MANUEL GÉNÉRAL DE L'INSTRUCTION PRIMAIRE - INRP

530 MANUEL GÉNÉRAL DE L'INSTRUCTION PRIMAIRE
font hausser les prix. Les vendeurs, enrichis à
leur tour, en font de même. Ainsi la hausse se
propage par ondes samecessiies,, et la vitesse- d®
propagation est variable, suivant que Tes circonstances
la favorisent ou ta conlrarient, —
plus rapide généralement lorsqu'il s'agit de
l'émission-de papier, que de l'extraction de
métal dans les mines.
Si la hausse se transmet uniformément et
tend à élever tous les prix, iî ne s:'ensuit pas
qu'elle ait un effet uniforme sur les fortunes
des particuliers. Tout au contraire. Elle
appauvrit certaines catégories de personnes,
enrichit d'autres catégories' et c'est c e qui la
rend si grave et parfois si dangereuse socialement.
Elle profite aux détenteurs de matières
premières et aux producteurs ; et donc, particulièrement
aux paysans, si des circonstances
contraires ne s'exercent pas. La vie chère fait,,
d'ordinaire, les campagnes plus prospères. Les
paysans deviennent non seulement propriétaires,
mais rentiers, c'est-à-dire créanciers du
travail national.
Or l'histoire vérifie . assez bien ces considérations
déduites par les économistes. Regardons
dans le siècle dernier. Pendant sa première
moitié, la production de l'or est faible: 80
millions de moyenne annuelle. Les gisements
du Brésil et du Mexique donnent des signes
d'épuisement. Mais aux approches de 1850, on
découvre ceux de Californie et d'Australie. Du
coup, dans la période de 1850 à l'870, ta production
bondit à 670 millions annuels. Les
prix montent, malgré l'extension de l'industrie
et favorisent cette extension. Prospérité rurale,
dont les paysans attribuent le mérite à l'empereur
et qui consolide le régime impérial.
De 1870 à 1890, la production d e l'or ne
s'accroît pas; elle fléchit même légèrement;
d'où baisse des prix ; la crise sévit sur les campagnes
; la valeur de la terre tombe.
Mais voici que vers 1890, on met en exploitation
les terrains aurifères du Transvaal, de
l'Alaska. La production de l'or saute huit milliard,
annuel, de 1890 à 1900; à deux milliards de
1900 à 1910. L'onde de hausse est retardée par
diverses circonstances et, particulièrement,,
par ce faitquelesEtatsthésaurisent,augmentent
leurs réserves métalliques. Mais qui ne se souvient
de renchérissement qui se produisit à
partir de 1906 environ ? enchérissement de
' Nos enfants
La guerre, crise violente, surtout quand elle
est de si longue duiée, a profondément agi sur
la nation. A-t-on essayé de se rendre compte
des perturbations qu'elle jeta dans la population
enfantine?
De ces cinq longues, années terribles,, les
jeunes ont souffert à leur manière. Il n'est
peut-être pas. inutile d'essayer de nous en
rendre compte, peut-être même d'en tirer
quelques conclusions.
Le premier des effets de la guerre auquel on
pense tout de suite, c'est celui qui a trait à
l'alimentation. Certés, pour les tout petits, la
crise du lait et celle du sucre ont été graves ;
elles auraient pu être- dangereuses. Ne parlons
pas de la suppression des pâtisseries et des bonbons,
privation sans doute bienfaisante. N'in?
sislons pas non plus outre mesure sur fe
toutes choses et dans tous les pays; enchérissement
inattendu et qui fit ma effet de surprise.
Le bien-être paysan eut. une montée certaine.
Et cette hausse se maintenait encore à la veille
de' la guerre.
Au moyen âge, on n'avait guère pour les
échanges que le stock monétaire accuinuté par
les anciens. Et ce stock s'usait, se perdait, se
dispersait en des pays lointains. Mais en 1519,
Cortez eotreà Mexico, Pizarre s'empare du Pérou.
L'afflux d'o-r et d'argent d'Amérique galvanise
l'Europe. Le XYL° siècle est, chez nous,
une époque d'enehêrissement considérable.
M. Levasseur établit que l'hectoPitre cfe blé, en
1510, se vendait à Paris, 1 fr. 17 (de notre
monnaie actuelle); mais il atteignait 15 fr. 68
de 1570 à 1590. Le peuple murmure; le peuple
fait quelques émeutes.; les rois, dans leurs
ordonnances, se plaignent du « prix excessif à
quoi sont venues toutes choses »; et ni ordonnances,
ni plaintes n'y font rien.
Voici doue une suit® de causes et d'effets qui
ressemble tout à fait à u n mécanisme physique,
à celui de lia transmission de la chaleur, par
exemple.. Des Etats, pour solder des dépenses,
des particuliers pour s'enrichir .déelaaetaent
ces mécanismes et ceux-ci déroulent des conséquences
que les Etats et l'es particuliers n'ont
pas prévues, n'ont pas voulues. Nous n'arrivons
même pas à les bien connaître; nous les
subissons. Et elles sèment sur leur passage la
prospérité et ta misère, changent l'a face de la
société, transforment la situation des classes,
les besoins, les idées.
Les guerres bouleversent aussi profondément
peut-être les sociétés dans ces phénomènes
souterrains que par les traités diplomatiques.
Seulement, encore une fois, nous nous rendons
mal compte de ce qui se passe et lie savons pas
l'empêcher.
Notre pouvoir sur la nature matérielle s"est
.peu à peu accru par notre science et notre industrie.
Mais notre pouvoir sur la société est
presque tout entier à créer; il y faut l'étude
des causes qui tissent les événements et aussi
l'organisation et l'entente pour agir sur celles
de ces causes qui dépendent de nous.
En attendant, il faut se contenter de palliatifs,
de remèdes empiriques, et s'armer d'indulgence
à~ l'égard de ceux qui n'ont que l'apparence de
diriger le monde. FÉLIX PÉGAUT.
et la Guerre. '
manque de vêtements. Sauf u n certain nombre
de cas douloureux, exceptionnels, on en a été
quitte pour porter des costumes un peu plus
rapiécés, par remplacer la casquette par le
bonnet de police venu tout droit du front. Et
l'ingéniosité des mères françaises, avec un
inépuisable fonds de bonne volonté, a su faire
des miracles.
Il n'en va pas de même pour le logement.
Toutes nos villes et parfois nos campagnes
se sont engorgées de soldats, de services de
la guerre, a hôpitaux, d'arsenaux, de poudreries,
d'usines diverses, qui ont fait affluer la
main-d'œuvre étrangère. Les logements se
sont surpeuplés. Les services de nettoyage
et de désinfection ont été négligés. * Autant
de causes qui ont placé l'enfant, comme d'ailleurs
chacun de -nous, dans des conditions
D E LAVELEYE. ÉLÉMENTS D 'ÉCONOMIE P OLITIQUE. Un volume iu-16, br. 3 fr.