les<br />
soldats prussiens en consomment !" C’est<br />
aux vignerons que l’on doit cette culture<br />
inattendue. Ils découvrent que la pomme<br />
de terre se plante facilement entre les<br />
rangs de vigne ; facile à arracher sans en<br />
endommager les pieds. Ainsi viendront<br />
les pommes de terre nouvelles et pomme<br />
de terre de semence à Chécy notamment,<br />
qui deviendra une spécialité nationale.<br />
La région de Puiseaux dans le Gâtinais<br />
comptait alors beaucoup de vignes,<br />
jusqu’en 1870 environ où le phylloxera<br />
la décime. Elle sera remplacée par une<br />
pomme de terre typique appelée la<br />
Saucisse rouge du Gâtinais !<br />
L’asperge de Sologne est aussi célèbre.<br />
Dès le XVIII ème siècle elle est un plat raffiné<br />
que l’on trouve sur la table de l’évêque<br />
d’Orléans. On retrouve une demande<br />
d’autorisation des vignerons, encore eux,<br />
qui les plantent aussi dans les vignes, pour<br />
les vendre sur les marchés. A la même<br />
époque, les épinards sont un plat de<br />
pauvre que les étudiants mangent sous<br />
la forme de boulettes sucrées.<br />
Dans un tout autre genre, le crosne - ou<br />
cerfeuil tubéreux - est importé du Japon<br />
en 1840. Paul Chatelier, correspondant de<br />
l’académie des sciences, le cultive chez lui,<br />
au château de la Commanderie à Chécy.<br />
Le succès est immense, le crosne se cultive<br />
en grande quantité à Sully et fera les belles<br />
heures de certaines tables parisiennes.<br />
Que dire enfin du Cresson Alénois, planté<br />
dans la terre ? Rabelais l’avait baptisé le<br />
Nasitort. Ce cresson est en effet membre<br />
de la famille des crucifères, donc des<br />
moutardes ! Charlemagne avait prescrit de<br />
le planter dans les jardins impériaux, et de<br />
surcroit, ce cresson est autorisé pendant le<br />
carême ! Il sera longtemps lui aussi<br />
une spécialité légumière du Loiret.<br />
Des histoires comme celles-ci, Anne -Marie<br />
Royer-Pantin en a plein son cabas. C’est un<br />
bonheur de l’écouter…<br />
Alors ne manquez pas ce rendez-vous au<br />
Parc floral de la Source ! n<br />
Magazine <strong>JAD</strong> / 45