Echo de la Réhab - N°25 - Archéologie du présent - Septembre 2019
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l ' é c h o d e l a r é h a b N ° 2 5<br />
r a r e e s t l ' h u m a i n<br />
09<br />
Entraves<br />
Le doute me fait ressembler à un<br />
fantôme, un zombie.<br />
Il m’empêche d’être dans<br />
l’action. Pourtant, être acteur <strong>de</strong><br />
ma vie, <strong>de</strong> mes soins est un<br />
moyen <strong>de</strong> me sentir exister.<br />
Je pense que le doute signe notre<br />
condition humaine. Il nous fait<br />
perdre nos moyens et crée<br />
une difficulté pour prendre<br />
<strong>de</strong>s décisions.<br />
Je suis souvent en méditation,<br />
malgré moi. C’est un état qui<br />
s’impose à moi et apaise le<br />
brouhaha <strong>de</strong> mes pensées. Mais<br />
ce<strong>la</strong> me coupe en même temps<br />
<strong>du</strong> mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s vivants.<br />
Moi, pendant <strong>de</strong>ux mois, je me<br />
suis retrouvé isolé chez moi dans<br />
une sorte <strong>de</strong> b<strong>la</strong>ckout. Je<br />
n’étais plus en possession <strong>de</strong><br />
moi-même comme si mon esprit<br />
m’avait quitté.<br />
Comment revenir à <strong>la</strong> réalité ?<br />
Quand on est coupé à ce point<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> réalité, on est en<br />
danger <strong>de</strong> mort.<br />
En montant à l’hôpital, j’ai vu S.<br />
allongé sur un banc.<br />
Je me suis <strong>de</strong>mandé : « Est-il<br />
mort ou vivant ? »<br />
Car dans ces moments où l’on<br />
décroche, on n’est plus accroché<br />
ni à <strong>la</strong> vie ni aux autres.<br />
Comment être en re<strong>la</strong>tion avec<br />
le mon<strong>de</strong> quand on délire ?<br />
Comment se sentir bien quand<br />
on ressent que notre présence<br />
est indésirable ?<br />
Le regard <strong>de</strong>s autres sur soimême<br />
peut-être douloureux<br />
quand on se sent mal<br />
dans sa peau.<br />
Il y a d’anciennes blessures qui<br />
<strong>la</strong>issent une sensibilité accrue<br />
au sentiment <strong>de</strong> rejet.<br />
On peut se sentir parfois dans<br />
une solitu<strong>de</strong> extrême qui nous<br />
isole <strong>du</strong> mon<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s autres.<br />
Dans ces moments <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong><br />
extrême, ma respiration ellemême<br />
peut en être altérée. Les<br />
autres ne comprennent pas<br />
forcément ce qui se passe car<br />
les liens donnent l’impression<br />
d’être coupés.<br />
Cette perte <strong>de</strong> contact fait<br />
barrage entre moi et l’autre. Plus<br />
rien ne peut plus s’échanger.<br />
La première fois où j’ai<br />
décompensé, j’étais à Londres,<br />
j’étais une inconnue. Cet<br />
anonymat m’a permis <strong>de</strong> me<br />
sentir libre <strong>de</strong> vivre, d’exister.<br />
Surtout ce<strong>la</strong> m’a permis <strong>de</strong><br />
prendre <strong>la</strong> parole, <strong>de</strong> dire ce que<br />
j’avais à dire et être enten<strong>du</strong>e<br />
sans préjugés.<br />
Les liens nous aliènent ou<br />
nous libèrent.<br />
Mais l’absence <strong>de</strong> lien nous<br />
empêche <strong>de</strong> se sentir faire<br />
partie <strong>de</strong> l’humanité.<br />
Être en lien sans être<br />
sous emprise.<br />
Vivre le moment <strong>présent</strong> sans<br />
être entravé par le passé.<br />
Collectif