Boxoffice Pro n°466 – 10 avril 2024
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ACCESSIBILITÉ<br />
difficultés techniques sur ce point », indique Leslie Thomas.<br />
Par ailleurs, comme soulevé lors de la journée CST, il<br />
n'existe pas encore de recommandation technique<br />
concernant la piste HI <strong>–</strong> piste sonore spéciale pour les<br />
malentendants (Hearing Impaired) <strong>–</strong> à l’attention des<br />
ingénieurs du son. Celle-ci n’est pas obligatoire, et quand<br />
elle existe, n’est pas toujours signalée de façon claire sur<br />
les DCP. Le CNC en est conscient et a « acté, lors de<br />
l’observatoire de l’accessibilité de cette année, de travailler<br />
à une amélioration de ces conditions techniques. La FNCF<br />
est très engagée pour avancer sur le sujet et la présence des<br />
distributeurs de la Fnef au sein de l’observatoire va nous<br />
y aider. »<br />
©CST<br />
Une information à améliorer<br />
Quant à l’information du public, « une première étape a<br />
été franchie avec le partenariat entre AlloCiné et AccèsLibre,<br />
signé à Cannes en 2023 », rappelle Leslie Thomas. « On<br />
peut se réjouir que les informations d’accessibilité soient<br />
rendues disponibles sur un site qui recense 2 000 cinémas<br />
actifs, avec 35 millions de pages vues par mois, d’autant<br />
plus qu’il y a 2 000 clics par jour sur ces informations<br />
d’accessibilité, ce qui prouve que la demande était forte. »<br />
Mais les informations concernent principalement l’accès<br />
pour les PMR, « et les associations remontent toujours des<br />
difficultés d’accès et de communication sur les séances<br />
adaptées au handicap sensoriel. Une future étape devra<br />
porter sur le référencement de ces projections. »<br />
Mathieu Guetta, référent exploitation à la CST, aux côtés de Stéphane Fort, délégué général de Retour d’Image, Cécile Dumas,<br />
déléguée générale de Ciné Sens, et Lena Nilly et Victor Courgeon, co-fondateurs de Inclusiv Cinéma. La rencontre, organisée<br />
par la CST, peut-être revue en replay sur la chaîne Youtube de <strong>Boxoffice</strong> <strong>Pro</strong><br />
C’était d’ailleurs l’un des projets de l’association<br />
Inclusiv, dont Victor Courgeon reconnaît qu’il serait<br />
plus logique <strong>–</strong> et urgent <strong>–</strong> « d’ajouter des tag signalant<br />
les séances AD ou ST-SME sur AlloCiné », que de créer<br />
une appli dédiée. Mais la tâche n’est pas simple, sachant<br />
que l’identification des séances adaptées remonte en<br />
partie des programmes des salles via leurs logiciels de<br />
billetterie. L’observatoire a monté un groupe de travail<br />
avec les équipementiers, dont la première mission<br />
était « d’harmoniser les signalétiques communes des séances<br />
accessibles pour l’ensemble des salles de cinéma. Ce<br />
chantier techniquement complexe est toujours en cours<br />
d’élaboration » explique la secrétaire générale du CNC.<br />
Et une deuxième mission consiste donc à mettre à<br />
disposition les informations, « avec un meilleur affichage<br />
des séances adaptées sur les sites de réservation. Le travail<br />
a été fait par plusieurs circuits <strong>–</strong> je pense notamment à<br />
UGC <strong>–</strong>, avec une volonté réelle de communiquer plus<br />
largement qu’auparavant sur cette offre. » Reste qu’il<br />
faut aussi communiquer de façon accessible et<br />
aujourd’hui, moins d’1/4 des établissements ont un<br />
site internet adapté aux malvoyants.<br />
L'enjeu de la formation<br />
Mais pour mieux appréhender tous ces sujets, il convient<br />
d’être formé. Au sein de l’observatoire, « la formation<br />
est en effet remontée comme un enjeu majeur pour que les<br />
exploitants puissent accueillir des publics en situation de<br />
handicap et développer l’offre de séances adaptées. Les outils<br />
seuls, sans accompagnement, ne peuvent pas toujours être<br />
utilisés », constate Leslie Thomas qui se félicite à ce sujet<br />
du travail de la CST et des associations. Trois d’entre<br />
elles sont intervenues lors de la journée du 20 mars à<br />
la Fémis, pour présenter leur programme.<br />
Ainsi Inclusiv, dont les jeunes fondateurs sont partis de<br />
leur expérience d’exploitants pour lancer leur projet, il<br />
y a trois ans dans le cadre du challenge Futura Cinema.<br />
« Dans nos salles, nous nous heurtions aux mêmes difficultés<br />
que celles rencontrées par nos spectateurs : un manque d’accès<br />
à l’information, notamment pour faire notre programmation<br />
», relate Victor Courgeon, chargé des nouveaux<br />
publics et de la communication du Méliès de Montreuil<br />
et co-fondateur d’Inclusiv. « Nous avons donc réfléchi à<br />
une plateforme qui garantisse l’exhaustivité de l’info sur<br />
l’accessibilité des œuvres et des salles, et qui soit elle-même<br />
accessible à tous, ce qui n’existait pas. » Mais pour développer<br />
un site et une application, il faut du temps et de l’argent.<br />
La formation Inclusiv/CST<br />
La formation développée par l'association Inclusiv,<br />
lancée en juillet 2023 avec la CST, entend suivre<br />
tout le parcours d’un spectateur en situation de<br />
handicap et se décline en 4 modules, qui peuvent<br />
être suivis dans leur ensemble ou séparément :<br />
. Technique, qui vise surtout les projectionnistes et<br />
responsables techniques<br />
. <strong>Pro</strong>grammation, pour et avec les distributeurs et<br />
programmateurs<br />
. Accueil et médiation, pour le personnel d’accueil<br />
des cinémas<br />
. Communication, digitale ou imprimée, pour un<br />
meilleur accès à l’information<br />
. Les prochaines sessions auront lieu en juin, puis<br />
en octobre <strong>2024</strong>. Plus d’infos et inscriptions sur le<br />
site de la CST.<br />
Le témoignage d’un spectateur sourd<br />
S’il ne va au cinéma que de façon occasionnelle, Julien Monnet est<br />
particulièrement sensibilisé à l’enjeu de l’accessibilité, en raison de<br />
sa surdité mais aussi en tant que directeur de AcceoTadeo. Sa<br />
société offre des solutions pour les personnes sourdes ou<br />
malentendantes, pour l’accessibilité des établissements recevant<br />
du public (Acceo) ou dans leur environnement professionnel<br />
(Tadeo).<br />
En tant que spectateur sourd, estimez-vous qu’il y a suffisamment<br />
de séances accessibles pour tous les films que vous voulez voir ?<br />
Étant presque quinquagénaire, j’ai très tôt été habitué à<br />
n’aller voir que les films en VOSTF dès lors que les films<br />
français n’ont été que très récemment sous-titrés au cinéma.<br />
Lorsque je souhaite voir un film au cinéma, sans attendre,<br />
mon seul filtre pour choisir la séance est la VOSTF.<br />
Comment vous informez-vous sur les séances avec soustitrage<br />
SME ?<br />
Je n’ai jamais vu, sur grand écran, de film VOSTF avec<br />
sous-titrage spécifique SME, et le sous-titrage des paroles<br />
me suffit amplement. Bien sûr, si un jour des amis me<br />
proposent d’aller voir un film francophone au cinéma, j’irai<br />
sur les sites spécialisés comme AlloCiné pour identifier les<br />
séances accessibles SME.<br />
Préférez-vous le sous-titrage sur grand écran ou un système d’appli<br />
individuel ?<br />
Sous-titrage grand écran, définitivement. La gymnastique<br />
visuelle entre le grand écran et l’appli (smartphone, tablette,<br />
lunettes connectées) est désagréable. Si je devais comparer,<br />
c’est comme si un livre changeait de taille de police à<br />
chaque page.<br />
Avez-vous déjà assisté, ou pris connaissance, d’un débat à l’issue<br />
d’un film avec interprète en LSF ?<br />
Comme l’immense majorité des personnes sourdes, je ne<br />
signe pas. Si je devais participer à un débat, il faudrait que<br />
celui-ci soit sous-titré en temps réel (c’est l’une des<br />
expertises de ma société, en l’occurrence).<br />
L'accueil et la signalétique dans les cinémas que vous fréquentez<br />
sont-ils satisfaisants ?<br />
Oui, tout à fait : un sourire et le numéro de la salle<br />
me suffisent…<br />
De façon générale, qu’est-ce qui vous semble le plus urgent à<br />
améliorer ?<br />
L’idéal serait la systématisation du sous-titrage des films<br />
francophones <strong>–</strong> ou a minima une séance par jour.<br />
12 N°466 / <strong>10</strong> <strong>avril</strong> <strong>2024</strong>