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Boxoffice Pro n°466 – 10 avril 2024

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RENCONTRE AVEC NICOLAS SEYDOUX,<br />

PRÉSIDENT DE GAUMONT<br />

L'ÉMISSION<br />

©<strong>Boxoffice</strong> <strong>Pro</strong><br />

Famille de cinéma<br />

Sa fille désormais à la direction de Gaumont<br />

(Sidonie Dumas), un grand frère à la tête de Pathé<br />

(Jérôme Seydoux), une petite nièce actrice<br />

internationale (Léa Seydoux)... Mais Nicolas<br />

Seydoux reconnaît volontiers que le premier à<br />

avoir intégré la grande famille du cinéma, c’est le<br />

petit frère Michel. Un producteur de renom dont le<br />

président de Gaumont est fier d'avoir distribué la<br />

première réalisation (cosignée avec Laurent<br />

Charbonnier) : le documentaire Le Chêne, qui a<br />

rassemblé près de 420 000 spectateurs en 2022.<br />

« Quand on ne sait pas d'où l’on vient, on ne peut savoir où<br />

l’on va. » Alors pour retracer l'histoire de la société à la<br />

marguerite, qui se confond avec celle du cinéma, son<br />

président a décidé de livrer la sienne. À l’occasion de la<br />

sortie de son livre “Le cinéma, 50 ans de passion”, Nicolas<br />

Seydoux était l’invité de l’Émission <strong>Boxoffice</strong> <strong>Pro</strong><br />

du 28 mars.<br />

Emission à voir ou revoir<br />

sur notre chaîne YouTube<br />

Lorsqu'il arrive dans la maison en 1974, « personne ne<br />

connaissait l’histoire de Gaumont », s’étonne encore Nicolas<br />

Seydoux. C’est donc avant tout à ses salariés que le<br />

dirigeant destine son livre paru le 18 janvier dernier chez<br />

Gallimard. Pour autant, cette histoire racontée « telle que<br />

je l'ai vécue dans mes tripes et dans mon cœur » est celle de<br />

tous et, avant tout, celle du « seul pays européen qui ait<br />

sauvé son cinéma ».<br />

L’histoire d’une exception<br />

Au début des années 1970, alors que Nicolas Seydoux<br />

officie comme conseiller dans une banque d'investissements<br />

aux États-Unis, la télévision a pris le pouvoir « et<br />

on dit que le cinéma est mort… Mais que regardent les<br />

téléspectateurs ? Beaucoup de films ! », note le futur président<br />

de Gaumont. Le grand accomplissement du cinéma<br />

français, notamment à la naissance de Canal+ en 1984,<br />

aura d’ailleurs été de « convaincre les pouvoirs publics de<br />

faire participer les télévisions à son financement ». Ainsi,<br />

même durant la première moitié « dramatique » des années<br />

1990 [la fréquentation des cinémas en France ayant<br />

atteint son point le plus bas à 116 millions d'entrées en<br />

1992], « la machine a continué à tourner, et le parc de salles<br />

continué à s'adapter aux goûts des spectateurs en matière de<br />

confort », notamment en passant l’espace attribué à chaque<br />

spectateur « de 1 à 4 m² ». Et bien que le dirigeant ne soit<br />

plus un acteur direct de l’exploitation, depuis la cession<br />

en 2017 des dernières parts des Cinémas Gaumont Pathé<br />

à son frère Jérôme chez Pathé, il est fier que les investissements<br />

réalisés ces dernières décennies permettent à la<br />

France de disposer du « meilleur parc cinématographique<br />

du monde, couvrant l'ensemble du territoire avec toute une<br />

variété de salles et de prix ». Et la variété des salles va, bien<br />

entendu, de pair avec celle des films, à commencer par<br />

les films français.<br />

L’industrie correspond<br />

à un besoin, le cinéma<br />

correspond à un désir<br />

Un marché de l’offre et ses mystères<br />

Certes, comme le montrent les investissements qu’il<br />

nécessite <strong>–</strong> le budget moyen était de 4,78 M € par film<br />

en 2023 [voir p. 26] <strong>–</strong>, le cinéma est une industrie…<br />

mais pas de la production en série. « L’industrie correspond<br />

à un besoin, le cinéma correspond à un désir. » Et<br />

si Nicolas Seydoux concède volontiers qu’on ne peut<br />

pas analyser un succès, comme celui d’Intouchables en<br />

2011 (« Qui aurait cru que l’histoire de quelqu’un qui<br />

s’est cassé la colonne vertébrale en deltaplane intéresse tant<br />

de monde à travers le monde ? »), les plus heureux<br />

événements du cinéma, « et c’est ce qui le sauve »,<br />

proviennent de sujets originaux.<br />

En outre, de Don Giovanni au Grand bleu, en passant<br />

par les collaborations avec le grand Alain Poiré, le<br />

président de Gaumont compte, dans sa filmographie,<br />

beaucoup de fiertés, mais aussi des paris perdus. « Tous<br />

les films n’ont pas le même objectif et je ne juge pas la<br />

qualité d’un film au nombre de spectateurs ; mais un film<br />

qui n’a pas de spectateurs est un échec. »<br />

Un combat trop solitaire<br />

Dans le cadre de ses combats politiques, Nicolas Seydoux<br />

fait souvent entendre sa voix en tant que président de<br />

l’Alpa*, dont il est devenu président dès 2002, « car<br />

j’étais le seul à voir que, dès que les capacités de mémoire<br />

allaient permettre de traiter de l’image en plus du son, ce<br />

qui se passait dans la musique allait se passer dans le<br />

cinéma ». Et pour l’industrie musicale, les conséquences<br />

sont là : « il y a deux fois moins de jeunes auteurs interprètes<br />

édités aujourd’hui qu’il y a 20 ans. »<br />

Dans le domaine du cinéma, si le téléchargement illicite<br />

est aujourd’hui en baisse, « c’est grâce à NOS actions auprès<br />

des tribunaux, conduisant les moteurs de recherche à déréférencer<br />

et les fournisseurs d’accès à bloquer. Mais à un<br />

moment donné il faut une sanction individuelle », plaide<br />

Nicolas Seydoux, en regrettant que la réponse graduée<br />

n'ait « pas été comprise par le Conseil constitutionnel ».<br />

D’autant plus que face à la piraterie cinéma, le manque<br />

à gagner des pouvoirs publics n’est pas anodin : un chiffre<br />

d’affaires des ventes vidéo écroulé d’1 milliard à 200<br />

millions d’euros à peine aujourd'hui, « ça fait 160 millions<br />

de moins dans les caisses de l’État si l’on compte 20 % de<br />

taxes sur les 800 millions d’euros perdus ».<br />

*L'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle<br />

Ayşegül Algan<br />

N°466 / <strong>10</strong> <strong>avril</strong> <strong>2024</strong><br />

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