Zibeline n° 55 en PDF
Zibeline n° 55 en PDF
Zibeline n° 55 en PDF
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Quatre artistes dans le v<strong>en</strong>t<br />
Le s<strong>en</strong>s de l’<strong>en</strong>vol<br />
Dominique Castell expose le dessin<br />
de ses jambes -pas les si<strong>en</strong>nes, mais<br />
celles de femmes qui dans<strong>en</strong>t- à côté<br />
des show-rooms d’Art-O-Rama, et<br />
dans la galerie de Vacances Bleues,<br />
où elle est <strong>en</strong> résid<strong>en</strong>ce cette année.<br />
L’œuvre, légère, caresse l’œil et demande<br />
discrètem<strong>en</strong>t qu’on l’écoute,<br />
qu’on l’approche, pour s<strong>en</strong>tir ce<br />
qu’elle murmure. À La cartonnerie<br />
et sur un des murs de la galerie des<br />
jambes s’échauff<strong>en</strong>t, répétant des<br />
pas de tango. Des jambes, ou plutôt<br />
des dessins de jambes, ou plutôt une<br />
succession de dessins de jambes<br />
qui s’anim<strong>en</strong>t et esquiss<strong>en</strong>t des<br />
lignes, des spirales, des figures. Dans<br />
les écouteurs on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d des frottem<strong>en</strong>ts,<br />
des pieds qui gliss<strong>en</strong>t au sol<br />
sans doute, et des bruits incertains<br />
(bande son de Fabrice Martin). Puis<br />
on s’avance vers le c<strong>en</strong>tre de la<br />
pièce, au bout d’un grand rouleau de<br />
papier sur lequel un film est projeté.<br />
Guillaume Gattier et son installation - Grave © Claude Lorin/<strong>Zibeline</strong><br />
Depuis 2008 Art-O-Rama réserve un<br />
espace particulier aux jeunes artistes<br />
de Marseille Prov<strong>en</strong>ce qui trouv<strong>en</strong>t là<br />
une visibilité internationale<br />
À côté de leurs illustres ainés v<strong>en</strong>us de Rome, de<br />
Berlin, de Madrid ou de Kyoto, quatre jeunes artistes<br />
sont <strong>en</strong> pool position pour une asc<strong>en</strong>sion à<br />
c<strong>en</strong>t à l’heure, consci<strong>en</strong>ts que le Show-Room<br />
représ<strong>en</strong>te une véritable rampe de lancem<strong>en</strong>t.<br />
Car l’<strong>en</strong>jeu est de taille : non seulem<strong>en</strong>t leur travail<br />
est repéré par les galeristes, les collectionneurs<br />
et les institutionnels, mais un seul d’<strong>en</strong>tre eux<br />
sera «l’artiste invité» l’édition suivante ! À ce titre,<br />
il bénéficiera d’une exposition personnelle doublée<br />
d’une édition dans la collection Art-O-Rama.<br />
Si aujourd’hui Caroline Duchatelet invite le public<br />
à la contemplation sil<strong>en</strong>cieuse dans son travail<br />
vidéo sur la lumière et le paysage, on se souvi<strong>en</strong>t<br />
avec bonheur de ses prédécesseurs : Juli<strong>en</strong><br />
Bouillon, Émilie Perotto, Pascal Martinez,<br />
Sandro Delle Noce.<br />
Le commissaire d’exposition François Aubart a<br />
choisi cette année quatre jeunes diplômés aux<br />
parcours déjà bi<strong>en</strong> fournis.<br />
Guillaume Gattier -Festival des arts éphémères<br />
<strong>en</strong> 2010, Vidéochroniques <strong>en</strong> 2011, HLM <strong>en</strong> 2012fait<br />
<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre un son Grave né d’une impulsion<br />
aléatoire d’un moulage <strong>en</strong> plomb de sa main relié<br />
à une guitare susp<strong>en</strong>due. De ce mouvem<strong>en</strong>t de<br />
balancier nait «une partition répétitive [qui] peut<br />
se prolonger au-delà d’une heure», perceptible<br />
alors aux oreilles les plus fines. Entre le début et<br />
la stabilisation réside l’<strong>en</strong>jeu de Grave, dans<br />
«cette temporalité qui [lui] échappe…».<br />
Thomas Boulmier ag<strong>en</strong>ce son espace-bureau-<br />
Où quatre pieds féminins dans<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong>core, cette fois sans esquisser,<br />
sans échauffer, dans le corps à<br />
corps délicat, cheek to cheek, jambe<br />
à jambe. Un mom<strong>en</strong>t de bonheur<br />
qui s’élève, offert, comme dans un<br />
film de Fred Astaire, et atteint la<br />
grâce simple.<br />
ARTS VISUELS 69<br />
salon-bibliothèque <strong>en</strong> une accumulation austère,<br />
directem<strong>en</strong>t inspirée de la scène allemande : un<br />
Autoportrait des limites de la raison conçu comme<br />
«une projection de l’espace intérieur sur<br />
l’espace extérieur» ; une œuvre de sculpteur qui<br />
assemble objets et mobiliers par affinités et<br />
tonalités, et questionne son rapport au geste et à<br />
l’espace.<br />
Installé à Marseille depuis 2005, Yann Gerstberger<br />
«fait de la sculpture classique et abstraite» et<br />
se définit comme un «anti-finish-fétiche» (?). Ce<br />
qui, <strong>en</strong> langage décodé, signifie un «anti sculpture<br />
<strong>en</strong> résine super polie» !… Résultat : un<br />
espace habillé de t<strong>en</strong>tures réalisées à partir de<br />
bandes de serpillères collées, confectionnées à<br />
Marrakech, dans une «ambiance de souk acide»<br />
où les matières dialogu<strong>en</strong>t sans véritablem<strong>en</strong>t de<br />
«s<strong>en</strong>s caché». Quant aux glacières vintage bardées<br />
de chaines métalliques disposées devant,<br />
elles n’ont paraît-il pas plus de s<strong>en</strong>s caché !<br />
Plus sil<strong>en</strong>cieuse, toute <strong>en</strong> profondeur, Julie<br />
Darribère Saintonge est véritablem<strong>en</strong>t la révélation<br />
du Show-Room : au cœur d’un dispositif<br />
soigné une œuvre au noir, photos et film 16 mm<br />
réalisé à partir d’objets insignifiants posés sur la<br />
plaque d’un rétroprojecteur. Un cond<strong>en</strong>sé de son<br />
travail autour du dessin et de l’écriture. Le public<br />
ne s’y trompe pas et demeure longtemps face à<br />
«sa petite archéologie personnelle», photographie<br />
la projection, scrute les murs badigeonnés à la<br />
suie puis «scarifiés» à la main pour retrouver «le<br />
geste primaire». Dans le brouhaha confus de la<br />
foire, il est un espace (féminin ?) où le temps susp<strong>en</strong>d<br />
son vol. Comme chez Caroline Duchatelet.<br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
Dominique Castell © Marif Deruffi<br />
En haut du rouleau de papier, à sa<br />
crête, des points rouges, allumettes<br />
fondues, comme un feu d’artifice, un<br />
désir d’embrasem<strong>en</strong>t. Derrière des<br />
volutes, des feuilles d’arbre qui tourbillonn<strong>en</strong>t,<br />
rouges, dessinées à la<br />
pointe de souffre. Leur incroyable<br />
minutie s’élève et se brouille, vaporeuse,<br />
dans les plis du papier,<br />
jusqu’à la crête où elles rejoign<strong>en</strong>t<br />
la surface de projection et… l’idée de<br />
beauté ?<br />
AGNÈS FRESCHEL<br />
Dominique Castell<br />
Échauffem<strong>en</strong>t<br />
jusqu’au 16 sept<br />
Art-O-Rama, La Friche<br />
Ayant dansé tout l’été<br />
jusqu’au 27 sept<br />
Fondation Vacances Bleues<br />
04 91 00 96 83<br />
www.vacancesbleues-artistes-<strong>en</strong>resid<strong>en</strong>ce.fr