MANUEL GÉNÉRAL DE L'INSTRUCTION PRIMAIRE - INRP
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538 <strong>MANUEL</strong> <strong>GÉNÉRAL</strong> <strong>DE</strong> <strong>L'INSTRUCTION</strong> <strong>PRIMAIRE</strong><br />
REVUE <strong>DE</strong>S BULLETINS DÉPARTEMENTAUX<br />
Quelques causes de la faiblesse en<br />
composition française.<br />
I. — La composition française est traitée en<br />
« parente pauvre », même au Certificat d'études.<br />
Nos maîtres ont assez communément la tendance<br />
— bien compréhensible d'ailleurs — à faire la part<br />
la plus large aux enseignements qui « rendent » le<br />
plus, dont les résultats apparaissent le plus nettement<br />
et rècompei sent le plus vite leurs eflorts : l'orthographe,<br />
le calcul, sont, à ce titre, des privilégiés<br />
dans nos écoles, tandis que la composition française<br />
y est parfois un peu trop traitée en parente pauvre.<br />
Il faut ajouter, à la décharge de nos maîtres, que la<br />
réglementation de l'examen du C. E. P. E. n'est pas<br />
faite pour les inciter à réagir contre cette fâcheuse<br />
tendance. Le personnel attache, et à très juste titre,<br />
à mon avis, beaucoup d'importance au C. E. P. E.<br />
Or, avec deux notes convenables en orthographe et<br />
en calcul, le candidat est à peu près sùr de franchir<br />
la seuil de l'admissibilité; comme la préparation à<br />
l'épreuve de composition française est beaucoup plus<br />
difficile et plus aléatoire que la préparation aux<br />
épreuves d'orthographe et de calcul, c'est sur la dictée<br />
et le calcul que, pour mettre les meilleurs atouts<br />
dans son jeu^ on concentre surtout ses efforts ; et<br />
l'événement confirme le pronostic : de nombreux<br />
candidats son{ admis avec des notes faibles, parfois<br />
même déplorables, en composition française; l'orthographe<br />
et le calcul les ont « sauvés ». (Charente).<br />
II. — C'est l'exercice scolaire le plus difficile.<br />
11 faut convenir que l'enseignement de la composition<br />
française présente beaucoup plus de difficultés<br />
que les autres enseignements. Quand il s'agit<br />
d'histoire, de géographie, de sciences, de calcul<br />
même, si la mémoire ne suffit pas à rendre fécondes,<br />
chez l'enfant, les leçons du maître (la mémoire, indispensable<br />
partout, n'est suffisante nulle part), le rôle<br />
qu'elle joue est du moins capital ; la parole du maître,<br />
le chapitre du livre fournissent à l'élève des faits,<br />
des notions, des règles qu'il n'a qu'à recevoir et à<br />
« retenir », après explications. La besogne lui est<br />
donc toute a mâchée », si j'ose dire. Il n'en va pas<br />
de même en composition française. Ce qu'on demande<br />
à l'enfant, ce n'est plus seulement du « savofr »,<br />
mais du « savoir-faire », ce qui est bien autre chose.<br />
H ne s'agit plus de simplement retenir des faits, ou<br />
d'appliquer des règles. Il faut faire, vraiment, œuvre<br />
personnelle : bien comprendre, d'abord, le sujet proposé,<br />
chercher ensuite les idées qui s'y rapportent,<br />
faire entre toutes ces idées un choix.judicieux, les<br />
disposer suivant l'ordre convenable, trouver, pour<br />
les exprimer, les termes qui conviennent, et agencer<br />
ces termes dans des phrases correctes. Ce travail qui,<br />
au premier abord, peut paraître simple, est, en réalité,<br />
des plus complexes. Il exige, pour que le résultat<br />
en soit satisfaisant, un entraînement de longue<br />
haleine chez l'élève et, chez le maître, une préparation<br />
méthodique et intelligemment graduée.<br />
(Charente).<br />
Nous savons aussi à quels écueils seTieurte l'instituteur<br />
dès qu'il aborde avec ses élèves l'épreuve de<br />
la rédaction, c'est-à-dire de l'exercice où doit s'affirmer<br />
le mieux, se marquer le plus nettement l'aptitude<br />
de l'enfant à employer avec justesse, à relier comme<br />
il convient les mots, les expressions dont sa mémoire<br />
dispose, pour faire du tout un ensemble bien composé.<br />
(Nièvre).<br />
III. — L'influence du milieu familial.<br />
La composition française ne traduit pas seulement,<br />
comme l'onhographe par exemple, la valeur de l'enseignement<br />
scolaire, mais colle de toute la culture<br />
intellectuelle, et le milieu familial coniribue certainement<br />
plus que l'école à ce développement intime et<br />
profond. C'est pourquoi nos meilleurs élèves en composition<br />
française appartiennent, dans la plupart de<br />
nos centres, aux familles de fonctionnaires, c'est-à-dire<br />
à la petite bourgeoisie française. (Alger).<br />
IV. — Il faut — avant tout — que le sujet plaise<br />
à l'enfant.<br />
Il est indispensable d'apporter beaucoup de réflexion<br />
dans le choix des sujets qu'on leur propose.<br />
On éliminera ceux qui ne sont pas naturels, qui ne<br />
correspondent pas à l'expérience personnelle de l'enfant,<br />
qui sont hors de proportion avec ses facultés,<br />
qui ne l'intéresseront pas : quand le sujet sourit aux<br />
elêves, il y a des chances pour qu'ils en affrontent<br />
pl6s volontiers les difficultés et ne se tirent pas trop<br />
mal d'aftaire. (Charente).<br />
V. — Sujets qui ne plaisent pas aux écoliers.<br />
Parmi les sujets donnés, le choix est parfois<br />
étrange. Quel intérêt, par exemple, peut offrir un<br />
sujet tel que celui-ci : « Le couteau. Qu'est-ce qu'un<br />
couteau? De quoi est composé un couteau? Quelle en<br />
est la partie la plus importante »? (sic) — ou celui-ci:<br />
« Décrire un carton d écolier »?<br />
Nous pourrions citer encore beaucoup d'autres<br />
sujets du même genre et qui n'offrent pas plus d'intérêt.<br />
Le résultat, on le devine. Tous les devoirs sont<br />
secs, froids, coulés dans le même moule, ne se distinguent<br />
que par le nombre des fautes d'orthographe.<br />
Ces sujets de « natures mortes » n'inspirent, en<br />
réalité, rien.<br />
Combien préférables sont les petites scènes vécues,<br />
les tableaux qui montrent des personnages en action,<br />
dont l'enfant saisit le détail, intéressé qu'il est par<br />
tout ce qui vit, s"agite et remue. (Cher).<br />
Assez souvent, on propose aux élèves des sujets de<br />
développement empruntés directement aux sciences,<br />
à l'histoire ou à la morale. C'est les exposer au<br />
manque d'originalité, les condamner à ne rapporter<br />
qu'un résumé assez pâle et assez informe d'une leçon<br />
antérieure; avec de tels sujets, l'élève ne « compose »<br />
pas véritablement, il se contente de recourir à sa<br />
mémoire, sans faire aucun effort d'imagination.<br />
« Lors d'un des derniers examens du Certificat<br />
d'études primaires, m'écrit M. lé Directeur de l'Ecole<br />
normale, une heure avant les épreuves, je remarquai<br />
une fillette qui s'appliquait à lire à haute voix un<br />
cahier qu'elle avait apporté. Comme je lui demandais<br />
à quoi elle s'occupait, elle me répondit : « Je repasse<br />
d mes rédactions ». Comment peut-on repasser ses<br />
rédactions? Je veux trouver dans sa réponse la critique<br />
essentielle de la méthode trop (souvent employée<br />
dans l'enseignement de la composition française : les<br />
enfants ne sont pas habitués à trouver les idées dont<br />
ils ont besoin; dans l'exercice de création qu'est la<br />
composition française, ils s'adressent à leur mémoire,<br />
au lieu de chercher à découvrir, à penser par euxmêmes.<br />
(Landes).<br />
VI. — Laissons de temps en temps à l'écolier<br />
la liberté du sujet.<br />
On a aussi recommandé, pour habituer les écoliers<br />
à la sincérité dans la composition, de leur laisser, de<br />
temps en temps, toute liberté quant au choix du<br />
sujet. Avec les élèves du cours moyen et du cours<br />
supérieur, nous avons quelquefois obtenu des tableaux<br />
pris sur le vif avec un souci des détails que nous<br />
n'aurions pas soupçonné chez des enfants de 11 à<br />
13 ans. (Genre de sujets choisis : « ma mère », « un<br />
jour de pêche », « la foire », « le ramoneur ». Dans<br />
tous les cas, ce genre d'exercices a contribué à donner<br />
aux élèves des habitudes intellectuelles (souci de<br />
l'observation attentive, de l'exactitude), et morales<br />
(amour de la vérité, probité, initiative), qui déterminent<br />
des progrès réels dans l'art d'écrire. Il a toujours<br />
éveillé l'intérêt et fait sentir que la composition<br />
française est une œuvre où l'on ne réussit qu'à 1»<br />
condition de rester soi-même. (AriègeJ.<br />
A . ANCELLIN.<br />
C. WIRTH. Le Livre de Composition française des Jeunes filles, i vol. in-i6 cart. 1 fr«