Zibeline n° 55 en PDF
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70<br />
ARTS VISUELS<br />
«L’unique chose stable, c’est le mouvem<strong>en</strong>t<br />
partout et toujours» écrivait Jean Tinguely. Point<br />
de vue que ne réfuterait sans aucun doute aucun<br />
des artistes de l’exposition Mouvem<strong>en</strong>t et lumière<br />
proposée par la Villa Datris, toute jeune fondation<br />
pour la sculpture contemporaine créée par les<br />
collectionneurs Danièle Marcovici et Tristan Fourtine.<br />
Inaugurée <strong>en</strong> 2011 sur le thème «sculptures<br />
plurielles», la Villa Datris offre ses espaces<br />
intérieurs et son jardin à quelque 85 œuvres : du<br />
sol au plafond, de la bibliothèque à la salle de<br />
bains et à l’office, cet anci<strong>en</strong> hôtel prov<strong>en</strong>çal du<br />
19 e siècle est propice à une balade iconoclaste à<br />
travers les matières, les t<strong>en</strong>dances, les déc<strong>en</strong>nies.<br />
On y croise les plus illustres représ<strong>en</strong>tants<br />
internationaux de l’art cinétique et de l’optical art,<br />
des lights box et des installations interactives, du<br />
néon et des mobiles. Outre l’aspect ludique de<br />
certaines pièces très accessibles (on p<strong>en</strong>se aux<br />
créations numériques de Miguel Chevalier, Herbariuset<br />
Fractal Flowers, à manier avec précaution),<br />
l’exposition est un voyage dans l’histoire de deux<br />
mouvem<strong>en</strong>ts majeurs du 20 e siècle : l’art cinétique,<br />
avec Vasarely comme chef de file dès 19<strong>55</strong>,<br />
et l’Op’art ou Optical art qui s’imposa <strong>en</strong> France<br />
dix ans plus tard. Sollicitations visuelles qui<br />
ouvrir<strong>en</strong>t la voie à des propositions avant-gardistes<br />
où les technologies les plus performantes<br />
rivalis<strong>en</strong>t avec l’imaginaire de leurs créateurs.<br />
CAMPREDON | VILLA DATRIS<br />
Le chant de la terre<br />
On pouvait craindre de pâles calques<br />
des œuvres, débarrassés des empreintes<br />
du souffle du v<strong>en</strong>t ou de la<br />
lumière du soleil, «défraîchis» car<br />
déconnectés de leur <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />
naturel. Sauf que Nils-Udo prouve<br />
qu’<strong>en</strong> plus d’être un imm<strong>en</strong>se plastici<strong>en</strong><br />
de la nature, il est un<br />
formidable photographe, dessinateur<br />
et coloriste. Après avoir quitté<br />
l’atelier <strong>en</strong> 1972 pour se consacrer<br />
à une représ<strong>en</strong>tation moins «artificielle»<br />
de la puissance créatrice de<br />
la nature, l’artiste allemand fait un<br />
retour aux sources. À double titre.<br />
En retrouvant le chemin de l’atelier,<br />
et <strong>en</strong> ré<strong>en</strong>chantant l’œuvre originale<br />
née quelque part dans les dunes de<br />
Namibie, les montagnes de Haute-<br />
Bavière ou les terres c<strong>en</strong>dreuses de<br />
Lanzarote. Comme une seconde vie…<br />
Dans la photographie in situ Nils-<br />
Udo capte l’immédiateté, le clic est<br />
pris, souv<strong>en</strong>ir instantané de l’exist<strong>en</strong>ce<br />
éphémère de ses installations ;<br />
trace indélébile de journées passées<br />
à creuser, planter, tailler, cueillir<br />
tiges, branches, pierres, impalpables<br />
boules de neige. Son regard sur<br />
sa propre création inv<strong>en</strong>te à nouveau,<br />
dans une sorte de spirale<br />
rédemptrice. Un regard toujours aux<br />
aguets. À l’atelier, avec l’<strong>en</strong>cre de<br />
chine et l’huile sur la toile, c’est<br />
comme une transgression, un r<strong>en</strong>ouveau.<br />
Il réinterroge, dans un<br />
labyrinthe de lignes et d’aplats de<br />
couleurs exaltées, le cycle des saisons,<br />
les rythmes de la nature, ses<br />
transformations. Images fugaces<br />
d’une nature intériorisée. Brisures,<br />
taches, coulures, éclats chant<strong>en</strong>t<br />
sur la toile -comme s’il voulait saisir<br />
la quintess<strong>en</strong>ce de la nature- tandis<br />
que le sil<strong>en</strong>ce embrase ses <strong>en</strong>cres<br />
de chine. Épures japonaises à la<br />
Orchestrations mouvem<strong>en</strong>tées !<br />
Les images s’anim<strong>en</strong>t au gré des déplacem<strong>en</strong>ts,<br />
interagiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong> produisant là du son, de la lumière,<br />
ici des ondes et des mouvem<strong>en</strong>ts. Illusions<br />
Jaildo Marinho, 3 Stelas, 2010, 61 x 74 x 30cm,<br />
marbre de Carrare, collection de l'artiste © X-D.R<br />
Octavio Herrera, Ligne descriptive, 2010,<br />
95 x 102 cm, Plexiglas, bois © X-D.R<br />
Nils-Udo, Maison d'eau, ilfochrome sur aluminium, 124x124 cm, 1982 © Nils-Udo<br />
délicatesse monum<strong>en</strong>tale. Son travail<br />
«dans et de la nature» gagne <strong>en</strong><br />
int<strong>en</strong>sité dans ses photographies<br />
plastiques (et non docum<strong>en</strong>taires !)<br />
qui laiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong>trevoir l’érosion du<br />
temps. Le Radeau <strong>en</strong> branches de<br />
frêne et de fleurs de merisiers<br />
confectionné <strong>en</strong> Haute Bavière n’est<br />
plus une frêle embarcation, il est<br />
signe graphique, jeu de gris et de<br />
noirs. La Maison d’eau, autrefois<br />
invitation au voyage au rythme de la<br />
marée, est un temple à la divinité<br />
Eau… Là où les sculptures-plantations<br />
étai<strong>en</strong>t poétiques, fragiles,<br />
offertes au v<strong>en</strong>t, au sable et aux<br />
intempéries, l’œuvre graphique est<br />
une architecture abstraite, structurée<br />
autour de l’illusion, de la réalité<br />
et de l’abstraction. Avec la nature<br />
toujours transfigurée.<br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
Nature (élém<strong>en</strong>t)<br />
Nils-Udo<br />
jusqu’au 7 octobre<br />
Campredon c<strong>en</strong>tre d’art,<br />
L’Isle-sur-la-Sorgue<br />
04 90 38 17 41<br />
www.islesurlasorgue.fr/campredon.html<br />
sonores chez Yaacov Agam qui nous invite à composer<br />
quatre ou cinq œuvres différ<strong>en</strong>tes à partir<br />
de son «orchestration visuelle», ou <strong>en</strong>core chez<br />
Alice Pilastre qui diffuse sa petite musique acidulée<br />
<strong>en</strong> un tour de manivelle et un ruban de métal<br />
ajouré. Illusions chromatiques avec Dario Pérez-<br />
Flores et son 234 mobile où les bandes verticales<br />
d’acrylique sur toile inv<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t de nouvelles gammes.<br />
Même les matériaux classiques sont<br />
repoussés dans leurs retranchem<strong>en</strong>ts ! Ciris-Vell<br />
transgresse les limites du zinc jusqu’à l’abstraction<br />
totale, B<strong>en</strong>oit Luyckx se joue de la rugosité<br />
de la pierre <strong>en</strong> créant des plis s<strong>en</strong>suels, Tiéri<br />
Lancereau-Monthubert caresse l’écorce morte<br />
pour faire <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre la respiration de l’arbre, Nisa<br />
Chevènem<strong>en</strong>t érige <strong>en</strong> bronze une tour de Babel<br />
hérissée de pics à tête humaine. Mais ceux-là font<br />
de la résistance, car il est plus généralem<strong>en</strong>t<br />
question de leds, de diodes, de logiciels, d’œuvres<br />
évolutives, fractales et articulées. Un vocabulaire<br />
plastique moins s<strong>en</strong>suel mais tout aussi éclairant.<br />
M.G.-G.<br />
Mouvem<strong>en</strong>t et lumière<br />
jusqu’au 4 novembre<br />
Villa Datris, l’Isle-sur-la-Sorgue<br />
www.villadatris.com