Echo de la Réhab - N°25 - Archéologie du présent - Septembre 2019

edito
03
Manger au fast-food, faire ses courses au
drive, communiquer avec Skype,
What’sapp, SMS, commander en ligne,
s’informer en continu…
Autant de figures de l’instantané. Car plus
que la vitesse, c’est l’immédiateté qui est
recherchée, comme une manière d’assouvir
dans l’instant et toujours plus vite nos besoins.
Les nouvelles technologies nous
permettent d’accélérer tous nos échanges
d’informations de manière évidente, les
ordinateurs sont toujours plus performants,
les algorithmes toujours plus optimisés, les
échanges virtuels toujours plus rapides. La
dimension « pratique » est invoquée,
certes, mais on perçoit une urgence à répondre
tant du côté de celui qui demande
que de celui qui propose. A quoi cette urgence
vient-elle répondre ? Ou peut-être,
nous demanderons-nous, que sert-elle à
masquer ? Grâce à elle en tout cas, le
couple accélération/croissance n’en a pas
fini de s’aimer et le temps de latence n’a
plus droit de cité.
Que nous le voulions ou non, nous sommes
tous pris dans ce mouvement qui va s’accélérant.
C’est comme si le temps des horloges
prenait le pas sur le temps long
intrapsychique, celui qui permet que se
construise le monde interne et son rapport
avec le monde extérieur.
Archéologie du présent est une manière de
remettre le temps de la création, le temps
de la transition, comme élément central
de nos vies. Toujours en quête de satisfaction,
nous voudrions ne pas emprunter le
chemin qui nous y conduit.
L’hôpital est en pleine mutation, en pleine transformation. Physique
d’un côté : les travaux au centre hospitalier Ste Marie à
Privas ont débuté, et doivent durer plusieurs années… ces années
ne seront-elles que désagréments, qu’incertitudes ? D’un autre
côté, l’Hôpital est en pleine mutation. La psychiatrie du présent
doit nécessairement se transformer, s’adapter au monde d’aujourd'hui.
Si l’on peut déplorer que ce ne soit pas l’inverse, si l’on
peut regretter que cette nécessaire transformation nous soit probablement
imposée par une logique économique, cette transformation
est inévitable.
Pouvons nous faire de cette transformation une métamorphose ?
Nous appuyer sur l’histoire passée pour tenter de la reproduire
dans le présent est abscons. Oublier cette histoire pour penser
construire quelque chose de foncièrement nouveau est tout aussi
enfermant. « Créer, c’est se souvenir » disait Victor Hugo.
L’archéologue n’exhume pas des objets du passé. Les objets sortis
de terre n’existent que dans le présent, le travail de l’archéologue
est de faire émerger le sens du passé à partir d’eux.
Archéologie du présent, c’est prendre ce temps, vital, d’accompagner
les métamorphoses nécessaires de notre vie, prendre le
temps de construire du sens, de relier sans les asservir les évènements
du passé aux instants présents qui composent notre
existance. Archéologie du présent, c’est le lien, c’est la relation à
l’autre, à soi, c’est la création, c’est la culture, c’est tout ce qui
nous compose et qui ne se consomme pas.
« Pour que la loi du progrès existât, il faudrait que chacun voulût
la créer ; c'est-à-dire que, quand tous les individus s'appliqueront
à progresser, alors, l'humanité sera en progrès. » Charles
Baudelaire
Agnès et Guillaume