<strong>La</strong> <strong>guerre</strong> <strong>secrète</strong> <strong>du</strong> <strong>pétrole</strong> Intro<strong>du</strong>ction l’exploitation. L’Amirauté britannique se met alors à envisager avec audace la conversion de la flotte entière <strong>du</strong> charbon au <strong>pétrole</strong>. Pour réaliser ses plans, elle reprend en main l’affaire de d’Arcy et fonde l’Anglo-Persian Company, où elle s’assure une part d’actions majoritaire. L’Anglo-Persian deviendra plus tard l’AngloIranian, puis en 1954, la British Petroleum. En 1890, un obscur Hollandais nommé Hendrik August Wilhelm Deterding débarque aux Indes néerlandaises. Le directeur d’une petite compagnie pétrolière appelée Royal Dutch Petroleum, August Kessler, l’a engagé comme " employé de bureau, agent ". Il s’occupe d’abord d’un petit comptoir, en pleine jungle, à Sumatra. Il s’en occupe si bien que, six ans plus tard, à la mort de Kessler, c’est lui qui prend sa succession. Il
Intro<strong>du</strong>ction <strong>La</strong> <strong>guerre</strong> <strong>secrète</strong> <strong>du</strong> <strong>pétrole</strong> Alors enfin la Shell put tenir tête à la Standard. Deterding, le Napoléon, contre Rockefeller, le roi <strong>du</strong> <strong>pétrole</strong> : l’empoignade fut grandiose. C’est à l’acharnement de cette lutte que la Russie des Soviets doit d’avoir survécu. 1914-1918 : Deterding, c’est indéniable, participe à la victoire alliée. Le sénateur Béranger déclare officiellement : " M. Deterding est connu et aimé en France comme l’un des plus puissants collaborateurs in<strong>du</strong>striels de la défense de Ver<strong>du</strong>n et des deux victoires de la Marne. " Ce n’est pas faux. Peut-être faudrait-il y regarder de plus près. L’Allemagne, avant la Première Guerre mondiale, avait entrepris le fameux « Drag nach Osten », la poussée vers Osten : Est ! <strong>La</strong> construction d’un chemin de fer reliant Berlin à Constantinople, puis à Bagdad et au Golfe Persique, d’une part, à l’Arabie et à la mer Rouge de l’autre, était en cours. Le but, à peine voilé, de l’Allemagne consistait à devenir maîtresse <strong>du</strong> marché européen. Or, bien loin de s’y opposer, Deterding s’associa à ce projet qui le servait dans sa lutte contre Rockefeller. Ou plutôt, il jouait le double jeu : l’amitié qui liait le Sultan de Constantinople à l’Allemagne lui permit (ainsi qu’à la B.P. ; alors encore l’Anglo-Persian), d’éliminer l’Américain des puits fabuleux de Mossoul et de Mésopotamie. Mais d’un autre côté, il se méfiait de ce partenaire trop entreprenant. En mars 1914, cinq mois avant la déclaration de <strong>guerre</strong>, un traité : fut signé qui répartissait ainsi les <strong>pétrole</strong>s turcs : 75% pour l’Angleterre ; 25% pour la Prusse (ces 25% dont nous hériterons après la <strong>guerre</strong>) : Si bien que Deterding, à partir d’août 1914,, attendit de voir comment les événements militaires allaient tourner avant de prendre parti. Lorsqu’il vit que les alliés avaient bloqué l’avance allemande, il vola au secours de la victoire : Dans le cas contraire, ses origines hollandaise (pays neutre), et son association avec la Deutsche Bank, lui auraient sans doute permis aisément de changer son fusil d’épaule. Quoi qu’il en soit, l’issue de la <strong>guerre</strong> lui permit de participer à la curée sur les anciennes zones d’influence allemande : Deterding, associé avec la British Petroleum (ex Anglo-Persian) et la Compagnie Française des Pétroles, s’empara de l’Irak. Où M. Callouste Sarkis Gulbenkian, diplomate, aventurier, homme d’affaires arménien génial, conserva les 5% qu’on lui avait précédemment octroyés en échange de ses bons services. Et où Rockefeller n’eut de cesse qu’il puisse s’intro<strong>du</strong>ire. Alors, la <strong>guerre</strong> entre le roi et le Napoléon <strong>du</strong> Pétrole, qui avait marqué une trêve de 1914 à 1918, reprit de plus belle. En 1920, elle tournait à l’avantage de Deterding : " Je puis dire que les deux tiers des gisements exploités dans l’Amérique Centrale et l’Amérique <strong>du</strong> Sud sont entre des mains anglaises... Dans les États de Guatemala, Hon<strong>du</strong>ras, Nicaragua, Costa-Rica, Panama, Colombie, Venezuela et Equateur, [...] l’immense majorité des concessions sont entre des mains britanniques. [...] Si l’on considère la plus grande de toutes les organisations pétrolières, le groupe Shell, il possède en toute propriété, ou il contrôle des entreprises dans tous les champs pétrolifères <strong>du</strong> monde, y compris les États-Unis, la Russie, le Mexique, les Indes Néerlandaises, la Roumanie, l’Égypte, le Venezuela, la Trinité, l’Inde, Ceylan, les États Malais, le Nord et le Sud de la Chine, le Siam, les Détroits et les Philippines... Avant peu de temps, l’Amérique sera obligée d’acheter le – 23 –