Rapport annuel 2009 - 2010 Lycée-Collège des Creusets
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Jean-Bernard<br />
En ce jour d’adieux officiels où les mots revêtent leur habit de<br />
cérémonie, je voudrais vous parler de Jean-Bernard… Un hommage<br />
en images, un bouquet d’impressions personnelles, subjectives.<br />
Jean-Bernard m’est toujours apparu comme aristocratique : sa<br />
pipe, sa manière distinguée de lire, jambes croisées, tête légèrement<br />
inclinée, son élégance classique et discrète, tout en lui respire<br />
« l’honnête homme ». A le voir là, assis dans sa distance tranquille, il<br />
m’évoque les images baudelairiennes du Sphinx énigmatique « allongé<br />
au fond <strong>des</strong> solitu<strong>des</strong> » ou celle du chat « puissant et doux »,<br />
ami du poète. Paradoxe vivant, il m’apparaît alors, selon la belle<br />
formule de Tournier comme « mon prochain, mon lointain ». Oui,<br />
« mon prochain » par l’espace, le temps, les tâches et les moments<br />
partagés et pourtant « mon lointain », irréductiblement.<br />
Mais ne vous trompez pas ! Derrière sa nonchalance et son<br />
calme, un vrai tempérament ! Un oeil aiguisé, un regard perçant !<br />
L’ironie relève chez lui de l’exigence envers les êtres et les choses, et<br />
j’ai toujours trouvé à son humour mordant un petit air socratique.<br />
S’il déteste la bêtise et la médiocrité, les baudruches pleines<br />
de vide, Jean-Bernard n’aime pas non plus les lignes droites et faciles.<br />
Aux autoroutes de la pensée, aux chemins tracés, il préfère les<br />
sentes escarpées qui mènent aux sommets. Il suit sa pente, mais<br />
toujours en montant ! Fou de montagne, connaisseur <strong>des</strong> routes<br />
d’antan et <strong>des</strong> passages oubliés, il aime les paysages choisis qui parlent<br />
à l’âme. D’ailleurs, tout son parcours personnel témoigne du<br />
goût du Beau et de la Hauteur : sa formation classique, ses étu<strong>des</strong><br />
de théologie à Fribourg, puis sa licence à l’Université de Lausanne<br />
où le français, le latin, le grec le disputent à la linguistique indoeuropéenne.<br />
Amoureux de musique, de chant, de littérature, de langues et<br />
de philosophie, Jean-Bernard est un érudit iconoclaste qui aime<br />
l’inattendu et le décalé : dans sa bibliothèque, Montaigne discute<br />
avec Marx, Blaise Pascal avec Woody Allen ; un dictionnaire de russe<br />
frôle le « Quantique <strong>des</strong> quantiques » un essai pointu de physique;<br />
à côté de Louis-Ferdinand Céline, une BD : Meursault, l’étranger, dégoulinant<br />
de sueur joue au cow-boy dans un western- spaghetti à<br />
la Sergio Leone.<br />
Une dernière évocation pour compléter le portrait : celle de l’arbre,<br />
écheveau dense de significations qui toutes me mènent à Jean-<br />
Bernard: « l’arbre généalogique », une de ses marottes, « l’arbre de<br />
Jean-Bernard Roh<br />
Hommages<br />
la connaissance », « l’arbre fruitier » patiemment cultivé, taillé, élagué,<br />
émondé au fil <strong>des</strong> saisons, « l’arbre de Porphyre » enfin, ce végétal<br />
rare qui ne pousse que dans les livres de philosophie.<br />
Je ferme les yeux, je compte jusqu’à trois, je dis « arbre »… et<br />
l’image s’impose, évidente et simple : Jean-Bernard, tu es un terrien,<br />
ancré dans le sol par <strong>des</strong> racines soli<strong>des</strong> mais tu tournes tes frondaisons<br />
aériennes vers la lumière ; tu me rappelles alors, à l’instar<br />
d’autres maîtres, que la terre plonge dans le ciel infini et que les racines<br />
sont faites pour voler… Merci !<br />
Marie-Hélène Papilloud<br />
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