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134 EMPREINTE URBAINE

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2<br />

<strong>EMPREINTE</strong><br />

<strong>URBAINE</strong><br />

une ville<br />

en chantier


<strong>134</strong> <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Introduction<br />

Une collaboration<br />

scientifique<br />

exemplaire<br />

Pascale Dupont,<br />

responsable du Service<br />

Archéologique Municipal d’Orléans,<br />

conservateur du patrimoine.<br />

EPUIS 2002, LA VILLE D’ORLÉANS CONDUIT<br />

dans son centre historique une politique<br />

de requalification de l’espace public<br />

compre nant notamment un programme de<br />

ravalement obligatoire des façades sur rue.<br />

Depuis février 2008, cette politique ambitieuse est associée<br />

à une Zone de Protection du Patrimoine Architectural<br />

Urbain et Paysager (1) (Z.P.P.A.U.P.) qui encadre désormais<br />

les projets architecturaux et urbains.<br />

Les ravalements de façades pilotés par la Direction de<br />

l’Aménagement et de la Planification Urbaine sont guidés<br />

pour le patrimoine architectural dit remarquable par des<br />

études systématiques d’archéologie du bâti. Ces dernières,<br />

réalisées par le Service Archéologique Municipal ont pour<br />

objet l’acquisition et la mise en mémoire d’un appareil<br />

critique dans les domaines de l’architecture et de l’urbanisme<br />

(caractéristiques et évolutions des différentes typologies de<br />

bâti, recontextualisation et fonction de celles-ci).<br />

Les états successifs d’une façade révélés par ce travail servent<br />

de base et fixent la cohérence des ravalements et les choix<br />

de restauration définis en collaboration avec l’Architecte<br />

des Bâtiments de France (2) .<br />

Le travail d’archéologie directement ancré dans l’opérationnel<br />

et l’aménagement urbain (3) fait naturellement appel à des<br />

professionnels qualifiés (4) et à des études complémentaires<br />

notamment des datations du bâti par analyses dendrochronogiques<br />

(pans-de-bois, plafonds et charpentes) réalisées par un<br />

laboratoire privé, le Centre d’Étude en Dendrochronologie<br />

et de Recherche en Écologie et Paléoécologie (C.E.D.R.E).<br />

Ces compléments à l’analyse, financés par la ville d’Orléans<br />

et la Direction Régionale des Affaires Culturelles du Centre,<br />

permettent de connaître avec précision l’évolution des<br />

formes (techniques de construction et styles).<br />

0 1 m<br />

FIG. 1<br />

Relevé de la façade<br />

du 36 rue du Poirier,<br />

autour de 1520<br />

(S.A.M.O. : relevé C. Alix -<br />

restitution L. Mazuy et C. Alix)<br />

Pierres calcaires :<br />

Calcaire de Beauce<br />

Calcaire du Nivernais (Apremont-sur-Allier ?)<br />

Tuffeau<br />

Terre-cuites architecturales :<br />

Briques, chantignolles, carreau<br />

Bois<br />

(1) La Z.P.P.A.U.P. d’Orléans a été réalisée par le cabinet Blanc-Duché avec la collaboration scientifi -<br />

que du Service Archéologique Municipal d’Orléans, du Service Régional de l’Inventaire de la Région<br />

Centre et du Service Départemental de l’Architecture et du Patrimoine du Loiret. Ce document est<br />

accessible sur le site internet de la ville d’Orléans.<br />

(2) Le choix de restauration d’une façade est proposé par la ville en fonction d’une cohérence typologique<br />

et paysagère (inscription du bâti dans la rue ou le quartier).<br />

(3) Sur les 341 façades ravalées à ce jour, environ 60 ont bénéfi cié de cette démarche.<br />

(4) Les études d’archéologie du bâti sont conduites par le Service Archéologique Municipal d’Orléans.<br />

Elles sont menées sous la direction de L. Mazuy (Assistant Qualifi é de Conservation du Patrimoine)<br />

et réalisées par L. Mazuy et C. Alix (Archéologue du bâti). Pour l’année 2008, l’équipe a été<br />

renforcée par J. Noblet (Archéologue du bâti).


FIG. 2<br />

Façades du 33 et 35 rue de l’Empereur<br />

restaurées dans leur état du 18 e siècle<br />

pour les deux premières et dans leur<br />

état d’origine pour les deux suivantes<br />

(1569 [d] et 1483 [d]).<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

La découverte d’un patrimoine insoupçonné, l’architecture<br />

à pans-de-bois et sa reformulation colorée au siècle des<br />

Lumières par exemple, constitue un des faits marquants de<br />

cette démarche et de cette exigence de qualité.<br />

L’analyse et la compréhension architecturale et urbanistique<br />

d’Orléans s’inscrivent dans une transversalité et une<br />

complémentarité permanente entre l’Institut National<br />

de Recherches Archéologiques Préventives (I.N.R.A.P.),<br />

les services de la Ville, de la Région Centre et de l’État.<br />

Ces échanges prennent également la forme d’un groupe<br />

de travail scientifique dont le but est la conduite de<br />

synthèses thématiques dans le cadre de projets urbains<br />

ou de programmes d’expositions et de publications, pour<br />

les plus récents : Jeu de plans – Atlas Archéologique, 2005 ;<br />

Orléans, l’architecture à pans-de-bois, 2006 ; Orléans, les<br />

mutations urbaines au 18 e siècle, 2007 ou encore Orléans,<br />

3 aménagements urbains à la fin du 19 e siècle…<br />

L’ensemble de ces démarches, originales et singulières,<br />

reposant sur une intelligence de la curiosité, constituent<br />

un lieu de ressource et de compréhension du phénomène<br />

urbain (urbanismes, architectures et usages) à l’attention<br />

de la communauté scientifique, des professionnels de la<br />

ville mais également du grand public.<br />

Le présent chapitre, écrit à la croisée de plusieurs de<br />

ces recherches, dresse le panorama d’une ville et d’une<br />

architecture en plein renouvellement.<br />

Orléans, port ligérien depuis ses origines, point de passage<br />

et de contact entre l’est et l’ouest, le nord et le sud du<br />

royaume, s’affirme parmi les grandes cités de France où<br />

éclosent les idées et les formes de la Renaissance. !<br />

135


136 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Introduction<br />

Liste du bâti domestique médiéval et renaissant daté par dendrochronologie<br />

Dans ce tableau, comme dans le reste du texte, les dates suivies d’un [d] indiquent une datation par dendrochronologie.<br />

Localisation Section cadastrale Datation Support et type de bâti Élévation Fonction<br />

124, r. de Bourgogne et<br />

1, r. de Bourdon-Blanc<br />

(section BO, parcelle 149) 1501 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André sculpté R+2 Maison à boutique<br />

126, r. de Bourgogne (section BO, parcelle 146) 1504 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André sculpté R+2 Maison à boutique (lotissement<br />

avec le 124)<br />

211, r. de Bourgogne et 39<br />

bis et 41 rue de la Poterne<br />

(section BI, parcelle 307 et<br />

306)<br />

1544 [d] (charpente) – Pierre et brique R+2 Hôtels particuliers<br />

(deux hôtels ?)<br />

258, r. de Bourgogne (section BI, parcelle 187) Autour de 1600 [d] Pan-de-bois à grille sculpté R+2 Maison à boutique<br />

(avec entre sol ?]<br />

264, r. de Bourgogne (section BI, parcelle 343) Première moitié du<br />

15 e siècle, autour de<br />

1430 [d]<br />

Pan-de-bois à croix de Saint-André sculpté R+2 Maison à boutique<br />

(disparition du pignon ?<br />

entre 1493 et 1524 probablement<br />

en 1516 [d] date de<br />

modifi cation de la charpente<br />

du 266)<br />

266, r. de Bourgogne (section BI, parcelle 343) Entre 1473-1488 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André sculpté R+2<br />

280 et 282, r. de Bourgogne<br />

(Double parcelle, habitat<br />

sériel)<br />

(section BI, parcelle 194 et<br />

195)<br />

1505 [d]<br />

(Bois coupé de<br />

l’automne 1501 [d]<br />

à l’hiver 1505 [d])<br />

Pan-de-bois à croix de Saint-André sculpté R+2 Maisons à boutique<br />

3, r. du Bourdon-Blanc (section BO, parcelle 23) 1509 [d] Pan-de-bois à grille R+1 Maison à boutique<br />

32, r. de la Charpenterie (section BL, parcelle 219) 1501 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André sculpté R+2 Maison à boutique<br />

34, r. de la Charpenterie (section BL, parcelle 220) 1519 [d] (plafond) Pierre R+1 Maison à boutique<br />

40, r. de la Charpenterie (section BK, parcelle 108) autour de<br />

1570-1580 [d]<br />

45, r. de la Charpenterie<br />

(Double parcelle, habitat<br />

sériel)<br />

Pan-de-bois à grille R+1 Maison à boutique<br />

(rehaussée au 17 e siècle)<br />

(section BL, parcelle 308) 1580[d] Pan-de-bois à treillage sculpté R+2 Maisons à boutiques sous<br />

arcs en pierre<br />

54, r. de la Charpenterie (section BK, parcelle 118) Entre 1530-1540 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André sculpté R+1 Maison à boutique<br />

64 et 66, r. de la Charpenterie<br />

(Double parcelle, habitat<br />

sériel – Lotissement avec<br />

le 62)<br />

(section BK, parcelle 124) 1466 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André sculpté R+1 Maisons à boutique<br />

83, r. de la Charpenterie (section BK, parcelle 177) 1472 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André sculpté R+2 Maison sans boutique<br />

(Rez-de-chaussée semienterré)<br />

85, r. de la Charpenterie (section BK, parcelle 178) 1474 [d] Pan-de-bois à grille (arrière-cour) R+1 Maison<br />

4, p. du Châtelet (section BK, parcelle 219) Autour de 1510 [d]<br />

(plafond)<br />

Pierre R+2 Maison à boutique<br />

14, p. du Châtelet (section BK, parcelle 157) 1497 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André sculpté<br />

(sur arrière-cour)<br />

R+2 Maison<br />

26, p. du Châtelet (section BK, parcelle 151) 1598 [d] Pan-de-bois à grille R+2 Maison à boutique


Localisation Section cadastrale Datation Support et type de bâti Élévation Fonction<br />

10, r. de la Cholerie,<br />

(double parcelle : deux<br />

façades différentes)<br />

10, r. du Cloître Saint-<br />

Aignan<br />

33, r. de l’Empereur,<br />

façade sud<br />

33, r. de l’Empereur,<br />

façade nord<br />

35, r. de l’Empereur,<br />

façade sud<br />

35, r. de l’Empereur,<br />

façade nord<br />

37, r de l’Empereur, rez-dechaussée<br />

(boutique)<br />

26, r. Notre-Dame-de-<br />

Recouvrance<br />

(section BK, parcelle 32) 1519 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André sculpté R+2 Maisons à boutique<br />

(section BM, parcelle 65) 1480 [d] (charpente)<br />

Brique et pierre R+1 Maison du roi Louis XI<br />

(section BK, parcelle 343) 1493 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André R+2 Maison à boutique<br />

(section BK, parcelle 343) 1490 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André sculpté R+2 Maison à boutique<br />

(section BK, parcelle 63) 1569 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André R+1 Maison sans boutique<br />

(section BK, parcelle 63) 1483 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André sculpté R+2 Maison à boutique<br />

(section BK, parcelle 65) Autour de 1520 [d] Pan-de-bois sculpté, reprise en sousœuvre<br />

(section BC, parcelle 155) Galerie, 1533 [d] ; bâtiment en pan-de-bois à grille nord-ouest,<br />

1535 [d] ; bâtiment ouest, 1537 [d] ; tour ouest, 1538 [d] ; tour<br />

est, 1539 [d] et bâtiment est, entre 1536 [d] et 1555 [d]<br />

7, r. de la Pierre-Percée (section BK, parcelle 259) Entre 1540<br />

et 1545 [d]<br />

9, r. de la Pierre-Percée (section BK, parcelle 243) 1492 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André<br />

et sculpté<br />

Hôtel particulier<br />

Pierre R+2 Maison (entrepôt en rez-dechaussée)<br />

R+2 Maison à boutique<br />

3, r. du Poirier (section BK, parcelle 102) 1267 [d] (charpente) Pierre R+1 Hôtel particulier ?<br />

32, r. du Poirier (section BK, parcelle 55) 1523 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André sculpté R+1 Maison à boutique ?<br />

8, r. de la Poterne<br />

(lotissement avec le 10)<br />

10, r. de la Poterne<br />

(Double parcelle, habitat<br />

sériel – lotissement avec<br />

le 8)<br />

(section BL, parcelle 300) 1487 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André R+1 Maison à boutique<br />

(section BL parcelle 300) 1487 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André R+1 Maisons à boutique<br />

16, r. de la Poterne (section BL, parcelle 196) 1566 [d] Pan-de-bois à treillage sculpté R+2 Maisons à boutique sous arc<br />

en pierre<br />

4, r. des Trois-Maillets (section BK, parcelle 268) Entre 1457-1495<br />

(plafond) et 1527 [d]<br />

(escalier et cloison)<br />

12, r. des Trois-Maries (section BI, parcelle 272) 1290 [d] (charpente,<br />

bâtiment sur rue)<br />

7, r. Saint-Éloi (section BI, parcelle 193) 1265 [d] (plafond),<br />

surélévée en 1468d<br />

(charpente)<br />

Pierre R+2 Maison<br />

Pierre R+1 Hôtel particulier<br />

Pierre R+2 Maison (?) sans boutique<br />

11, r. Vaudour (section BK, parcelle 204) 1507 [d] Pan-de-bois à croix de Saint-André sculpté R+1 Maison sans boutique<br />

137


LES NOUVEAUX<br />

ESPACES URBAINS<br />

La dernière enceinte d’Orléans<br />

et le développement de l’habitat<br />

dans les nouveaux quartiers<br />

(fin 15 e siècle - première moitié 16 e siècle)<br />

A SECONDE MOITIÉ DU 15 E SIÈCLE ET LE DÉBUT DU SIÈCLE SUIVANT SONT MARQUÉS À ORLÉANS PAR<br />

la mise en œuvre de grands travaux d’extension de l’espace urbain. Ainsi, l’édification de<br />

la dernière enceinte d’Orléans, débutée à la fin des années 1480, va permettre de doubler<br />

la surface de la ville enclose. L’apparition de nouveaux quartiers, présentant parfois des<br />

formes neuves d’urbanisme, entraîne le développement de différentes catégories d’habitat,<br />

de la maison sérielle en pan-de-bois au vaste hôtel particulier, faisant appel à des solutions<br />

architecturales multiples.<br />

Au milieu du 15 e siècle, la ville d’Orléans est protégée par<br />

ses deux premières enceintes urbaines, dispositif défensif qui<br />

lui permit de faire face au siège de 1428-1429. La première<br />

enceinte avait été édifiée à l’époque gallo-romaine (4 e siècle)<br />

et en partie reconstruite durant la guerre de Cent Ans. Elle<br />

fut jouxtée à l’ouest par la deuxième enceinte, élevée au<br />

14 e siècle afin de défendre les quartiers correspondants à<br />

l’ancien bourg d’Avenum. La troisième enceinte d’Orléans,<br />

commencée après 1466 et achevée vers 1475-1480, est une<br />

extension orientale du système défensif destinée à enclore<br />

la zone d’habitat de l’ancien faubourg Bourgogne, ainsi<br />

que la collégiale Saint-Aignan et l’abbaye Saint-Euverte (1) .<br />

C’est également sous le règne de Louis XI que les habitants<br />

d’Orléans effectuèrent les premières démarches pour<br />

réclamer l’édification d’une quatrième enceinte (2) , au prétexte<br />

que la troisième enceinte ne se cantonnait qu’à l’est de la<br />

ville, protégeant avant tout Saint-Aignan et Saint-Euverte,<br />

toutes deux entourées de vastes espaces vides (jardins,<br />

vignes). Les faubourgs dynamiques et fortement urbanisés<br />

« vers la Beauce », c’est-à-dire au nord et à l’ouest de la ville,<br />

n’avaient pas suscité le même intérêt. Un premier projet,<br />

de vaste ampleur, prévoyant d’enclore également l’église<br />

paroissiale Saint-Laurent et le hameau de Chevicier situés<br />

(1) MICHAUD-FREJAVILLE 1987 a.<br />

2 Empreinte<br />

urbaine<br />

Clément Alix,<br />

doctorant au C.E.S.R.,<br />

Université de Tours ;<br />

chercheur au Service<br />

Archéologique<br />

Municipal d’Orléans<br />

(2) Pour le détail concernant les travaux de fortifi cation de la quatrième enceinte ainsi que pour l’opération<br />

urbanistique qui l’accompagne voir : ALIX, DURANDIERE 2004.<br />

139


140 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />

FIG. 1<br />

Porte Madeleine<br />

Localisation des<br />

habitations construites<br />

entre la fin du 15 e et au<br />

milieu du 16 e siècle dans<br />

la dernière enceinte<br />

(Plan établi d’après le<br />

cadraste de 1823)<br />

(dessin Cl. Alix)<br />

Porte Saint-Jean<br />

Porte Saint-Laurent<br />

q<br />

s<br />

7<br />

r<br />

7<br />

j<br />

?<br />

?<br />

?<br />

Porte Saint-Paterne<br />

7<br />

h<br />

?<br />

m<br />

o<br />

g<br />

?<br />

n<br />

1<br />

p<br />

2<br />

a<br />

e<br />

c<br />

Notre-Dame-de-Recouvrance<br />

0 100 500 m<br />

Rues antérieures à l'opération d'urbanisme :<br />

rues mentionnées dans les procès-verbaux de 1488<br />

rues non mentionnées mais supposées antérieures<br />

Rues créées lors de l’opération d'urbanisme<br />

Grandes places :<br />

a : Marché de la Porte-Renard (place De Gaulle)<br />

b : Etape au vin<br />

c : Martroi au blé<br />

Edifices relegieux reconstruits ou construits dans<br />

les nouveaux quartier entre 1450-1550<br />

7<br />

d<br />

i<br />

8<br />

l<br />

5<br />

4<br />

k<br />

f<br />

3<br />

6<br />

b<br />

Cathédrale<br />

Porte Saint-Vincent<br />

Deuxième enceinte Première enceinte<br />

Troisiéme enceinte<br />

d : rue d’Angleterre<br />

e : rue Bannier<br />

f : rue de la Bretonnerie<br />

g : rue des Carmes<br />

h : rue des Charretiers<br />

i : rue du Colombier<br />

j : rue Croix-de-Bois<br />

k : rue d’Escures<br />

l : rue de Gourville<br />

m : rue des Grands-Champs<br />

n : rue N-D-de-Recouvrance<br />

o : rue d’Illiers<br />

p : rue de la Lionne<br />

q : rue Porte-Saint-Jean<br />

r : rue Stanislas-Julien<br />

s : rue des Turcies<br />

St-Aignan<br />

Vestiges d’habitat médiéval, subsitant ou attesté,<br />

antérieur à la fin du 15 e siècle (notamment caves)<br />

Habitations, subsistantes ou attestées,<br />

fin 15 e - première moitié 16 e siècle<br />

1 : maison 12 rue Notre-Dame-de-Recouvrance<br />

2 : hôtel de Guillaume Toutin<br />

3 : hôtel de François Brachet (Vieille-Intendance)<br />

4 : hôtel de Jehan Brachet le Jeune (Grand jardin)<br />

5 : maison de Janot le Bouteiller<br />

6 : hôtel de Jacques Groslot<br />

7 : maisons sérielles en pan-de-bois<br />

8 : maisons de Sevin et de la Porte-Renard<br />

St-Euverte


au nord de Saint-Euverte fut abandonné. Le tracé définitif<br />

de l’enceinte se cantonna donc à la ligne de boulevards<br />

actuels de la ville, procurant une nouvelle surface enclose<br />

de 69,5 ha. Entamés dès le printemps 1486, les travaux de<br />

construction de la dernière enceinte débutent par le front<br />

sud bordant la Loire et par l’édification de la porte Saint-<br />

Paterne située sur la rue Bannier, une des principales voies<br />

d’accès à la ville. L’achèvement des travaux fut officiellement<br />

marqué par la venue de monseigneur de Sansac, chevalier<br />

de l’ordre, envoyé par le roi du 4 au 7 février 1556, afin de<br />

visiter l’enceinte et d’effectuer la réception des ouvrages.<br />

Cette nouvelle enceinte était munie de murs de courtine<br />

régulièrement percés d’embrasures de tir, précédés par un<br />

fossé et une lice, et flanqués d’au moins dix-sept tours<br />

défendues par des canonnières. L’accès était permis par<br />

cinq portes aux plans et aux élévations diverses qui étaient<br />

précédées par des ouvrages avancés, des boulevards, dont<br />

certains seront remplacés dans la deuxième moitié du<br />

16 e siècle par des bastions appelés ravelins (devant la porte<br />

Saint-Laurent mais également devant la porte Bourgogne<br />

de la troisième enceinte ou le fort des Tourelles).<br />

Certains ouvrages présentent des dispositifs caractéristiques<br />

des fortifications françaises d’inspiration royale de cette<br />

époque : tours munies de chambres en entresol formant<br />

casemates réservées uniquement aux tirs et isolées par d’épais<br />

vantaux (porte Saint-Paterne), grosses tours d’artillerie<br />

placées aux angles de l’enceinte (tour de Saint-Laurent au<br />

sud-ouest avec un diamètre de 19,5 m), ouvrages munis<br />

d’un bossage au caractère symbolique évident (porte Saint-<br />

Jean ; tour de Bourbon). Il est possible que le flanquement<br />

du fond des fossés ait été assuré par des caponnières (ou<br />

moineaux), ouvrages de défense bas, comme ceux qui ont<br />

été édifiés à la même époque sur d’autres fortifications de la<br />

ville : celle de la Brebis (ajoutée à la tour de l’angle sud-est<br />

de la troisième enceinte entre 1510-1540), ou celle de la<br />

tête de l’ancien pont des Tourelles au sud de la Loire (entre<br />

1560-1570), tandis que des remparts de terre et des terrasses<br />

d’artillerie commencent à venir doubler certains tronçons<br />

du mur de courtine, comme celle de la motte Sanguin<br />

édifiée contre la troisième enceinte à partir de 1539 (3) .<br />

Résultant originellement de la volonté des habitants<br />

des faubourgs de se protéger, la création de la dernière<br />

enceinte d’Orléans va s’accompagner d’une opération<br />

de réaménagement urbanistique de grande envergure<br />

permettant la mise en place d’un nouveau réseau viaire et<br />

de nouveaux équipements (égouts). Ce plan d’urbanisme,<br />

décidé à partir de 1486, est le fruit d’une décision collégiale<br />

placée sous la direction d’agents ducaux et royaux, Jehan<br />

de Loan remplacé en 1488 par Jean de Gourville et Yvon<br />

d’Illiers (4) . Si certains secteurs anciens déjà fortement<br />

urbanisés sont conservés sans modifications notoires de la<br />

voirie et du parcellaire (quartier sud-ouest entre la Loire<br />

et l’actuelle rue des Carmes, à vocation artisanale et lié<br />

aux activités portuaires ; quartier nord-est correspondant<br />

à l’extension du quartier de la cathédrale au nord de<br />

l’enceinte du Bas-Empire), ailleurs, l’opération entraîne la<br />

mise en place d’une série d’îlots réguliers quadrangulaires<br />

entrecoupés par des rues se croisant à angle droit et<br />

s’appuyant sur de grands axes anciens (rue Bannier, rue de<br />

la Bretonnerie, rue des Carmes, rue de la Porte-Saint-Jean,<br />

rue de la Porte-Madeleine, rue du Colombier). Le procèsverbal<br />

de 1488 prévoyait une certaine hiérarchisation de la<br />

circulation liée à l’utilisation des rues : la majorité d’entre<br />

elles devaient posséder une largeur standard de 2,5 toises<br />

(environ 4,87 m), exceptées quelques voies privilégiées<br />

correspondant soit à deux axes nord-sud (formés par les<br />

rues actuelles des Grands-Champs, du Grenier-à-Sel et du<br />

Bœuf-Saint-Paterne) mesurant 3 toises (environ 5,84 m),<br />

soit aux deux rues que les commissaires ont baptisées de<br />

leurs propres noms (la rue de Gourville de 3 toises, la rue<br />

d’Illiers de 4 toises). Cela s’accompagna du réaménagement<br />

des trois grandes places situées aux débouchés des anciennes<br />

portes de la ville : la place du Marché de la Porte-Renard, la<br />

« grande place de l’Estappe au vin » et la place du « Martroy<br />

au blé » qui symbolise le centre de la nouvelle ville (FIG. 1).<br />

Afin de faire d’Orléans un centre attractif capable de rivaliser<br />

avec d’autres grandes villes du royaume, ce projet avait<br />

pour but d’accroître l’activité économique de la ville grâce<br />

à l’installation d’habitants dans ces quartiers nouvellement<br />

enclos, comme cela apparaît dans le mémoire établi par<br />

Jehan de Loan en 1486 : « au plaisir de Dieu quant ladite<br />

cloture sera faite, plusieurs y ediffieront et feront des<br />

maison pour eulx loger » (5) . Au travers de lettres patentes<br />

datées du 26 mai 1488, le roi dispensa des obligations<br />

ordinaires les membres des corporations de tous métiers<br />

(sauf de boucherie) qui demeuraient dans les nouveaux<br />

quartiers (6) .<br />

(3) JESSET, CHAMBON, YVERNAULT 2005 : p. 42-43.<br />

(4) Pour cette opération d’urbanisme voir : « La dernière enceinte d’Orléans et ses nouveaux quartiers<br />

: une opération d’urbanisme de grande ampleur », dans ALIX, DURANDIERE 2004 : p. 7-28.<br />

(5) Orléans, Bibliothèque municipale, ms. 595, f° 162.<br />

(6) Orléans, Archives municipales, AA 9, f° 6. En 1470, de semblables privilèges et franchises furent<br />

déjà accordés aux gens de métier par Louis XI, afi n qu’ils puissent s’installer dans les nouveaux<br />

quartiers protégés par la troisième enceinte (MICHAUD-FREJAVILLE 1983 : p. 429).<br />

141


142 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />

Le présent article s’attache donc à mieux cerner le<br />

développement de l’habitat dans ces nouveaux quartiers<br />

et à caractériser la nature de ce dernier. Pour ce faire,<br />

l’étude des vestiges architecturaux est croisée avec les autres<br />

sources, textuelles et iconographiques (7) . Un inventaire<br />

systématique des façades sur rue, effectué en 2003 (FIG. 1),<br />

fut complété, lorsque cela était possible, de visites des cours<br />

et des intérieurs (8) . L’échantillon de maisons présenté, sans<br />

prétendre à l’exhaustivité, permet néanmoins de souligner<br />

des logiques de développement propres à certains quartiers<br />

et constitue le préambule à des analyses de bâti plus fines.<br />

Les vestiges de l’habitat médiéval<br />

antérieur à la construction<br />

de la dernière enceinte<br />

Dans le secteur nord-est, correspondant notamment à<br />

l’extension du quartier de la cathédrale, les traces d’un<br />

habitat médiéval situé aux abords immédiats du mur<br />

septentrional de la première enceinte sont connues grâce<br />

aux fouilles archéologiques menées depuis la fin des années<br />

1970 : un groupe d’au moins trois maisons de la fin du<br />

13 e ou du 14 e siècle au nord-ouest de la cathédrale (site<br />

de l’église Saint-Michel) ; les caves de trois maisons de la<br />

fin du 13 e ou du début 14 e siècle situées contre le mur<br />

d’enceinte au nord du transept de la cathédrale (site du<br />

mail Pothier) ; plus à l’ouest (site de l’hôtel Pommeret),<br />

une maison sur cave datée du 12 e siècle et jouxtant une<br />

cour dont l’emplacement fut occupé par une autre<br />

habitation bâtie au 13 e siècle (9) . Dans tous ces exemples,<br />

les habitations ont été détruites durant la guerre de Cent<br />

Ans pour dégager les abords de la ville, et en particulier au<br />

début du 15 e siècle lorsque le fossé de la première enceinte<br />

fut recreusé en prévision du siège.<br />

En outre, l’observation des vestiges bâtis révèle l’existence de<br />

quelques maisons antérieures à la fin du 15 e siècle localisées<br />

dans la zone d’habitat ancien située à flanc de coteau entre<br />

la Loire et l’actuelle rue des Carmes, dont le parcellaire<br />

ne fut pas touché par la nouvelle opération d’urbanisme.<br />

Il s’agit surtout de caves, situées en deuxième niveau de<br />

sous-sol, dont les plans et les techniques de couvrement<br />

correspondent à d’anciennes carrières réaménagées dès le<br />

13e siècle, telles qu’elles ont pu être observées à l’intérieur<br />

des trois premières enceintes de la ville (10) . À l’angle oriental<br />

de la rue des Carmes et de l’Ange, l’une de ces caves est<br />

surmontée d’une salle basse excavée, probablement à<br />

fonction de cellier : son couvrement, à voûte en berceau<br />

surbaissé, soutenu par un arc doubleau sur piliers engagés<br />

munis d’un tailloir s’apparente à plusieurs édifices de la ville<br />

édifiés entre le 13 e et le début du 15 e siècle. A l’angle de la<br />

rue des Charretiers (n° 40) et d’Angleterre, une autre cave<br />

en deuxième niveau de sous-sol présente un plan atypique<br />

avec deux grands vaisseaux couverts de berceaux surbaissés<br />

et séparés par deux piliers rectangulaires chanfreinés dont<br />

la construction semble antérieure au 16 e siècle. Dans l’état<br />

actuel de nos connaissance, la seule habitation antérieure<br />

au 16 e siècle conservée de manière homogène correspond<br />

à l’hôtel 42 rue des Charretiers, accessible depuis la rue en<br />

traversant un porche débouchant sur la cour grâce à une<br />

arcade de tracé légèrement brisé (11) .<br />

Dans la deuxième moitié du 15 e siècle, le phénomène de<br />

renouvellement du bâti suivant la guerre de Cent Ans<br />

gagne donc ces quartiers encore situés dans les faubourgs,<br />

comme en témoigne également un contrat datant de<br />

1478 pour la construction d’une maison en pan-de-bois<br />

sur la « Grant rue Sainct Lorens » (actuelle rue Croix-de-<br />

Bois), tandis que plusieurs maisons ou masures en ruines,<br />

menacées par le tracé de la nouvelle enceinte et les rues du<br />

projet d’urbanisme, sont évoquées dans des procès-verbaux<br />

de 1488 (12) .<br />

Nouveaux terrains à bâtir et<br />

fortifications : les conséquences<br />

Une des conséquences de l’édification de la dernière<br />

enceinte est le dégagement de terrains constructibles situés<br />

à l’emplacement des anciennes fortifications démantelées<br />

(première et deuxième enceintes) que le duc Louis II<br />

d’Orléans va céder, sous la forme de baux à cens, en guise<br />

de récompense à ses officiers. Ainsi, Denis Lemercier, son<br />

(7) Ce travail s’inscrit dans le cadre d’une thèse en cours sur l’habitat à Orléans à la fi n du Moyen Âge<br />

et au début de la Renaissance (13 e siècle-1550).<br />

(8) Pour un inventaire des façades sur rue, voir aussi infra, Le Bâti orléanais avant 1540, par<br />

L. MAZUY.<br />

(9) PETIT 1983 : p. 42-43, 45-49, 67-71 ; PETIT 1988 : t. 1, p. 63, 73.<br />

(10) ALIX 2009 : p. 126-129. Par exemple : 25 bis rue de l’Ange/59 rue des Carmes ; 57 rue des Carmes/<br />

20 rue de l’Ange ; 75 rue des Carmes ; 6 rue d’Angleterre.<br />

(11) La tourelle d’escalier en vis, polygonale, s’appuie contre la façade sur cour qui est munie d’une<br />

fenêtre décorée par une accolade. Le bâtiment, établi sur un cellier légèrement excavé et couvert<br />

d’un plafond, possède deux étages et un comble éclairé par des lucarnes en bois.<br />

(12) Pour le contrat de 1478 : MAZUY, ALIX, AUBANTON 2006 : p. 103. Pour les maisons situées sur le<br />

tracé de l’enceinte et mentionnées en 1488 : ALIX, DURANDIERE 2004 : p. 16-18.


chancelier et gouverneur général des finances, reçoit les<br />

« places, jardins, murs, tours, douves et fossés provenant<br />

de l’ancienne enceinte fortifiée de la ville d’Orléans, depuis<br />

y compris la première butte des Arbalétriers, du côté de la<br />

porte Bannier, jusqu’à dix toises au-delà du portail de la<br />

porte Renard, moyennant la somme de deux sous parisis<br />

de cens au reste pour chaque toise répondant sur la voie<br />

publique, 60 sous tournois pour le portail de la porte<br />

Renard et 30 sous tournois pour la tour Regnault », terrains<br />

qui furent tous lotis et construits de maisons (13) . Une fois<br />

devenu roi, Louis XII continuera à offrir ces terrains à<br />

ses officiers : ainsi en 1502, les terrains au nord-est de la<br />

porte Bannier sont cédés à Jaques Hurault, conseiller du<br />

roi et général de ses finances, ainsi qu’à François Brachet,<br />

commis au paiement des archers de la garde française du<br />

corps du roi (14) .<br />

Prenons l’exemple de la tour sud de la porte Renard et de<br />

son fossé (deuxième enceinte), qui en janvier 1504, seront<br />

baillés à cens par Louis XII à Jehan Boucher, receveur de<br />

son domaine, dont l’hôtel (dit maison de Jeanne d’Arc)<br />

jouxtait la fortification (15) . L’espace alloué à la famille<br />

Boucher sera toisé en 1516 et les matériaux issus de la<br />

récente destruction de la tour et du mur lui seront offerts<br />

l’année suivante. En 1528, tandis que l’hôtel Boucher<br />

est en partie reconstruit, le terrain de l’ancienne tour est<br />

vendu à Philippe Mainteterne dit Lendormy, marchanddrapier<br />

et à sa belle-mère nommée Marie Sevin, veuve<br />

de Simon d’Yvonvilliers, qui acquièrent également une<br />

parcelle voisine où était bâti un corps de bâtiment en<br />

pan-de-bois dépendant de l’hôtel Boucher. Dix ans plus<br />

tard, ces derniers se partagent l’ensemble des terrains qui<br />

sera loti de deux maisons dont les façades en pierre de<br />

taille, à l’ordonnance et aux décors sculptés de la seconde<br />

Renaissance, sont encore visibles au 5 place De Gaulle (16)<br />

(P. X FIG. 1). La maison dite « Sevin » est construite dès 1538<br />

par la veuve d’Yvonvilliers, jouxtée au sud par la maison<br />

dite de « la Porte-Renard », bâtie vers 1543 par Lendormy.<br />

Le développement de l’habitat dans ce secteur s’illustre<br />

également par la mention de la construction par le<br />

maître d’œuvre Pierre Biart, vers 1518, d’une maison<br />

à l’emplacement du boulevard de cette même porte<br />

Renard (17) .<br />

De fait, devant l’accroissement de la population et la<br />

demande importante de terrains à bâtir, ces emplacements<br />

nouvellement libérés furent l’occasion de convoitises et de<br />

graves désaccords. Ainsi, au printemps 1497, des officiers<br />

ducaux élevèrent des palissades aux emplacements des<br />

anciennes portes et anciens boulevards Bannier, Renard,<br />

Saint-Père-Ensentelée, que les échevins firent abattre afin<br />

de s’en s’emparer (18) .<br />

De plus, l’abandon des anciens systèmes défensifs entraîna<br />

le développement de l’habitat à l’intérieur même des tours<br />

désaffectées de l’ancienne enceinte. Plusieurs textes nous<br />

permettent de connaître les travaux d’aménagement de<br />

celles-ci en maisons : les tours de la porte Bourgogne, une<br />

des tours de la porte Dunoise, une tour de la courtine<br />

ouest (19) .<br />

En outre, le 1 er et le 15 juin 1551 les échevins passèrent<br />

plusieurs contrats avec des particuliers afin de leur bailler<br />

à loyer certaines parties de l’enceinte encore en service,<br />

notamment celles situées aux bords de la Loire. Il s’agit<br />

le plus souvent de tours, d’escaliers, de loges établies audevant<br />

des portes et poternes pour abriter habituellement<br />

les gardiens, qui sont baillés par adjudication avec une durée<br />

de six ans. Même les ouvrages de la quatrième enceinte, à la<br />

construction à peine achevée et fraîchement mis en service,<br />

peuvent également être loués, comme la tour du « Guichet<br />

Roze (...) qui n’est aucunement couverte et qui est en la<br />

clousture de ladicte ville du cousté de la riviere Loire, avec<br />

une petite cour close d’aiz sur le devant de l’entrée de ladite<br />

tour » est adjugée pour 50 sols tournois à Loys Thibault.<br />

De même, la tour Balthazar, qui est dite « couverte de<br />

latte », est adjugée à Liger Legendre pour 13 livres et<br />

10 sols tournois. Ce sont quasiment toutes les tours du<br />

front sud et ouest de la quatrième enceinte qui font l’objet<br />

du même traitement : celles d’Aridoyne, Saint Joseph,<br />

Saint Loys. La loge située « entre la porte de l’Abreuvouer,<br />

(13) Orléans, Archives départementales du Loiret, A 560 (détruit), dans MAUPRE, DOINEL 1878 : p. 125.<br />

Des démarches semblables furent menées dans la seconde moitié du 15 e siècle après la construction<br />

de la troisième enceinte. Le terrain comprenant la porte Bourgogne de la première enceinte<br />

ainsi que les terrains situés de part et d’autre y compris son boulevard furent cédés le 15 novembre<br />

1473 par la duchesse d’Orléans Marie de Clèves, sous la forme d’un bail perpétuel avec un<br />

cens annuel, à Michel Gaillart, son conseiller, trésorier, receveur général et argentier. Celui-ci doit<br />

employer une somme de 1500 livres pour transformer les deux tours de la porte en habitations,<br />

démolir le boulevard et combler les fossés pour y « construire, bastir et ediffi er de nouvel une ou<br />

plusieurs maisons » (SOYER 1907).<br />

(14) ALIX 2002 : t. 2, annexe 26. Sur François Brachet, voir ci-dessous ce qui se rapporte à l’hôtel dit de<br />

la Vieille-Intendance.<br />

(15) Voir l’étude précise de JARRY E. 1909 : p. 23-36.<br />

(16) Il ne subsiste que les façades de ces deux maisons qui ont souffert d’un alignement au début du<br />

20 e siècle et du bombardement de 1940. Voir infra, Les demeures de la seconde Renaissance des élites<br />

orléanaises ou le succès de l’architecture « à l’antique » (vers 1535-1560) par C. ALIX et J. NOBLET.<br />

(17) Quittance du 4 février 1528, donnée par Pierre Biart à la veuve Raboeuf du solde dû pour les travaux<br />

« es maison qu’elle faict ediffi er de neuf au boullevart de la porte Regnard » (JARRY E. 1909 :<br />

p. 25, n. 5).<br />

(18) MICHAUD-FREJAVILLE 1983 : p. 432 ; MICHAUD-FREJAVILLE 1987 b : p. 12-13.<br />

(19) ALIX 2002 : t. 2, annexes 8, 10, 25.<br />

143


144 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />

qui est pres de l’eglise Notre-Dame-de-Recouvrance et la<br />

tour Roze » est adjugée pour 12 livres tournois à Jehan<br />

Bigot. De la même manière la plupart des tours du front<br />

nord sont vouées au bail, à savoir d’est en ouest : la tour<br />

de Penycou « de l’ancienne encloture (troisième enceinte) au<br />

coin des murailles vieilles et des nouvelles », le rempart du<br />

portail Saint Vincent et « une allée dans le mur de la tour<br />

du portail », les tours Saint-Avy, Saint-Esprit, Saint-Pierre<br />

« a l’opposite des jardins du couvent des Jacobins », Saint-<br />

Michel « a l’endroit de la Grande Maison Brachet » (20) ,<br />

Bellemasure, « une loge et maison hors la porte Bannier<br />

sur l’arche devant le pont levys et la barriere vollant d’icelle<br />

porte », et la tour Gouvernante « entre la tour des buttes des<br />

harquebusiers et le portail de la porte Bannier ». Trois baux<br />

concernent la porte Saint-Jean car elle a été fractionnée en<br />

plusieurs unités : le haut de la tour sud (« du cousté de la<br />

ryviere ») pour Giles Tharault (4 livres 5 sols tournois), le<br />

bas de la tour sud pour les nommés Rabeuf et Doulcet (9<br />

livres 10 sols tournois), et le bas de la tour nord (« du cousté<br />

de la porte Bannier ») pour Jacques Perdoulx (13 livres<br />

tournois). La porte de la Croix-Boisée (porte Madeleine)<br />

est également divisée en trois unités, mais le découpage<br />

est différent : un lot est formé par l’ensemble de la tour<br />

sud (ainsi que le comble au-dessus du passage d’entrée), le<br />

deuxième comprend le haut de la tour nord, et enfin le bas<br />

de cette même tour forme le dernier lot.<br />

Ainsi, dans leur perpétuel souci de trouver une source<br />

de financement destinée à l’entretien des fortifications,<br />

les propriétaires de l’enceinte s’assuraient ici un revenu<br />

fixe, au travers de la location de certains ouvrages à des<br />

particuliers, probablement avec interdiction d’y effectuer<br />

des transformations du bâti et lorsque que tout danger<br />

militaire était écarté (21) .<br />

La rue Notre-Dame-de-<br />

Recouvrance et le quartier<br />

sud-ouest<br />

L’îlot de l’église Notre-Dame-de-Recouvrance<br />

et de l’hôtel Toutin<br />

L’étude du quartier Notre-Dame-de-Recouvrance, situé au<br />

sud-ouest de la ville, fournit un exemple de développement<br />

rapide de l’habitat, illustrant le caractère attractif de ce<br />

secteur, constitué en outre de demeures de qualité. La rue<br />

Notre-Dame-de-Recouvrance suit la déclivité nord-sud du<br />

FIG. 2<br />

coteau, et aboutissait aux quais par l’intermédiaire d’une<br />

poterne, desservant le port de Recouvrance, important lieu<br />

d’échanges économiques. Le tracé de la rue suit celui de la<br />

deuxième enceinte située à quelques mètres à l’est. Suite à la<br />

construction de la dernière enceinte, plusieurs édifices vont<br />

être bâtis sur les terrains occupés par le mur et le fossé de<br />

l’ancienne fortification désaffectée (îlot délimité par les rues<br />

Notre-Dame-de-Recouvrance à l’ouest, de la Chèvre-qui-<br />

Danse au nord, de l’Écu-d’Or à l’est et des Turcies au sud).<br />

Hôtel Toutin<br />

(26 rue Notre-Dame-de-<br />

Recouvrance)<br />

Corps de bâtiment rue Notre-<br />

Dame-de-Recouvrance<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

(20) Hôtel dit de la Vieille-Intendance, 24-28 rue de la Bretonnerie. Voir ci-dessous<br />

(21) De tels cas de location à des particuliers en temps de paix sont connus pour les enceintes urbaines<br />

de Rouen, de Boulogne-sur-Mer, d’Annecy ou encore de Dijon (RIGAUDIERE 1993 : p. 425).


FIG. 3<br />

Hôtel Toutin<br />

(26 rue Notre-Dame-de-Recouvrance)<br />

Galerie sur cour et tourelles d’escalier<br />

(dessin de Léon Vaudoyer gravé par Alexandre Soudain, 19 e siècle,<br />

Orléans, Musée historique et archéologique de l’Orléanais)<br />

Le lotissement de ce secteur est d’abord lié à l’édification de<br />

l’église paroissiale Notre-Dame-de-Recouvrance, ancienne<br />

chapelle reconstruite à partir de 1514 et achevée peu après<br />

1519 (22) . La destruction du mur de l’ancienne enceinte est<br />

alors soumise à une réglementation stricte (23) , conduisant<br />

les échevins à faire un procès aux « gagiers » de l’église en<br />

1514, ce qui n’empêcha pas en 1516 le percement d’une<br />

brèche permettant d’apporter les matériaux de construction<br />

près du chantier (24) . L’origine des terrains utilisés pour la<br />

construction de l’église est bien établie. Le duc Louis XII<br />

concéda les terrains de l’enceinte désaffectée à ses officiers de<br />

la même manière que dans les exemples cités plus haut. Dès<br />

mars 1486, Marc Villebresme, conseiller et maître d’hôtel<br />

du duc, reçu 10 toises de murailles et de fossés « montant<br />

de la Loire vers la tour André », troisième en partant du<br />

sud. Le 13 novembre 1494, ce dernier céda ses terrains à<br />

Macé Droyneau, maçon et tailleur de pierre d’Orléans, et<br />

à Jean Mynier, maître des œuvres de maçonnerie du duché<br />

d’Orléans, pour la somme de 325 livres tournois. Après<br />

avoir racheté la part de terrain appartenant à Jean Mynier le<br />

15 avril 1513, Macé Droyneau céda l’ensemble des terrains<br />

à l’église (25) . Ainsi, devant l’accroissement rapide de la<br />

population, il est possible que certains de ces terrains issus<br />

de l’ancienne fortification aient fait l’objet de spéculations<br />

foncières. Plusieurs auteurs ont émis l’hypothèse, qui n’est<br />

fondée sur aucune source précise, que les maçons Jean<br />

Mynier et Macé Droyneau auraient également pu conduire<br />

le chantier de construction de l’église (26) . Notons qu’il<br />

semble que Jehan Mynier se soit réservé un terrain dans<br />

la partie sud de l’îlot, puisqu’une maison appartenant à ses<br />

héritiers, et située près de la tour du Bassin, est citée dans<br />

un acte daté du 15 juin 1551.<br />

L’hôtel qui jouxte encore aujourd’hui le mur gouttereau<br />

sud de cette église (12 rue Notre-Dame-de-Recouvrance ;<br />

actuel presbytère), a probablement été bâti peu après<br />

l’achèvement de cette dernière vers 1520. Composé de<br />

deux corps de bâtiments séparés par une cour et reliés<br />

par une galerie en bois, il conserve des façades sur cour<br />

caractéristiques de la première Renaissance, dont les<br />

baies à la modénature encore gothique sont néanmoins<br />

accompagnées de moulures adoucies, tandis qu’une petite<br />

agrafe en volute, issue du vocabulaire décoratif italien,<br />

est sculptée sur la clef de leur couvrement. À l’intérieur,<br />

les pièces sont closes par des plafonds et des cloisons en<br />

pan-de-bois ornés de sculptures alliant là encore motifs<br />

d’inspiration médiévale (engoulants, frise de trilobes,<br />

accolades, pinacles, etc.) et ornements transalpins (frise<br />

d’oves, putti, médaillons, etc.) (27) .<br />

Un autre exemple révélateur est celui de l’hôtel Toutin<br />

(26 rue Notre-Dame-de-Recouvrance, [FIG. 2 ET 3]), édifice<br />

précoce de la seconde Renaissance orléanaise, daté d’entre<br />

(22) Voir infra, L’architecture religieuse de la Renaissance à Orléans, par J. NOBLET.<br />

(23) Ainsi, le 23 mai 1514, il fut payé 10 s. à Bertran Martin, sergent royal, « qui a la requeste du procureur<br />

du roi notre sire et du procureur des habitans, et es presence de Estienne Peigné, Julien<br />

Deloynes, eschevins, et Jehan Mynier, feist deffenses a ceux qui demolissoient les anciennes murailles<br />

de la ville tant a l’endroit de l’eglise Notre Dame de Recouvrance, que en une maison que<br />

Henry des Ouches faisoit faire au desdans de la ville joignant des grosses murailles de la porte<br />

de la Barre Flambert, et ainsi en une autre maison joignant de la porte neuve a aller de la vieille<br />

ville en la Grant rue St. Laurent que faisoit ediffi er Jehan Godefroy le jeune, Texier, de non plus<br />

desmolir lesdites murailles, a peine de cent livres, et leur a donné jour par devant monseigneur le<br />

bailly d’Orleans ou son lieutenant » (Orléans, Bibliothèque municipale, ms. 595, f° 225). Ce texte<br />

mentionne déjà la construction de plusieurs maisons dans l’îlot qui nous intéresse ici.<br />

(24) JARRY E. 1917 : p. 235.<br />

(25) Orléans, Archives départementales du Loiret, 2 J 2510 : 15 avril 1513 ; JARRY E. 1917 : p. 235. Dès<br />

1511 (le 19 janvier et 13 juillet), la maître maçon Macé Droyneau est l’un « des gaigiers proviseurs<br />

de l’eglise Notre Dame de Recouvrance » présent dans les démarches menées auprès des représentants<br />

de l’église Saint-Laurent-des-Orgerils afi n de plaider la création de la nouvelle église, et<br />

d’en faire une paroisse annexe de Saint-Laurent (Orléans, Archives départementales du Loiret,<br />

2 J 2510). Macé Droyneau est également attesté comme « maistre des euvres de l’enclousture<br />

de la ville et cité d’Orléans » (ALIX, DURANDIERE 2004 : p. 58). Quant au maître des œuvres de<br />

maçonnerie du duché d’Orléans, Jehan Mynier, nous avons vu qu’il était témoin lors de la visite du<br />

23 mai 1514 concernant la destruction du mur d’enceinte pour édifi er l’église (voir note 23).<br />

(26) JARRY E. 1917 : p. 235 ; CHENESSEAU 1930 : p. 113 ; PEROUSE DE MONTCLOS 1988 : p. 495.<br />

(27) Sur cette demeure, monographie dans : ALIX 2002 : t. 2, p. 81-96.<br />

145


146 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />

1535-1540, et qui a fait l’objet de plusieurs campagnes<br />

successives de construction très rapprochées dans le<br />

temps (28) . La démarche d’acquisition du terrain, situé non<br />

loin de l’église et jouxtant lui aussi le mur de la deuxième<br />

enceinte, est uniquement connue par une citation peu<br />

fiable de C.-F. Vergnaud-Romagnési indiquant que cet<br />

emplacement correspondrait en partie aux « trente toises<br />

de terrain en longueur, contenant les douves, foussés et<br />

vieilles murailles situées et assises depuis une tour nommée<br />

la tour André », et données en 1492 par le duc à Huguet<br />

Bergereau, son écuyer de cuisine (29) . Pierre Bergereau (son<br />

fils ?) l’aurait cédé en 1495 à Jehan Mynier, « maistre des<br />

ouvraiges pour la maconnerie du roy a Orleans » (30) . Plus<br />

vraisemblable est l’affirmation selon laquelle ce terrain fut<br />

acheté le 16 décembre 1536 par Guillaume Toutin, valet de<br />

chambre du Dauphin, futur Henri II, greffier de l’élection<br />

d’Angers, et également commanditaire de l’hôtel (31) .<br />

Ainsi, l’essor économique de ce secteur urbain attira<br />

de hauts dignitaires et la grande bourgeoisie comme<br />

le montre également l’observation des élévations : de<br />

nombreuses parcelles conservent les vestiges de demeures<br />

édifiées dans la première moitié du 16 e siècle. À l’image<br />

des hôtels précédemment cités, plusieurs habitations<br />

de l’îlot comportent une cour avec une galerie ou une<br />

coursière desservant un corps de bâtiment postérieur<br />

situé à l’emplacement ou contre la deuxième enceinte (32) .<br />

D’autres grandes demeures occupaient également la partie<br />

occidentale de la rue Notre-Dame-de-Recouvrance, comme<br />

le prouvent les vestiges de croisées visibles sur leurs façades<br />

sur cour (par exemple : n° 35 et 37).<br />

L’habitat dans le reste du quartier sud-ouest<br />

Les rues voisines à l’ouest, situées entre la Loire et la rue<br />

des Carmes, correspondent à un quartier à forte vocation<br />

artisanale et économique liée à la Loire, comme l’indiquent<br />

les vestiges d’un habitat au caractère plus modeste, exception<br />

faite de quelques demeures, par exemple aux n° 62-64 rue<br />

des Turcies, n° 22 rue d’Angleterre, n° 4 rue Croix-de-Bois et<br />

surtout l’hôtel des n° 17-19 de la même rue. Seule la rue des<br />

Charretiers, important axe nord-sud reliant ces quartiers des<br />

bords de Loire vers un secteur plus résidentiel au nord, présente<br />

sur chacune de ses rives des habitations en pierre assez cossues<br />

datant cette époque (33) . Dans tous ces exemples, les édifices<br />

présentent des baies aux moulures encore caractéristiques du<br />

« gothique flamboyant » (34) et seules quelques maisons font<br />

figures d’exception en présentant des décors « à l’antique » (35) .<br />

C’est dans une maison de ce secteur, rue Croix-de-Bois (« la<br />

grand’rue Saint-Laurent »), qu’habitait vers 1548 l’architecte<br />

Jacques Androuet Du Cerceau, qui fut notamment chargé<br />

de la décoration de la ville lors de l’entrée du roi Henri II<br />

le 4 août 1551 (36) .<br />

Maisons à façades en pan-de-bois<br />

et habitat sériel<br />

Parmi la quinzaine de maisons à façade en pan-de-bois<br />

du 16 e siècle actuellement recensées dans l’ensemble<br />

des quartiers de la quatrième enceinte (dont six sont<br />

actuellement conservées en élévation), la plupart sont<br />

(28) DREYFUS 2005. Ainsi, l’étude de bâti montre que la construction s’est d’abord organisée autour<br />

du bâtiment donnant sur la rue Notre-Dame-de-Recouvrance et celui situé à l’angle de la rue de la<br />

Chèvre-qui-Danse, ce qu’accrédite une étude dendrochronologique indiquant que les bois de ces<br />

parties de l’édifi ce ont été abattus en 1535 et 1536 (PERRAULT, GIRARDCLOS 2007). Les datations<br />

dendrochronologiques confi rment que la construction des autres corps de bâtiments de l’hôtel<br />

s’est étalée jusqu’en 1540. Voir également infra, Les demeures de la seconde Renaissance des élites<br />

orléanaises ou le succès de l’architecture « à l’antique » (vers 1535-1560) par C. ALIX et J. NOBLET.<br />

(29) VERGNAUD-ROMAGNESI 1830 : p. 399. C.-F. Vergnaud-Romagnési ayant inventé de toutes pièces<br />

plusieurs légendes sur l’histoire de cet hôtel afi n de permettre sa sauvegarde au 19 e siècle<br />

(ROUGERIE 1998 : t. 1, p. 76), il convient donc de rester prudent face à cette affi rmation. Un terrain<br />

cédé par Louis Louis II à Huguet Bergereau, son écuyer de cuisine, est évoqué dans un bail à<br />

cens, mais s’agit-il du même emplacement ? (Orléans, Archives départementales du Loiret, A 560<br />

(détruit) dans : MAUPRE, DOINEL 1878 : p. 125).<br />

(30) VERGNAUD-ROMAGNESI 1830 : p. 399 ; repris dans : BUZONNIERE 1849 : t. 2, p. 273 ; BIEMONT 1880 :<br />

p. 445. D’autres auteurs ont cité « Jehan Meugnier, maçon du roi », tout en proposant parfois<br />

d’identifi er ce nom à celui de Jean Mynier, maître des œuvres de maçonnerie du duché d’Orléans<br />

(LEPAGE 1901 : p. 395 ; PEROUSE DE MONTCLOS 1988 : p. 504). Là encore, il est permis de douter<br />

de l’affi rmation de C.-F. Vergnaud-Romagnési : n’y a t-il pas eu confusion avec les terrains libérés<br />

pour la construction de l’église Notre-Dame-de-Recouvrance ?<br />

(31) JARRY E. 1931 : p. 159.<br />

(32) Par exemple : n° 16 (9 rue de l’Écu-d’Or) ou n° 24 rue Notre-Dame-de-Recouvrance. La galerie du<br />

n° 14 rue Notre-Dame-de-Recouvrance présente une colonne au chapiteau ionique comparable à<br />

ceux de la galerie de l’hôtel Toutin. La distribution avec galerie était semblable au n° 28 (angle avec<br />

la rue de la Chèvre-qui-Danse).<br />

(33) N °28 (angle rue Croix-de-Bois), 30, 32, 34, 40, 45, 47, 67, 79 rue des Charretiers.<br />

(34) Pour la typologie des moulures des maisons orléanaises voir : ALIX 2008 : 2 e partie, p. 4-7.<br />

(35) N° 47 rue des Charretiers : petits disques dans les angles de l’encadrement des baies. N° 32 rue<br />

des Charretiers : jour du rez-de-chaussée avec piédroits cannelés et jour plein-cintre du premier étage<br />

intégré dans une composition édiculaire (colonnes corinthiennes adossées, fronton triangulaire).<br />

N° 17-19 rue Croix-de-Bois : baies des façades sur cour des différents corps de bâtiment moulurées<br />

de doucines. N° 79 rue des Charretiers et n° 25 bis rue de l’Ange/angle 59 rue des Carmes : portes de<br />

la cage d’escalier couvertes d’un arc plein-cintre et moulurées de quart-de-rond. Dans cette dernière<br />

maison subsistent également les baies (croisées) de la façade rue des Carmes (n° 59) ainsi que les<br />

plafonds et la charpente de comble du milieu 16 e siècle.<br />

(36) Il fut notamment payé 25 écus le 29 août 1551 « pour avoir par luy vaqué par treize journees et<br />

plusieurs nuictz a la conduicte des ouvriers comme menuziers, painctres et autres qui ont dressé<br />

et faict en ladicte ville en plusieurs endroictz des arcs triumphans et autres ouvraiges pour l’entree<br />

(...) et a inventer les choses a ce requises » (Orléans, Archives départementales du Loiret,<br />

2 J 2474, f° 31-32 ; DU CERCEAU 1575-1579 : p. 5-7, 310 ; JARRY E. 1914 : p. 49). Voir aussi BEAULIEU<br />

1978, CHATENET 2008.


FIG. 4<br />

Maison 61 rue des Charretiers<br />

façade antérieure :<br />

habitat sériel de la première du 16 e siècle<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

édifiées dans ce secteur sud-ouest, et notamment le long de<br />

l’axe formé par la rue des Charretiers, prolongé au nord par<br />

la rue des Grands-Champs (37) . Six d’entre elles présentent<br />

une façade en pan-de-bois à croix de Saint-André, possédant<br />

les mêmes caractéristiques que les nombreuses maisons<br />

construites avec ce type d’armature dans les autres quartiers<br />

d’Orléans : 37 et 61 rue des Charretiers (FIG. 4), 6 et 11 rue<br />

des Grands-Champs, 81-83 rue Bannier, et probablement<br />

celle anciennement 3 rue des Carmes surmontée d’une<br />

lucarne-pignon (38) . Sept autres maisons ont une façade<br />

en pan-de-bois à grille : 15 rue d’Angleterre, 9, 11 et 13<br />

rue Stanilas-Julien (P. X, FIG. 6) 6), 29 et 29 bis rue Croix-de-<br />

Bois, ainsi que les façades des bâtiments nord de l’hôtel<br />

Toutin donnant sur la rue de la Chèvre-qui-Danse (39) . Rue<br />

Notre-Dame-de-Recouvrance, une maison (40) présentait<br />

le parti décoratif rare d’une façade à ossature à losanges<br />

cantonnés aux extrémités par des panneaux de croix<br />

de Saint-André (milieu 16e siècle). Enfin, une dernière<br />

maison en pan-de-bois anciennement située 3 rue Notre-<br />

Dame-de-Recouvrance (détruite) comportait un étage en<br />

encorbellement porté par des aisseliers ou des consoles (41) .<br />

Il convient de rappeler que la construction en pan-de-bois<br />

reste relativement peu fréquente, une quinzaine d’exemples,<br />

par rapport à sa concentration importante dans d’autres<br />

quartiers du centre ancien, notamment au sein de la première<br />

enceinte. Remarquons que sur cette quinzaine de maisons<br />

en pan-de-bois, presque la moitié correspond à un habitat<br />

sériel résultant peut-être de petites opérations de lotissement<br />

sur une ou deux parcelles (42) . L’accroissement rapide de<br />

la population et la hausse de la rente depuis la seconde<br />

moitié du 15 e siècle ont multiplié en ville les opérations de<br />

lotissement permettant de rentabiliser ces terrains. Il est<br />

révélateur que ces maisons « en série » soient situées dans les<br />

quartiers nouvellement enclos de la dernière enceinte où ce<br />

type de bâti simple et efficace était parfaitement adapté à un<br />

objectif de construction rapide. Il est possible de distinguer<br />

deux modes de construction différents. Deux de ces petits<br />

lotissements correspondent à des maisons doubles à façade en<br />

pan-de-bois à grille, bâties en symétrie de part et d’autre d’un<br />

mur pignon mitoyen maçonné, avec à chaque fois répétition<br />

d’un plan, d’un volume et d’un système distributif semblable<br />

(9-11 rue Stanislas-Julien ; 29-29 bis rue Croix-de-Bois).<br />

Dans les autres cas, les deux unités d’habitations, présentant<br />

des ordonnances symétriques à croix de Saint-André (43) , sont<br />

(37) D’autres maisons en pan-de-bois conservées dans les quartiers de la quatrième enceinte datent<br />

probablement du 16 e siècle mais la présence d’enduit sur l’ossature des façades ne permet pas de<br />

le vérifi er actuellement.<br />

(38) Cette dernière maison détruite dans les années 1940 est connue par plusieurs photographies<br />

anciennes (ALIX 2002 : t. 2, p. 180).<br />

(39) Pour ces pans-de-bois à grille, l’ossature de l’étage se compose de grandes décharges obliques<br />

assemblées entre les sablières, au-dessus et au-dessous desquelles des tournisses régulièrement<br />

espacées remplissent l’espace. Les seuls poteaux d’étage sont localisés aux extrémités de<br />

la paroi ou correspondent aux piédroits des baies. Seule la façade de l’hôtel Toutin est formée de<br />

pièces obliques (éperons) assemblés entre les poteaux.<br />

(40) Maison détruite visible sur une aquarelle de G. Pracine de 1885 (Orléans, Musée historique et archéologique,<br />

16530).<br />

(41) Cette maison nous est uniquement connue par une brève citation du 19 e siècle (BIEMONT 1880 :<br />

p. 391). Correspond-t-elle à la maison avec encorbellement visible sur une lithographie de C. Pensée<br />

: « Église de Recouvrance » (PENSEE 1849 : pl. 17) ?<br />

(42) ALIX 2002 : t. 1, p. 108-110 ; ALIX 2007 b : p. 8. Voir aussi infra, Typologie des façades orléanaises<br />

de la fi n du Moyen Âge et de la Renaissance, par L. MAZUY.<br />

(43) La maison 81-83 rue Bannier pourrait correspondre à une maison double mais cela ne peut être<br />

actuellement vérifi é puisque la partie nord de la façade est aujourd’hui masquée sous un enduit.<br />

Ces maisons sérielles à panneaux de croix de Saint-André se retrouvent fréquemment dans le<br />

centre ancien de la première enceinte entre la seconde moitié du 15 e et le début du 16 e siècle<br />

(ALIX 2007 b : p. 8).<br />

147


148 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />

séparées par une paroi en pan-de-bois à grille qui vient se<br />

fixer à l’arrière du poteau de fond recevant les sablières des<br />

façades (61 rue des Charretiers ; 11 rue des Grands-Champs).<br />

Ces constructions sérielles, souvent limitées en hauteur à un<br />

étage, étaient destinées à la petite bourgeoisie ou à des artisans.<br />

Elles peuvent être comparées aux maisons multiples connues<br />

à la fin du 15 e siècle et au 16 e siècle (44) à Bourges (85-87 rue<br />

Mirebeau), à Paris (milieu du 16 e siècle), à Tours (2-18 rue de<br />

la Madeleine, vers 1520-1530), à Rouen (39-45 rue aux Juifs,<br />

réalisées par la ville au début du 16 e siècle ou le lotissement<br />

édifié place du Marché-Neuf par la ville, vers 1531), ou en<br />

Belgique (maison du Pléban à Dinant : 1492-1494d).<br />

Le quartier nord-ouest<br />

Délimité par la rue Bannier à l’est et les rues des Carmes et<br />

Porte-Madeleine au sud, ce quartier correspond à celui qui<br />

fut le plus modelé par l’opération d’urbanisme de 1486, au<br />

travers de la mise en place d’un réseau viaire régulier et de<br />

la création de grands îlots quadrangulaires. L’observation<br />

des élévations montre de nombreux vestiges de maisons<br />

de la première moitié du 16 e siècle aux carrefours des<br />

rues, ce qui pourrait indiquer que le lotissement de ces<br />

îlots s’est d’abord effectué à partir des parcelles d’angles<br />

dont la situation était privilégiée (45) . Tandis que les rues<br />

anciennes et certains axes privilégiés (rue de la Lionne, rue<br />

des Grands-Champs, rue d’Illiers, etc.) sont rapidement<br />

occupés par de nombreuses maisons, dans d’autres secteurs<br />

le rythme de la construction semble avoir été plus lent,<br />

notamment en cœur de certains îlots ou dans les parcelles<br />

situées aux abords de l’enceinte, qui présentent dans la<br />

deuxième moitié du 16 e siècle un tissu urbain aéré par des<br />

terrains libres (46) . Se peut-il que les propriétaires laïcs ou<br />

religieux de ces terrains se soient opposés au développement<br />

de l’habitat ? Ce quartier présente là encore des rues où se<br />

concentrent de grands hôtels, comme la rue d’Illiers (47) ,<br />

alors que d’autres semblent accueillirent des habitations<br />

plus modestes, comme la rue de la Porte-Saint-Jean (48) . La<br />

rue des Carmes quant à elle présente quelques demeures<br />

aux façades ornées de motifs italianisant comme celle du<br />

n° 82 ou celle anciennement du n° 16 (49) . Enfin signalons<br />

plusieurs habitations de la première moitié du 16 e siècle rue<br />

de la Lionne, où grandes demeures (50) (n° 18 bis) côtoient<br />

de petites maisons élémentaires (n° 33), alors que plusieurs<br />

maisons voisines présentent toutes des baies semblables<br />

moulurées de doubles cavets, traduisant certainement une<br />

volonté d’imitation entre les commanditaires (façades des<br />

maisons n° 13, 21, 23, et 33 rue de la Lionne).<br />

La rue de la Bretonnerie<br />

et le quartier nord-est<br />

La rue de la Bretonnerie est une voie ancienne,<br />

probablement d’origine antique (51) , s’appuyant au sud<br />

sur la place de l’Étape, située au débouché de l’ancien<br />

cardo de la ville du Bas-Empire et en limite du quartier<br />

de la cathédrale, pour rejoindre au nord la rue Bannier en<br />

direction de la Beauce ou de Paris. Après la destruction<br />

des faubourgs lors du siège de la ville, l’habitat s’y était<br />

développé progressivement tout au long du 15 e siècle, sous<br />

la forme de petites maisons ou de « masures » au travers<br />

d’un paysage restant fortement marqué par la présence<br />

de nombreux jardins, de vergers et de vignes, comme en<br />

témoignent certains actes notariés. Ainsi, le 20 février 1431,<br />

Jean Porchier, sergent du duc, achetait rue de la Bretonnerie<br />

une « maison et son jardin » (52) . Le 8 octobre 1437, Perrin<br />

Gaillart cède au taillandier Jehan Collinet, moyennant une<br />

rente annuelle de 5 sols parisis, son jardin situé rue des<br />

Maillets (aujourd’hui rue Saint-Anne), jouxtant à l’est les<br />

jardins du couvent des Cordeliers établi sur la rue de la<br />

(44) Pour Bourges : CHAZEL 1997 : p. 20. Pour Paris : BOUDON 1983 : p. 26. Pour Tours : TOULIER,<br />

AQUILON 1980 : p. 47, 51 ; GUILLAUME, TOULIER 1983 : p. 13. Pour Rouen : GAUTHIEZ 1993 : p. 156,<br />

189, 195. Pour la Belgique : HOUBRECHTS 2007 : p. 185.<br />

(45) Certaines de ces maisons d’angles se caractérisent par leur mur pignon placé à l’angle de l’îlot<br />

souvent percé de jours rectangulaires au rez-de-chaussée et d’une baie en arc plein-cintre dans<br />

le comble : 46 rue du Colombier/rue des Grands-Champs ; 9 rue du Grenier-à-Sel/38 rue d’Illiers ;<br />

56 rue d’Illiers/angle rue des Grands-Champs ; 21 rue de la Lionne/9 rue du Bœuf-Saint-Paterne ;<br />

39 rue de la Lionne/rue des Grands-Champs ; 98 rue des Carmes/rue de Limare ; 15 rue Porte-<br />

Saint-Jean/2 bis rue de la Grille ; etc.<br />

(46) Voir la représentation de ce quartier sur le « Vray portraict de la ville d’Orléans » gravé sur bois<br />

par Raymond Rancurel vers 1575 et extrait de la Cosomographie universelle de tout le monde par<br />

Sébastien Münster (Orléans, Bibliothèque municipale, ZH 12).<br />

(47) 52 rue d’Illiers (croisées de la façade sur cour) ; 38 rue d’Illiers/9 rue du Grenier-à-Sel ; à proximité :<br />

11 rue du Grenier-à-Sel.<br />

(48) Exemple de petite maison élémentaire sur parcelle laniérée étroite : 7 rue Porte-Saint-Jean (avec<br />

escalier en vis à noyau sculpté d’une main-courante torsadée). Au n° 16 rue Porte-Saint-Jean,<br />

une maison plus importante présente une façade sur cour avec des baies en arc plein-cintre<br />

moulurées de quart-de-rond (vers 1530-1540). 52 rue Porte-Saint-Jean.<br />

(49) Au 82 rue des Carmes : bâtiment en fond de cour ayant conservé ses baies en arc plein-cintre et<br />

sa corniche soutenue par un modillon en forme de putto ailé. Demeure anciennement 16 rue des<br />

Carmes (détruite en 1940) : avec tourelle d’escalier quadrangulaire aux baies ornées de petits disques<br />

(Orléans, Musée des Beaux-Arts, classeur 310 cartes postales et 137 photos : n° 313-315).<br />

(50) Le n° 18 bis rue de la Lionne est un vaste hôtel en fond de cour avec un petit pavillon d’angle en<br />

brique à jour plein-cintre (années 1540). Remarquons sur le pignon oriental de la maison 39 rue<br />

de la Lionne une recherche de composition symétrique : un jour en arc plein-cintre est rejeté à<br />

chaque extrémité de l’étage.<br />

(51) MAZUY 2005 : p. 17.<br />

(52) Orléans, Archives départementales du Loiret, 3 E 10136.


FIG. 5<br />

Hôtel de François<br />

Brachet, dit de la<br />

Vieille-Intendance,<br />

24-28 rue de la<br />

Bretonnerie<br />

façade antérieure sur<br />

cour (mur sud), avec<br />

tourelles d’escalier à<br />

chambre haute.<br />

(Cl. C. Thibaudin, (c) Région<br />

Centre Inventaire général,<br />

ADAGP).<br />

149


150 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />

Bretonnerie (53) . Le 22 octobre 1494, Jehan Groslot reçoit<br />

10 livres tournois du notaire Berthelemy Sevin auquel il<br />

a vendu une rente qu’il détenait sur un jardin donnant<br />

rue de la Bretonnerie (54) . Dernier exemple, en juin 1492,<br />

un boulanger achète une maison en construction « prête à<br />

couvrir », située rue de la Bretonnerie derrière les vignes de<br />

Messire Pierre Dulac, docteur régent de l’Université (55) .<br />

Une partie des nouvelles rues créées dans ce secteur lors de<br />

l’opération d’urbanisme de 1486 va venir s’appuyer contre<br />

cet axe de circulation ancien qu’est la rue de la Bretonnerie.<br />

Grâce à sa situation privilégiée, cette voie semble avoir<br />

bénéficié d’un intérêt précoce qui, comme la rue Notre-<br />

Dame-de-Recouvrance, va permettre le développement<br />

d’un habitat soigné dans la première moitié du 16 e siècle.<br />

L’hôtel de François Brachet dit de la Vieille-<br />

Intendance<br />

L’hôtel le plus ancien édifié dans ce secteur, appelé<br />

aujourd’hui « hôtel de la Vieille-Intendance », correspond<br />

à la « grande maison Brachet » mentionnée ainsi dans<br />

les textes du milieu du 16 e siècle (n° 24-28 rue de la<br />

Bretonnerie, [FIG. 5]). Son commanditaire est sans nul doute<br />

François Brachet, « commis au paiement des archers de la<br />

garde française du corps du roi ». Il était le fils de Jean<br />

Brachet, secrétaire du duc, et de Nicole Lesbahy, issue de<br />

l’une des familles de bourgeois les plus aisées d’Orléans,<br />

dont le mariage en 1440 illustre une tentative stratégique<br />

de rapprochement d’alliance entre les marchands de la ville<br />

et les officiers ducaux (56) . Leur fils François Brachet est<br />

cité, en compagnie de sa femme Françoise Ruzé, dans un<br />

acte de constitution de bail à rente en date du 1 er octobre<br />

1491 pour « une place appartenant a ladicte eglise Saint<br />

Pierre Empont en laquelle y a dessus ung appentilz couvert<br />

d’esseaune et le surplus est en verger tout cloux a murs,<br />

ainsi qu’il se comporte et poursuit, seant es forsbours<br />

d’Orleans sur la rue de la Bretonnerie », terrain qui à cette<br />

époque était encore environné de vignes et de vergers (57) .<br />

La mention des dimensions importantes du terrain<br />

s’accorde en partie à l’emplacement de l’hôtel, tout comme<br />

l’évocation de « la nouvelle rue appellée l’Aumosne »<br />

correspondant à l’actuelle rue des Huguenots jouxtant la<br />

propriété à l’ouest. Par ailleurs, l’origine de propriété et<br />

l’histoire des terrains de cet hôtel sont bien connues grâce<br />

à une série de titres établis entre la fin du 14 e siècle et le<br />

19 e siècle, et dans lesquels on apprend notamment que<br />

la demeure n’était pas encore élevée en octobre 1499 (58) .<br />

Cette date s’accorde assez bien avec l’analyse des élévations<br />

et du décor sculpté qui permet de penser que le début de<br />

la construction a vraisemblablement eu lieu dans les dix<br />

premières années du 16 e siècle, ce que confirme une récente<br />

analyse dendrochronologique (59) .<br />

L’hôtel, qui présente des proportions très importantes, était<br />

précédé par une cour isolée de la rue de la Bretonnerie grâce<br />

à un mur de clôture et comportait à l’arrière un imposant<br />

jardin qui s’étendait au nord jusqu’aux fortifications de<br />

la dernière enceinte. Établi sur d’importants niveaux de<br />

caves voûtées, le corps de bâtiment principal est accosté<br />

à chaque extrémité de sa façade sur cour par une grande<br />

tourelle hors-œuvre de plan quadrangulaire. Elles abritent<br />

chacune un escalier en vis surmonté d’une chambre haute<br />

à deux niveaux desservis par un escalier secondaire logé<br />

dans une échauguette en surplomb. Ces chambres hautes<br />

permettaient de prolonger en hauteur les tourelles d’escalier,<br />

dont les volumes se détachaient nettement du corps de<br />

logis, renforçant ainsi la symbolique de fief et de pouvoir<br />

attachée aux tours dans la tradition médiévale (60) . Ce corps<br />

de logis est couvert par une charpente en chêne à chevronsformant-fermes,<br />

à jambettes et aisseliers courbes, et dont<br />

certains éléments sont ornés de moulures prismatiques<br />

de tradition « gothique » : lierne de sous-faîtage, petits<br />

aisseliers, bases des poinçons (61) .<br />

(53) Orléans, Archives départementales du Loiret, 3 E 1051.<br />

(54) Orléans, Archives départementales du Loiret, 3 E 10244. « Jehan Groslot l’aisnet, bourgeois<br />

d’Orleans » était le grand-oncle de Jacques Groslot dont il est question ci-dessous.<br />

(55) MICHAUD-FRÉJAVILLE 1983 : p. 433.<br />

(56) THIBAULT 1997 : t. 2, p. 417-418. Les Brachet sont une grande famille orléanaise dans laquelle<br />

fut choisi le premier maire de la ville en 1569. Selon le chanoine R. Hubert, généalogiste de<br />

la deuxième moitié du 17 e siècle, François Brachet était le fi ls de Jean Brachet, receveur général<br />

des tailles et du domaine d’Orléans, secrétaire de Monsieur le Duc, dont les enfants se partagèrent<br />

les biens en 1497. Cet auteur indique également que François Brachet serait « seigneur de<br />

Theillay le Gaudin, de la Maison Neuve et des Brosses de Marigny, thresorier de la royne d’Arragon »<br />

(Orléans, Bibliothèque municipale, ms. 608-615 : vol. II, f° 46).<br />

(57) Orléans, Archives départementales du Loiret, 3 E 10204.<br />

(58) JOUVELLIER 1959 : p. 4.<br />

(59) Construction de la charpente de comble après 1505, à partir d’un stock de bois dont les dates<br />

d’abattage s’étalent entre 1501-1502 [d] et 1504-1505 [d] (PERRAULT, étude en cours).<br />

(60) Ces petites pièces, qui pouvaient servir de cabinet, d’étude, de trésor, d’oratoire ou de petit belvédère,<br />

étaient chauffées par une cheminée dont une, celle de la tourelle ouest, est encore visible.<br />

Le premier niveau de la chambre haute orientale est couvert par une voûte en brique formant un<br />

berceau brisé tandis que celui de la tourelle occidentale est plafonné.<br />

(61) La charpente est conservée de manière homogène comme le confi rme les marques d’assemblages<br />

gravées à la rainette sur les différentes pièces. Plusieurs fragments du voligeage originel sont<br />

conservés sur les chevrons du versant sud.


6<br />

8<br />

FIG. 6<br />

Hôtel de François<br />

Brachet, dit de la<br />

Vieille-Intendance,<br />

24-28 rue de la<br />

Bretonnerie<br />

escalier d’honneur<br />

dans la tourelle ouest<br />

(Cl. C. Thibaudin,<br />

(c) Région Centre Inventaire<br />

général, ADAGP).<br />

FIG. 7<br />

Hôtel de François<br />

Brachet, dit de la<br />

Vieille-Intendance,<br />

24-28 rue de la<br />

Bretonnerie<br />

noyau de l’escalier<br />

d’honneur dans la<br />

tourelle ouest<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

FIG. 8<br />

7<br />

Hôtel de François<br />

Brachet, dit de la<br />

Vieille-Intendance,<br />

24-28 rue de la<br />

Bretonnerie<br />

voûte de l’escalier<br />

d’honneur dans la<br />

tourelle ouest<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

151


152 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />

La façade sud du corps principal résulte d’un remaniement<br />

intervenu probablement à la fin du chantier comme le<br />

confirme l’étude de la charpente de comble (62) : elle était<br />

originellement prévue en retrait vers nord, et le mur actuel<br />

correspond à une avancée gagnée sur l’espace de la cour (63) .<br />

Ce corps de bâtiment principal est jouxté à l’ouest par<br />

deux courtes ailes perpendiculaires, bordant la rue<br />

des Huguenots, une en retour sur la cour (au sud) et<br />

l’autre donnant sur le jardin (au nord). L’aile sud, peutêtre<br />

à usage d’offices, se remarque notamment pour sa<br />

charpente semblable à celle du corps principal, mais<br />

surtout pour sa salle en rez-de-chaussée couverte de deux<br />

voûtes d’ogives moulurées de cavets reposants sur des<br />

culots géométriques (64) . L’aile en retour nord correspond<br />

visiblement à un remaniement intervenu rapidement<br />

après l’édification du corps de logis principal (65) ; sa partie<br />

inférieure ouvrait sur le jardin par une série d’arcades pleincintre<br />

formant peut-être un portique.<br />

Le gros-œuvre de l’ensemble est constitué de parements de<br />

briques liées par des joints rubanés. Certaines boutisses sont<br />

foncées afin de créer un dessin de losanges noirs, à l’image<br />

des appareils mixtes polychromes ornant les résidences<br />

aristocratiques du val de Loire (aile Louis XII du château de<br />

Blois, château de Gien reconstruit pour Anne de Beaujeu,<br />

etc.). Le motif varie seulement sur la façade sur jardin,<br />

où ces losanges sont imbriqués à l’intérieur de losanges<br />

plus grands. La pierre est réservée aux chaînes d’angles,<br />

aux corniches et aux encadrements de baies moulurés de<br />

doubles tores séparés par des gorges. Le décor sculpté des<br />

façades extérieures est formé de motifs italianisants : frises<br />

d’oves avec ou sans dards, de feuilles d’eau, ou de rosaces<br />

ornant les corniches des tourelles d’escaliers ou les culs-delampe<br />

des échauguettes. Sur l’escalier d’honneur (tourelle<br />

ouest), ces motifs sont encore mêlés à des éléments issus<br />

du répertoire « flamboyant » : limon orné d’arcades en<br />

anse de panier portées par des colonnettes engagées sur<br />

culots feuillagés ou figurés, à chapiteaux corinthiens et<br />

aux fûts animés de cannelures torses (FIG. 6) ; noyau sculpté<br />

d’une arcature trilobée avec colonnettes engagées sur<br />

bases prismatiques (FIG. 7), ressemblant beaucoup à celui<br />

de l’escalier du château de Chaumont-sur-Loire (vers<br />

1510) ; motifs de tresse à œillets sur le noyau et le limon ;<br />

voûte à huit quartiers dont les nervures s’élancent depuis<br />

le noyau (FIG. 8), rappelant la voûte du grand escalier du<br />

logis Louis XII à Blois (vers 1500). Ainsi, de par son<br />

plan, ses distributions et son décor, la « Grande maison »<br />

de François Brachet constitue un des exemples les plus<br />

FIG. 9<br />

intéressants de la première Renaissance orléanaise. Edifié<br />

sur un grand terrain vierge, le constructeur ne fut pas gêné<br />

par les contraintes parcellaires, lui permettant ainsi de bien<br />

détacher de la voirie ce vaste hôtel qui s’apparente ici à un<br />

manoir.<br />

(62) Dates d’abattage des chevrons couvrant cette avancée : 1505-1506[d].<br />

Hôtel de Janot le Bouteiller,<br />

17 rue de la Bretonnerie<br />

façade antérieure<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

(63) À l’ouest, l’échauguette a été englobée dans la nouvelle toiture. À l’est, la nouvelle façade est<br />

venue s’appuyer contre l’échauguette. Afi n d’effectuer un chaînage d’angle entre ces deux éléments,<br />

l’une des assises du cul-de-lampe fut modifi ée : les nouvelles pierres furent sculptées<br />

d’une frise de rosaces, alors qu’il s’agissait originellement d’oves (visibles à l’extérieur).<br />

(64) Il reste diffi cile de voir si les clefs de voûtes sculptées aux armes de Brachet et de sa femme<br />

Françoise Ruzé sont authentiques ou si elles ont été plaquées ultérieurement.<br />

(65) Comme l’indique le fragment de corniche sculpté d’une cordelière sur la façade nord du corps<br />

principal qui a été masqué par la construction du comble de cette aile en retour.


Les autres demeures<br />

(hôtels de Jean Brachet, de Janot le Bouteiller,<br />

de Jacques Groslot, etc.)<br />

Il est intéressant de remarquer que Jean Brachet le Jeune,<br />

seigneur de Franville et secrétaire du roi, possédait lui aussi<br />

une demeure rue de la Bretonnerie à proximité immédiate<br />

de la « Grande maison » de son oncle François Brachet.<br />

Ce « logis et jardin appelé le Grand jardin », se trouvait<br />

dans l’îlot voisin, compris entre la rue des Huguenots<br />

et l’ancienne rue des Trois-Voisins (66) . Cette demeure<br />

possédait également un vaste jardin s’étendant au nord<br />

jusqu’à l’enceinte, à l’emplacement duquel s’installera au<br />

17 e siècle le couvent de l’Oratoire. L’habitation, dont Jean<br />

Brachet fit ordonner quelques travaux de réaménagements<br />

en 1546, correspond sûrement en partie aux bâtiments<br />

encore visibles aux 30 rue de la Bretonnerie et 1 rue des<br />

Huguenots (67) .<br />

C’est également dans ce secteur que seront édifiés deux<br />

des hôtels les plus notoires de la seconde Renaissance<br />

orléanaise. L’hôtel de Janot le Bouteiller (FIG. 9), sommelier<br />

ordinaire du roi et proche de François I er (mort en 1544),<br />

17 rue de la Bretonnerie, présente une façade unitaire venue<br />

masquer des habitations préexistantes dont les anciens murs<br />

pignons ont été conservés dans la nouvelle construction<br />

en guise de refends (68) . Edifié entre 1543-1547, ce vaste<br />

hôtel comportait également à l’est un pavillon d’entrée et<br />

un jardin ouvrant sur la rue Saint-Anne (69) .<br />

L’hôtel à l’appareil brique et pierre situé aux 3-5 place de<br />

l’Étape (VOIR P. FIG. 13) 13), en avant de la rue de la Bretonnerie,<br />

fut élevé pour Jacques Groslot, fils d’un marchand-tanneur,<br />

seigneur de l’Isle et de Champbaudoin, familier de Marguerite<br />

de Navarre, qui cumulait les charges de bailli d’Orléans,<br />

de conseiller au grand conseil de Paris, et de chancelier<br />

d’Alençon (70) . Le terrain où s’élève l’hôtel était composé de<br />

deux jardins appartenant initialement à Anne Brachet, femme<br />

de Germain Rebours, avocat au parlement, qui furent acquis<br />

par Jacques Groslot et sa femme Jeanne Garrault suite à<br />

plusieurs démarches débutées en 1543 et qui aboutirent en<br />

1545 (71) . Le jardin ouvrant sur la place de l’Etape servit à la<br />

construction de l’hôtel, probablement achevé vers 1552-1553,<br />

tandis que l’autre jardin conservera sa fonction. Le corps de<br />

logis était précédé d’une cour séparée de la rue par un mur<br />

écran, qui participait à l’aménagement de la grande place de<br />

« l’estappe au vin » récemment créée et dont la rive opposée<br />

était bordée par la nouvelle façade de l’église paroissiale Saint-<br />

Michel reconstruite entre 1534 et 1550. Comme dans le cas<br />

de l’hôtel de François Brachet antérieur de quelques décennies,<br />

les constructeurs de cet hôtel ont pu bénéficier d’un vaste<br />

espace permettant la mise en œuvre d’un bâtiment au plan<br />

original, bien détaché de la rue, et qui s’apparente ainsi à une<br />

demeure rurale.<br />

Dans la première moitié du 16 e siècle, la présence de grands<br />

terrains libres dans ce quartier a donc favorisé l’édification<br />

de vastes hôtels pour de hauts dignitaires, mais également la<br />

construction de demeures situées dans la partie occidentale<br />

de la rue de la Bretonnerie ou dans les rues voisines (72) .<br />

Malgré l’implantation des couvents et celle de grands hôtels<br />

au 17 e siècle (notamment rue d’Escures), ce quartier au<br />

caractère principalement résidentiel conservera l’image d’un<br />

secteur aéré par de vastes jardins. !<br />

(66) Rue aujourd’hui disparue qui allait de la rue de la Bretonnerie au boulevard Alexandre-Martin, et<br />

qui était située entre le couvent des Oratoriens et celui des Ursulines. Le palais de Justice fut<br />

construit à l’emplacement de cette ancienne voie (voir abbé Louis Gaillard, Les anciens noms des<br />

rues d’Orléans, 1989, 68 p, manuscrit déposé aux Archives départementales du Loiret, p. 45).<br />

(67) 30 rue de la Bretonnerie : escalier en vis en pierre avec noyau à main-courante torse ; façades sur<br />

cour avec portes et fenêtres en arc plein-cintre ou croisées à larmier. Au 1 rue des Huguenots :<br />

corps de bâtiment principal avec ouvertures ornées de petits disques, plafond à poutres moulurés<br />

; mur de clôture avec portail et porte piétonne ; galerie en pierre et en pan-de-bois ; tourelle<br />

d’escalier en vis avec chambre haute ; puits à eau, etc.<br />

(68) Lors de la construction de l’hôtel en 1543, ces deux anciennes maisons séparées par un jardin<br />

sont mentionnées dans un censier : « la maison ou demeure Jehan Tricot, au sommelier Janot.<br />

Une place et jardin que l’on fait a present bastir, au mesme. Une aultre maison ou demeure ledict<br />

sommelier Janot, a lui » (voir étude dans : JARRY E. 1928 : p.84-89).<br />

(69) Voir infra, Les demeures de la seconde Renaissance des élites orléanaises ou le succès de l’architecture<br />

« à l’antique » (vers 1535-1560) par C. ALIX et J. NOBLET.<br />

(70) Cet édifi ce qui abrite une partie de la mairie d’Orléans depuis 1738 a subi une sévère restauration<br />

dans la seconde moitié du 19 e siècle.<br />

(71) Pour l’hôtel Groslot, voir les monographies dans : JARRY E. 1914 ; ROUGERIE 1998 : t. 1, p. 43-53.<br />

Voir aussi infra, L’architecture domestique de la seconde Renaissance à Orléans (vers 1535-1560)<br />

par C. ALIX et J. NOBLET<br />

(72) Voici les exemples les plus remarquables : 13 rue de la Bretonnerie/angle rue Croix-de-Malte (baies des<br />

façades et pilastre d’angle sous la toiture) ; 15 rue de la Bretonnerie ; 31 rue de la Bretonnerie/25 rue<br />

Saint-Anne (porte et jours d’imposte) ; 60 et 62 rue de la Bretonnerie (façades sur cour avec arcade de<br />

porte cochère et baies à bases prismatiques) ; 57 rue de la Bretonnerie (tourelle d’escalier brique et<br />

pierre) ; anciennement 1 rue d’Escures, maison dite de la Grande-Babylone, galerie à arcades plein-cintre<br />

à colonnes ioniques (BUZONNIERE 1849 : t. 2, p. 237 ; BIEMONT 1880 : p. 400 ; LEPAGE 1901 : p. 240),<br />

17 rue d’Escures, 12 rue d’Escures (façade sur jardin et cabinet voûté, vers 1520-1530) ; 8 place du<br />

Martroi (corps de bâtiment occidental avec pignon en brique à décor de losanges noirs) ; hôtel 5 rue<br />

de Gourville (façades sur cour et sur jardin, tourelle d’escalier brique et pierre) ; hôtel 15 rue de Gourville<br />

(façades sur rue et sur cour) ; maison dite de Gourville rue de Gourville (détruite en 1899 ; 1 photographie<br />

: Orléans, Musée des Beaux-Arts, inv. 2266) ; 10 rue des Fauchets ; 105 rue Bannier (petite<br />

maison avec façade à parement en moyen appareil et petit jour plein-cintre) ; maison anciennement<br />

4 rue Bannier, façade sur cour représentée au 19 e siècle sur des aquarelles de P. Bernard ou<br />

d’H. Chouppe (Orléans, Musée des Beaux-Arts, inv. 2621 et inv. 434).<br />

153


154 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />

Le rempart en 3D<br />

première esquisse d’une restitution urbaine<br />

ET ARTICLE PRÉSENTE LES PREMIERS RÉSULTATS D’UN PROGRAMME SCIENTIFIQUE (1) , DÉBUTÉ EN 2007,<br />

dont le but est la modélisation en 3D de la ville d’Orléans (architecture et urbanisme) à partir<br />

du croisement des données historiques, archéologiques et iconographiques (2) .<br />

L’interprétation en volume d’un objet, puis de plusieurs<br />

(remparts, espaces publics, bâtiments…), impose un questionnement<br />

global qui implique la coordination raisonnée de choix<br />

liés à la cohérence interne de la forme. L’image correspond à<br />

un équilibre entre le fait archéologique et son interprétation et<br />

non comme une reconstitution exacte du réel.<br />

La technique numérique (3D) apporte à notre démarche une<br />

rapidité de calcul et d’exécution ainsi que la prise en compte<br />

« en temps réel » de l’ensemble des paramètres et de leurs<br />

éventuelles modifications. Elle apporte également le calcul des<br />

poids et des résistances des matériaux et des sols.<br />

La mise en volume d’un objet devient, ainsi, un jeu interactif<br />

qui provoque et nourrit, l’interrogation scientifique tout en<br />

modifiant le regard du spectateur, et peut devenir un outil<br />

d’aménagement.<br />

Dans un premier temps, le travail se concentre sur la restitution<br />

des trames viaires et des remparts successifs. Une fois abouti, il<br />

sera enrichi de restitutions à l’échelle de l’îlot et du bâti (3) …<br />

Au-delà des questions scientifiques, cette démarche collective<br />

et transversale entend déboucher sur une présentation de la<br />

ville par périodes, dates et thématiques, accessible à tous et<br />

réunies sur un site internet interactif et didactique.<br />

La restitution du rempart (1480-1556), ou plus exactement<br />

des systèmes défensifs successifs constituant l’état de la<br />

fortification est aujourd’hui en cours de finalisation.<br />

Après utilisation des données (plans et vues cavaliers<br />

historiques, résultats de fouille et dépouillements d’archives),<br />

beaucoup de questions restent en suspens : l’implantation des<br />

ravelins, la gestion des niveaux de circulation (lice, courtine<br />

et levée de terre…). Seules, de nouvelles découvertes liées à<br />

des fouilles archéologiques et la comparaison des présentes<br />

restitutions avec d’autres modèles français permettront<br />

d’affiner et de compléter cette promenade dans l’architecture<br />

militaire orléanaise du 16 e siècle.<br />

Laurent Mazuy,<br />

Médiateur du patrimoine<br />

(Orléans)<br />

Laurent Josserand,<br />

????<br />

(1) Ce programme est suivi pour le Service Archéologique Municipal par Laurent Mazuy et pour Polytech’Orléans<br />

par Laurent Josserand. Polytech’Orléans est une école d’ingénieur du réseau Polytech’<br />

intégrée au campus de l’Université d’Orléans, œuvrant dans les domaines mécaniques,<br />

énergétiques, électroniques et du génie civil.<br />

(2) Constitution de banques d’images en fonction des sujets traités.<br />

(3) Cette étape a été amorcée avec deux bâtiments de la fi n du Moyen Âge : la maison du 4 rue des<br />

Trois-Maillets et l’Hôtel des Créneaux (maison de ville). Ce travail scientifi que a été réalisé (comme<br />

les restitutions des portes Madeleine, Saint-Jean et Bannier du dernier rempart) par Clément<br />

Alix dans le cadre de sa thèse en cours.


9<br />

FIG. 1<br />

10<br />

Tracé du rempart :<br />

Première enceinte (4 e siècle de notre ère)<br />

Modifications du début du 13 e siècle (Tour-Neuve)<br />

Deuxième enceinte (14 e siècle)<br />

Troisième enceinte (1466-1480)<br />

Quatrième enceinte (1480-1556)<br />

Restitution du tracé du rempart à la fin du 16 e siècle-début du 17 e siècle<br />

Le tracé des remparts (fossé, mur et tours) a été positionné à partir des observations<br />

archéologiques, par le report et la comparaison des plans et des cadastres anciens notamment le<br />

plan Perdoux de 1779, le plan Legrand de la seconde moitié du 18 e siècle et le cadastre de 1823.<br />

Les traits de quais et les ravelins ont été tracés et positionnés à partir du plan Fleury (1640).<br />

(Orléans, service archéologique municipal : conception, Laurent Mazuy – DAO, Laurent Mazuy/Sébastien Pons)<br />

DP82<br />

Fossé en eau<br />

Fossé sec<br />

Contre-escarpe<br />

Rempart de terre (16 e siècle)<br />

Fort de la Brebis (entre 1510 et 1540)<br />

Terrasse d’artillerie (à partir de 1539)<br />

Ravelins (deuxième moitié du 16 e siècle)<br />

Pont des Tourelles (12 e siècle)<br />

Fort des Tourelles<br />

Quais :<br />

Trait de berge en pierre<br />

Trait de berge en bois<br />

5<br />

Rues et places disparues<br />

Rues et places percées aux 18 e , 19 e et 20 e siècles<br />

Fond de plan, SIGOR 2004<br />

7<br />

Pont Pont Thinat Thinat<br />

Pont Pont Thinat Thinat<br />

Pont Pont de de Vierzon Vierzon<br />

8<br />

155


156<br />

<strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Le bâti domestique orléanais au 16 e siècle<br />

FIG.3<br />

Restitution de la Tour-Neuve, vue panoramique du sud-ouest (autour de 1550)<br />

La tour d’un diamètre de 16,50 m et d’une hauteur de 27,25 m était à l’origine entourée<br />

d’un fossé pavé (13,20 de large et 6,60 m de profondeur) et d’une enceinte de tracé<br />

hexagonale. L’entrée principale de la forteresse donnait côté ville (sur une bassecour<br />

?). Une autre porte piétonne assurait la possibilité d’une sortie par la Loire.<br />

Edifié dans l’angle sud-est de la première enceinte (à l’emplacement probable d’une<br />

ancienne tour gallo-romaine), ce système militaire fut probablement modifié lors<br />

de la construction de l’accrue sous Louis XI (1466-1480) : comblement du fossé et<br />

démantèlement de la partie nord de son enceinte (?), raccord avec les autres murs<br />

défensifs...<br />

Les hourds et la toiture de la tour disparaîtront sous Charles IX pour laisser place à une<br />

terrasse d’artillerie.<br />

Le Guichet de Moi (au premier plan) correspond à l’une des portes permettant la<br />

communication entre la ville basse réservée à la transformation et au stockage des<br />

matières premières et les quais. Ce segment d’enceinte semble être construit, de la<br />

tour hexagonale (22 quai du Châtelet) à la Tour-Neuve, parallèlement à l’édification de<br />

cette dernière.<br />

FIG. 4<br />

Restitution de l’angle sud-est du<br />

rempart. Vue du sud (autour de 1600)<br />

FIG. 2<br />

Restitution du rempart<br />

(segment sud-est), vue du sud-est<br />

(autour de 1550)<br />

Les quais sont stabilisés par des<br />

murs en pierres ou en bois. Ces<br />

soutènements sont interrompus audevant<br />

de chaque porte et poterne<br />

afin de permettre un accès de plainpied<br />

au fleuve : évacuation des eaux,<br />

abreuvoir, manipulation des bateaux<br />

(mise à l’eau et mise hors d’eau).<br />

Au premier plan se trouve la grosse<br />

tour de Philippe Auguste (Tour-<br />

Neuve) construite au début du<br />

13 e siècle en bout de perspective<br />

le Châtelet et le pont des Tourelles<br />

(12 e siècle). Ce pont prend appui<br />

à l’intersection de deux îles :<br />

les mottes Saint-Antoine et des<br />

Poissonniers.


FIG. 6<br />

Restitution du rempart (porte Madeleine et Saint-Jean),<br />

vue du sud-ouest (autour de 1600)<br />

Les tours présentent trois niveaux de bouche à<br />

feu couvrant l’espace au-devant du fossé, la lice (large de<br />

4,5 m) et enfin le fossé. Les levées de terre intra-muros,<br />

vraisemblablement stabilisées par des maçonneries,<br />

sont plantées d’ormes à partir de 1566. Enfin, on<br />

remarquera au-devant des ponts une petite construction<br />

correspondant à la maison de l’octroi.<br />

FIG. 7<br />

Fig 7 : Restitution du rempart.<br />

Vue du nord (autour de 1600)<br />

FIG. 5<br />

Restitution de l’angle sud-est du<br />

rempart, vue panoramique du nord<br />

(autour de 1600)<br />

L’enceinte de Louis XI est<br />

partiellement réaménagée lors<br />

de la construction de la dernière<br />

enceinte (1480-1556).<br />

À la puissante tour d’angle, sont<br />

ajoutées une caponnière et une<br />

terrasse d’artillerie.<br />

Dans la seconde moitié du 16 e siècle,<br />

un ravelin de forme triangulaire<br />

est aménagé au-devant de la porte<br />

Bourgogne. Le fossé en V<br />

(profond de 19 m et large de 24)<br />

est, pour partie, inondé par la Loire<br />

(voir plan).<br />

157


158 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />

Le bâti orléanais<br />

avant 1540<br />

URANT CETTE PÉRIODE, DYNAMISÉE PAR DES CONDITIONS POLITIQUES ET ÉCONOMIQUES FAVORABLES,<br />

l’architecture domestique se renouvelle. Une nouvelle grammaire des formes pointe sous les<br />

modèles du gothique flamboyant. Les décors à l’antique font peu à peu leur apparition tout<br />

d’abord en simple citation puis dans le cadre de programmes cohérents.<br />

Notre aire d’étude (1) est délimitée à l’ouest, au nord et à<br />

l’est par les boulevards extérieurs et au sud par la Loire. Elle<br />

correspond à la ville close par les deux derniers remparts<br />

construits dans la seconde moitié du 15 e siècle et durant la<br />

première moitié du siècle suivant.<br />

Cet espace urbain est très hétérogène. La ville s’est, en effet,<br />

agrandie à plusieurs reprises et le bâti a subi dans certains<br />

secteurs des bouleversements importants : les grands<br />

percements (rue Royale, 18 e siècle ; rues Jeanne-d’Arc et de<br />

la République, 19 e siècle), les réaménagements du quartier<br />

du Châtelet (19 e siècle) et de la Charpenterie (20 e siècle)<br />

et enfin la reconstruction du quartier Saint-Paul suite aux<br />

destructions occasionnées par les bombardements de la<br />

Seconde Guerre mondiale.<br />

Les façades récolées présentent des programmes<br />

architecturaux, pour l’essentiel, conservés ou lisibles et<br />

cela malgré les modifications opérées en rez-de-chaussée<br />

(à partir du 18 e siècle), les éventuels rehaussements et<br />

l’évolution technique de la fenêtre. De cette étude, ont été<br />

exclus les murs présentant des baies isolées ainsi que les<br />

bâtiments situés dans les différents établissements religieux<br />

(à l’exception de la Maison du roi Louis XI, monastère<br />

Saint-Aignan).<br />

Tous les pans-de-bois à croix de Saint-André ont été<br />

retenus. Ce mode de construction et de décor est, en effet,<br />

employé principalement dans la première moitié du 16 e<br />

siècle et trouve son épilogue dans les années 1560-1570.<br />

Enfin la date qui clôt notre inventaire, permet de nous<br />

consacrer au bâti médiéval et de la première Renaissance (2) .<br />

En effet, l’architecture de la seconde Renaissance, marquée<br />

par une plus grande rigueur dans l’utilisation des ordres<br />

et des ornements issus de l’Antiquité (fenêtres à fronton,<br />

Laurent Mazuy,<br />

Médiateur du patrimoine<br />

(Orléans)<br />

(1) Cet inventaire des façades domestiques sur rues construites avant 1540 a été réalisé au prin-<br />

temps 2008.<br />

(2) Apparue à Orléans dans l’architecture sous le règne de Louis XII, plaquée sur une architecture<br />

gothique fl amboyante épanouie, elle évolue pour trouver une personnalité propre dans la deuxième<br />

partie du règne de François I er . À Orléans, l’italianisme ne s’exprime au début que par quelques<br />

touches comme : les oves de la corniche de l’hôtel Brachet, première décennie du 16 e siècle<br />

(24, 26, et 28 rue de la Bretonnerie) ; la corniche à coquille de l’hôtel des Créneaux, 1513<br />

(32 rue Sainte-Catherine) ; le décor de pilastres à arabesque et rinceaux de la porte piètonne sur<br />

rue de la maison Euverte Hatte, 1526 (11 rue du Tabour)... À l’ornement de la première Renaissance<br />

s’ajoute, une décennie plus tard, une structuration du plan de la façade par un jeu de pilastre à<br />

chapiteaux à crosse, associés à des appuis fi lants : maison Euverte Hatte, façade sur cour, dans<br />

les années 1530 (11 rue du Tabour). Cette transition vers la seconde Renaissance est manifestée<br />

également par une façade rue Charles-Sanglier, entre 1530-1540 (Musée historique et archéologique<br />

de l’Orléanais) et la façade ouest du 5 place De Gaulle (FIG.1] ou encore celles de l’hôtel Toutin<br />

(26 rue Notre-Dame-de-Recouvrance), au tournant des années 1540.


FIG. 1<br />

5 place De Gaulle<br />

façade ouest<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

entablements…) semble prendre place à Orléans durant les<br />

années 1540 avec, notamment, un ensemble remarquable<br />

de grands modèles en pierre et en brique novateurs : les<br />

maisons de la Coquille 1540-1545 [d] (7 rue de la Pierre-<br />

Percée), Dallibert 1540-1550 (6 place du Châtelet) et du<br />

Coin Saint-Pierre 1540-1550 (13 rue Étienne-Dolet), ou<br />

encore les hôtels particuliers Hector de Sanxerre 1540-<br />

1544 [d] (211 rue de Bourgogne), des Chevaliers du Guet<br />

à partir 1547 (11 rue Étienne-Dolet) et Cabu à partir de<br />

1547 (Musée historique et archéologique de l’Orléanais,<br />

rue Charles-Sanglier)…<br />

Le bâti domestique<br />

Le bâti domestique orléanais connaît après la guerre<br />

de Cent Ans un renouveau important. De nombreuses<br />

maisons sont édifiées ex nihilo ou en lieu et place de plus<br />

anciennes et cela sur l’ensemble du territoire urbain.<br />

161 façades ont été identifiées (antérieures à 1540) : 98 en<br />

pierre, 61 en pan-de-bois et 2 en brique. Dans le corpus<br />

des 30 maisons datées par dendrochronologie, neuf façades<br />

sont antérieures au règne de Charles VIII dont trois du<br />

13 e siècle (3) et une du début du 15 e siècle. Sept façades sont<br />

édifiées sous Charles VIII, sept sous Louis XII et enfin sept<br />

sous François I er . Cette approche comptable témoigne d’un<br />

renouvellement intense du bâti après la guerre de Cent<br />

Ans et notamment à partir du règne de Charles VIII. Ce<br />

renouvellement semble constant jusqu’à la fin du règne de<br />

François I er (4) .<br />

L’organisation du bâti<br />

Trois types de parcelles ont été identifiés : la petite, la<br />

moyenne et la grande. La première en lanière, étroite et<br />

profonde (largeur comprise entre 3 et 5 m), est sans nul<br />

doute la plus courante. Les grandes parcelles se concentrent<br />

dans les quartiers de la nouvelle enceinte.<br />

Parfois deux parcelles, en général laniérées, sont associées<br />

au sein d’un programme architectural commun. Ce<br />

regroupement peut prendre sur rue plusieurs formes : la<br />

juxtaposition de deux façades différentes (10 rue de la<br />

Cholerie, 1519 [d], [FIG. 2]), le dédoublement d’une façade<br />

(280 et 282 rue de Bourgogne, 1505 [d]), ou encore une<br />

façade unique (64 et 66 rue de la Charpenterie, 1466 [d]<br />

ou plus somptueusement le 11 rue du Tabour [FIG. 3]).<br />

Ce jeu d’association, somme toute varié, repose sur des<br />

regroupements et des divisions de parcelles.<br />

Sur l’ensemble de la ville, cette pratique est observée 21<br />

fois (5) : 17 fois pour du bâti en pan-de-bois et 4 fois pour<br />

du bâti en pierre. Un seul hôtel particulier, aux 32 et 34 rue<br />

des Charretiers (autour de 1520), semble être concerné.<br />

On remarquera, également, la récurrence d’une typologie<br />

de façade à pan-de-bois à croix de Saint-André dans les<br />

actuels quartiers de la Charpenterie et Dessaux : façade<br />

étroite à un étage, pourvue d’une croisée et d’une lucarne<br />

(62 à 66 rue de la Charpenterie, 1466 [d] ; 8 et 10 rue de<br />

la Poterne, 1487 (FIG. 4) ou encore 2 et 2 bis rue des Sept-<br />

Dormants, fin du 15 e siècle-début du 16 e siècle ?). Pour<br />

chacun des deux premiers exemples, les trois parcelles<br />

concernées correspondent à un petit lotissement associant<br />

une double parcelle et une simple.<br />

Le type de module se retrouve également dans les quartiers<br />

de la nouvelle enceinte mais réalisé principalement à partir<br />

d’une charpente à grille : 15 rue d’Angleterre, 29 et 29 bis<br />

rue Croix-de-Bois ou encore 9 rue Stanislas-Julien.<br />

(3) Les 3 rue du Poirier 1267 [d], 12 rue des Trois-Maries 1290 [d] et 7 rue Saint-Éloi 1265 [d] correspondent<br />

à des hôtels particuliers ou à des grandes demeures dont les programmes primitifs ont<br />

été depuis modifi és en profondeur à la fi n du Moyen Âge et au cours de la Renaissance.<br />

(4) En rajoutant, l’hôtel Hector de Sanxerre (1540-1544 [d]) et la maison de la Coquille (1540-<br />

1545 [d])...<br />

(5) Chaque paire est comptabilisée comme une façade.<br />

159


160 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />

3<br />

FIG. 2<br />

10 rue de la Cholerie (1519 [d])<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

FIG. 3<br />

11 rue du Tabour (1526)<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

2


La distribution type du bâti dans les parcelles laniérées n’a<br />

pas changé depuis le Moyen Âge : un bâtiment sur rue, suivi<br />

d’une petite arrière-cour (puits de lumière) et enfin d’un<br />

bâtiment plus modeste lorsque la profondeur le permet.<br />

La répartition des pièces et des usages reste également<br />

inchangée. Les caves (entre un et deux niveaux, plus rarement<br />

trois, dans ce cas il s’agit de carrières de calcaire réaménagées)<br />

sont réservées au stockage et au travail notamment le premier<br />

niveau qui peut être pourvu d’un puits.<br />

Un long couloir latéral permet la traversée du bâtiment<br />

sur rue. Il donne accès à l’arrière–cour et à un escalier en<br />

colimaçon intégré dans le corps de bâtiment ou en saillie<br />

de ce dernier. Cet escalier communique avec la cave, les<br />

étages et le bâtiment d’arrière-cour par une galerie.<br />

Chaque étage du bâtiment principal est pourvu de deux<br />

pièces l’une côté cour, l’autre côté rue. Ces deux salles sont<br />

indépendantes et desservies par un couloir (situé au-dessus<br />

du précédent). Les combles peuvent être utilisés pour<br />

l’habitat ou comme greniers.<br />

La Renaissance enrichit ce plan d’une nouvelle pièce : le<br />

cabinet. Espace de rangement et coffre-fort de la maison, il<br />

est situé aux étages dans le prolongement du couloir et au<br />

gabarit de ce dernier. On y accède via la pièce sur rue. Il est<br />

éclairé par une petite fenêtre sécurisée par des barreaux.<br />

Les niveaux du bâtiment principal (rez-de-chaussée et<br />

étage) sont généralement aménagés à la manière d’un<br />

plateau technique : plafond à la française en continu et<br />

carreaux de terre cuite ou plancher en bois au sol (pour les<br />

étages). Chaque plateau peut être équipé de cheminées :<br />

deux, placées sur le mur mitoyen en regard du couloir. Des<br />

cloisons assurent la division de la surface.<br />

Les autres natures de parcelles, aux espaces moins<br />

contraints peuvent proposer d’autres distributions et<br />

des aménagements intérieurs plus souples. Les grandes<br />

maisons ou les hôtels particuliers offrent de ce point de vue<br />

des facilités. On trouve, par exemple, dans les cours des<br />

galeries à arcades (11 rue du Tabour, 1530-1540).<br />

L’architecture en pierre<br />

L’architecture en pierre, moellon enduit (VOIR P. X FIG. X) ou<br />

parement, correspond à des maisons de commerçants ou<br />

d’artisans mais également à des maisons de ville et à des<br />

hôtels particuliers.<br />

Les parements généralement en moyen appareil sont<br />

constitués de plusieurs natures de pierres (6) . Leur<br />

répartition varie en fonction des niveaux et des usages :<br />

FIG. 4<br />

8 et 10 rue de la Poterne (1487 [d])<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

calcaire de Beauce gris (pierre dure) pour les rez-de-chaussée,<br />

tuffeau blanc (pierre très tendre) ou calcaire d’Apremont<br />

doré (pierre tendre) pour les étages. Ce dernier est souvent<br />

associé aux baies (croisées, demi-croisées, fenêtres de<br />

cabinet (7) ) et aux décors sculptés qu’il reçoit : larmiers et<br />

culots, pilastres et appuis…<br />

Les rez-de-chaussée sont réservés en général aux activités<br />

commerçantes et artisanales (boutiques ou ateliers) ou<br />

comme lieux de stockage (entrepôts de négociants).<br />

En façade, les programmes architecturaux épousent les<br />

fonctions. Une porte piétonne ouvrant sur les espaces à<br />

vivre est associée soit à une devanture (surmontée d’une<br />

imposte et pourvue d’une porte) placée en feuillure sous<br />

un linteau de bois (8) ou sous une arcade (9) , soit à un simple<br />

mur percé de fenêtres hautes (10) .<br />

Pour les hôtels particuliers, l’accès à l’habitation se fait via<br />

une cour communiquant avec la rue par un portail. Les<br />

caves sont, en général, accessibles par une porte piétonne<br />

indépendante et donnant sur l’espace public.<br />

(6) L’utilisation uniforme du calcaire de Beauce semble récurrente avant la guerre de Cent Ans (ALIX<br />

2007).<br />

(7) On observe sur certains chambranles extérieurs la présence d’un badigeon ocre (34 rue de la<br />

Charpenterie, 1519 [d] ; Musée historique et archéologique de l’Orléanais, rue Charles Sanglier,<br />

façade centrale, à partir de 1530-1540). Cette couleur est également attestée en intérieur (34<br />

rue de la Charpenterie, 1519 [d] ; maison de la Coquille, 7 rue de la Pierre-Percèe, 1540-1545 [d]).<br />

L’application de cette couleur reste à dater.<br />

(8) Des rez-de-chaussée peuvent être, en effet, traités en pan-de-bois : 37 rue de l’Empereur (reprise<br />

en sous-œuvre, autour de 1520 [d]), 36 rue du Poirier (début du 16 e siècle)...<br />

(9) Ces grandes ouvertures sur rue peuvent être également fermées par un simple portail facilitant<br />

l’entrée et le stockage (écurie ?). Les transactions se déroulent, alors, probablement à l’étage,<br />

espace généralement réservé à l’habitat.<br />

(10) Le placement de ces fenêtres optimise l’entrée de la lumière (au plus profond de la salle) et libère<br />

l’usage de la face interne du mur (1 rue de la Tour, début du 16 e siècle, ou 5 rue des Bouchers, 1520-<br />

1530). Ces baies sont sécurisées par des barreaux.<br />

161


162 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />

L’architecture en bois<br />

L’architecture en pan-de-bois a pour particularité l’absence<br />

d’encorbellement et de pignon. Il s’agit, sauf pour les<br />

constructions situées aux intersections des rues, de façadesécrans<br />

placées entre deux murs mitoyens en pierre. Ces<br />

caractères ont pour objet de ralentir la propagation<br />

d’éventuels incendies.<br />

Une seule essence d’arbres (pans-de-bois, plafonds et<br />

charpentes de toit) est attestée à Orléans pour cette<br />

période : le chêne.<br />

Deux typologies ont été identifiées (11) : la charpente à grille<br />

appelée également « pan-de-bois du pauvre » (12) (FIG. 5) et<br />

celle à panneautages à croix de Saint-André. La première se<br />

retrouve principalement dans les anciens faubourgs et les<br />

quartiers annexés par la dernière enceinte. La seconde, plus<br />

noble et parfois associée à des sculptures, se concentre pour<br />

l’essentiel à l’intérieur de l’enceinte du 14 e siècle et sur les<br />

voies de communication principales.<br />

Les remplissages sont en moellons de calcaire enduits<br />

(notamment dans les faubourgs) et en briques jointoyées<br />

savamment. Les bois sont laissés au naturel.<br />

Les charpentes à pan-de-bois se développent sur l’ensemble<br />

des niveaux en élévation : rez-de-chaussée, étage, surcroît et<br />

lucarne. Le 11 rue de Vaudour (1507 [d]) est un des rares<br />

exemples de l’époque où le premier niveau est traité en<br />

moellons de calcaire enduits. Cette maçonnerie est percée<br />

de fenêtres hautes et de deux portes (FIG. 6).<br />

Comme pour l’architecture de pierre, le rez-de-chaussée sur<br />

rue est réservé aux fonctions commerçantes et artisanales<br />

(devanture en feuillure…) et au stockage.<br />

Les études récentes, menées dans le cadre de la politique<br />

de ravalement des façades du centre historique, montrent<br />

l’existence de deux types de croisées. Le premier est divisé<br />

par un meneau porteur associé à deux traverses. Le second<br />

présente une traverse en continue fixée par embrèvement<br />

aux poteaux. Le meneau inférieur, libéré de sa fonction<br />

porteuse, est alors plus maigre et la coupure entre les deux<br />

ouvrants moins présente. Lorsque poteaux et traverses<br />

portent des accolades, ce qui semble être récurrent dans ce<br />

cas, cet effet est naturellement renforcé, la baie tend vers<br />

l’idée d’un programme de menuiserie globale (13) .<br />

Les ouvrants (volets ou châssis à panneaux de vitrail)<br />

semblent dépourvus de dormants et s’emboîtent directement<br />

dans les feuillures.<br />

On notera également pour les baies la présence de petites<br />

fenêtres hautes. Ces dernières sont soit adossées aux<br />

croisées et demi-croisées soit alignées en claire-voie dans<br />

FIG. 5<br />

9 rue Stanilas-Julien (début du 16 e siècle)<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

le prolongement des impostes des grandes baies. Ces<br />

ouvertures sont généralement occultées par des panneaux<br />

de vitrail fixes tenus par des pattes et rendus étanche par<br />

des papiers collés sur la feuillure.<br />

Les petites fenêtres hautes en continu sont naturellement<br />

propres à l’architecture à pan-de-bois et aux possibilités<br />

qu’offre la logique de l’ossature.<br />

Les percements qui éclairent les combles (réserves) sont<br />

multiples : lucarne à meneau simple (14) , croisée pourvue de<br />

poulie ou lucarne-pignon (11 rue Vaudour, 1507 [d] et 6 bis<br />

rue Jeanne-d’Arc en arrière-cour, début du 16 e siècle) (15) .<br />

Ce type d’ouvrage a pour particularité de donner, de la<br />

rue, l’illusion des anciennes toitures à pignon sur rue. Une<br />

(8) Des rez-de-chaussée peuvent être, en effet, traités en pan-de-bois : 37 rue de l’Empereur (reprise<br />

en sous-œuvre, autour de 1520 [d]), 36 rue du Poirier (début du 16 e siècle)...<br />

(9) Ces grandes ouvertures sur rue peuvent être également fermées par un simple portail facilitant<br />

l’entrée et le stockage (écurie ?). Les transactions se déroulent, alors, probablement à l’étage,<br />

espace généralement réservé à l’habitat.<br />

(10) Le placement de ces fenêtres optimise l’entrée de la lumière (au plus profond de la salle) et libère<br />

l’usage de la face interne du mur (1 rue de la Tour, début du 16 e siècle, ou 5 rue des Bouchers, 1520-<br />

1530). Ces baies sont sécurisées par des barreaux.<br />

(11) MAZUY, ALIX, AUBANTON 2006.<br />

(12) Cette typologie ne semble pas associée à des programmes décoratifs sculptés. Un seul exemple<br />

comportant des pinacles et des accolades (autour de la croisée) est avéré : 9 rue Stanislas-<br />

Julien.<br />

(13) Au cours de la seconde Renaissance, les meneaux traversants se généralisent. La fenêtre prend,<br />

alors, toute la hauteur de la baie et les traverses deviennent des traverses de menuiserie (intégrées<br />

aux dormants).<br />

(14) Ces derniers peuvent êtres fi xés par des mortaises ménagées dans les linteaux de bois et par des<br />

fers au niveau des appuis. Ce dispositif permet, si besoin est, de retirer le meneau pour faciliter le<br />

passage des gros volumes.<br />

(15) De petites lucarnes de second rang en bois sont également attestées.


façade en pierre (fin du 15 e siècle-début du 16 e siècle),<br />

située initialement dans le quartier du Châtelet et déplacée<br />

au 19 e siècle au 261 rue de Bourgogne, est pourvue d’un<br />

tel dispositif.<br />

L’architecture en brique<br />

L’architecture en brique est plus rare (deux exemples<br />

attestés). Il s’agit à chaque fois de demeures opulentes<br />

édifiées en dehors du cœur de ville sur de vastes terrains.<br />

L’hôtel Brachet (première décennie du 16 e siècle) est situé<br />

le long de l’ancien faubourg en direction de Chartres et<br />

Paris (24 à 28 rue de Bretonnerie) et la maison du roi<br />

Louis XI (1480 [d]) dans l’enclos canonial du monastère<br />

Saint-Aignan (10 rue du Cloître-Saint-Aignan).<br />

Pourvu d’une cour d’honneur et d’un jardin, chaque<br />

édifice constitué d’un étage, est percé par des croisées et<br />

des demi-croisées, mises en travées et réparties sur toute la<br />

largeur du bâti. Les entourages, meneaux et traverses des<br />

baies sont en pierre à grain fin. L’hôtel Brachet est flanqué<br />

d’élégantes tourelles d’escaliers rectangulaires. Les combles<br />

de la Maison du roi sont éclairés par des lucarnes en pierre<br />

et brique ornées de fleurs de choux.<br />

Analyse cartographique<br />

de l’inventaire<br />

La répartition par nombre d’étages<br />

À Orléans, aucune construction ne comportant qu’un<br />

rez-de-chaussée n’a été observée. Les façades (FIG. 7) ont<br />

d’un à deux étages (respectivement 98 et 59 cas) et très<br />

rarement trois (4 cas). Leur recensement nous renseigne<br />

sur la densité de l’occupation et la richesse des quartiers.<br />

Il permet de mieux délimiter des secteurs d’activités et les<br />

axes principaux.<br />

Le bâti à R+1 (rez-de-chaussée avec 1 étage) est réparti sur<br />

l’ensemble de l’espace urbain et notamment à l’ouest, au<br />

nord et à l’est dans les nouveaux espaces annexés par les<br />

enceintes postérieures au siège, mais également à l’est de la<br />

rue de la Poterne dans le quartier de la cathédrale (enceinte<br />

religieuse) et de l’université ainsi que le long de la Loire<br />

dans les secteurs portuaires.<br />

Les R+2 se rencontrent principalement au nord du<br />

débouché du pont, au sommet et sur la pente du coteau<br />

(de la rue de l’Empereur à l’est à la rue Notre-Dame-de-<br />

FIG. 6<br />

11 rue Vaudour (1507 [d])<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

Recouvrance à l’ouest (16) ). Ce secteur correspond depuis<br />

le Moyen Âge au poumon commerçant de la ville et au<br />

quartier des marchés : place du Vieux-Marché, de la Porte<br />

Renard, du Martroi, de l’Étape ou encore des 4 Coins et<br />

du Châtelet.<br />

Les façades à deux étages se retrouvent le long des grands<br />

axes et à proximité de certaines intersections : sur les anciens<br />

faubourgs (rues des Carmes, Bannier et de la Bretonnerie),<br />

sur des axes traversants (rues de Bourgogne, de la Poterne<br />

et des Charretiers).<br />

Les R+3 sont concentrés au sommet du coteau et au cœur<br />

du quartier noble : rues du Poirier, des Trois-Maries et des<br />

Trois-Clefs.<br />

(16) Ce secteur est malheureusement peu lisible notamment au nord et à l’ouest car il a été réaménagé<br />

lors du percement de la rue Jeanne-d’Arc et de la reconstruction liée à la dernière guerre mondiale.<br />

163


164 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />

FIG. 7<br />

Orléans, carte du bâti antérieur<br />

à 1540<br />

répartition du nombre d’étages<br />

(S.A.M.O. : conception et inventaire Laurent Mazuy –<br />

DAO Sébastien Pons)<br />

r. Croix-de-Bois<br />

r. de la Lionne<br />

r. des Carmes<br />

Rues actuelles<br />

Places actuelles<br />

Secteurs détruits aux 18 e , 19 e et 20 e siècles<br />

r. des Charretiers<br />

r. des Grands-Champs<br />

r. A. Bailly<br />

r. N-D-de-Recouvrance<br />

r. Bannier<br />

r. du Colombier<br />

r. d’Illiers<br />

Place<br />

de Gaulle<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

r. Royale<br />

r. de la République<br />

Place du Martroi<br />

4<br />

Halles<br />

Châtelet<br />

3<br />

2<br />

1<br />

r. des Huguenots<br />

r. de la Bretonnerie<br />

r. J. D’Arc<br />

Rempart du 4 e siècle après J.-C.<br />

Rempart du 14 e siècle<br />

Rempart (1466-1480)<br />

Rempart (1480-1556)<br />

r. E. Dolet<br />

r. de Bourgogne r. de l’Université<br />

r. de l’Empereur<br />

r. du Poirier<br />

r. de la Charpenterie<br />

Place<br />

de Loire<br />

Places médiévales<br />

Pont médiéval<br />

Châtelet<br />

Prison<br />

Prévôté<br />

Maison de ville (hôtel des Créneaux)<br />

r. des Bouchers<br />

r. de Bourgogne<br />

r. de la Tour Neuve<br />

r. St-Euverte<br />

r. de Bourgogne<br />

Place<br />

Saint-Aignan<br />

Façades sur rue à un étage<br />

Façades sur cour à un étage<br />

Façades sur rue à un étage (double parcelle)<br />

Façades sur rue à deux étages<br />

Façades sur cour à deux étages<br />

Façade sur rue à deux étages (double parcelle)<br />

Façades sur rue à trois étages<br />

Façades sur cour à trois étages


FIG. 8<br />

Orléans, carte du bâti<br />

antérieur à 1540<br />

répartition des matériaux<br />

(S.A.M.O. : conception et inventaire Laurent<br />

Mazuy – DAO Sébastien Pons)<br />

r. Croix-de-Bois<br />

r. de la Lionne<br />

r. des Carmes<br />

Rues actuelles<br />

Places actuelles<br />

Secteurs détruits aux 18 e , 19 e et 20 e siècles<br />

r. des Charretiers<br />

r. des Grands-Champs<br />

r. A. Bailly<br />

r. N-D-de-Recouvrance<br />

r. Bannier<br />

r. du Colombier<br />

r. d’Illiers<br />

Place<br />

de Gaulle<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

r. Royale<br />

r. de la République<br />

Place du Martroi<br />

4<br />

Halles<br />

Châtelet<br />

3<br />

2<br />

1<br />

r. des Huguenots<br />

r. de la Bretonnerie<br />

Rempart du 4 e siècle après J.-C.<br />

Rempart du 14 e siècle<br />

Rempart (1466-1480)<br />

Rempart (1480-1556)<br />

r. J. D’Arc<br />

r. E. Dolet<br />

r. de Bourgogne r. de l’Université<br />

r. de l’Empereur<br />

r. du Poirier<br />

Places médiévales<br />

Pont médiéval<br />

Châtelet<br />

Prison<br />

Prévôté<br />

Maison de ville (hôtel des Créneaux)<br />

r. de la Charpenterie<br />

Place<br />

de Loire<br />

r. des Bouchers<br />

r. de Bourgogne<br />

r. de la Tour Neuve<br />

r. St-Euverte<br />

r. de Bourgogne<br />

Place<br />

Saint-Aignan<br />

Façades sur rue en pan-de-bois<br />

Façades sur cour en pan-de-bois<br />

Façades sur rue en pan-de-bois (double parcelle)<br />

Façades sur rue en pierre<br />

Façades sur cour en pierre<br />

Façades sur rue en pierre (double parcelle)<br />

Façades sur cour en brique et en pierre<br />

165


166 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />

FIG. 9<br />

Orléans, carte du bâti<br />

antérieur à 1540 : répartition<br />

des hôtels particuliers<br />

(S.A.M.O. : conception et inventaire Laurent Mazuy –<br />

DAO Sébastien Pons)<br />

r. Croix-de-Bois<br />

r. de la Lionne<br />

r. des Carmes<br />

Rues actuelles<br />

Places actuelles<br />

Secteurs détruits aux 18 e , 19 e et 20 e siècles<br />

r. des Charretiers<br />

r. des Grands-Champs<br />

r. A. Bailly<br />

r. N-D-de-Recouvrance<br />

r. Bannier<br />

r. du Colombier<br />

r. d’Illiers<br />

Place<br />

de Gaulle<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

r. Royale<br />

r. de la République<br />

Place du Martroi<br />

4<br />

Halles<br />

Châtelet<br />

3<br />

2<br />

1<br />

r. des Huguenots<br />

r. de la Bretonnerie<br />

Rempart du 4 e siècle après J.-C.<br />

Rempart du 14 e siècle<br />

Rempart (1466-1480)<br />

Rempart (1480-1556)<br />

r. J. D’Arc<br />

r. E. Dolet<br />

r. de Bourgogne r. de l’Université<br />

r. de l’Empereur<br />

r. du Poirier<br />

Places médiévales<br />

Pont médiéval<br />

Châtelet<br />

Prison<br />

Prévôté<br />

Maison de ville (hôtel des Créneaux)<br />

r. de la Charpenterie<br />

Place<br />

de Loire<br />

r. des Bouchers<br />

r. de Bourgogne<br />

r. de la Tour Neuve<br />

r. St-Euverte<br />

r. de Bourgogne<br />

Place<br />

Saint-Aignan<br />

Hôtels particuliers sur rue à un étage<br />

Hôtels particuliers sur cour à un<br />

Hôtels particuliers sur rue à deux étages<br />

Hôtels particuliers sur cour à deux étages<br />

Hôtels particuliers sur rue à trois étages<br />

Hôtels particuliers sur cour à trois étages


La répartition par matériau<br />

L’interprétation d’un tel inventaire est des plus délicates.<br />

Les façades en pierre et en pan-de-bois (comme nous<br />

l’avons vu plus haut la brique est bien rare) sont distribuées,<br />

en effet, sans faire apparaître au premier coup d’œil des<br />

secteurs privilégiés (FIG. 8).<br />

À l’ouest, on remarquera cependant dans la dernière<br />

enceinte la quasi-absence au nord (sur le coteau, entre<br />

la rue des Carmes et de la Bretonnerie) du pan-de-bois<br />

alors qu’au sud cette architecture est représentée de façon<br />

significative. Rues des Charretiers et Croix-de-Bois, les<br />

constructions en pierre correspondent principalement à<br />

des hôtels particuliers (souvent à deux étages).<br />

Au cœur de ville, cette répartition, bien que moins flagrante,<br />

semble également exister. Le nombre de constructions à<br />

pan-de-bois diminue lorsque l’on prend pied au sommet du<br />

coteau.<br />

Enfin, en bord de Loire (dans les secteurs portuaires), les<br />

constructions présentes privilégient la pierre. Son emploi<br />

est, peut-être dicté par les inondations qui frappent périodiquement<br />

cette partie de la ville.<br />

Le choix du matériau résulte donc des contraintes topo graphiques<br />

et des activités qui conditionnent la capacité financière<br />

et la volonté de représentation du commanditaire.<br />

L’architecture de bois, simple, voire vulgaire au sens<br />

propre du mot (pan-de-bois à grille) ou sophistiquée et<br />

décorative (pan-de-bois à croix de Saint-André) semble<br />

avoir respectivement les faveurs des quartiers modestes<br />

(petits artisans, ouvriers…) et des secteurs et des axes aux<br />

forts potentiels commerciaux.<br />

La pierre, plus sobre et massive, partage avec le bois cette<br />

dernière implantation mais se retrouve également en<br />

retrait des rues commerçantes dans les nouveaux quartiers<br />

ou sur des terrains susceptibles de développer de vastes<br />

programmes architecturaux comme des hôtels particuliers.<br />

La répartition des hôtels particuliers<br />

Les 24 hôtels particuliers recensés sont de différentes<br />

natures (FIG. 9). Ils sont construits généralement en pierre et<br />

exceptionnellement en brique (deux exemples : les 24, 26<br />

et 28 rue de la Bretonnerie, première décennie du 16 e siècle<br />

et le 10 rue du Cloître-Saint-Aignan, la maison du roi<br />

Louis XI, 1480 [d]) (17) ou en pan-de-bois (un seul exemple :<br />

37 rue des Charretiers, première moitié du 16 e siècle) sur<br />

des parcelles moyennes ou grandes.<br />

Le corps de bâtiment principal est constitué d’un à trois étages<br />

(le premier étage est en général plus haut sous-plafond). On<br />

observera dans certains cas la présence d’un rez-de-chaussée<br />

semi-enterré comme aux 7 rue Saint-Éloi (1265 [d]), au<br />

42 rue des Charretiers (milieu du 15 e siècle) ou encore au<br />

28 rue de l’Empereur (fin du 15 e -début du 16 e siècle).<br />

Les hôtels particuliers, demeures des nobles et des grands<br />

négociants, sont attestés sur le coteau et dans l’ouest de<br />

la ville remparée. Les pentes et les berges sont occupées<br />

principalement par des maisons de commerçants et<br />

d’artisans.<br />

Le renouvellement urbain opéré depuis la Renaissance<br />

et les destructions de l’époque contemporaine (quartier<br />

Saint-Paul) ne permettent pas de restituer la densité et la<br />

continuité de cette typologie dans et entre les différents<br />

secteurs où elle est observée. Sa présence significative le long<br />

de la rue des Charretiers (entre la rue des Carmes et le port<br />

d’aval [FIG. 10]), à proximité de la place du Martroi (18) et au<br />

nord du quartier du Châtelet atteste le caractère privilégié<br />

de cette partie de la ville voisine des centres économiques,<br />

politiques, spirituels et intellectuels. !<br />

(17) JOUVELLIER 1959.<br />

FIG. 10<br />

32 et 34 rue des<br />

Charretiers (début du<br />

16 e siècle)<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

(18) Après la construction de la dernière enceinte, la place du Martroi devient centrale et un des espaces<br />

où convergent les grands axes de communication de la cité.<br />

167


168 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />

Une ville renouvelée<br />

A VILLE POURSUIT SON EXTENSION EN DIRECTION DE L’OUEST ET DU NORD-OUEST. UN NOUVEAU<br />

rempart est érigé offrant de nouveaux espaces à l’architecture. La distribution urbaine s’appuie<br />

sur une permanence des usages des quartiers médiévaux.<br />

À la fin du 15 e et au début du 16 e siècle, la ville est un<br />

vaste chantier. Les deux dernières enceintes, celle à l’est<br />

dite de Louis XI (seconde moitié du 15 e siècle) et celle à<br />

l’ouest et au nord construite à la fin du 15 e siècle et durant<br />

la première moitié du 16 e , autorisent une reconquête plus<br />

dynamique et ambitieuse des espaces et du bâti détruits lors<br />

des préparatifs du siège anglais de 1428-1429. Les anciens<br />

faubourgs deviennent des voies de communication internes<br />

importantes et la place du Martroi est investie d’un rôle<br />

central et pivot entre la ville médiévale et la « ville nouvelle »<br />

(FIG. 1). D’autres axes structurants semblent émerger en<br />

complément du maillage médiéval : les rues Notre-Damede-Recouvrance,<br />

des Charretiers et des Grands-Champs<br />

(axes nord-sud) et les rues Croix-de-Bois, d’Illiers et de la<br />

Lionne (axes est-ouest).<br />

Si les terrains contenus entre les rues Bannier et des Carmes<br />

(nord-ouest) font l’objet d’un plan d’urbanisme, les secteurs<br />

entre les rues Bannier et de la Bretonnerie (au nord) et<br />

au sud de la rue des Carmes présentent en revanche un<br />

développement plus spontané. Enfin, les terrains devant<br />

l’ancienne enceinte sont construits et des rues sont percées.<br />

Les quartiers en cœur de ville ne sont pas en reste. On<br />

observe, pour exemple, aux 33, 35 rue de l’Empereur une<br />

reprise homogène d’une partie d’un tronçon de rue et<br />

ceci sur un temps très court (cinq façades entre 1483 [d]<br />

et 1493 [d]). Ce front bâti présente au sud deux doubles<br />

parcelles construites à environ trois ou quatre ans d’intervalle<br />

(1493 [d] pour la plus au sud et 1490 pour la seconde). La<br />

proximité de mise en œuvre relève peut-être d’un projet<br />

de lotissement. D’autres chantiers notamment le 280 et<br />

282 rue Bourgogne (double parcelle) attestent l’utilisation<br />

de plusieurs lots de bois datés de l’automne 1501 [d] à<br />

l’hiver 1505 [d] et donc l’existence d’un stockage, voire<br />

d’une gestion prévisionnelle de la matière première.<br />

L’analyse des façades témoigne d’une architecture<br />

renouvelée, à la fois riche et standardisée, répartie sur<br />

l’ensemble du territoire de la ville en fonction des activités<br />

et de la topographie historique issue principalement du<br />

Moyen Âge. On remarquera que cette dernière (fonction<br />

économique, politique, religieuse et universitaire) reste<br />

stable et connaît même un renforcement.<br />

Le choix d’une architecture en pan-de-bois ou en pierre<br />

semble résulter du croisement entre les possibilités<br />

techniques et formelles qu’offre le matériau, les coûts<br />

de réalisation et la dimension ostentatoire voulue par le<br />

commanditaire mais également du secteur urbain qui<br />

l’accueille : nature et activité.<br />

Le pan-de-bois se retrouve dans les quartiers modestes ou<br />

fortunés associé à des usages commerciaux et artisanaux.<br />

Laurent Mazuy,<br />

Médiateur du patrimoine<br />

(Orléans)


FIG. 1<br />

Plan d’Orléans, 1575<br />

LE VRAY PORTRAICT DE LA VILLE D’ORLEANS<br />

Raymond Rancurel – Gravure aquarellé<br />

(Musée historique et archéologique de l’Orléanais)<br />

La pierre semble avoir pour partie la faveur des négociants<br />

et de l’aristocratie, excepté au pied du coteau dans les<br />

secteurs portuaires pour des raisons probablement liées aux<br />

inondations et à la nature des activités.<br />

Les hôtels particuliers se concentrent au pourtour de l’ancien<br />

rempart du 14 e siècle de la rue Croix-de-bois à la rue de la<br />

Bretonnerie et à l’intérieur de celui-ci, au sommet du coteau.<br />

Les datations notamment par analyse dendrochronologique<br />

montrent un renouveau l’architecture à pan-de-bois opéré<br />

principalement dans le dernier tiers du 15 e et dans le<br />

premier tiers du 16 e siècle et une montée en puissance de<br />

la construction en pierre autour et à partir de 1500. Ce<br />

croisement semble être confirmé par une analyse du bâti<br />

de la seconde Renaissance avec la relative rareté du bois et<br />

la généralisation de la pierre.<br />

169


170 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />

FIG. 2<br />

32 rue Sainte-Catherine<br />

façade de l’hôtel des<br />

Créneaux (achevée en<br />

1513), maison de Ville<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

FIG. 2<br />

32 rue Sainte-Catherine<br />

façade de l’hôtel des<br />

Créneaux (achevée en<br />

1513), maison de Ville<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

FIG. 2<br />

32 rue Sainte-<br />

Catherine<br />

façade de l’hôtel des<br />

Créneaux (achevée en<br />

1513), maison de Ville<br />

(photo Laurent Mazuy)


La ville poursuit (depuis l’Antiquité) son développement<br />

sur la rive droite à la parallèle de la Loire et en direction<br />

de l’ouest et du nord (vers les villes de Tours, Chartres<br />

et Paris). Les secteurs situés au pied du coteau réservés<br />

aux activités portuaires et aux métiers gourmands en eau<br />

(tanneurs, bouchers…) se densifient. Au pied du dernier<br />

rempart, le port d’aval est étendu.<br />

Les fonctions et les activités des anciens quartiers médiévaux<br />

restent inchangées. L’actuel secteur du Châtelet situé au<br />

débouché du pont médiéval demeure le lieu du pouvoir<br />

laïque : château, prison, prévôté et bientôt maison de ville<br />

(le beffroi, 1445-1448 et l’hôtel des Créneaux, façade<br />

sur rue achevée en 1513, FIG. 2). Les secteurs à l’est de la<br />

ville confirment leur vocation spirituelle et universitaire :<br />

reconstruction des monastères Saint-Aignan et Saint-<br />

Euverte, extension (au nord) du quartier religieux autour<br />

de la cathédrale Sainte-Croix (reconstruction de Saint-<br />

Michel-de-l’Étape et de l’hôpital, édification des arcades du<br />

Grand Cimetière…) et enfin la construction des Grandes-<br />

Écoles (1498-1507).<br />

Le renouveau de la ville est conséquent et général. Il est<br />

rendu possible par les conditions économiques et politiques<br />

générales dynamiques et également par la position<br />

géographique de la ville : nœud routier au croisement de<br />

territoires et point de rencontre entre le transport terrestre<br />

et fluvial des biens et des personnes. L’avènement du duc<br />

d’Orléans sur le trône de France, sous le nom de Louis XII<br />

(1498-1515), n’est probablement pas sans effet sur<br />

l’épanouissement de la cité.<br />

La seconde Renaissance viendra poursuivre et couronner<br />

ce mouvement de renouveau pour glisser jusqu’au règne<br />

d’Henri IV. De cette période émerge, entre autres, deux<br />

bâtiments emblématiques de la deuxième moitié du<br />

16 e siècle : la maison dite de Du Cerceau (1560-1570 ?) et<br />

le pavillon Colas-des-Francs (vers 1570) (1) .<br />

La façade de la maison de Du Cerceau, à trois étages,<br />

n’est plus qu’un quadrillage de larges entablements et de<br />

pilastres absorbant les fenêtres à la manière d’une façade<br />

rideau (VOIR P. FIG. X). Les ordres (dorique, ionique, corinthien<br />

et composite) sont superposés conformément aux canons<br />

(1) Datation de Peter Fuhring dans le cadre d’une visite sur site.<br />

FIG. 3<br />

Jardin Jacques-Boucher, pavillon Colas-des-Francs (vers 1570)<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

171


172 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les nouveaux espaces urbains<br />

FIG. 5<br />

Jardin Jacques-Boucher,<br />

pavillon Colas-des-Francs<br />

(vers 1570), vue de la voûte<br />

du rez-de-chaussée<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

antiques. Seuls demeurent comme citation médiévale, aux<br />

sommets des pilastres-meneaux, les blasons sur fond de<br />

cartouches maniéristes.<br />

Quant au pavillon Colas-des-Francs, forme de coffre-fort<br />

placé en excroissance de la maison Jacques Boucher, il est<br />

littéralement traité à la manière d’un temple romain sur<br />

podium (FIG. 3). Le soubassement est réalisé en bossages<br />

et les deux niveaux sont rythmés par la superposition<br />

des ordres ionique et corinthien portant entablement et<br />

corniche. La muralité, contenue entre les pilastres, est<br />

rejetée au second plan. Chaque panneau est percé d’une<br />

petite fenêtre en plein cintre barreaudée et surmontée d’un<br />

cartouche maniériste.<br />

Les voûtes en plein cintre de chaque cabinet sont<br />

semblables et ornées d’un riche et exceptionnel décor<br />

de grotesques. Ce dernier conjugue un cuir en lanière<br />

soutenu par des termes et un réseau de feuilles d’acanthe<br />

surgissant d’oiseaux et d’oves associés à des coquetiers et<br />

à des masques de théâtre antique. La base de ce décor est<br />

rythmée par des représentations d’animaux fantastiques et<br />

de corps féminins hybrides.<br />

Chaque voûte porte un décor interrompu symétrique<br />

dans son axe nord-sud et asymétrique dans son développé.<br />

Au centre de chaque voûte, est placé un blason circulaire<br />

flanqué de deux cartouches. Ce dernier figure au rez-dechaussée<br />

(FIG. 4) un pélican et sa nichée (2) et au premier étage<br />

les armoiries de la famille Colas-des-Francs : « d’or au chêne<br />

de sinople à un sanglier de sable passant et brochant sur le<br />

fût de l’arbre ». !<br />

(2) Le pélican nourrissant ses petits de son sang symbolise l’amour du prochain.


LE BÂTI DOMESTIQUE<br />

ORLÉANAIS AU 16 E SIÈCLE<br />

Les typologies des façades de la fin<br />

du Moyen Âge à la Renaissance<br />

AISONS DE VILLE OU HÔTELS PARTICULIERS, LE BÂTI DOMESTIQUE EN ÉLÉVATION PRÉSENT À ORLÉANS<br />

est pour l’essentiel postérieur à la guerre de Cent Ans (1) (hors des classifications historiques,<br />

la tradition médiévale s’étend jusqu’au règne de Louis XII). Les façades de ces constructions<br />

sont réalisées en bois (2) , en pierre et exceptionnellement en brique. Chaque matériau imprime<br />

un registre esthétique, une présence du plan des façades, par le jeu des pleins et des vides et<br />

le traitement des surfaces.<br />

« L’œil du Moyen Âge est particulièrement attentif à la matérialité et à la<br />

structure des surfaces. Cette structure notamment lui sert à repérer des lieux<br />

et des objets, à distinguer des zones et des plans, à établir des rythmes et des<br />

séquences, à associer, à opposer, à distribuer, à classer, à hiérarchiser » (3)<br />

(1) Les bâtiments sur rue du 3 rue du Poirier (1267 [d]), 7 rue Saint-Éloi (1265 [d]) et 12 rue des Trois-Maries (1290 [d]) présentent des façades<br />

en pierre remaniées. Celle du 264 rue de Bourgogne (autour de 1430 [d]) réalisée en pan-de-bois est en revanche homogène.<br />

(2) MAZUY, ALIX, AUBANTON 2006.<br />

(3) PASTOUREAU 1991 : p. 37.<br />

(PASTOUREAU 1991 : p. 37).<br />

L’homme du Moyen Âge identifie trois types de surfaces : l’uni, le semé et le rayé. D’autres s’inscrivent<br />

comme des variantes des premières : le tacheté pour le semé ou le damier pour le rayé ou hachuré.<br />

2 Empreinte<br />

urbaine<br />

Laurent Mazuy,<br />

Médiateur du patrimoine<br />

(Orléans)<br />

173


174<br />

<strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Le bâti domestique orléanais au 16 e siècle<br />

Les façades de la deuxième<br />

moitié du 15 e siècle<br />

et du début du 16 e siècle<br />

Les façades en pans-de-bois<br />

La façade à pan-de-bois dite à croix de Saint-André (4) est<br />

découpée par une ossature de bois laissée au naturel (5) . Cette<br />

ossature dessine deux damiers : le premier est constitué de<br />

rectangles orientés verticalement (poteaux et poutres), le<br />

second de losanges (contreventement en croix de Saint-<br />

André). La surface est, ainsi, compartimentée et habillée<br />

de hachures par la superposition et le croisement des deux<br />

mailles (FIG. 1 ET 2).<br />

Le hourdis, généralement des briques (6) posées à l’horizontale<br />

ou alternant l’horizontale et la verticale soulignées par des<br />

joints saillants à côtes (7) , prolonge pour partie cette idée et<br />

amplifie la richesse et la diversité des textures. L’exemple du<br />

11 rue Vaudour (1507 [d]), une profusion de faux joints,<br />

incisés dans la brique, fragmente le module du parement<br />

jusqu’à inscrire dans le plan la surface de chaque remplissage<br />

à la manière d’un mat d’orfèvrerie (VOIR P. -- --, FIG. 2).<br />

Les fenêtres sont de deux natures : des croisées et leur variante<br />

plus étroite (demi-croisée) et des petites ouvertures haut<br />

placées en série au sommet de chaque étage (les fenêtres de<br />

cabinet enrichiront ce programme au cours du 16 e siècle).<br />

La trame rectangulaire définit la largeur des baies et<br />

conditionne leur répartition sur la largeur de la façade. Les<br />

fenêtres sont indépendantes les unes des autres, associées<br />

voire alignées (VOIR P. --, FIG. 1).<br />

Lorsque leur distribution est symétrique (8) , elle stabilise les<br />

surfaces et équilibre le plan. Dans le cas d’une répartition<br />

asymétrique (9) , l’articulation entre les pleins et les vides<br />

imprime un rythme différent au plan. Peut-on parler, ici,<br />

de surface tachetée (10) ? Les deux programmes s’emboîtent<br />

(FIG. 2).<br />

Les différentes natures de fenêtres et les modifications de<br />

charpente qu’elles induisent structurent et hiérarchisent<br />

les hauteurs en registres : potelets (280 rue de Bourgogne,<br />

1505 [d]), croix de Saint-André de différentes hauteurs<br />

(35 rue de l’Empereur, façade droite, 1483 [d]).<br />

On remarquera que l’occultation des ouvertures (à la fin du<br />

Moyen Âge) est assurée pour les impostes des grandes baies<br />

et pour les petites ouvertures hautes probablement par des<br />

panneaux de vitraux ou d’autres matériaux translucides…<br />

FIG. 1<br />

32 rue de la Charpenterie (1501 [d])<br />

(photo Laurent Mazuy)


FIG. 2<br />

Principes structurants et résumé<br />

typologique<br />

(conception Laurent Mazuy - DAO Sébastien Pons)<br />

Asymétrie avec sculpture :<br />

54 r. de la Charpenterie, autour de 1530 (d)<br />

Asymétrie sans sculpture :<br />

10 r. Vieille-Monnaie, première moitié du 16 e s.<br />

Asymétrie avec sculpture :<br />

32 r. de la Charpenterie, 1501 (d)<br />

(4) Les façades sur rue en pan-de-bois à grille, ossature simple, se rencontrent<br />

principalement dans les anciens faubourgs de la ville et dans les quartiers<br />

annexés par les deux dernières enceintes (3 rue du Bourdon-Blanc,<br />

1509 [d]). Ce type de charpente est également utilisé pour les cloisonnements<br />

intérieurs, les murs gouttereaux ou les façades sur cour.<br />

(5) La couleur la plus ancienne attestée sur un pan-de-bois orléanais est le rouge<br />

(258 rue de Bourgogne). Cette couleur semble contemporaine des modifi cations<br />

de fenêtres (ordonnancement et mise en travée) réalisées au milieu<br />

du 17 e siècle. Le choix de la couleur est-il lié à la nature du hourdi (briques) et<br />

à la volonté de tendre vers l’applat et l’uni ? Au 10 rue de la Cholerie ou encore<br />

au 54 rue de la Charpenterie, le rouge appliqué sur la charpente est aussi<br />

passé sur les remplissages de briques. Au 18 e siècle, d’autres couleurs (des<br />

rouges, des jaunes, des tons chairs ou bruns) font leur apparition associées<br />

à la reprise des remplissages en moellons enduits. La volonté chromatique<br />

et l’affi rmation de la charpente comme un élément graphique sont, ici, une<br />

des caractéristiques du siècle et du style rococo orléanais.<br />

(6) Les remplissages en pierre recouverts d’un enduit renforcent la lecture de la<br />

charpente et le caractère hachuré de la surface. Si leur utilisation est attestée<br />

en façade : les 280/282 (façade double) rue de Bourgogne (1505 [d]), les 33<br />

(façade droite et gauche) et 35 (façade droite) rue de l’Empereur (1493 [d]<br />

et 1490 [d] et 1483 [d]), le 64/66 rue de la Charpenterie (1466[d]), le 9 rue<br />

de la Pierre-Percée (1492 [d]), 32 rue du Poirier (1524 [d]) et les 8 et 10<br />

Trame théorique<br />

Symétrie avec sculpture :<br />

280 r. de Bourgogne, 1505 (d)<br />

Symétrie sans sculpture ?<br />

Symétrie avec sculpture :<br />

35 r. de l’Empereur, 1483 (d)<br />

(façades doubles) rue de la Poterne (lotissement, 1487 [d]). Ces exemples<br />

correspondent pour l’essentiel à des programmes de ravalement réalisés au<br />

18 e siècle.<br />

(7) Des parements plus sophistiqués, associant la pose en fougère et en chevron,<br />

sont observés à partir du deuxième tiers du 16 e siècle : 26 rue Notre-<br />

Dame-de-Recouvrance (1535 [d]), 16 rue de la Poterne (1566 [d]).<br />

(8) Les 264, 266 et 280/282 (façade double) rue de Bourgogne (autour de<br />

1430 [d], autour de 1480 [d] et 1505 [d]) et le 35 (façade droite) rue de<br />

l’Empereur (1483 [d]). Ces programmes semblent être liés à la tradition des<br />

toitures à pignon dont l’emploi disparaît progressivement à partir de la fi n<br />

du 15 e siècle (ALIX 2002). On remarquera que toutes ces façades, exceptée<br />

celle du 264 rue de Bourgogne, sont associées à des décors sculptés.<br />

(9) Les 32, 54 et 64/66 rue de la Charpenterie (1501 [d], autour de 1535 [d]<br />

et 1466 [d]), le 10 (deux façades) rue de la Cholerie (1519 [d]), les 124<br />

et 126 rue de Bourgogne (1501 [d] et 1504 [d]), le 33 rue de l’Empereur<br />

(façade gauche et droite, 1493 [d] et 1490 [d]), le 9 rue de la Pierre-Percée<br />

(1492 [d]), le 32 rue du Poirier (1524 [d]), les 8 et 10 rue de la Poterne<br />

(lotissement, 1487 [d]) et le 11 rue de Vaudour (1507 [d]).<br />

(10) Des façades peuvent en outre présenter un nombre et une distribution<br />

des baies différents à chaque étage : 32 rue de la Charpenterie (1501 [d]) ou<br />

9 rue de la Pierre-Percée (1492 [d]).<br />

175


176 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Le bâti domestique orléanais au 16 e siècle<br />

FIG. 3<br />

3 rue de l’Empereur<br />

(fin du 15 e -début<br />

du 16 e siècle)<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

Les ouvrants sont clos par des volets de bois à panneaux.<br />

Cette gamme de mises en forme joue également le<br />

compartimentage et la hachure, la volonté d’orner et de<br />

classer.<br />

Les programmes décoratifs sculptés accompagnent et<br />

renforcent le jeu des surfaces.<br />

Les sculptures peuvent marquer les étages et encadrer les<br />

croisées et demi-croisées (11) : sur les sablières de chambrée,<br />

des larmiers et des engoulants ; sur les poteaux de fenêtres,<br />

des pinacles (12) ; sur les meneaux d’impostes et les traverses<br />

des fenêtres, des accolades coiffées de fleurons. L’ornement<br />

apporte, alors, à chaque étage un (ou deux) point fixe. Là<br />

où l’on pavoise.<br />

Dans les cas où, à la manière d’une résille, les sculptures<br />

(pinacles et accolades) passent de bois en bois pour couvrir la<br />

totalité de la façade (13) , c’est le rythme orthogonal de la trame<br />

rectangulaire et des fenêtres qui est souligné. La croix de Saint-<br />

André intervient, alors, comme un motif qui vient barrer une<br />

suite de surfaces encadrées de reliefs… La profusion et la<br />

diversité des décors secondaires (corbeilles végétales, figures,<br />

surface d’écailles…), distribuées par l’ornement linéaire et le<br />

jeu des courbes, donnent à la façade une nouvelle texture et<br />

l’effet d’une surface tachetée (VOIR OIR P.--, FIG. 14).<br />

La façade en pan-de-bois à croix de Saint-André est donc<br />

multiple : symétrique ou asymétrique ; sculptée ou non, pour<br />

partie ou en totalité. Elle entremêle surfaces, percements et<br />

reliefs, par la superposition et l’emboîtement d’une suite de<br />

trames et de surfaces hachurées. La façade joue le superlatif<br />

des densités, des textures et des luminosités. Hachurée<br />

et tachetée, elle se donne comme un tout fragmenté et<br />

dynamique par la profusion et l’instabilité spatiale des<br />

surfaces et des plans les uns par rapport aux autres.<br />

(11) Les 124 et 126 rue de Bourgogne (1501 [d] et 1504 [d]), les 32, 54 et 64/66 rue de la Charpenterie<br />

(1501 [d], autour de 1535 [d] et 1466 [d]), le 10 rue de la Cholerie (façade gauche, 1519 [d]), le<br />

33 rue de l’Empereur (façade droite, 1490 [d]), le 9 rue de la Pierre-Percée (1492 [d]), le 32 rue du<br />

Poirier (1523 [d]) et le 11 rue de Vaudour (1507 [d]). La façade de droite du 35 rue de l’Empereur<br />

(1483d) présente une distribution symétrique des baies et un programme sculpté autour de la<br />

croisée centrale.<br />

(12) Bien souvent, le poteau de l’allège à croix de Saint-André des croisées porte également un pinacle<br />

qui renforce l’axe du meneau.<br />

(13) Les façades des 266 et 280/282 (façade double) rue de Bourgogne (autour de 1480 [d] et 1505 [d])<br />

et 111 et 221 rue Bourgogne (fi n du 15 e -début du 16 e siècle) présentent une répartition symétrique<br />

des fenêtres. Les façades du 28 rue Étienne-Dolet (fi n du 15 e - début du 16 e siècle) et du 10 rue de<br />

la Cholerie (façade droite, 1519 [d]) présentent une répartition asymétrique des fenêtres.


Les façades en pierre<br />

Les façades en pierre relèvent d’une tout autre logique. Elles<br />

présentent une surface unie : L’enduit, du blanc aux tons<br />

sable ou brun clair, inscrit le plan à la manière d’une peau,<br />

d’un cuir « tendu » (14) . Les parements de pierre (tuffeau et<br />

pierre d’Apremont), rythment et animent la clarté de la<br />

surface (15) (FIG 3).<br />

Les baies, croisées et demi-croisées (la présence de petites<br />

fenêtres hautes en continu est uniquement rendue possible<br />

grâce à l’ossature d’une charpente) sont placées librement<br />

et le plus souvent alignées sur un appui filant simplement<br />

mouluré ou bien décoré de frises végétales. Ces fenêtres<br />

concentrent le décor (mouluration des chambranles,<br />

meneaux et traverses à cavet, à boudin ou à tore à listel,<br />

larmiers à culots géométriques ou à figures…).<br />

L’ensemble présente un plan et une surface unique. La<br />

façade homogène apparaît, massive et stable.<br />

Les façades en briques<br />

La construction de briques semble être l’apanage des grands<br />

hôtels particuliers plus larges que hauts, développant leur<br />

programme sur de vastes parcelles : le 10 rue du Cloître-<br />

Saint-Aignan dans la tradition gothique (maison du roi<br />

Louis XI, 1480 [d]) et le 24/28 rue de la Bretonnerie (hôtel<br />

Brachet) réalisé dans la première décennie du 16 e siècle tout<br />

comme l’aile Louis XII du château de Blois. On remarquera<br />

la proximité des deux édifices en terme constructif et la<br />

modernité de l’hôtel Brachet par l’étonnante composition<br />

symétrique des deux tours d’escalier hors œuvre et le décor<br />

d’oves sur la corniche (16) .<br />

La façade sur jardin de cet hôtel, percée et rythmée par<br />

la mise en travée des croisées et demi-croisées de pierre,<br />

présente un parement de brique tendu par un damier de<br />

losanges (briques surcuites noires), rehaussé de losanges<br />

imbriqués (FIG. 4). L’ensemble emboîte deux natures de<br />

surfaces, le rayé et le semé, auxquelles il faut ajouter l’effet<br />

tacheté produit par les baies. La façade, simple et raffiné,<br />

ondule à la lumière tout en gardant un effet massif.<br />

La façade de la maison Louis XI présente en revanche un<br />

parement de brique uni. La résille des joints confère à la<br />

surface la vibration d’une étoffe.<br />

FIG. 4<br />

26/28 rue de la Bretonnerie<br />

(début du 16 e siècle ?)<br />

détail de la façade sur jardin<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

(14) Par exemple : les 215 et 261 rue de Bourgogne (début du 16 e siècle ? et fi n du 15 e -début du 16 e siècle)<br />

ou le 8 rue Étienne-Dolet (début du 16 e siècle ?).<br />

(15) Par exemple : le 4 place du Châtelet (1510 [d]), le 3 rue de l’Empereur (fi n du 15 e - début du 16 e siècle)<br />

ou le Musée Historique et Archéologique de l’Orléanais, rue Charles-Sanglier (façade de droite,<br />

début du 16 e siècle ?).<br />

(16) Voir infra, La dernière enceinte d’Orléans et le développement de l’habitat dans les nouveaux<br />

quartiers (fi n 15 e siècle - première moitié du 16 e siècle) par C. ALIX.<br />

177


178 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Le bâti domestique orléanais au 16 e siècle<br />

7<br />

5<br />

6<br />

FIG. 5<br />

2 rue de la Poterne<br />

(autour de 1550)<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

FIG. 6<br />

34 rue de la<br />

Charpenterie (1519 [d])<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

FIG. 7<br />

Rue Charles-Sanglier<br />

(Musée Historique et<br />

Archéologique de l’Orléanais,<br />

façade centrale, 1530-40)<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

Cette façade remontée rue<br />

Charles-Sanglier se trouvait à<br />

l’origine rue de la Pierre-Percée en<br />

face de la maison de la Coquille.


Les façades à la Renaissance…<br />

Les façades en pierre<br />

La typologie des façades en maçonnerie enduite reste dans<br />

son principe inchangée (FIG. 5). Les ornements gothiques,<br />

moulurations et larmier, peu à peu disparaissent.<br />

Durant le règne de François I er , la façade en pierre de<br />

taille opère une mutation. L’introduction du nouveau<br />

vocabulaire antique, notamment le pilastre et l’entablement<br />

associé à l’appui filant, vient progressivement quadriller et<br />

compartimenter la surface.<br />

De ce point de vue, le 34 rue de la Charpenterie (1519 [d]),<br />

précurseur de cette esthétique et de cet art de la division (FIG. 6),<br />

présente une échoppe couverte d’un arc en anse de panier orné<br />

de caissons moulurés à la façon des arcs de triomphe romains<br />

et flanqué de deux pilastres. Des panneaux traités en creux dans<br />

l’épaisseur de la pierre encadrés de torsades ornent l’étage.<br />

On remarquera que les façades à pans-de-bois sont pour<br />

l’essentiel dépourvues d’encorbellement. Les panneaux<br />

décoratifs à croix de Saint-André sont distribués à partir<br />

d’un plan unique. Cette disposition, spécificité orléanaise,<br />

a-t-elle eu une influence dans l’émergence du panneautage<br />

et du cloisement de la pierre ?<br />

L’une des façades du Musée Historique et Archéologique de<br />

l’Orléanais (rue Charles-Sanglier) datant des années 1530-<br />

1540 est divisée dans sa largeur par cinq pilastres à losanges<br />

coiffés de chapiteaux à crosses, répétés à chaque étage.<br />

Entre ces éléments structurants, prennent place les baies :<br />

deux croisées au centre et une fenêtre de cabinet à gauche.<br />

Les divisions verticales sont recoupées par des bandeaux et<br />

des appuis filants. Les différents panneaux sont traités dans<br />

l’épaisseur du parement et encadrés d’un quart-de-rond.<br />

La façade reste, ici, au sens large du terme, semée : animée et<br />

compartimentée à la fois par le rythme des pilastres et leur<br />

décor ainsi que par la division induite par la trame (FIG. 7).<br />

Cette structuration et ce répertoire décoratif reprennent<br />

les dispositions développées aux châteaux de Blois (aile<br />

François I er , 1515-1519), de Chenonceau (1514-1522),<br />

d’Azay-le-Rideau (1518-1527) et poursuivis à Chambord<br />

jusqu’en 1539. Ce programme se retrouve également sur<br />

une autre élévation orléanaise au 11 rue du Tabour (cour<br />

de la maison Euverte Hatte, 1530-1540). Cette dernière<br />

présente au centre de chaque allège un cuir roulé entouré<br />

d’une couronne végétale, posé sur des réseaux de feuillage<br />

remplissant la totalité de la surface du panneau (FIG. 8).<br />

FIG. 8<br />

11 rue du Tabour<br />

vue sur la façade à portique de<br />

la cour intérieure<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

179


180<br />

<strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Le bâti domestique orléanais au 16 e siècle<br />

10 11<br />

Au 6 place du Châtelet (maison Dallibert, 1540-1550), le<br />

plan de la façade est également quadrillé par des bandeaux,<br />

des appuis filants et des pilastres (17) . Ces derniers, coiffés<br />

de chapiteaux corinthiens (18) , sont lisses et dépourvus de<br />

losanges ou de médaillons. À l’intérieur de la trame est<br />

distribuée de manière asymétrique une suite de cartouches<br />

aux formes diverses (19) : médaillons, cuir en lanière ou roulé,<br />

avec ou sans figure. Ils surmontent le décor de l’imposte de<br />

la porte piétonne (20) , l’arc à boutique et la croisée, demicroisée<br />

et fenêtre de cabinet du premier étage.<br />

La trame structure et stabilise l’effet flottant et dynamique<br />

de cette déclinaison de décors autonomes (FIG. 9).<br />

Au 7 rue de la Pierre-Percée (maison de la Coquille, entre<br />

1540 et 1545 [d], [FIG. 10]), le décor secondaire du premier<br />

étage est traité en une frise de drapés dans l’entablement<br />

tandis que la façade se développe en profondeur grâce<br />

aux volumineuses consoles ornées de visages grimaçants<br />

sortant de feuillage soutenant l’appui mouluré de cet<br />

étage. La superposition des ordres est respectée au rez-dechaussée<br />

dorique et ionique (porte piétonne) : au premier<br />

étage corinthien et au second composite (FIG. 11). Place<br />

du Châtelet, on trouve en guise de consoles, des mufles<br />

de lions mordant des anneaux. Ce motif se retrouvait<br />

(17) Les cinq pilastres du premier étage sont associés à des socles.<br />

(18) Tout comme la façade du 13 rue Étienne Dolet (1540-1545).<br />

FIG. 9<br />

6 place du Châtelet<br />

(maison Dallibert,<br />

1540-1550)<br />

Dessin de Léon<br />

Vaudoyer gravé par<br />

Alexandre Soudain,<br />

19 e siècle - Archives<br />

de la commission<br />

des monuments<br />

historiques<br />

(Orléans, Musée historique et<br />

archéologique de l’Orléanais)<br />

FIG. 10<br />

7 rue de la Pierre-<br />

Percée (maison de la<br />

Coquille,<br />

entre 1540-1545 [d])<br />

Dessin de Léon<br />

Vaudoyer gravé par<br />

Alexandre Soudain,<br />

19 e siècle - Archives<br />

de la commission<br />

des monuments<br />

historiques<br />

(Orléans, Musée historique et<br />

archéologique de l’Orléanais)<br />

(19) On remarquera que ce type de propos décoratif se retrouve également sur la façade intérieure<br />

de l’hôtel Cabu (à partir de 1547) mais « rangé » en frise dans l’entablement du premier étage et<br />

traité en un gracieux méplat [FIG. 17].<br />

(20) La porte superpose les ordres dorique et ionique : arc en plein-cintre et baies géminées.


FIG. 12<br />

7 rue de<br />

la Pierre-Percèe<br />

(1540-1545 [d])<br />

chapiteau composite,<br />

second étage<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

également sur la célèbre porte de cette maison déposée au<br />

musée du Louvre.<br />

Ces deux derniers exemples offrent un programme<br />

similaire (nombre des étages, types et nombre de baies,<br />

trame et surface) singularisé par l’ornement secondaire où<br />

émergent les ordres de l’architecture antique employés avec<br />

exactitude.<br />

Les façades en pans-de-bois<br />

Parallèlement à l’évolution du bâti en pierre, l’esthétique<br />

du pan-de-bois à croix de Saint-André (compartiments<br />

et registres sous-tendus par une double maille) s’efface<br />

progressivement. La façade la plus récente est datée de<br />

1569 [d] (35 rue de l’Empereur, façade gauche).<br />

Dans la seconde partie du 16 e siècle, de nouvelles typologies<br />

apparaissent calquées sur la pierre.<br />

Le 16 rue de la Poterne (1566 [d]) présente par exemple<br />

une façade pignon dont la surface quadrillée par les bois<br />

principaux (poteau de fenêtre et de fond, sablière et poutre<br />

recevant un appui filant) distribue un panneautage animé<br />

d’un damier de brique et de bois, encadré d’un quart-derond<br />

tout comme la pierre (FIG. 12). La prégnance du bâti<br />

vertical et horizontal est renforcée par un riche décor<br />

sculpté aujourd’hui disparu.<br />

Ce pignon est flanqué de deux autres façades à pan-de-bois<br />

cette fois à grille hourdé d’un riche parement de briques à<br />

FIG. 13<br />

16 rue de la Poterne (1566 [d])<br />

façade pignon<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

La couleur qui accentue la<br />

charpente, est une modification<br />

esthétique du 18 e siècle.<br />

181


182<br />

<strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Le bâti domestique orléanais au 16 e siècle<br />

joints à côtes (FIG. 13). La charpente intervient alors comme<br />

le support et le cadre du parement.<br />

Les façades en briques<br />

La construction en briques est, quant à elle, discrète. Son<br />

traitement reprend les principes des exemples médiévaux.<br />

La pierre laissée aux entourages des baies porte un décor<br />

renouvelé issu des modèles antiques. Au 11 rue Étienne-<br />

Dolet (maison du Chevalier du Guet, à partir 1547,<br />

[FIG. 14]), les croisées et demi-croisées sont couronnées de<br />

tables pourvues aux extrémités de masques supportant<br />

une mouluration. Aux 39 bis et 41 rue de la Poterne (hôtel<br />

Hector de Sanxerre, entre 1540 et 1544 [d]), le parement<br />

de briques également rehaussé d’un damier de losanges est<br />

réservé à la façade à portique de la cour intérieure et à la<br />

tourelle d’escalier.<br />

Place de l’Étape, l’hôtel Groslot (1549-1555) présente<br />

un parement de brique similaire développé sur une vaste<br />

façade à un étage flanquée de pavillons, ouverts sur la cour<br />

d’honneur par de hautes croisées.<br />

La fin du 16 e siècle et le 17 e siècle connaîtront le<br />

développement d’une grande architecture de brique au<br />

parement monochrome. Les hôtels particuliers de la rue<br />

d’Escure en sont l’exemple le plus singulier.<br />

Pour conclure…<br />

Cette courte présentation suggère l’utilisation raisonnée<br />

d’une grammaire des surfaces. Le choix, utilisation et<br />

combinaison appropriés d’un matériau (pan-de-bois,<br />

pierre ou brique), est probablement le témoignage du goût<br />

du commanditaire et de son inscription dans le corps de<br />

ville. Cette attitude architecturale accompagne l’évolution<br />

des styles.<br />

Le pan-de-bois gothique flamboyant de la fin du Moyen<br />

Âge et du début de la Renaissance fait éclater le plan de la<br />

façade. Les formes et les surfaces sont distribuées de façon<br />

complexe et sophistiquée. Avec cette richesse presque<br />

baroque contraste totalement la façade enduite, à la<br />

surface unie, percée à l’emporte-pièce, où seules les moulures<br />

FIG. 13<br />

16 rue de<br />

la Poterne<br />

(1566 [d])<br />

façade rue de la<br />

Poterne<br />

(photo Jean Puyo)


FIG. 14<br />

11 rue Étienne-Dolet<br />

(Maison du Chevalier du<br />

Guet, à partir de 1547)<br />

Dessin de Léon<br />

Vaudoyer gravé par<br />

Alexandre Soudain,<br />

19 e siècle - Archives<br />

de la commission des<br />

monuments historiques<br />

(Orléans, Musée historique et<br />

archéologique de l’Orléanais)<br />

183


184<br />

<strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Le bâti domestique orléanais au 16 e siècle<br />

15<br />

des chambranles, les larmiers et les appuis adoucissent la<br />

découpe des fenêtres. Les parements de pierre de taille<br />

montrent, quant à eux, une ambiguïté issue de la résille des<br />

joints : une surface unie et semée tout à la fois, à l’image des<br />

remplissages de briques des hôtels particuliers.<br />

Les façades de la Renaissance travaillent le plan dans<br />

l’épaisseur de la pierre et de son parement et développent<br />

leur décors sur l’ensemble de la surface. L’aspect de cette<br />

dernière est à la fois uni grâce à l’emploi d’un seul matériau,<br />

semé et enfin tacheté grâce à l’application d’une trame et la<br />

distribution des motifs.<br />

Peu à peu, la façade économisera ses possibilités dynamiques<br />

pour se ranger avec rationalité dans l’illustration fidèle<br />

des ordres antiques et l’ordonnancement des baies. Le<br />

6 rue Ducerceau (maison dite de Du Cerceau, 1560-<br />

1570 ?) superpose les quatre ordres avec exactitude dans<br />

une répétition à outrance de pilastres et demi-pilastres<br />

tout en assurant une division sur la hauteur par de larges<br />

entablements moulurés. Enfin, les façades sur rue et sur<br />

cour de l’hôtel Cabu, à partir de 1547 (Musée Historique<br />

et Archéologique de l’Orléanais, rue Charles-Sanglier)<br />

sont emblématiques d’une volonté d’équilibre jouant pour<br />

la première sur une économie de moyen (FIG. 15) et pour<br />

la seconde sur une surcharge de motifs maniéristes et de<br />

reliefs allant du méplat au ronde bosse (FIG. 16). !<br />

16<br />

FIG. 15<br />

Rue Charles-Sanglier,<br />

Musée Historique<br />

et Archéologique de<br />

l’Orléanais<br />

(hôtel Cabu,<br />

façade sur rue,<br />

à partir de 1547)<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

FIG. 16<br />

Square Abbé-Desnoyer,<br />

Musée Historique et<br />

Archéologique de l’Orléanais<br />

(hôtel Cabu, façade sur cour, à<br />

partir de 1547)<br />

Dessin de Léon Vaudoyer gravé<br />

par Alexandre Soudain, 19 e siècle -<br />

Archives de la commission des<br />

monuments historiques<br />

(Orléans, Musée historique et archéologique<br />

de l’Orléanais)


La mise en valeur des façades<br />

en pan-de-bois d’Orléans<br />

du milieu du 15 e siècle au début du 17 e siècle<br />

ORLÉANS, LA MAJORITÉ DES MAISONS EN PAN-DE-BOIS SE CARACTÉRISE PAR UNE FAÇADE RIVE SUR<br />

rue dont les différents niveaux se situent à l’aplomb les uns des autres (1) . Sauf quelques<br />

cas particuliers (maisons d’angle, constructions concertées ou sérielles), les parois en pan-de-bois<br />

s’insèrent entre deux murs pignons maçonnés, au caractère mitoyen et jouant le rôle de pare-feu.<br />

Persistances et nouveautés<br />

décoratives avant les années 1560<br />

Construction modulaire et ordonnancement<br />

Entre le milieu du 15 e siècle et début du dernier tiers du 16 e<br />

siècle, l’armature secondaire est composée de panneaux de<br />

croix de Saint-André : bien que de grandes croix s’étendent<br />

sur presque l’ensemble d’un étage dans les maisons les plus<br />

anciennes (première moitié ou milieu du 15 e siècle), elles<br />

sont la plupart du temps réparties en deux registres par<br />

niveau. Durant cette période, la technique de panneautage<br />

de croix de Saint-André et entretoises remporte un franc<br />

succès pour les façades antérieures du fait de sa conception<br />

relativement simple et de sa mise en œuvre rapide (FIG. 1), qui<br />

offre toutefois un effet décoratif certain grâce aux pièces de<br />

bois formant une succession de lignes dynamiques (obliques<br />

des croix notamment), qui peuvent varier en fonction de<br />

leur répartition et de la disposition de leurs assemblages (2) .<br />

L’organisation des proportions de la façade, et en particulier<br />

la répartition du nombre des travées, semble avoir été<br />

tributaire de l’utilisation de ces panneaux de croix de<br />

Saint-André, qui ont pu servir de module de référence à<br />

dupliquer lors des tracés régulateurs des épures. Malgré le<br />

caractère standardisé de ces façades, il existe une grande<br />

diversité de placement des ouvertures : croisées, parfois<br />

jouxtées de demi-croisées, petits jours en partie haute<br />

(impostes). Disposés de manière symétrique ou non, ces<br />

derniers peuvent parfois, s’ils sont associés aux ouvertures<br />

des registres supérieurs des baies principales, former un<br />

ajourement continu (3) . Des effets de travées ont pu être<br />

recherchés par la mise à l’aplomb des baies (4) . À l’inverse,<br />

lorsque deux étages présentent une trame modulaire<br />

Clément Alix,<br />

doctorant au C.E.S.R.,<br />

Université de Tours ;<br />

chercheur au Service<br />

Archéologique Municipal<br />

d’Orléans<br />

(1) Sur les spécifi cités de la mise en œuvre des maisons en pan-de-bois orléanaises : ALIX 2002 ;<br />

MAZUY, ALIX, AUBANTON 2006 ; ALIX 2007 b. Seulement une douzaine d’exemples de maisons pignons<br />

sur rue est connue, attestée par l’iconographie ancienne (la seule maison conservée se<br />

trouve 5 rue de la Pierre-Percée). Les maisons qui possédaient un étage en encorbellement, une<br />

dizaine, sont également peu nombreuses au regard d’autres grands centres urbains des alentours<br />

(Blois, Tours, Chartres, Bourges, Angers, Auxerre, etc.).<br />

(2) Il y a plus de 80 maisons, conservées ou détruites, qui sont attestées avec ce type de façade à<br />

panneaux de croix de Saint-André.<br />

(3) La maison 266 rue de Bourgogne (entre 1473-1488d) est un cas particulier où les baies principales<br />

forment un ajourement continu sur toute la longueur de la façade divisée par des poteaux et<br />

des potelets jouant le rôle de meneaux multiples.<br />

(4) Voir infra, Les typologies des façades de la fi n du Moyen Âge à la Renaissance, par L. MAZUY.<br />

185


186<br />

<strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Le bâti domestique orléanais au 16 e siècle<br />

1493<br />

33 rue de l'Empereur 1490<br />

1569<br />

35 rue de l'Empereur 1483<br />

FIG. 1<br />

33 et 35 rue de l’Empereur<br />

restitution des façades à panneaux de croix<br />

de Saint-André édifiées entre la fin du 15 e<br />

et le dernier tiers du 16 e siècle<br />

(S.A.M.O. : conception Laurent Mazuy - DAO Sébastien Pons -<br />

relevé Clément Alix - restitution Laurent Mazuy et Clément Alix)<br />

0 1 m


identique avec un même nombre et type d’ouvertures,<br />

l’ordre de positionnement de ces dernières a pu être<br />

volontairement inversé d’un niveau à l’autre (32 rue de la<br />

Charpenterie) (5) . Au 35 rue de l’Empereur (maison nord),<br />

l’ensemble de la trame des parois des étages et du comble<br />

répond à un axe de symétrie passant par le centre de la<br />

façade, occupé par une croisée et la lucarne, de part et<br />

d’autre duquel s’organise en miroir le percement des autres<br />

ouvertures : deux jours hauts et un étroit jour rectangulaire<br />

(seulement 24 cm de large) placé à mi-hauteur et rejeté<br />

aux extrémités de chaque étage (FIG. 1). Ce parti permet de<br />

créer un jeu de contraste entre les pleins et les vides dont le<br />

dessin assez original est parfaitement symétrique.<br />

Le hourdis et la question du traitement<br />

chromatique<br />

Le hourdis, composé de petits moellons (calcaire de Beauce)<br />

enduits ou plus souvent de petites briques, participait<br />

également à la mise en valeur de la façade en renforçant le<br />

contraste avec les éléments de l’ossature en bois. L’aspect<br />

décoratif du remplissage en brique était également créé par<br />

le positionnement des éléments : obliquement pour jouxter<br />

les guettes et décharges des croix, alternativement à plat ou<br />

de chant, en épis (hôtel Toutin, vers 1540 ; tourelle d’escalier<br />

de l’hôtel 17 rue des Trois-Maries, milieu 16 e siècle) ; mais<br />

également grâce aux jeux de relief permis par l’utilisation de<br />

joints saillants lissés à la truelle et parfois rubanés (6) . Au 11<br />

rue de Vaudour (1507 [d]), certaines briques sont incisées<br />

pour recevoir des faux-joints qui morcellent les panneaux<br />

de remplissage en de multiples motifs géométriques (FIG. 2) :<br />

chevrons, demi-cercles, cœur, etc. (7)<br />

Aucun traitement chromatique ne semble avoir accompagné<br />

les bois et leurs décors sculptés. Bien que des traces de<br />

pigments rouge foncé aient été observées sur les bois de<br />

plusieurs façades où elles étaient scellées par les couches de<br />

pigments utilisés au 18 e siècle, il reste difficile de savoir s’ils<br />

furent appliqués lors de la construction de la maison ou<br />

s’ils correspondent, plus probablement, à une campagne de<br />

« mise au goût du jour » postérieure (8) (fin 16 e siècle ou au<br />

cours du 17 e siècle).<br />

Des sablières moulurées et engoulées<br />

Même si ces façades ne possèdent pas d’encorbellement,<br />

l’usage est de conserver deux sablières superposées (9) :<br />

le décor sculpté se limite essentiellement à la sablière de<br />

FIG. 2<br />

11 rue du Vaudour<br />

restitution de la façade antérieure<br />

construite 1507 [d]<br />

(S.A.M.O. : conception Laurent Mazuy -<br />

DAO Sébastien Pons - relevé Clément Alix -<br />

restitution Laurent Mazuy et Clément Alix)<br />

11 rue Vaudour, 1507d<br />

(5) MAZUY, ALIX, AUBANTON 2006 : p. 64-65.<br />

0 1 m<br />

(6) Par exemple : 32, 40, et 54 rue de la Charpenterie, respectivement vers 1501 [d], entre 1570-<br />

1580 [d] et entre 1530-1540 [d] ; 126 rue de Bourgogne (vers 1503 [d]). Voir également infra, Les<br />

typologies des façades de la fi n du Moyen Âge à la Renaissance, par L. MAZUY<br />

(7) Dans la région, ces jeux décoratifs du hourdis de briquettes, qui rappellent des motifs employés<br />

sur les étoffes, se remarquent sur plusieurs maisons de la place Plumereau à Tours, mais leur<br />

authenticité paraît douteuse. Le seul exemple bien attesté est visible sur les deux maisons 1 rue<br />

du Change (à Tours), dont les motifs ont été dessinés vers 1940 avant leur restauration (LAPRADE<br />

1942 : pl. 35). Dans cet exemple, les briques sont taillées de manière à obtenir des formes géométriques<br />

particulières.<br />

(8) La palette constituée uniquement de rouge foncé est donc beaucoup plus limitée que celle utilisée<br />

dans les programmes de construction ou de remaniement des pans-de-bois orléanais au 18 e<br />

siècle : ocre, jaune, orangé, saumon, etc. (ALIX 2007).<br />

(9) Ce doublement des sablières pourrait s’expliquer pour des raisons techniques et économiques :<br />

ancrages des plafonds, facilité et rapidité de levage des parois, possibilité de remaniement des<br />

étages en sous-œuvre ou par rehaussement.<br />

187


188<br />

<strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Le bâti domestique orléanais au 16 e siècle<br />

chambrée qui comporte un corps de moulures contrastées<br />

formant larmier, comme par exemple au 32 rue des<br />

Pastoureaux (bâtiment sur cour, vers 1520-1530) où la<br />

doucine est surmontée d’un listel jouant le rôle de coupelarme<br />

(10) . La moulure convexe du larmier est fréquemment<br />

couverte de motifs d’imbrications (écailles) et s’accompagne<br />

parfois d’une frise de motifs répétitifs (arceaux au 54 rue<br />

de la Charpenterie, vers 1530-1540 [d]). Les extrémités du<br />

corps de moulures de la sablière de chambrée s’achèvent<br />

souvent dans la gueule d’un animal sculpté (FIG. 2), qui<br />

constitue le seul motif singulier de la façade (11) . À l’instar<br />

des pans-de-bois de plusieurs régions (Normandie,<br />

Bourgogne, Val de Loire, Berry, etc.), cet engoulant forme<br />

un bon motif d’amortissement des moulures de la sablière,<br />

qui a perdu le rôle effrayant et le caractère symbolique qu’il<br />

pouvait revêtir en tant que décor dans certaines églises. Cet<br />

ornement d’origine médiéval reste d’un emploi courant<br />

jusqu’au début du 17 e siècle à Orléans où il est associé à<br />

des motifs classiques (12) . Il est d’un usage très prisé dans<br />

la première moitié du 16 e siècle puisqu’il orne également<br />

les poutres des plafonds d’une quinzaine d’habitations en<br />

pierre ou plusieurs entraits de lucarnes.<br />

Les cas où le décor s’étend à la sablière de plancher<br />

correspondent à des exemples antérieurs à la fin du<br />

15 e siècle : frise de fleurs à quatre pétales au 64-66 rue<br />

de la Charpenterie (1466 [d]) ; frise de gros trilobes se<br />

développant sur les deux sablières superposées au 266 rue<br />

de Bourgogne (entre 1473-1488 [d]).<br />

Traitement sculpté des fenêtres d’étages<br />

et des panneaux pleins : pinacles et accolades<br />

Hormis les sablières, le décor se concentrait principalement<br />

autour des fenêtres. La mise en valeur la plus simple consiste<br />

à les orner d’une moulure, un chanfrein, parfois amorti<br />

par un petit congé triangulaire, qui adoucit les angles<br />

des encadrements tout en favorisant la pénétration de la<br />

lumière vers l’intérieur (13) . Les appuis des croisées et demicroisées<br />

sont systématiquement moulurés et leur partie<br />

supérieure vient déborder sur le devant des piédroits (14) . Un<br />

décor sculpté permet également la valorisation des fenêtres<br />

principales dont les piédroits sont ornés de pinacles à<br />

crochets (15) sur bases prismatiques, reliés par des accolades<br />

situées sur les traverses (FIG. 1 ET 2). Pour les croisées, la partie<br />

supérieure du meneau était sculptée d’un fleuron, tandis<br />

qu’un court pinacle était sculpté sur le potelet central<br />

de l’allège (FIG. 7). Dans certaines maisons, ces motifs de<br />

couvrement s’étendent sur les autres éléments de la structure<br />

afin de mettre en valeur les panneaux pleins : les poteaux<br />

d’étage reçoivent des pinacles et les entretoises séparant les<br />

panneaux de croix de Saint-André sont sculptées d’un arc<br />

surbaissé ou d’un arc en accolade (FIG. 5 ET 6). Comme sur<br />

les traverses, ces gâbles présentent un tracé assez aplati de<br />

manière à s’adapter à la hauteur réduite de l’entretoise.<br />

Si ce décor « gothique » peut-être restitué sur de nombreuses<br />

façades sur rue où il a été bûché au 18 e ou 19 e siècle lors<br />

de l’agrandissement des fenêtres ou de l’installation des<br />

lattis pour enduits couvrants (16) , en revanche, il subsiste en<br />

partie ou dans son intégralité sur quelques rares élévations<br />

situées en position secondaire et n’ayant jamais été<br />

(10) Cependant, il subsiste quelque exemples de façade à sablière unique. Au 264 rue de Bourgogne,<br />

exemple le plus ancien attesté par la dendrochronologie (première moitié du 15 e siècle), la sablière<br />

unique est moulurée dans sa partie supérieure d’un quart-de-rond dégagé par une moulure<br />

concave. Au 4 rue de la Cholerie (façade postérieure, milieu ou seconde moitié du 15 e siècle),<br />

la doucine ornant la sablière unique retombe à l’aplomb des arêtes de chaque poteau du niveau<br />

inférieur : elle dessine ainsi une série d’arcs déprimés dont les écoinçons renferment un motif :<br />

bouillon de feuillage, petit visage humain, etc.<br />

(11) Sculptures d’engoulants conservées : 264 rue de Bourgogne (remaniement du comble entre<br />

1493-1524 [d]), 32 rue du Poirier (1524 [d]). Sculptures bûchées ayant laissé des traces : 11 rue<br />

de Vaudour (1507 [d]), 54 rue de la Charpenterie, etc.<br />

(12) Pour l’utilisation du motif de l’engoulant, ALIX 2008 : p. 28-37. Sur les pans-de-bois, l’exemple le<br />

plus tardif se trouve sur la sablière unique du premier étage de la maison 258 rue de Bourgogne<br />

(pan-de-bois à grille : entre 1596-1621 [d] et certainement autour de 1602) : le motif a été bûché<br />

mais il subsiste trois écailles du cou sur l’about est de la sablière. la même date, il orne les pièces<br />

de bois formant linteau des devantures de boutiques de certaines maisons en pierre ou en brique<br />

et pierre (4 place du Châtelet ; anciennement 3 place du Châtelet, détruite).<br />

(13) Pour les fenêtres, les exemples de moulures plus complexes sont très rares : petit cavet surmonté<br />

d’un quart-de-rond au 266 rue de Bourgogne (entre 1473-1488 [d]) et au 4 rue de la Cholerie (milieu<br />

ou seconde moitié du 15 e siècle).<br />

(14) Exemples conservés partiellement : demi-croisées du 33 rue de l’Empereur (maison sud, 1493 [d]),<br />

croisées du 35 rue de l’Empereur (maison nord, 1483 [d]). La moulure bûchée en partie supérieure<br />

se composait, de bas en haut, d’une bande surmontée d’un quart-de-rond et d’un cavet. Au 32 rue<br />

des Pastoureaux, l’appui est encore sculpté d’un motif de torsade.<br />

(15) Les pinacles relevés sur plusieurs maisons de la fi n du 15 e et du début du 16 e siècle présentent de<br />

fortes similitudes (largeurs et proportions identiques) : le corps passe du plan carré au plan polygonal<br />

(à 45°) insuffl ant un effet de dynamisme, tandis qu’au sommet les couronnes de crochets<br />

sont régulièrement espacées (FIG. 14).<br />

(16) Décors bûchés ou détruits. Motifs cantonnés aux baies : 103 rue de Bourgogne, 124 rue de Bourgogne/1<br />

rue du Bourdon-Blanc, 126 rue de Bourgogne, 260 rue de Bourgogne (poteaux à pinacles en<br />

remplois sur les extrémités des étages), 62-66 rue de la Charpenterie, 4 place du Châtelet (façade<br />

postérieure, enduite dans la deuxième moitié du 20 e siècle), 32 rue de la Charpenterie, 54 rue de<br />

la Charpenterie, 37 rue des Charretiers, 10 rue de la Cholerie (maison nord), 7 rue de l’Écu-d’Or,<br />

35 rue de l’Empereur (maison nord), 3 et 5 rue du Petit-Puits, 15 rue du Poirier, 2 rue de la Poterne<br />

(façade postérieure), 48 rue Sainte-Catherine, 64 rue Sainte-Catherine (poteaux à pinacles en<br />

remploi dans l’allège du deuxième étage), 9 rue de la Tour (façade postérieure), 11 rue de Vaudour,<br />

anciennement 30 rue des Hôtelleries (jouxtant l’ancienne chapelle Saint-Jacques), anciennement<br />

51 rue des Hôtelleleries, anciennement 1 rue de la Vieille-Peignerie (détruite). Motifs s’étendant<br />

sur les panneaux pleins : 109 rue de Bourgogne, 221 rue de Bourgogne, 280-282 rue de Bourgogne,<br />

10 rue de la Cholerie (maison sud), 33 rue Étienne-Dolet, 18 rue des Pastoureaux/28 rue<br />

Étienne-Dolet, anciennement 20 rue de l’Empereur (détruite en 1844), anciennement 3 place du<br />

Marché-à-la-Volaille (rive sud de la place du Châtelet, détruite au 19 e siècle), maison anciennement<br />

située entre la rue Saint-Étienne et l’impasse Sainte-Colombe.


3 4<br />

5<br />

6<br />

FIG. 3<br />

14 place du Châtelet<br />

façade postérieure (sur cour,<br />

1497 [d]), pinacle à crochets.<br />

(photo Clément Alix)<br />

FIG. 4<br />

32 rue du Poirier, façade<br />

occidentale sur impasse,<br />

premier étage (1524 [d])<br />

pinacle à crochets ornant le<br />

piédroit nord de la croisée<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

7<br />

FIG. 7<br />

32 rue des Pastoureaux<br />

corps de bâtiment postérieur,<br />

façade sur cour, premier étage,<br />

pinacle sculpté au centre de l’allège<br />

de la croisée (vers 1520-1530).<br />

(photo Clément Alix)<br />

FIG. 5<br />

Maison anciennement située<br />

entre la rue Saint-Étienne et<br />

l’impasse Sainte-Colombe (fin<br />

15 e -début 16 e siècle, démontée<br />

au début des années 1960)<br />

façade sur cour, rez-de-chaussée<br />

(Orléans, Archives départementales du Loiret,<br />

cliché vue 509)<br />

FIG. 6<br />

14 place du Châtelet<br />

façade postérieure (sur cour),<br />

second étage (1497 [d]).<br />

(photo Clément Alix)<br />

189


190<br />

<strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Le bâti domestique orléanais au 16 e siècle<br />

enduites : façade donnant sur une ruelle ou une impasse, ou<br />

façade postérieure ouvrant sur une cour (17) . L’exemple le plus<br />

ancien de ce type de décor à pinacles est attesté à la maison<br />

de Jacques Boucher (dite maison de Jeanne d’Arc), trésorier<br />

du duc, anciennement 33-37 rue du Tabour (première<br />

moitié du 15 e siècle, détruite en 1940 (18) ). En définitif, ces<br />

sculptures ornaient une quarantaine de maisons à panneaux à<br />

croix de Saint-André (soit la moitié du corpus des habitations<br />

présentant ce type d’ossature), et il n’a été observé que sur<br />

une seule maison dont la façade est en pan-de-bois à grille (9<br />

rue Stanislas-Julien : pinacles sur piédroits des baies, première<br />

moitié du 16 e siècle (19) ).<br />

Ces pinacles reposent sur des bases prismatiques, parfois<br />

portées par de petits culots, fréquemment en forme de<br />

pyramide renversée simplement moulurée (20) . À partir des<br />

années 1520, ils pouvaient également être figurés (visages ou<br />

petits personnages en buste) (21) et ils se retrouvent dans les<br />

intérieurs d’habitations en pierre contemporaines, notamment<br />

autour des portes piétonnes percées dans des cloisons en<br />

pan-de-bois à grille et surmontées d’un linteau orné d’une<br />

accolade : cloison au 12 rue Notre-Dame-de-Recouvrance<br />

(couloir au rez-de-chaussée du corps de bâtiment postérieur),<br />

cage d’escalier au 4 rue des Trois-Maillets (1527 [d]) ou<br />

cloison au 15 rue de l’Ételon (couloir du rez-de-chaussée) (22) .<br />

Dans ces trois exemples, il s’agit toujours de personnages<br />

assez stéréotypés : un homme encapuchonné (FIG. 8), une<br />

représentation d’un noble ou d’un bourgeois la tête coiffée<br />

d’un chapeau, un putto ailé présentant parfois un objet,<br />

comme un écu (23) . Enfin, c’est également à partir des années<br />

1520 que certains culots en façade reçoivent des motifs de<br />

feuilles imbriquées, qui se répètent sur les bagues des pinacles<br />

(32 rue des Pastoureaux, 32 rue du Poirier) (FIG. 4 ET 7).<br />

Les maisons d’angle<br />

Les maisons situées à l’angle de deux rues étaient<br />

couramment valorisées, puisqu’elles bénéficiaient d’une<br />

situation privilégiée avec un certain recul permettant<br />

d’observer leur décor. Ainsi, le poteau cornier, constitué<br />

d’un bois long, peut recevoir un traitement sculpté dont<br />

les motifs se répètent sur toute sa hauteur. Aux étages<br />

du 124 rue de Bourgogne/1 rue du Bourdon-Blanc<br />

(1501 [d]), chaque face du poteau comporte deux pinacles<br />

sur bases prismatiques qui sont reliés par de petites<br />

arcatures « flamboyantes » semblables à des réseaux de baies<br />

miniaturisées. La tête de ce poteau est légèrement élargie<br />

et traitée comme un support mouluré (cavet et chanfrein<br />

obliques descendent sur l’arête externe du poteau). Des<br />

pinacles ornaient également les poteaux corniers des façades<br />

de la maison anciennement située entre la rue Saint-Étienne<br />

et l’impasse Sainte-Colombe. Sur la maison 23 rue du Poirier/<br />

rue de l’Empereur (milieu ou deuxième tiers du 16 e siècle),<br />

le décor bûché du poteau cornier ne peut être restitué avec<br />

précision mais il s’apparente à un pilastre. Ce décor était<br />

renforcé par les deux poteaux d’étage situés à proximité,<br />

un sur chaque façade, sculpté d’un pilastre à fût lisse et<br />

(17) Décors conservés. Sur ruelle ou impasse : 4 rue de la Cholerie, 32 rue du Poirier (1524 [d]). Sur<br />

cour : 14 place du Châtelet (1497 [d]), 282 rue de Bourgogne (vers 1505 [d]), 32 rue des Pastoureaux<br />

(façade du bâtiment postérieur). Au 83 rue de la Charpenterie (1479 [d]), seuls les pinacles<br />

ornant le piédroit oriental de la demi-croisée située à chaque étage ont été épargnés du bûchage<br />

puisqu’ils étaient protégés par un enduit posé lors d’une campagne de réfection du hourdis de la<br />

tourelle d’escalier jouxtant la façade.<br />

(18) JARRY 1909 : p. 54-55.<br />

(19) La façade principale sur cour de la maison anciennement située entre la rue Saint-Étienne et l’impasse<br />

Sainte-Colombe forme un cas particulier : le rez-de-chaussée à croix de Saint-André ornées<br />

de pinacles et d’accolades était surmonté d’un haut surcroît en pan-de-bois à grille également<br />

sculpté (vers 1500). De grandes pièces obliques (éperons) décorées de moulures s’assemblaient<br />

dans des poteaux sculptés de pinacles de plans quadrangulaires et munis de crochets (façades<br />

démontées au début des années 1960 ; 4 photographies conservées aux Archives départementales<br />

du Loiret, Cliché vue 506-509 ; une gravure dans : HUET, PIGELET 1900: p. 209).<br />

(20) Notons qu’au 83 rue de la Charpenterie, les bases prismatiques ne reposent pas sur un culot mais<br />

comportent une plinthe très développée en hauteur.<br />

(21) Exemples de culots fi gurés : 54 rue de la Charpenterie (vers 1530-1540 [d]), anciennement 1 rue<br />

de la Vieille-Peignerie (détruite), anciennement 20 rue de l’Empereur (détruite en 1844).<br />

(22) ALIX 2002: t. 2, p. 85.<br />

FIG. 8<br />

4 rue des<br />

Trois-Maillets<br />

(maison en<br />

pierre de taille)<br />

cloison nord<br />

de la cage<br />

d’escalier du<br />

second étage,<br />

culot est de la<br />

porte d’entrée<br />

représentant<br />

un acrobate<br />

ou un fou<br />

(1527 [d]).<br />

(photo Clément Alix)<br />

(23) Ces représentations caractéristiques de la sculpture du « gothique fl amboyant », souvent stéréotypées,<br />

se remarquent très fréquemment sur les édifi ces en pierre de la même époque, où elles ornent<br />

les culots des larmiers enveloppant des croisées et des demi-croisées (ALIX 2008 : p. 22-24).


9<br />

à chapiteau, posé sur une console ou un piédestal (24) . Ces<br />

exemples possèdent des décors qui restent limités comparés<br />

aux poteaux corniers visibles dans de nombreuses villes : ils<br />

portent alors des encorbellements et présentent des sections<br />

importantes qui permettent la réalisation d’une sculpture<br />

développée, couramment figurée, constituée par exemple<br />

de scènes religieuses, de statues en pied protégées par un<br />

dais, ou d’attributs liés à la fonction des habitants, agissant<br />

comme une enseigne servant à désigner l’habitation.<br />

Les rez-de-chaussée<br />

Les portes du rez-de-chaussée bénéficient parfois d’un<br />

traitement particulier. Pour les portes piétonnes, le linteau<br />

peut être sculpté d’une accolade engoulée (25) , ou alors recevoir<br />

deux aisseliers créant ainsi un arc (FIG. 9). Ce dernier dispositif<br />

est connu grâce à un dessin du 19 e siècle pour la maison qui<br />

se trouvait anciennement 2 rue de la Faverie à l’angle de la rue<br />

de Bourgogne (FIG. 10) : les aisseliers assemblés sous la sablière<br />

formaient un arc brisé (26) . Un tel décor subsiste aujourd’hui<br />

sur la maison 19 place de la Bascule où les aisseliers courbes<br />

forment un arc plein-cintre (27) . Les poteaux servant de piédroits<br />

aux devantures de boutiques sont rarement conservés. Au<br />

37 rue de l’Empereur (entre 1507-1531 [d], peut-être vers<br />

1517), le rez-de-chaussée est aménagé en sous-œuvre sous une<br />

façade en pierre du 13 e ou 14 e siècle, grâce à l’insertion d’une<br />

grosse sablière servant de poitrail : le parti était parfaitement<br />

symétrique et présentait deux portes piétonnes rejetées aux<br />

extrémités (une pour la boutique et la descente de cave au sud,<br />

FIG. 9<br />

10<br />

37 rue de l’Empereur<br />

rez-de-chaussée de la façade<br />

antérieure<br />

(entre 1507-1531 [d])<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

et une pour le couloir et l’escalier au nord), tandis qu’au centre<br />

deux devantures rectangulaires étaient séparées par un gros<br />

poteau traité à la manière d’une colonne : fût couvert d’écailles<br />

surmonté d’un chapiteau à feuilles d’acanthe sur la corbeille<br />

et denticules sur le tailloir (FIG. 9). Celles-ci se retrouvent<br />

également sur les culots pendants en tête des poteaux et<br />

(24) D’autres pilastres antiques semblent avoir orné les piédroits des croisées à l’emplacement des<br />

habituels pinacles. Remarquons que côté rue du Poirier cette façade a été construite légèrement<br />

en retrait de la maison médiévale voisine, témoignant probablement d’une volonté précoce de<br />

dégagement des abords du carrefour formé avec la rue de l’Empereur. Enfi n, il reste diffi cile de<br />

savoir si les modillons à volutes, cloués sur la sablière de gouttière, appartiennent au décor du 16 e<br />

siècle ou s’ils ont été ajoutés.<br />

(25) 37 rue de l’Empereur, 32 rue Sainte-Catherine (bûché), anciennement 1 rue de la Vieille-Peignerie<br />

(détruite).<br />

FIG. 10<br />

Maison d’angle anciennement 2 rue de la<br />

Faverie (rue de Bourgogne), angle avec la<br />

rue de l’Aiguillerie (Sainte-Catherine)<br />

première moitié 16 e siècle (?), relevé<br />

avant démolition des façades à panneaux<br />

de croix de Saint-André au 19 e siècle.<br />

(Orléans, Archives municipales, 4 D 46).<br />

(26) Nous remercions C. Bruand (archives municipales d’Orléans) pour nous avoir fait connaître ce relevé<br />

(Orléans, Archives municipales, 4 D 46).<br />

(27) Pan-de-bois à grille du milieu ou de la seconde moitié du 16 e siècle. Grâce aux mortaises visibles,<br />

ce décor peut également être restitué sur la maison voisine à l’ouest dont la construction est<br />

contemporaine.<br />

191


192<br />

<strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Le bâti domestique orléanais au 16 e siècle<br />

potelets des portes piétonnes et jours d’imposte. Au 37<br />

rue des Charretiers, le rez-de-chaussée comporte une porte<br />

cochère, dont l’un des piédroits est simplement sculpté<br />

d’un relief représentant deux hommes, vêtus à la mode du<br />

16 e siècle, dans une forêt abattant un arbre à la hache.<br />

Les lucarnes<br />

Le couronnement de ces façades à rive sur rue était assuré<br />

par une lucarne, dont le caractère parfois monumental<br />

rappelait la forme triangulaire des pignons. Ces lucarnespignons,<br />

qui peuvent être restituées sur de nombreuses<br />

maisons d’après les traces d’assemblage laissées sur leur<br />

surcroît (28) , présentent une fermette débordante qui<br />

s’accompagne d’un décor mouluré (chevrons de tête,<br />

aisseliers et jambettes courbes) et sculpté pour les potelets<br />

à têtes élargies portant les blochets (pinacles au 11 rue de<br />

Vaudour ; figures en pied au 261 rue de Bourgogne : un<br />

couple d’homme et de femme sauvages) (FIG. 1 ET 2). Les autres<br />

lucarnes, moins imposantes, sont néanmoins sujettes à un<br />

décor particulier : moulures des têtes élargies des poteaux<br />

portant le débord de la toiture, accolade sur la traverse,<br />

planches de rives trilobées, poinçon pendant (4 rue de la<br />

Cholerie ; 1 bis rue du Bourdon-Blanc, vers 1500 (29) ; 7 rue<br />

Saint-Éloi, deux lucarnes en bois sur une façade en pierre,<br />

1462 [d]). Il s’agit de lucarnes à meneau et traverse, dont<br />

le débord de la toiture est parfois porté par des aisseliers<br />

(35 rue de l’Empereur, maison nord : 1483 [d]). Enfin, des<br />

lucarnes plus simples et aux dimensions plus restreintes<br />

(avec meneau et sans traverse) présentent comme décor<br />

principal leurs planches de rives découpées en forme d’arc<br />

ou trilobées : 46 rue du Colombier (façade sur cour), 10<br />

rue de la Vieille-Monnaie (avec chanfreins), maison rue du<br />

Bœuf-Saint-Paterne, etc. (30)<br />

Les éléments disparus des façades<br />

D’autres éléments, qui nous échappent en grande partie<br />

aujourd’hui, participaient également de la mise en valeur<br />

des maisons : menuiseries et volets des ouvertures du rezde-chaussée<br />

et des étages, toitures (tuiles plates à crochets,<br />

essentes en bois et ardoises pour les 15 e et 16 e siècles),<br />

faîtages et épis, souches de cheminées, etc. Les châssis de<br />

vitraux pouvaient être peints (FIG. 11), comme en témoigne<br />

un fragment de la croisée du deuxième étage de la maison 20<br />

rue de l’Empereur (vers 1500) orné d’un décor « gothique »<br />

représentant un monogramme ou un millésime inscrit<br />

dans un quadrilobe (31) .<br />

Charpentiers, « ymagiers » et menuisiers<br />

FIG. 11<br />

Dans la quarantaine de maisons ornées de pinacles et de<br />

gâbles évoquées ci-dessus, la réalisation des sculptures a dû<br />

constituer un poste de dépenses élevé du chantier. On peut<br />

se demander si ce travail était effectué par des charpentiers<br />

qui auraient alors possédé cette compétence, ou si les<br />

commanditaires ont eu recours à des « tailleurs d’image »<br />

ou « ymaigiers », dont l’activité est bien différenciée et<br />

20 rue de l’Empereur<br />

(fin 15 e -début 16 e siècle ;<br />

détruite en 1844)<br />

motif décoratif peint<br />

sur un fragment de vitrail<br />

de la croisée du<br />

deuxième étage<br />

de la façade antérieure<br />

(d’après dessin<br />

VERGNAUD-ROMAGNESI 1844).<br />

(28) Lucarnes-pignons conservées : 261 rue de Bourgogne (provenant d’une maison du quartier des<br />

Halles), 11 rue de Vaudour (1507 [d]), 43 rue du Poirier, 6 bis rue Jeanne-d’Arc (dans la cour,<br />

façade remontée au 19 e siècle ?). Lucarnes pignons détruites connues par l’iconographie ou<br />

des descriptions : 3 rue des Carmes, deux maisons rue de la Corroierie, 29-33 rue de l’Écrevisse,<br />

anciennement 20 rue de l’Empereur, 30 rue des Hôtelleries (jouxtant l’ancienne chapelle Saint-<br />

Jacques), etc. Lucarnes-pignons détruites et restituées grâce aux assemblages sur surcroîts :<br />

264 rue de Bourgogne, 32 rue de la Charpenterie, 33 rue de l’Empereur (maison nord, 1490 [d]),<br />

48 rue Sainte-Catherine.<br />

(29) Relevé dans : MAZUY, ALIX, AUBANTON 2006 : p. 102.<br />

(30) Lucarne de la maison rue du Bœuf-Saint-Parterne dessinée dans : LAPRADE 1942 : pl. 43. De manière<br />

générale, les décors de toutes ces lucarnes se rapprochent de ceux présents sur la ferme<br />

débordante supportant les avant-toits des quelques rares maisons pignon sur rue connues à<br />

Orléans : blochets sur consoles sculptés de quarts d’arcs à redents et culs-de-lampe avec un<br />

feuillage frisé sur la maison de Jacques Boucher (JARRY 1909 : p. 55), poinçon en forme de clefpendante<br />

pour la maison anciennement 3 place du Marché-à-la-Volaille.<br />

(31) Ce fragment de vitrail, présent sous le bardage des planches et d’ardoises qui recouvraient le pande-bois,<br />

fut dessiné par C.-F. Vergnaud-Romagnési lors de la démolition de la maison en 1844 (ALIX<br />

2002 : t. 3, p. 89-90). La façade en pan-de-bois de cette maison a été relevée par L. Vaudoyer<br />

dans : DE BAUDOT, PERRAULT-DABOT 1856 : pl. 88, D.<br />

(32) Exemple plus tardif (seconde moitié du 16 e siècle) sur une maison en pan-de-bois à grille : moulure<br />

fi lante d’appui de la maison 227 rue de Bourgogne (seconde moitié du 16 e siècle ?). Autre<br />

procédé issu de la menuiserie, l’assemblage à coupe d’onglet est utilisé dans des maisons du<br />

dernier tiers du 16 e siècle évoquées plus bas (16 rue de la Poterne, 45 rue de la Charpenterie). Il<br />

permet de retourner la moulure en quart-de-rond des sablières sur les arêtes des poteaux.


détachée de celle du charpentier à la fin du Moyen Âge.<br />

Cela fut certainement le cas pour les culots figurés ou les<br />

programmes importants évoqués ci-dessous. Rappelons<br />

également, qu’à plusieurs reprises, les décors en relief<br />

empruntent des techniques utilisées en menuiserie, que les<br />

« huchiers » de cette époque réalisent couramment pour des<br />

meubles ou des vantaux d’ouvertures, notamment avec les<br />

flottages : par exemple, le recouvrement des moulures de<br />

l’accolade sur les piédroits, le débordement des moulures<br />

d’un appui ou d’une pièce filante sur les poteaux créant ainsi<br />

un effet de continuité (32) . Autre exemple de recouvrement,<br />

au 35 rue de l’Empereur (maison nord, 1483 [d]), les traces<br />

observées montrent que les culots portant les bases des<br />

pinacles pendaient au-devant de la sablière de chambrée.<br />

Dans le petit lotissement édifié vers 1466 [d] au 62-64 rue<br />

de la Charpenterie, constitué de trois unités d’habitation<br />

à un étage, il est intéressant de noter l’utilisation d’un<br />

décor raffiné nécessitant le recours à d’autres techniques<br />

de menuiserie (FIG. 12). De petites arcatures à réseaux<br />

« flamboyants » sont sculptées sur des planches utilisées<br />

comme remplissage de l’allège des baies : ces panneaux<br />

menuisés étaient glissés dans des châssis (deux montants<br />

entre lesquels s’assemblent, à tenon et mortaise renforcés<br />

par deux petites chevilles, une traverse basse et une haute).<br />

Ces châssis étaient disposés entre les deux piédroits et les<br />

deux potelets de l’allège dont les arêtes étaient moulurées<br />

d’un petit tore dégagé par un filet (33) .<br />

L’introduction des motifs « Renaissance »<br />

À l’instar de nombreuses villes, le décor des maisons<br />

en pan-de-bois puise dans le répertoire du « gothique<br />

flamboyant » jusqu’au milieu du 16 e siècle : moulures<br />

prismatiques, profondes et accentuées, gorges et tores, qui<br />

permettent de souligner la structure en étant concentrées<br />

autour des baies ou sur la sablière de chambrée. C’est à<br />

partir des années 1515-1530 que ces décors gothiques<br />

commencent à s’enrichir de motifs couvrants telles les<br />

écailles, les imbrications, les torsades, etc. : 32 rue du<br />

Poirier (1524 [d]), 32 rue des Pastoureaux (FIG. 7), 1 rue<br />

de la Vielle-Peignerie (34) . Ces mêmes motifs se retrouvent<br />

également sur quelques lucarnes en bois couronnant des<br />

élévations en pierre : colonnettes et accolade couvertes<br />

d’imbrications et d’écailles, 8 place du Cardinal-Touchet ;<br />

torsade à pointes-de-diamant alternant avec des écailles<br />

sur le linteau de la lucarne du 15 rue des Trois-Maries<br />

(façade sur cour). Simultanément, une évolution apparaît<br />

dans la forme des pinacles comme l’illustre l’exemple du<br />

FIG. 12<br />

66 rue de la Charpenterie (1466 [d])<br />

façade antérieure, étage, sablière ornée de rosaces et allège de<br />

la croisée fermée de panneaux sculptés sur châssis.<br />

(Cl. R. Malnoury, (c) Région Centre Inventaire général, ADAGP).<br />

32 rue du Poirier : les crochets sont ramassés près de la<br />

pointe qui présente un aspect plus trapu et moins effilé ;<br />

le corps reste de plan carré sur toute sa hauteur et se<br />

rapproche de la forme d’un pilastre (FIG. 4). Sur la lucarne<br />

de la maison en pierre 26 rue Louis-Roguet (façade sur<br />

cour), le décor « gothique » des moulures des piédroits, qui<br />

se prolongeait sur la traverse avec une accolade, est flanqué<br />

par de véritables petits pilastres à chapiteaux doriques à la<br />

place des habituels pinacles. C’est donc également dans ces<br />

années qu’apparaissent les premiers ornements italianisants<br />

mêlés au vocabulaire « flamboyant », comme cela a été<br />

évoqué avec l’exemple de la façade 37 rue de l’Empereur<br />

(acanthes et denticules). D’autres décors de transition<br />

se remarquent ponctuellement : petite feuille d’acanthe<br />

sculptée sur l’aisselier supportant la coursière de la maison<br />

28 rue de la Poterne (vers 1540) par exemple.<br />

(33) L’utilisation de panneaux menuisés se retrouve par exemple au 16 e siècle en Normandie (Les Andelys,<br />

Gisors, Caudebec-en-Caux) et particulièrement à Rouen, comme aux 115-117 rue du Gros-<br />

Horloge (VIOLLET-LE-DUC 1854-1868 : t. 6, p. 268-272, article « maison », fi g. 29-30 ; Lescroart<br />

1980 : p. 105, 111, 126, 129 ; LETTERON 2002 : p. 227), à Mâcon ou à Thiers (ENLART 1929 : p. 196,<br />

199, fi g. 118), et sur plusieurs maisons dites « à vitrine » ou à « mur-rideau » de la fi n du 16 e et<br />

du 17 e siècle à Dinan et à Saint-Malo (SOULAS 1986 : p. 73-80 ; LELOUP 2002 : p. 140-151). Des<br />

planches recouvrant l’ossature sont attestées en Belgique où elles sont parfois ornées du motif<br />

« en plis de serviettes » (HOUBRECHTS 2008 : p. 4-5).<br />

(34) A l’image des motifs qui ornent les fûts des pinacles ou des colonnettes de nombreuses maisons<br />

en pan-de-bois sculptées de cette époque : maison dite de Francois I er à Aubigny-sur-Nère (Cher),<br />

maison de la Porte Mouton à Gallardon (Eure-et-Loire), maison 19 rue aux Fèvres dit manoir de le<br />

Salamandre à Lisieux (Calvados), etc.<br />

193


194<br />

<strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Le bâti domestique orléanais au 16 e siècle<br />

FIG. 13<br />

Maison anciennement<br />

rue Sainte-Catherine<br />

(façade remontée<br />

place Abbé-Desnoyers<br />

au 19 e siècle et<br />

détruite dans les<br />

années 1940), vers<br />

1520-1540<br />

relevé de l’élévation de<br />

la façade antérieure et<br />

détails des sculptures.<br />

(VERDIER, CATTOIS 1855-1857 : t. 2)


Quelques façades se distinguent par l’importance de leur<br />

programme sculpté. Sur une maison anciennement rue<br />

Sainte-Catherine (35) , la structure et une partie du décor<br />

couvrant (pinacles, accolades et arcs surbaissés s’étendant<br />

sur les panneaux pleins) restent parfaitement identiques aux<br />

habitations précédemment décrites (FIG. 13). En revanche,<br />

toutes les pièces de bois sculptées sont couvertes de motifs<br />

répétitifs : imbrications et écailles, oves, chapelets de perles,<br />

rubans torsadés (36) . Remarquons que les oves, ornements<br />

d’origine antique très en vogue en France à partir des années<br />

1500, présentent une adaptation locale du motif puisque<br />

qu’ils sont compris dans d’épaisses coques non tronquées<br />

dépourvues de motifs de liaison (37) , interprétation que l’on<br />

observe également sur les demeures en pierre (38) .<br />

Sur l’ensemble de la façade, les bases des pinacles reposent<br />

sur vingt et un culots, représentant des personnages en<br />

buste, masculins ou féminins, parfois couverts de chaperons.<br />

Certaines de ces figures sont représentées de face ou de trois<br />

quarts avec un bras figé dans un geste didactique. Pour<br />

le surcroît du comble, les culots sont sculptés de visages<br />

stylisés représentés de face, évoquant des mascarons ou des<br />

masques feuillus. Les poteaux à têtes élargies supportant<br />

le débord de la lucarne sont également munis de culots<br />

sculptés de visages stylisés (39) . Ils portent une colonnette à<br />

base moulurée, à chapiteau et à fût orné d’imbrications. Audessus,<br />

l’élargissement du poteau est sculpté à la manière<br />

d’une niche abritant un personnage en pied, qui repose sur<br />

un petit cul-de-lampe représentant un mascaron à gauche,<br />

et une tête de putto ailé à droite. Le personnage du poteau<br />

de droite est un évêque coiffé d’une mitre, tenant sa crosse<br />

de la main gauche et bénissant de l’autre. Sur le poteau de<br />

gauche, il s’agit d’un moine encapuchonné, peut-être en<br />

position d’orant. Cette maison est donc bien caractéristique<br />

de l’art de la première Renaissance, dont le décor abondant<br />

fait la synthèse entre des motifs importés d’Italie et ceux<br />

issus du répertoire « gothique » traditionnel.<br />

Autre exemple de décor luxueux, la maison anciennement<br />

située au 29-33 rue de l’Écrevisse comportait deux unités<br />

d’habitation jointives, dont les façades à pinacles étaient<br />

couronnées chacune par une lucarne-pignon (40) . D’après les<br />

descriptions du 19 e siècle, leurs débords étaient portés par<br />

des figures dont certaines auraient représenté des moines.<br />

Dans la cour, la façade de la galerie possédait d’étroits<br />

panneaux de croix de Saint-André (entre 35 et 38 cm de<br />

large) surmontés par des entretoises sculptées d’arcs en anse<br />

de panier renfermant une frise d’oves (FIG. 14). La croisée<br />

au centre était jouxtée de chaque côté de son registre<br />

FIG. 14<br />

Maison anciennement 29-33 rue de<br />

l’Écrevisse, milieu 16 e siècle (vers 1545 ?)<br />

façade remontée place Abbé Desnoyers<br />

en 1890, disparue dans les années 1940),<br />

élévation de l’étage de la galerie sur cour.<br />

(Orléans, Archives municipales, Sous-série 1Fi)<br />

(35) Dans la numérotation du 19 e siècle, elle était située au 14 rue Sainte-Catherine. C’est à cette époque<br />

que la maison fut détruite et que sa façade fut déplacée place Abbé-Desnoyers, où elle brûla<br />

en 1940 (ALIX 2002 : t. 2, p. 112-118 ; t. 3, p. 48-49). Certains éléments de son décor sont représentés<br />

en détail sur une planche dans VERDIER, CATTOIS 1855-1857 : t. 2, p. 118-119.<br />

(36) Les trois sablières de chambrée sont engoulées et ornées d’un corps de moulures sculpté : pour<br />

le rez-de-chaussée, d’un chapelet dont le ruban alterne avec deux perles, le tout surmonté d’une<br />

frise d’arceaux ; pour le premier étage, d’un chapelet à ruban et perle unique ; pour le deuxième<br />

étage, d’un ruban torsadé orné de pointes-de-diamant alternant avec des imbrications.<br />

(37) DAGNAS-THOMAS 1998 : t. 1, p. 150-154.<br />

(38) À Orléans, deux types d’oves sont visibles sur l’hôtel brique et pierre de François Brachet, dit de<br />

la Vieille-Intendance (24-28 rue de la Bretonnerie), construit vers 1505-1510 : ils sont de formes<br />

ovoïdes dans des coques tronquées mais séparés par de petites feuilles (sur les culs-de-lampe<br />

des échauguettes), ou à l’inverse, sphériques à l’intérieur de coques non tronquées et séparés par<br />

des dards (sur la corniche des tours d’escalier et des échauguettes). Sur la corniche de la maison<br />

de l’Ours (4 place du Châtelet), les oves sont quant à eux dépourvus de motifs de liaison. Dans<br />

un autre exemple de la ville, la corniche de la maison 24 rue Louis-Roguet (façade rue Étienne-<br />

Dolet) présente des oves à coques tronquées, séparés par des dards, qui sont plus conformes aux<br />

exemples italiens. Pour les maisons en pan-de-bois, de tels oves sphériques et sans dard ornent<br />

par exemple la maison dite de François I er à Aubigny-sur-Nère (Cher), qui pourrait dater de 1519<br />

(TOULIER 1994 : p. 28), ou la maison de la rue de la Porte-Mouton à Gallardon (Eure-et-Loire).<br />

(39) Cette lucarne comporte un poinçon pendant sculpté à son sommet d’un petit pinacle et en pied<br />

d’une tête animale tournée vers le sol. Les planches de rives ornées de torsades à pointes-dediamant<br />

forment un arc brisé à l’intrados ponctué de redents. Elles reposent sur un entrait également<br />

torsadé et engoulé à ses extrémités. Une lucarne quasiment identique couronnait la maison<br />

anciennement 1 rue de la Vieille-Peignerie (ALIX 2008 : p. 32-33).<br />

(40) Cette maison détruite au 19 e siècle est connue par de brèves descriptions et par quelques représentations<br />

(ALIX 2002 : t. 2, p. 152-153). La façade de sa galerie sur cour fut remontée au musée<br />

historique en 1890, avant de disparaître dans les années 1940.<br />

195


196<br />

<strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Le bâti domestique orléanais au 16 e siècle<br />

FIG. 15<br />

Maisons anciennement quartier<br />

du Châtelet, milieu du 16 e siècle ?<br />

(maisons détruites en 1884 ; éléments<br />

disparus)<br />

photographie de poteaux et de potelets<br />

déposés au Musée historique et<br />

archéologique de l’orléanais.<br />

(collection particulière)<br />

supérieur par de petites fenêtres formant un ajourement<br />

continu, à la manière des façades décrites ci-dessus. Les<br />

arcs surbaissés avec oves étaient également présents sur<br />

la sablière de toiture afin d’orner les linteaux des petits<br />

jours. Dans cet exemple, les poteaux n’étaient plus sculptés<br />

de pinacles mais de deux colonnettes superposées à fûts<br />

renflés, cannelés, et à chapiteaux ioniques. La colonnette<br />

inférieure reposait sur un piédestal porté par un culot<br />

en forme de visage. L’ensemble de ce décor indique une<br />

construction du milieu du 16 e siècle (41) et constituerait<br />

donc, avec la maison déjà décrite du 23 rue du Poirier,<br />

un premier exemple d’utilisation de supports d’inspiration<br />

antique dans les pans-de-bois de la ville.<br />

Enfin, d’autres exemples, connus grâce à une photographie<br />

ancienne (FIG. 15), témoignent de la variété du décor du<br />

milieu du 16 e siècle et annoncent l’apparition de motifs<br />

classiques. Il s’agit de plusieurs poteaux et potelets sculptés<br />

déposés devant le musée historique et archéologique de<br />

l’Orléanais, qui proviendraient de maisons du quartier du<br />

Châtelet détruites en 1884 (42) . On y reconnaît plusieurs<br />

pilastres corinthiens, parfois à fûts cannelés, avec chapiteaux<br />

surmontés d’un personnage à l’antique, atlante (putto) ou<br />

cariatide, portant un vase ; des potelets ornés de feuilles<br />

d’acanthe plates et de médaillons ; un pilastre à fût orné<br />

d’un losange renfermant un bouillon de feuillage (43) ; des<br />

colonnes-candélabres posées sur un mascaron, avec vases à<br />

godrons, chapiteaux ioniques ou corinthiens, fûts ornés de<br />

chevrons et d’une palme (44) . Ces supports constitués d’une<br />

superposition d’éléments issus du répertoire « à l’antique »<br />

témoignent toujours de ce goût pour les enchaînements<br />

verticaux.<br />

(41) Cette datation ne paraît pas incompatible avec le millésime de 1545 qui était sculpté sur un blason<br />

ornant la porte d’entrée en pierre de la maison.<br />

(42) Rien ne permet de savoir si ces éléments proviennent de la même habitation ou de plusieurs édi-<br />

fi ces distincts.<br />

(43) Un motif identique, losange avec bouillon de feuillage, existait sur un poteau placé sous une arcade<br />

en anse de panier d’une maison en pierre anciennement 3 rue de la Cerche, où il servait de piédroit<br />

entre la porte d’entrée et la devanture de boutique (remploi ?). Le losange, situé dans une table<br />

rectangulaire couverte de motifs d’imbrications, ornait la tête élargie du poteau et surmontait un<br />

personnage sculpté en pied, peut-être saint Nicolas (photographie : SRI Centre, classeur Orléans<br />

n° 11 ; élément disparu en 1920).<br />

(44) La colonne-candélabre, qui eut un grand succès dans l’architecture en pierre de la Renaissance,<br />

est également présente dans les édifi ces en pan-de-bois normands (LETTERON 2003 : p. 225-<br />

227).


FIG. 16<br />

258 rue de Bourgogne,<br />

façade antérieure,<br />

(entre 1596-1621 [d],<br />

probablement vers 1602)<br />

relevé du décor du<br />

poteau séparant les baies<br />

principales du second étage,<br />

feuilles d’acanthe et rosace<br />

en médaillon.<br />

(relevé et DAO Clément Alix)<br />

Les nouvelles ossatures<br />

et les décors de<br />

la seconde Renaissance<br />

Dans l’architecture en pan-de-bois orléanaise,<br />

les motifs sculptés de la Renaissance<br />

classique se remarquent plus couramment<br />

sur certaines maisons élevées entre le dernier<br />

tiers du 16 e siècle et le premier tiers du<br />

17 e siècle, à la différence des nombreuses<br />

habitations en pierre au décor classique<br />

construites dans la ville dès les années<br />

1540-1560 (45) . Ainsi, vers les années 1560,<br />

époque à laquelle se multiplient ces décors,<br />

les panneaux à croix de Saint-André cessent<br />

d’être employés (exemple daté actuellement<br />

le plus tardif : 35 rue de l’Empereur, maison<br />

sud, 1569 [d]) (FIG. 1). Ils ont été remplacés<br />

progressivement par des parois en pan-de-bois à grille,<br />

mais également par des ossatures dites à losanges qui<br />

apparaissent à cette époque (46) (premier exemple daté :<br />

16 rue de la Poterne, 1566 [d]). Ces nouvelles ossatures<br />

sont associées à une sablière unique (47) et le hourdis est<br />

souvent constitué de briquettes apparentes.<br />

Le pan-de-bois à grille et son décor<br />

Le pan-de-bois à grille, de conception simple, présente<br />

une armature de poteaux d’étages et de fenêtres, de<br />

pièces obliques (décharges ou éperons) au-dessous et au-<br />

dessus desquelles s’assemblent des tournisses. Attesté dès<br />

le 15 e siècle pour des élévations n’ayant aucun caractère<br />

ostentatoire (murs mitoyens, cloisons ou façades sur<br />

cour) ce pan-de-bois est utilisé progressivement en façade<br />

antérieure à partir de la première moitié du 16 e siècle (48) .<br />

Parmi les façades à grille de cette époque, celle du 258<br />

rue de Bourgogne (entre 1596-1621 [d], probablement<br />

vers 1602) présente à chaque étage deux baies principales<br />

séparées par un poteau sculpté en méplat de deux grandes<br />

feuilles d’acanthe plates flanquant une rosace à cinq pétales<br />

en médaillon (FIG. 16). Ce même décor se retrouve sur la<br />

maison 1 rue Saint-Éloi : l’habitation à façades à panneaux<br />

de croix de Saint-André (fin 15 e -début 16 e siècle) est<br />

modifiée probablement autour de 1600 par la construction<br />

d’un nouveau bâtiment en fond de cour relié au précédent<br />

par une galerie et un escalier demi hors-œuvre. Le décor de<br />

grandes feuilles s’étend sur les poteaux de la baie principale<br />

de l’étage et les poteaux latéraux de la façade du bâtiment<br />

postérieur, ainsi que sur les poteaux de fenêtre et le poteau<br />

de fond de la galerie. Pour la cage d’escalier, on le retrouve<br />

sur les piédroits et le linteau de la porte (feuilles encadrant<br />

un médaillon central), sur les aisseliers, sur les potelets<br />

du garde-corps qui alternent avec des balustres à double<br />

poire (49) , tandis que les limons et les mains courantes sont<br />

ornés d’une tresse à oeillets (50) . Autre décor classique, les<br />

(45) ALIX 2002 : t. 1, p. 89 ; MAZUY, ALIX, AUBANTON 2006 : p. 21-29.<br />

(46) À Orléans, les deux seules maisons à parois à losanges antérieures à cet exemple comportent<br />

également des panneaux de croix de Saint-André : maison anciennement 3 place du Marché-àla-<br />

Volaille où les losanges sont cantonnés au comble du pignon (vers 1520-1540 d’après le<br />

décor ; PENSEE 1849 : pl. 57) ; anciennement rue Notre-Dame-de-Recouvrance (milieu du 16 e<br />

siècle ; aquarelle de G. Pracine, 1885, Orléans, Musée historique et archéologique de l’orléanais,<br />

inv. 16530). Comme en Bourgogne, ces ossatures à losanges apparaissent tardivement à Orléans,<br />

alors que dans des villes proches comme Tours elles caractérisent des constructions dites « gothiques<br />

» (15 e et début 16 e siècle) ; inversement, les maisons à panneaux de croix de Saint-André<br />

y sont peu nombreuses (SAINT JEAN VITUS 1992 : p ; 270 ; BONNIN 1980 : p. 63).<br />

(47) Le système traditionnel des doubles sablières connu depuis le 15 e siècle cesse lui aussi progressivement<br />

d’être employé depuis le milieu du 16 e siècle, même si on l’observe sur quelques exemples<br />

tardifs (26 place du Châtelet, 1598 [d]).<br />

(48) Premiers exemples en façade antérieure : 3 rue du Bourdon-Blanc (premier étage, 1510 [d]), hôtel<br />

Toutin, 26 rue Notre-Dame-de-Recouvrance (façade nord, 1535 [d]). Quelques exemples de la<br />

deuxième moitié du 16 e siècle, mais dépourvus de décors sculptés : 40 rue de la Charpenterie<br />

(premier étage), murs gouttereaux du 16 rue de la Poterne, 26 place du Châtelet (1598 [d]).<br />

(49) Il constitue un des exemples les plus anciens de balustres à double poire en bois dont subsistent<br />

de très nombreux exemplaires dans les garde-corps d’escaliers, de coursières ou de galeries des<br />

17 e et 18 e siècles à Orléans.<br />

(50) Remarquons que ce motif de tresses, employé ici très tardivement, est déjà présent dans les habitations<br />

en pierre vers 1505-1510 sur le noyau de l’escalier en vis occidental de l’hôtel de François<br />

Brachet (dit de la Vieille-Intendance, 24-28 rue de la Bretonnerie) et vers 1519 [d] sur certaines<br />

fenêtres de la maison de commerçant 34 rue de la Charpenterie.<br />

197


198<br />

<strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Le bâti domestique orléanais au 16 e siècle<br />

FIG. 17<br />

Maison<br />

anciennement<br />

48 rue des Hôtelleries<br />

(détruite)<br />

relevé en élévation<br />

de la façade<br />

antérieure, fin du<br />

16 e siècle<br />

(vers 1599 ?).<br />

À droite, façade<br />

en pierre de la<br />

maison dite de<br />

Jean Dallibert,<br />

6 place du Châtelet<br />

(vers 1540-1550).<br />

(dessin de L. Vaudoyer dans :<br />

DE BAUDOT, PERRAULT-DABOT<br />

1856 : pl. 89, F, G)<br />

17<br />

18<br />

19<br />

FIG. 18<br />

14 rue Sainte-Catherine<br />

façade antérieure (entre<br />

1621 [d]), ossature à losanges,<br />

décors de feuilles d’acanthe,<br />

sablière unique moulurée et tête<br />

du tirant ornée de stries.<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

FIG. 19<br />

Maison anciennement 10 rue du<br />

Coulon (détruite : fin 16 e siècle ou<br />

début 17 e siècle ?)<br />

galerie sur cour avec termes, aquarelle<br />

d’H. Chouppe, « Maison rue du Coulon 10 »,<br />

10 juillet 1876.<br />

(Orléans, Musée historique et archéologique de<br />

l’orléanais)


sablières moulurées du bâtiment postérieur et de la galerie<br />

présentent un renflement à la manière d’un entablement à<br />

frise bombée. Parmi ces exemples, la maison anciennement<br />

48 rue des Hôtelleries (détruite), se distinguait par l’emploi<br />

d’une paroi en grille à poteaux (et potelets pour le surcroît)<br />

très espacés et systématiquement sculptés de pilastres sur<br />

consoles à volutes, recoupés par l’appui filant des baies<br />

(FIG. 17). Par comparaison aux autres exemples datés par<br />

dendrochronologie, le millésime de 1599 sculpté dans un<br />

écu sur sa façade pourrait bien correspondre à l’année de sa<br />

construction (51) .<br />

Le pan-de-bois à losanges et son décor<br />

Quant aux ossatures dites à losanges, elles se composent<br />

d’un réseau très resserré de décharges, de guettes et d’éperons<br />

assemblés à mi-bois, qui forme un étroit quadrillage de<br />

losanges très décoratif, parfois placé légèrement en retrait<br />

par rapport aux éléments de l’armature principale dans les<br />

exemples les plus anciens (sablières, poteaux de fenêtres ou<br />

de fond : 16 rue de la Poterne, 45 rue de la Charpenterie<br />

vers 1580 [d] (52) ). Sur ces deux dernières maisons, ainsi<br />

que sur celles du 14 rue Sainte-Catherine (1621 [d])<br />

et anciennement 73 rue de la Charpenterie (début du<br />

17 e siècle), les appuis sont filants, les sablières sont<br />

moulurées à l’imitation d’entablement et les réseaux de<br />

losange sont séparés par des poteaux sculptés de pilastres des<br />

différents ordres de l’architecture classique (53) . Aux 73 rue<br />

de la Charpenterie et 14 rue Sainte-Catherine, ces pilastres<br />

s’accompagnaient de consoles à volutes sculptées de feuilles<br />

d’acanthe et de rosaces en médaillons (FIG. 18). À noter, sur<br />

cette dernière maison, les têtes coniques des traditionnels<br />

tirants en fer liant les solives du plafond aux sablières<br />

participent également au décor : des stries convergent vers<br />

le centre à la manière d’un bouton de fleur.<br />

Fenêtres et lucarnes<br />

Suite à l’évolution des formats des menuiseries, les baies<br />

principales aux étages de ces maisons ne possèdent plus de<br />

traverses (qui sont intégrées aux châssis) mais conservent<br />

des meneaux. Au milieu du 16 e siècle, quelques lucarnes<br />

à meneau reprennent les formes des baies géminées<br />

visibles dans l’architecture en pierre classique : le linteau<br />

est échancré de deux petits arcs plein-cintre (295 rue de<br />

Bourgogne ; lucarnes en bois que l’on retrouve sur des<br />

édifices en pierre : 6 place du Cardinal-Touchet, 17 rue<br />

d’Escures avec planches de rive trilobées « gothiques »).<br />

D’autres lucarnes à meneau sont munies d’un poinçon à<br />

clef pendante sculptée dans lequel s’assemblent les planches<br />

de rives formant un arc plein-cintre (19 place de la Bascule,<br />

14 rue Sainte-Catherine, 73 rue de la Charpenterie, 271<br />

rue de Bourgogne 17 e siècle) ou polylobées (258 rue de<br />

Bourgogne).<br />

Autres exemples de décors sculptés<br />

Enfin citons un dernier exemple de décor remarquable, dans<br />

la cour de la maison anciennement 10 rue du Coulon (54)<br />

(détruite, fin du 16 e ou première moitié du 17 e siècle), la<br />

galerie présentait des supports anthropomorphes, cariatides<br />

ou atlantes engainés sur les potelets du garde-corps (FIG. 19), à<br />

la manière des termes dont les modèles se diffusent grâce aux<br />

traités d’architecture du milieu et de la seconde moitié du<br />

16 e siècle (55) . À titre de comparaison, remarquons que<br />

cariatides et atlantes engainés sont utilisés précocement sur<br />

les façades de deux maisons en pierre de riches commerçants,<br />

en particulier pour orner les jours d’imposte de la porte<br />

d’entrée : ils supportent l’entablement à la maison dite de<br />

la Coquille 7 rue de la Pierre-Percée (vers 1543-1544 [d]),<br />

ou reçoivent l’archivolte à la maison dite de Jean Dallibert<br />

(FIG. 17), 6 place du Châtelet (56) (années 1540).<br />

D’autres motifs sculptés de la Renaissance classique sont<br />

conservés aujourd’hui sur quelques élévations : pilastre<br />

à fût cannelé et chapiteau ionique en rez-de-chaussée et<br />

modillons à volutes portant l’appui de la fenêtre d’étage<br />

(51) Façade dessinée par L. Vaudoyer dans DE BAUDOT, PERRAULT-DABOT 1856 : pl. 89, F. Le millésime<br />

est reproduit dans PENSEE 1849 : pl. 60.<br />

(52) MAZUY, ALIX, AUBANTON 2006 : p. 21-24.<br />

(53) 45 rue de la Charpenterie : pilastres doriques au premier étage et corinthiens au second. 14 rue<br />

Sainte-Catherine : pilastres toscans aux fûts couverts de grandes feuilles d’acanthe. 73 rue de la<br />

Charpenterie : pilastres corinthiens cannelés, sablière à renfl ement évoquant une frise bombée,<br />

les deux entretoises servant d’appuis aux jours hauts sont sculptées de godrons ou de rinceaux.<br />

(54) ALIX 2002 : t. 2, p. 170-171. Aquarelle de J.-H. Chouppe, « Maison rue du Coulon 10 », 10 juillet 1876<br />

Orléans, Musée historique et archéologique de l’orléanais, 2626). Aquarelle de J.-L Loyau, « L’intérieur<br />

de la cour rue du Coulon n° 10 », 19 e siècle (ibidem, 2812). Lithographie, « Maison rue du<br />

Coulon d’après une aquarelle de Joyau (vers 1865) », dans MERLIN (E.), Le vieil Orléans, 30 eauxfortes,<br />

1878, pl. 27.<br />

(55) Comme par exemple : les modèles pour cheminées de Sebastiano Serlio, Quarto Libro, 1537 ; certaines<br />

planches du recueil gravé de termes de Jacques I er Androuet Du Cerceau, vers 1550-1560<br />

(Paris, Bibliothèque nationale de France, Cab. Est., Ed. 2 d) ; les modèles d’Hugues Sambin, Œuvre<br />

de la diversité des termes dont on use en architecture, 1572). Dans la construction en pan-de-bois<br />

du Val de Loire, plusieurs exemples de supports anthropomorphes datant du dernier tiers du 16 e<br />

siècle sont également connus sur les façades de maisons d’Angers (LETELLIER, BIGUET 1986 :<br />

p. 42).<br />

199


200<br />

<strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Le bâti domestique orléanais au 16 e siècle<br />

(5 rue du Bourdon-Blanc), pilastre toscan à fût orné d’une<br />

feuille d’acanthe plate et dont le chapiteau porte une console<br />

à volute sculptée de feuilles (52 rue de la Charpenterie,<br />

façade sur cour) ; pilastres toscans à fût cannelé (44 rue<br />

de la Charpenterie : façade sur cour du corps de bâtiment<br />

postérieur) ; renflement présentant un gable en talon<br />

s’assimilant à une console, à volute ou en gaine, placé sous<br />

la tête de poteaux élargis portant une sablière (22 place<br />

du Châtelet, comble de la façade sur cour ; 7 rue du Gros-<br />

Anneau, intérieur de la galerie, 17 e siècle ?), etc.<br />

Dans les maisons en pan-de-bois de la fin du Moyen Âge et<br />

de la Renaissance d’Orléans, l’absence de surplomb limite<br />

le développement de grands programmes iconographiques<br />

visibles dans d’autres centres urbains de la région, où les<br />

sculptures s’adaptent parfaitement à la forme des organes<br />

permettant le débord de la façade (figures sur les consoles<br />

ou les têtes des poteaux élargies, motifs en frise et moulures<br />

profondes des entretoises) (57) . À Orléans, ces décors<br />

sculptés se développent uniquement sur les éléments<br />

portant le débord des grandes lucarnes qui viennent pallier<br />

l’absence de véritables pignons sur rue. Même si on observe<br />

une certaine constante dans l’agencement des élévations<br />

due à l’utilisation répétitive des panneaux de croix de<br />

Saint-André, les charpentiers ont parfois su tirer parti<br />

du caractère « standardisé » de la construction pour créer<br />

une variété de programmes décoratifs grâce notamment<br />

aux diverses possibilités de percement des baies. Cette<br />

architecture en pan-de-bois offrait une alternative à la<br />

construction courante de maisons en maçonnerie de petits<br />

moellons (calcaire de Beauce), tout en présentant un aspect<br />

ornemental grâce aux pièces de bois de l’ossature. Le décor<br />

sculpté est également un moyen efficace de mettre en valeur<br />

la façade, notamment pour les fenêtres principales, même<br />

s’il reste un luxe que seuls les bourgeois, commerçants<br />

ou artisans aisés, pouvaient s’offrir. À l’échelle du corpus<br />

orléanais, l’introduction des formes classiques et l’adoption<br />

de la superposition des ordres, qui est relativement tardive<br />

au regard des habitations en pierre, semblent être restées<br />

limitées aux demeures les plus cossues. !<br />

(56) Quelques années après ces deux exemples, des termes seront également employés pour orner de<br />

manière monumentale les portes d’entrée de l’hôtel brique et pierre 3 place de l’Étape, construit<br />

vers 1549-1553 pour Jacques Groslot, bailli d’Orléans, conseiller au Grand Conseil et chancelier du<br />

duc d’Alençon.<br />

(57) Certains de ces décors présentent un développement particulièrement important, par exemple :<br />

maison des Acrobates à Blois (41), maison de la Reine Blanche à Bourges (18), maison 2 rue du<br />

Change à Tours (37), maison du Saumon à Chartres (28), maison d’Adam à Angers (49), maison<br />

18 place du Pilori à Joigny (89), etc. Sur les signifi cations de certains de ces décors : Journot à<br />

paraître. Au-delà de ces programmes, la structure même des encorbellements présente un intérêt<br />

purement décoratif et ostentatoire comme cela a été observé par exemple sur certains manoirs<br />

du Pays d’Auge (LESCROART 1995 : p. 199).


LES ESPACES RELIGIEUX<br />

DE LA VILLE<br />

L’architecture religieuse<br />

de la Renaissance à Orléans<br />

N DÉPIT DES DESTRUCTIONS LIÉES AUX GUERRES DE RELIGION OU AUX BOMBARDEMENTS DE 1940,<br />

Orléans conserve des églises embellies, agrandies ou édifiées ex nihilo au 16 e siècle, lesquelles<br />

font écho aux nombreuses réalisations de l’architecture domestique, tant de la première que<br />

de la seconde Renaissance.<br />

« Avec la renaissance s’arrêtent les développements de l’architecture religieuse<br />

en France. Elle se traîne pendant le 16 e siècle indécise, conservant et repoussant<br />

tour à tour ses traditions, n’ayant ni le courage de rompre avec les formes et le<br />

système de construction des siècles précédents, ni le moyen de les conserver…<br />

L’architecture civile prend un nouvel essor pendant toute la durée du 16 e<br />

siècle et produit seule des œuvres vraiment originales » (1) .<br />

Le jugement sévère d’Eugène Viollet-le-Duc témoigne du<br />

discrédit dont ont longtemps souffert les édifices religieux<br />

élevés au 16 e siècle. Associant structures gothiques et<br />

architectures « à l’antique », ces monuments témoignent<br />

pourtant de la diffusion et de l’adoption progressive de la<br />

nouvelle syntaxe architecturale.<br />

Du gothique flamboyant…<br />

Dans la seconde moitié du 15 e siècle, la guerre de<br />

Cent Ans (1337-1453) achevée, Orléans connut une<br />

poussée démographique (2) qui entraîna une vague de<br />

reconstructions civiles et religieuses. Ainsi, les églises des<br />

faubourgs, volontairement détruites par la population<br />

afin qu’elles ne puissent servir de lieux de retranchement<br />

aux assaillants anglais, furent réédifiées telle la collégiale<br />

Saint-Aignan dès la fin des années 1430 (3) . Les vestiges<br />

de l’église Saint-Paul ou de l’église Saint-Euverte, la<br />

façade remontée - dans les jardins de l’hôtel Groslot - de<br />

l’église Saint-Jacques témoignent, entre autres, de ce fort<br />

élan de reconstruction. Ces édifices, qui ne font encore<br />

(1) VIOLLET -LE-DUC 1863 : t. I, p. 240.<br />

2 Empreinte<br />

urbaine<br />

(2) Pour des précisions sur la démographie en France des 15 e et 16 e siècles, voir DUPAQUIER 1988.<br />

(3) La nouvelle collégiale n’est dédiée qu’en 1509, MARTIN, RAPIN 2001 : p. 85 et 99.<br />

Julien Noblet,<br />

docteur en Histoire<br />

de l’Art (Univ. de<br />

Paris IV-Sorbonne),<br />

Centre André Chastel<br />

201


202 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les espaces religieux de la ville<br />

1<br />

FIG. 1<br />

Saint-Pierre-du-Martroi<br />

détail du couronnement<br />

de la porte septentrionale.<br />

(photo Julien Noblet)<br />

FIG. 2<br />

Notre-Dame-de-<br />

Recouvrance<br />

vue générale de<br />

l’intérieur vers l’est<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

2


aucune concession au nouveau style, appartiennent au<br />

gothique flamboyant qui se caractérise par une profusion<br />

ornementale, une recherche des effets de continuité et de<br />

fluidité des lignes architecturales. Ainsi, la façade de l’église<br />

Saint-Jacques comporte deux arcades brisées très élancées,<br />

que soulignaient jadis des gâbles. Les ébrasements, animés<br />

de multiples voussures ornées de redents trilobés, abritent<br />

un profus décor sculpté (choux frisés, feuilles de vigne,<br />

animaux…) auquel se mêlent des éléments architecturés<br />

comme les niches, au couronnement très développé en<br />

hauteur, qui s’imbriquent aux nervures. Entre chaque<br />

ouverture, d’autres niches, encadrées de pinacles et<br />

surmontées d’un remplage aveugle, illustrent cette horreur<br />

du vide, la volonté de couvrir de motifs l’ensemble de la<br />

façade.<br />

À l’architecture de la première<br />

Renaissance<br />

En raison de la multiplication des chantiers à cette période,<br />

l’activité architecturale du 16 e siècle présente une moindre<br />

intensité, mais non un moindre intérêt.<br />

À l’église Saint-Pierre-du-Martroi, commencée durant la<br />

dernière décennie du 15 e siècle, s’observent des intrusions<br />

du nouveau vocabulaire datant des années 1520, époque à<br />

laquelle fut posé le voûtement. Le maître maçon responsable<br />

de cette opération, Jehan Lemerle, introduit, pour recevoir<br />

les voûtes d’ogives, des culots sculptés (4) . Destinés à<br />

porter les ogives, ces éléments créent une articulation qui<br />

s’oppose à la recherche de continuité gothique. Ainsi, les<br />

nervures ne sont plus ininterrompues du sol aux clefs de<br />

voûte. Quant à l’ornementation du culot, elle joue sur<br />

la superposition de plusieurs moulures, à la modénature<br />

atténuée, qui crée des ressauts successifs afin d’offrir une<br />

assise suffisante, démontrant ainsi l’inventivité des maîtres<br />

d’œuvre dans l’utilisation et l’adaptation de la nouvelle<br />

syntaxe architecturale à la réception du mode de voûtement<br />

gothique.<br />

Au-dessus du portail latéral rue d’Escures subsiste en partie<br />

haute le décor de l’ancienne porte : flanquée des armes<br />

de généreux bienfaiteurs, une niche, qui se substitue au<br />

traditionnel fleuron gothique, souligne l’adhésion des<br />

commanditaires comme du maître maçon au vocabulaire<br />

italianisant (FIG. 1). Ce couronnement, reproduction<br />

miniature d’un tempietto reposant sur un édicule porté<br />

par une coquille, donne une touche antiquisante au portail<br />

tout en insufflant un élan vertical à la construction (5) ,<br />

preuve que si le vocabulaire change, le goût pour les effets<br />

gothiques reste présent.<br />

Un édifice construit ex nihilo :<br />

Notre-Dame-de-Recouvrance<br />

La fin du 15 e siècle, en raison de la poussée démographique,<br />

vit la construction d’une nouvelle accrue à l’ouest de la<br />

ville progressivement englobée par la quatrième enceinte (6) .<br />

Désormais sans raison d’être, les anciennes fortifications,<br />

montant de la Loire, furent progressivement démantelées :<br />

en 1514, contre ces murailles, fut lancée, pour remplacer<br />

une ancienne chapelle (7) , la construction de l’église<br />

Notre-Dame-de-Recouvrance, annexe de la paroisse<br />

Saint-Laurent. Dédiée par l’évêque orléanais Germain<br />

de Ganay en 1519 (8) , l’église n’était pas encore achevée à<br />

cette date. Victime de la fièvre destructrice huguenote, elle<br />

fut vandalisée en 1562 et 1567 puis restaurée avant d’être<br />

rendue au culte en 1594 (9) ; le monument connut une<br />

seconde vague de restaurations dans les années 1860.<br />

De plan presque rectangulaire (10) , l’église présente un<br />

chevet plat précédé d’une nef flanquée de collatéraux entre<br />

les contreforts desquels ont été élevées des chapelles. Voûté<br />

d’ogives (refaites en pierre au 17 e siècle dans les collatéraux<br />

et au 19 e siècle en plâtre dans le vaisseau principal),<br />

l’édifice était originellement contrebuté à l’extérieur par<br />

des arcs-boutants qui prenaient appui sur des culées et<br />

dont subsistent les traces d’arrachement au sommet des<br />

murs gouttereaux. Au sud-ouest s’élève un clocher, massive<br />

construction surmontée d’un beffroi.<br />

À l’intérieur, l’édifice est divisé en sept travées d’égales<br />

dimensions, à l’exception de la quatrième, plus large,<br />

matérialisant discrètement à mi-distance l’idée d’un<br />

transept. De grandes arcades, délimitées par des piliers<br />

ondulés, ouvrent sur les bas-côtés, qui eux-mêmes<br />

communiquent avec les chapelles. Chaque vaisseau est<br />

baigné d’une lumière directe, éclairage que complètent les<br />

(4) De tels culots reçoivent une voûte au rez-de-chaussée des vestiges de l’église Saint-Marceau.<br />

(5) Faisant écho aux pinacles, très effi lés, rythmant également le pourtour de l’édifi ce.<br />

(6) Au sujet de la quatrième enceinte et de l’urbanisation de ce quartier, voir infra, La dernière enceinte<br />

d’Orléans et le développement de l’habitat dans les nouveaux quartiers d’Orléans, par C. ALIX.<br />

(7) CHENESSEAU 1930 : p. 112.<br />

(8) BUZONNIERE 1849 : p. 365.<br />

(9) GAILLARD et DEBAL 1987 : p. 17.<br />

(10) Le mur nord de l’édifi ce présente une obliquité tandis qu’au sud, l’implantation du clocher a empêché<br />

la réalisation, comme au nord, d’une chapelle latérale.<br />

203


204 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les espaces religieux de la ville<br />

3 4<br />

grandes baies ajourant le mur oriental (FIG. 2). Certaines<br />

caractéristiques architecturales, telles la fluidité des lignes,<br />

l’importance de la surface murale ou le dessin simplifié<br />

des réseaux de baies, se retrouvent dans des constructions<br />

orléanaises, comme Saint-Aignan, ou à Notre-Dame de<br />

Cléry. Ainsi, Notre-Dame-de-Recouvrance, par certains<br />

aspects, appartient toujours à l’esthétique du gothique<br />

flamboyant, en témoignent par exemple les bases<br />

prismatiques d’où s’élancent les nervures, ou le voûtement<br />

traditionnel à voûte d’ogives des chapelles latérales.<br />

Cependant, la multiplication des liernes permet de dessiner<br />

des losanges et d’évoquer, par le biais des recoupements,<br />

les voûtes à caissons d’Italie (FIG. 3). Ce procédé offre<br />

également la possibilité de disposer des clefs pendantes,<br />

parfois véritables réductions d’éléments architecturés, pour<br />

souligner chaque intersection. Si la voûte d’ogives perdure,<br />

les maîtres maçon ressentent néanmoins la nécessité de<br />

recourir au nouveau répertoire de profils. Cela se retrouve<br />

avec les grandes arcades dont l’arc adopte, comme celui des<br />

FIG. 3<br />

Notre-Dame-de-Recouvrance<br />

voûte d’une chapelle du<br />

collatéral sud<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

FIG. 4<br />

Notre-Dame-de-Recouvrance<br />

portail latéral nord<br />

(photo Laurent Mazuy)<br />

chapelles, un tracé plein-cintre : la modénature, en dépit<br />

de certains effets de pénétration, alterne moulures plates<br />

et rondes et présente ainsi un aspect atténué, différent des<br />

profils acérés gothiques. De même, l’intrusion d’impostes<br />

au sommet des meneaux atteste la volonté d’articuler les<br />

remplages des baies et de renoncer à la continuité des<br />

lignes.<br />

En dépit d’une homogénéité certaine, Notre-Damede-Recouvrance<br />

a fait l’objet de plusieurs phases de<br />

construction. Ainsi, le clocher, sur lequel s’appuient les<br />

arcades de la nef est-il antérieur à cette dernière. Par ailleurs,<br />

son portail comporte un encadrement flamboyant : une<br />

succession de pinacles, desquels naît une accolade sommée<br />

d’un fleuron et à l’extrados orné de choux frisés, encadre<br />

une porte surmontée d’une baie, regroupée dans une<br />

voussure unique. Cette composition, au fort élan vertical,<br />

contraste avec les tracés plein-cintre des arcs intérieurs<br />

et plus encore du portail nord, véritable manifeste de la<br />

seconde Renaissance (FIG. 4).


Le passage de<br />

la première Renaissance à<br />

la Renaissance classique<br />

à travers l’exemple des portails<br />

À proximité immédiate de la cathédrale, le grand<br />

Cimetière, vaste quadrilatère (d’environ 105 m x 75 m),<br />

possédait sur chacun de ces côtés une galerie couverte<br />

dont la construction s’est étalée de 1492 au milieu du<br />

16 e siècle (11) . De grandes arcades, aux piliers reposant sur<br />

des bases prismatiques, étaient destinées à recevoir un<br />

voûtement d’ogives complété d’une lierne couvert d’une<br />

charpente (12) . En dépit des destructions et des modifications<br />

apportées au 19 e siècle, l’ancienne porte d’entrée sud-ouest<br />

(déplacée) constitue le principal morceau d’architecture de<br />

la première Renaissance encore conservé (13) . Des pilastres,<br />

couronnés de niches, portent un entablement surmonté<br />

d’un fronton (14) et abrite la porte en arc plein-cintre<br />

(FIG. 5). Il s’agit d’une composition édiculaire (15) multipliant<br />

les emprunts au répertoire « à l’antique ». Rares sont les<br />

champs décoratifs laissés nus à l’exception de la frise. Les<br />

moulures de l’arc comme le fût des pilastres sont recouverts<br />

de motifs italianisants : palmettes, rinceaux, tresses à<br />

œillet, candélabres, chutes d’ornements… Toutefois, le<br />

maître d’œuvre responsable de cette composition combine<br />

les éléments du nouveau répertoire à ses habitudes<br />

constructives et ornementales. Ainsi, les niches, en saillie,<br />

animent les pilastres qui se prolongent par un ressaut dans<br />

la frise et la corniche, elles-mêmes recoupées au centre. On<br />

a donc une compartimentation de l’entablement, preuve de<br />

la volonté de souligner les lignes ascendantes au détriment<br />

des horizontales. Son choix illustre cette « assimilation<br />

créatrice » (16) qui résulte de l’originale hybridation entre un<br />

savoir-faire gothique et un vocabulaire importé d’outremonts<br />

et permet de situer la réalisation de la porte dans les<br />

années 1530 (17) .<br />

La façade sud de la Salle Saint-Lazare de l’ancien hôtel-<br />

Dieu (détruit sous la Monarchie de Juillet), comportait un<br />

portail datant de la fin des années 1530 (18) , aujourd’hui en<br />

partie remonté dans la cour de l’Hôtel des Créneaux. Deux<br />

pilastres au chapiteau corinthien portaient un entablement<br />

délimité latéralement par des ressauts (FIG. 6 ET 7). Le décor,<br />

moins recouvrant qu’au Grand Cimetière, se concentrait<br />

principalement sur la frise, ornée au centre de putti<br />

porteurs de guirlandes enserrant un écu (19) , tandis que des<br />

(11) JARRY E. 1912 : p. 300-301 et JARRY E. 1915.<br />

(12) Un contrat du 4 août 1526 mentionne la charpenterie à poser sur l’une des « galleries neufves »,<br />

ALIX 2002 : t. II, annexe XXIV, p. 46-47.<br />

(13) La galerie orientale comporte, par exemple, une niche à coquille.<br />

(14) La porte a fait l’objet de restaurations, notamment ses parties hautes. Si, comme le confi rme l’iconographie<br />

ancienne (lithographie de Charles Pensée), un fronton sommait la porte, soit celui-ci<br />

était nu, soit il portait un décor qui fut remplacé - à cause des destructions protestantes ? - au 17 e<br />

siècle et que l’on observe encore aujourd’hui.<br />

(15) Adaptée à une façade d’église, ce type de composition édiculaire se retrouve pour la première fois<br />

en France à l’église Saint-Symphorien de Tours construite entre 1526 et 1531 (BAS, GUIGNARD<br />

1909 : p. 330).<br />

(16) Cette expression est empruntée à Jean Guillaume (GUILLAUME 1983).<br />

(17) Certains auteurs, suivant Vergnaud-Romagnési, attribuaient cet ouvrage à Charles Viart, alias<br />

Pierre Biart, affi rmation sans fondement, LESUEUR 1926 : notamment p. 323-327.<br />

(18) BOUVIER 1914 : p. 121 et suivantes.<br />

FIG. 5<br />

Grand<br />

Cimetière<br />

ancienne<br />

porte d’entrée<br />

sud-ouest.<br />

(photo Laurent<br />

Mazuy)<br />

(19) Deux autres écus sont présents sur la frise sans qu’il soit possible de bien préciser, d’après la<br />

lithographie, la nature exacte de ces fi gures zoomorphes.<br />

205


206 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les espaces religieux de la ville<br />

6<br />

8<br />

FIG. 8<br />

Hôtel-Dieu Saint-Lazare<br />

ancien portail occidental<br />

remonté dans la cour du<br />

musée archéologique.<br />

(photo Julien Noblet)<br />

motifs losangés sont présents sur les piédroits et l’arc de la<br />

porte, à la clef décorée d’une console à volute. Enfin des<br />

niches, très étirées en hauteur, présentes sur les contreforts<br />

enserrant le portail et au centre de la façade, dessinaient un<br />

couronnement pyramidal.<br />

Un autre vestige de l’Hôtel-Dieu est conservé dans la<br />

cour du Musée Archéologique et Historique de la ville<br />

d’Orléans. Il s’agit de l’ancien portail venu jadis orner la<br />

façade occidentale (FIG. 8). Ici, le maître d’œuvre recourt à<br />

une composition édiculaire : deux colonnes adossées à des<br />

pilastres supportent un entablement, délimités latéralement<br />

par des ressauts, sommé d’un fronton. L’ornementation<br />

abondante occupe les moulures et les écoinçons de l’arc pleincintre<br />

(20) ; des chutes d’ornements décorent même le fût des<br />

pilastres pourtant cachés par les colonnes ! À cette horreur du<br />

vide, à l’accentuation des lignes verticales s’ajoutent des jeux<br />

d’imbrication entre le fût rond de la colonne et celui traité en<br />

table rentrante du pilastre, ou entre les deux couronnements<br />

des supports. Ces indices, qui attestent la « persistance des<br />

habitudes d’esprit et de mains » (21) , renseignent quant à la<br />

probable antériorité de ce portail (vers 1530) par rapport à<br />

celui édifié sur la façade sud.<br />

Le portail de l’ancienne église Saint-Éloi (détruite en 1849),<br />

connu par une lithographie de Charles Pensée (FIG. 9),<br />

présente certaines ressemblances avec l’exemple précédent.<br />

La composition évoquait un arc de triomphe antique :<br />

des colonnes, placées au-devant de pilastres, supportaient<br />

un entablement. À l’intérieur de cet encadrement<br />

monumental, un arc plein-cintre, puis une porte en arc<br />

surbaissé s’ouvraient, multipliant ainsi les ressauts latéraux.<br />

De nouveau, l’ensemble du vocabulaire s’inspirait de l’art<br />

d’outre-monts : caissons « à l’antique » de l’intrados de l’arc,<br />

candélabres, rinceaux… auxquels s’associaient des dais en<br />

forme de « temples » superposés, preuves de la persistance<br />

du goût pour les éléments de la première Renaissance.<br />

FIG. 6 ET 7<br />

Hôtel-Dieu<br />

Saint-Lazare<br />

lithographies de<br />

C. Pensée<br />

« Façade<br />

méridionale de<br />

l’ancien Hôtel-<br />

Dieu »,<br />

vue générale et<br />

détail du portail.<br />

(Histoire architecturale<br />

d’Orléans, 1843 - MHAO<br />

inv. 998.47.1)<br />

(20) Comme au cloître Saint-Martin de Tours, les médaillons des écoinçons sont ornés de scènes fi gurées,<br />

probablement inspirés de plaquettes.<br />

(21) ZERNER 1996 : p. 35.<br />

7


L’accès latéral nord de l’église Notre-Dame-de-<br />

Recouvrance, à l’inverse des trois portails précédents,<br />

illustre pour la première fois la volonté du maître<br />

d’œuvre d’appliquer à l’ensemble de la façade, et non<br />

au seul encadrement de la porte, le système des ordres<br />

d’architecture (FIG. 4). Ainsi, cette composition, délimitée<br />

par deux puissants contreforts - sur lesquels se greffent des<br />

niches à édicule - et un entablement très saillant, superpose<br />

colonnes corinthiennes, pilastres ioniques et colonnes<br />

adossées composites : l’enchaînement des ordres n’est donc<br />

pas canonique. Selon les règles de l’architecture, dont la<br />

connaissance et la diffusion ne cessent de s’amplifier en<br />

France à partir des années 1530 (22) , l’ordre ionique aurait<br />

dû occuper le registre inférieur. Ce dernier comporte de<br />

part et d’autre de l’accès deux colonnes jumelées juchées<br />

sur de hauts piédestaux et portant un entablement à<br />

la frise laissée lisse (23) . L’ouverture, en arc plein-cintre<br />

repose, par l’intermédiaire d’impostes, sur des colonnes<br />

corinthiennes créant un jeu entre ordre mineur et ordre<br />

majeur des supports. La présence des ornements est plus<br />

discrète : des palmettes recouvrent la bande de l’arc, des<br />

têtes de chérubins émergeant d’une rosace ornent les<br />

écoinçons (motif que l’on retrouve à la porte du Cimetière<br />

de Boiscommun, Loiret). Pour le registre intermédiaire,<br />

les pilastres - sur les fûts desquels sont placés des motifs<br />

losangés, réminiscences de la première Renaissance - assez<br />

trapus, sont mal proportionnés par rapport à la hauteur<br />

de l’entablement qui les surmonte (24) . Par ailleurs, cette<br />

construction délimite une zone très étirée en largeur,<br />

aujourd’hui vide mais peut-être initialement destinée<br />

à recevoir des sculptures. Quant au troisième niveau, il<br />

s’organise autour de la baie mise en valeur par la paire<br />

de colonnes composites dont le fût, comme au registre<br />

inférieur, est cannelé et même rudenté dans sa partie<br />

basse.<br />

L’analyse de ce portail, édifié dans les années 1540, laisse à<br />

penser que le maître d’œuvre disposait vraisemblablement<br />

d’un modèle pour le premier niveau, alors qu’il a dû<br />

faire preuve d’inventivité pour les registres suivants.<br />

Soucieux d’utiliser la nouvelle syntaxe architecturale, il<br />

a décidé d’employer les ordres d’architecture. En dépit<br />

des maladresses recensées, inhérentes au fait qu’il s’agit<br />

de la première tentative orléanaise pour adapter à une<br />

façade d’église le système des ordres, cet exemple atteste la<br />

diffusion des traités d’architecture, qui permet désormais<br />

de construire des œuvres qui proposent une mise en place<br />

de plus en plus correcte de la syntaxe « à l’antique ».<br />

Ainsi, à la différence de la première moitié du 16 e siècle<br />

où la bonne utilisation du répertoire d’outre-monts ne<br />

dépendait que du degré d’assimilation par les architectes<br />

et les sculpteurs des nouvelles règles, la circulation de<br />

planches extraites de traités d’architecture, puis la diffusion<br />

des traités vont permettre, à partir des années 1540, la<br />

réalisation d’œuvres de plus en plus conformes aux modèles<br />

italiens tant dans l’architecture religieuse que civile. !<br />

FIG. 9<br />

Saint-Éloi :<br />

« Plan et vue du<br />

portail de l’église<br />

Saint-Eloi »<br />

lithographie de<br />

C. Pensée.<br />

(Histoire architecturale<br />

d’Orléans, 1843 -<br />

MHAO, inv. 998.47.1)<br />

(22) Le premier grand théoricien de l’architecture de la Renaissance au 15 e siècle est L. B. Alberti<br />

(1404-1472) qui écrit le De re aedifi catoria (édition posthume en 1486) : dépourvu d’illustration,<br />

cet ouvrage ne peut directement servir de modèles aux architectes. Ensuite, des humanistes vont<br />

éditer dès la fi n du 15 e siècle le traité de Vitruve, qui n’est toujours pas illustré. Le peintre Fra<br />

Giocondo est le premier à exécuter en 1511 des fi gures destinées à accompagner le discours vitruvien.<br />

Il revient à Cesariano d’avoir commenté et traduit Vitruve en italien en 1521 : certains exemplaires<br />

de son ouvrage ont dû circuler en France. Témoignant de la diffusion de la connaissance<br />

architecturale, l’ouvrage de Diego de Sagredo, Medidas del Romano, décrivant assez précisément<br />

les ordres d’architecture, est publié en 1526 à Tolède avant d’être traduit en français à Paris la<br />

décennie suivante. Quant à la diffusion du Livre IV de Serlio, elle est attestée peu après 1540. Sur<br />

l’infl uence de cet auteur en France, GLOTON 1988.<br />

(23) Sur laquelle se lit l’inscription : L’EGLISE DE NOSTRE DAME DE RECOUVRÃCE.<br />

(24) À la collégiale d’Oiron (Deux-Sèvres), si la superposition des ordres est correcte, on retrouve le manque<br />

de proportions entre chaque niveau. Datée des années 1538-1542, cette tentative de maniement<br />

des ordres pour organiser l’ensemble d’une façade précède les premières expériences parisiennes.<br />

207


208 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les espaces religieux de la ville<br />

L’origine et la topographie<br />

du quartier autour de la cathédrale<br />

au 16 e siècle<br />

E QUARTIER AUTOUR DE LA CATHÉDRALE EST PROBABLEMENT VOUÉ, DEPUIS LA<br />

construction de l’enceinte du Bas-Empire, à la représentation et à l’administration<br />

de l’évêque. Régulièrement en chantier, cet espace prend sa forme et sa distribution<br />

au cours de la Renaissance Carolingienne pour ne changer en profondeur qu’à la<br />

Révolution française.<br />

C’est à la période carolingienne que prend forme le quartier<br />

situé autour de la cathédrale, dans l’angle nord-est de<br />

l’enceinte du 4 e siècle. Une importante réforme religieuse (1)<br />

impose, en effet, aux chanoines de vivre en communauté<br />

autour de l’évêque dans un espace voisin de la cathédrale et<br />

entouré d’un mur, le quartier canonial.<br />

L’application de cette réforme donne lieu à la mise en place<br />

d’un véritable « plan d’urbanisme » qui, dans ses principes<br />

structurants, restera pérenne jusqu’à la Révolution<br />

française (2) . L’espace clôturé rectangulaire (appuyé contre<br />

le rempart au nord et à l’est) est distribué en deux secteurs<br />

aux usages complémentaires (FIG. 1).<br />

À l’est, les bâtiments domestiques et administratifs sont<br />

construits (dortoirs, réfectoires…).<br />

À l’ouest, une nouvelle parure monumentale religieuse est<br />

édifiée en accompagnement de la cathédrale. Elle illustre la<br />

volonté d’appliquer un ensemble de règles et de préceptes :<br />

hors les murs de la cité, la capella funéraire Saint-Michel-del’Étape<br />

(fin du 8 e siècle), intra-muros et contre le rempart,<br />

l’hôtel-Dieu (9 e -10 e siècle ?), enfin au sud, après un vaste<br />

parvis et dans l’angle du cloître, Saint-Pierre-Lentin (fin du<br />

8 e siècle). L’ensemble monumental s’aligne le long de l’axe<br />

de l’unique porte nord de la ville (porte Parisie).<br />

La cathédrale Sainte-Croix attestée à cet emplacement dès<br />

le 7 e siècle devient, blottie contre le rempart, le point de<br />

centre de cette répartition.<br />

Bien vite, l’espace du quartier canonial, à l’origine<br />

relativement aéré, se densifie. En effet, au cours du Moyen<br />

Âge, les règles de vie commune s’assouplissent peu à peu et<br />

l’administration de l’évêque s’éclate dans de nombreuses<br />

maisons individuelles.<br />

Enfin, la construction de plusieurs églises est entreprise à<br />

proximité de l’enceinte religieuse et hors de cette dernière :<br />

Saint-Étienne au sud-est (mentionnée dès le 10 e siècle),<br />

Sainte-Colombe au sud (mentionnée en 1028).<br />

(1) À savoir la réforme de Chrodegang, évêque de Metz, fi n 8 e siècle.<br />

(2) MAZUY 2005 : en particulier D. Josset et L. Mazuy, « La topographie religieuse », p. 26-34<br />

Laurent Mazuy,<br />

Médiateur du<br />

patrimoine (Orléans)


3<br />

4<br />

2<br />

1<br />

7<br />

La construction de la cathédrale gothique, débutée en<br />

1287, est l’occasion d’importants terrassements qui élèvent<br />

le niveau de circulation du quartier de plusieurs mètres.<br />

Les rez-de-chaussée des vastes bâtiments romans situés à<br />

l’est, 14/16 (en fond de cour) et 26 rue Saint-Étienne, se<br />

retrouvent ainsi enterrés (3) . De nouvelles constructions<br />

émergent, les caves du chapitre par exemple. D’autres<br />

complètent des dispositifs déjà existants.<br />

Le quartier canonial, toujours clos par un mur, s’ouvre sur<br />

la ville comme en témoigne la transformation de Saint-<br />

Pierre-Lentin ou de la capella funéraire en église paroissiale<br />

au 13 e siècle (FIG. 2).<br />

Après la guerre de Cent Ans et les profonds désagréments<br />

liés aux préparatifs du siège de 1428-1429 (la destruction du<br />

bâti hors les murs), la ville s’agrandit sous Louis XI à l’est et<br />

sous Louis XII au nord et à l’ouest. D’importants espaces,<br />

naguère hors les murs, peuvent être à nouveau annexés par<br />

le pouvoir religieux, le quartier franchit les anciens murs de<br />

la ville et bientôt jouxtera l’ancien faubourg de la rue de la<br />

Bretonnerie.<br />

Le 16 e siècle est de ce point de vue un chantier permanent,<br />

témoin de la richesse de la ville et d’une ferveur religieuse<br />

constante. Le grand Cimetière (situé au nord de l’ancienne<br />

6<br />

5<br />

FIG.1<br />

Vue aérienne du quartier canonial de la cathédrale Sainte-Croix<br />

(photo IGN - conception Laurent Mazuy)<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

6<br />

7<br />

Rempart de ville du 4 e au 15 e siècle<br />

Axe traversant nord-sud et est-ouest<br />

Mur du quartier canonial<br />

Quartier canonial<br />

Cathédrale Sainte-Croix, 7 e siècle<br />

Saint-Pierre-Lentin, fin du 8 e siècle<br />

Saint-Michel-de-l'Etape, fin du 8 e siècle<br />

Hôtel-Dieu, 9 e -10 e siècle ?<br />

Saint-Etienne, 10 e siècle<br />

Sainte-Colombe, 11 e siècle<br />

Grand Cimetière, 12 e siècle<br />

enceinte depuis le 12 e siècle) est clos par des arcades<br />

monumentales, l’église Saint-Michel-de-l’Étape et l’hôtel-<br />

Dieu sont rebâtis. Interrompue durant la guerre de Cent<br />

Ans, la construction de la cathédrale reprend et tout<br />

autour, le long du rempart médiéval et dans l’est du cloître,<br />

de nouvelles maisons sont édifiées. De ces dernières peu<br />

d’exemples nous sont parvenus. Au 22 rue Saint-Étienne,<br />

une maison de chanoine témoigne encore de l’opulence du<br />

quartier et de la nouvelle esthétique en vogue au cours du<br />

règne de François I er : ordonnancement et mise en travée<br />

des croisées flanquées de pilastres à losanges surmontés de<br />

chapiteaux à crosse.<br />

Les guerres de religion entraînent la destruction de<br />

nombreuses églises. Le quartier n’est pas épargné, en 1562<br />

puis en 1567, les protestants saccagent puis détruisent<br />

en partie la parure monumentale et moult constructions<br />

particulières et administratives. À nouveau, la reconstruction<br />

de l’ensemble est projetée et un autre chantier commence,<br />

conduit par les usages du moment et la maille ancestrale. !<br />

(3) AUBANTON, MAZUY 2006 : p. 5-30<br />

209


210 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les espaces religieux de la ville<br />

29<br />

2<br />

20<br />

21<br />

Liste des paroisses d’Orléans d’après le plan Fleury 1640 :<br />

Cette liste est issue de l’ouvrage Orléans une ville une histoire (DEBAL 1998 : p. 21, t. 2).<br />

1 - Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle<br />

2 - Notre-Dame-de-Recouvrance<br />

3 - Notre-Dame-du-Chemin ou Chapelle Saint-Aignan<br />

4 - Saint-Aignan<br />

5 - Saint-Avit alias Saint-Georges<br />

6 - Saint-Benoît-du-Retour<br />

7 - Saint-Catherine<br />

8 - Saint-Colombe<br />

9 - Saint-Donatien<br />

10 - Saint-Éloi alias Saint-Maurice<br />

11 - Saint-Étienne<br />

12 - Saint-Euverte<br />

13 - Saint-Flou alias Notre-Dame-de-la-Conception<br />

14 - Saint-Germain<br />

15 - Saint-Hilaire<br />

26<br />

23<br />

18<br />

19<br />

17<br />

7<br />

10 24<br />

8 11<br />

22<br />

1 16<br />

15<br />

9<br />

14<br />

6 25<br />

13<br />

5<br />

16 - Saint-Liphard<br />

17 - Saint-Maclou<br />

28<br />

27<br />

18 - Saint-Mesmin-de-l’Alleu<br />

19 - Saint-Michel-de-l’Étape<br />

FIG.2<br />

20 - Saint-Paterne ou Saint-Pouair<br />

Délimitation des paroisses<br />

de la ville d’Orléans<br />

(d’après le plan Fleury 1640)<br />

L’église Réformée apparaît en 1557<br />

(conception Laurent Mazuy - DAO Sébastien Pons)<br />

4<br />

12<br />

21 - Saint-Paul et Notre-Dame-des-Miracles<br />

22 - Saint-Pierre-Empont ou en-Pont<br />

23 - Saint-Pierre-Ensentelée alias Saint-Pierre-du-Martroi<br />

24 - Saint-Pierre-Lentin<br />

25 - Saint-Pierre-le-Puellier<br />

26 - Saint-Sulpice<br />

27 - Saint-Victor<br />

28 - Saint-Vincent-des-Vignes<br />

29 - Saint-Laurent-des-Orgerils<br />

30 - Saint-Marceau (rive sud, hors carte)<br />

3


Le chantier de la cathédrale<br />

Sainte-Croix d’Orléans<br />

à la Renaissance<br />

N NE PEUT ASSOCIER LE 16 E SIÈCLE À LA CATHÉDRALE SAINTE-CROIX D’ORLÉANS SANS SONGER DE PRIME<br />

abord aux désastres des guerres de religion. La cathédrale d’Orléans fut sans doute, en France, la<br />

plus exemplaire victime architecturale du vandalisme religieux (1) avec son quasi anéantissement<br />

(« le Grand Abattis ») opéré en 1568. Comment se présentait-elle alors ? Qu’en reste-t-il ?<br />

Un grand projet<br />

du gothique « classique »<br />

poursuivi à la Renaissance<br />

Le chantier de la cathédrale gothique d’Orléans est un<br />

projet tardif en comparaison avec les grandes cathédrales<br />

du gothique rayonnant comme Chartres, Amiens, Reims<br />

ou Bourges. Il fallut un début d’effondrement de la vaste<br />

et prestigieuse cathédrale romane, datant des premiers<br />

capétiens, pour en décider projet. Commencé en 1287 sous<br />

l’impulsion de l’évêque Robert de Courtenay, le chœur<br />

ogival est inauguré le 13 novembre 1329.<br />

C’est un ouvrage exceptionnel dont un plan sur parchemin<br />

est même conservé à l’Œuvre de la cathédrale de Strasbourg.<br />

Il revient à l’historien de l’Art Suisse-Allemand Peter<br />

Kurman, dans son article « Cologne et Orléans » d’avoir<br />

remis à sa juste place l’ouvrage gothique d’Orléans.<br />

Il souligne le gigantisme du projet (hors la hauteur sous<br />

voûte de 32 mètres comparable à Notre-Dame-de-Paris),<br />

par la longueur projetée (la cathédrale achevée dépasse en<br />

longueur celles d’Amiens et Cologne), par le faste du chœur,<br />

inspiré d’Amiens mais doté de neuf chapelles rayonnantes<br />

(chiffre inégalé), par la variété et la richesse du système d’arcs<br />

boutants et de classicisme par la citation consciente de formes<br />

du gothique rayonnant du premier tiers du 13 e siècle.<br />

La guerre de Cent Ans interrompit les travaux. Le chantier<br />

fut repris dans la seconde moitié du 15 e siècle sous l’évêque<br />

François de Brilhac. On bâtit alors la croisée et les transepts<br />

tout en conservant leurs façades romanes.<br />

Pyrrhus d’Angleterre, visitant le chantier de la cathédrale au<br />

début du règne de François I er , décrivait l’édifice gothique<br />

tel que « dans toute la Gaule, il n’y aura rien de plus beau, de<br />

plus vaste ni de plus élevé » (Panegyricus Aureliae, 1517)<br />

Le début du 16 e siècle voit l’érection de la flèche (1511) et<br />

la construction de la nef (1530-ca 1550). Tous ces ouvrages,<br />

entamés sous Louis XII, période intense de chantiers dans<br />

tout Orléans (depuis l’Hôtel de Ville, aux maisons à pansde-bois<br />

jusqu’aux remparts de l’accrue), sont imprégnés du<br />

répertoire du gothique tardif.<br />

Frédéric Aubanton,<br />

Architecte des Bâtiments<br />

de France<br />

(1) Celui-ci a commencé avec la vague iconoclaste de 1562 (dont les peintures et sculptures de sacristie,<br />

les sculptures de la porte Monseigneur et des portes d’escalier des bas-côtés de la nef<br />

gardent les traces)<br />

211


212 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les espaces religieux de la ville<br />

FIG. 1<br />

vue de la cathédrale<br />

(gravure sur bois - 1600 -<br />

Bibliothèque Nationale - Va.9i)


La flèche,<br />

chef-d’œuvre de charpenterie<br />

Comme plus tard à la cathédrale de Beauvais (2) , et plutôt<br />

que de poursuivre la reconstruction des transepts par de<br />

nouvelles façades ou la nef, on dressa en 1511 une flèche<br />

gigantesque à la croisée.<br />

« le clocher (la plus rare pièce qui se pust voir) estoit posé<br />

sur le milieu de ladite Eglise, Et élevé depuis l’entablement<br />

de la Charpenterie, en haut de trente sept toises, Et avoit<br />

de hauteur depuis le pavé jusqu’au faîste en tout cinquante<br />

quatre toises. Il était artistiquement travaillé Et embelli de<br />

plusieurs ornements de plomb doré Et argenté, comme aussi<br />

les enfaisteaux de toute la couverture estoient de plomb doré<br />

avec des fleurs de semblable matière qui paraissoient au dessus<br />

avec fort bonne grâce : et la Croix dudit Clocher qui estoit de<br />

cuivre doré, estoit posée sur une pomme qui avoit dix pieds de<br />

circonférance pareillement de cuivre doré fort poli et reluisant »<br />

(Annales écclesiae Aurelianensis de Charles de La Saussaye<br />

(1615) reprises par Symphorien Guyon dans son « Histoire<br />

d’Orléans » en 1647).<br />

Cette boule de plus de trois mètres de diamètre couronnant<br />

la flèche avait impressionné Rabelais qui la décrit en 1532 :<br />

« Pour cela, l’on fit dix-sept grosses boules de cuivre, plus grosses<br />

que celle qui est à Rome sur l’aiguille de Virgile (3) , agencées de<br />

telle façon qu’on les ouvrait par le milieu et qu’on les fermait<br />

avec un ressort. Dans l’une entra un de ses serviteurs portant<br />

une lanterne et un flambeau allumé, et Pantagruel l’avala<br />

comme une petite pilule. (...) De ces pilules d’airain vous en<br />

avez une à Orléans, sur le clocher de l’église Sainte-Croix… »<br />

(Pantagruel, Livre Second, chapitre 33)<br />

C’est contre cet orgueilleux ouvrage, illustré par le tableau des<br />

échevins (milieu 16 e ?) et la gravure sur bois de 1600 (4) , que se<br />

concentra la haine des réformés. Le 24 mars 1568, par l’usage<br />

simultané de la mine sur les piliers de croisée et la traction<br />

d’attelages d’hommes et de chevaux, la flèche s’effondra en<br />

emportant l’ensemble de la croisée et du chœur.<br />

Du « Grand Abatis » ne demeurèrent debout que les parties<br />

basses du chœur et les chapelles rayonnantes (fin 13 e<br />

siècle), la sacristie (début 14 e siècle) et les 4 e et 5 e travées de<br />

la nef (16 e siècle) préservées sur toute leur hauteur grâce à<br />

la présence du massif occidental roman.<br />

De la flèche disparue (FIG. 1) subsiste tout autour de la<br />

croisée du transept de la cathédrale reconstruite un système<br />

de contrebutement inégalé : des arcs boutants diagonaux<br />

stabilisent la croisée et s’enchevêtrent avec les arcs boutants<br />

perpendiculaires aux quatre vaisseaux (5) .<br />

La nef<br />

Élévations intérieures<br />

La nef centrale possède une élévation à trois niveaux :<br />

grandes arcades, triforium, fenêtres hautes.<br />

Le triforium, avec sa balustrade percée de quatre-feuilles<br />

et orné de lancettes trilobées, est suffisamment archaïsant<br />

pour citer sans doute le modèle rayonnant du chœur<br />

du 13 e siècle alors que les bases prismatiques des piliers,<br />

les moulures à nez de cochon des nervures et l’absence<br />

de chapiteaux procèdent du vocabulaire du gothique<br />

flamboyant finissant.<br />

Dans les voûtes des bas-côtés (6) , sont conservées les clefs<br />

à armoiries de chanoines décédés l’un en 1531 l’autre en<br />

1570. Dans le premier collatéral, les portes d’accès aux<br />

escaliers de fond en comble ont conservé une sculpture<br />

flamboyante de gâbles et de figures en haut-relief qui<br />

portent les stigmates des conflits religieux.<br />

Charpente<br />

La charpente de la nef (FIG. 2 ET 3) est à chevrons formant<br />

fermes. Les quatre travées centrales, épargnées par le<br />

saccage de 1568, possèdent des poinçons richement<br />

sculptés (bagues issues du répertoire du gothique<br />

flamboyant). Par le système à deux niveaux de faux entraits<br />

et le contreventement longitudinal à deux niveaux de sousfaitières,<br />

le modèle de charpente est très proche de celui de<br />

la nef de Saint Eustache à Paris.<br />

(2) La campagne de reconstruction de la fl èche remonte à 1563-1569. Elle s’effondre de nouveau<br />

en 1573.<br />

(3) Il s’agit probablement de l’obélisque du Vatican, le seul de Rome demeuré debout au début du 16 e<br />

siècle. La boule qui le couronnait avant son déplacement du cirque de Néron en 1586 était supposée<br />

abriter les cendres de Jules César.<br />

(4) Gravure servant de frontispice à la circulaire imprimée en 1600 pour annoncer le Jubilé de Sainte-<br />

Croix (Paris, Bibliothèque nationale de France - estampes, Va.9i.)<br />

(5) La fl èche actuelle, la quatrième qu’ait connue l’édifi ce, a été érigée par Boeswildvald en 1858 sur<br />

le modèle de celle d’Amiens, datant de 1533. Elle n’a pas le gigantisme de la première.<br />

(6) Elles furent préservées de la campagne de 1793 qui marqua la suppression des « signes de la féodalité<br />

et de la superstition » grâce à la présence à cet emplacement de la loge abritant la maquette<br />

de la cathédrale.<br />

213


214 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - Les espaces religieux de la ville<br />

2<br />

La datation par dendrochronologie opérée sur cette partie de<br />

charpente en 2006 a situé l’abattage des arbres « entre 1545<br />

et 1563, probablement 1550 » soit près d’une génération<br />

après la date proposée par le chanoine Chénesseau et ses<br />

successeurs.<br />

Date d’achèvement (ou réfection ?), elle montre en tout cas<br />

que le chantier ne s’interrompt que peu de temps avant le<br />

début des guerres de Religion.<br />

Ces éléments de la première moitié du 16 e siècle ont une<br />

grande importance dans l’histoire de l’édifice, car ces travées<br />

ont donné le modèle, tant pour les tailleurs de pierre que<br />

pour les charpentiers, de la reconstruction de l’édifice, telle<br />

que décidée et entamée en 1601 par Henri IV et poursuivie<br />

jusqu’au dernier des Bourbons en 1829. !<br />

3<br />

FIG. 2<br />

Cathédrale Sainte-Croix<br />

charpente de la nef,<br />

vue de l’est.<br />

Au centre, les quatre<br />

fermes maîtresses<br />

(à poinçons sculptés)<br />

préservé lors de<br />

l’abattis de 1468.<br />

(photo Patrick Trémillon)<br />

FIG. 3<br />

Cathédrale Sainte-Croix<br />

charpente de la nef,<br />

vue de l’ouest.<br />

Détail des bases<br />

prismatiques des<br />

poinçons du milieu du<br />

16 e siècle.<br />

(photo Patrick Trémillon)


2 Empreinte<br />

urbaine<br />

L’ESPACE UNIVERSITAIRE<br />

Le quartier de l'Université :<br />

occupation et usage<br />

’UNIVERSITÉ D’ORLÉANS S’EST CONSTRUITE PAR ÉTAPES, DU 13 E AU 15 E SIÈCLE, AVANT DE SE FIXER<br />

durablement. Au début du 14 e siècle, elle se trouve à l’emplacement de l’actuelle place de<br />

l’Etape, dans le couvent des frères Prêcheurs, au nord de la porte Parisis, à proximité de<br />

l’évêché. Elle quitte vers 1337 ce monastère pour les bâtiments du prieuré de Bonne-Nouvelle<br />

et pour un nouvel espace à proximité de la muraille de la ville, dans un quadrilatère qui<br />

pourra s’assimiler à un mini campus universitaire intra-muros.<br />

À cette date, elle possède sans doute déjà une bibliothèque<br />

ou librairie qu’elle conservera longtemps encore après. On<br />

peut supposer que celle-ci se trouvait dans les locaux du<br />

prieuré, même si cela n’est pas explicite. De cette époque<br />

date la constitution d’un quartier universitaire, étroit<br />

quadrilatère bordé au nord par l’important axe est-ouest<br />

de la rue de Bourgogne, au sud par la zone artisanale des<br />

tanneries longeant la Loire, à l’est par la muraille de la Ville<br />

et à l’ouest par l’actuelle rue de l’Université (FIG. 1).<br />

L’occupation domestique du<br />

quartier de l’Université<br />

Au 13 e siècle, l’espace universitaire se situe à l’intérieur de<br />

l’enceinte antique, aux portes de celle-ci. Il est en marge du<br />

centre vital de la ville représenté par le quartier du Châtelet<br />

où se rejoignent les activités politiques du château royal,<br />

et des administrations connexes (prisons, prévôté), les<br />

activités commerciales du marché et la haute bourgeoisie<br />

de la cité. Il en est séparé, en particulier, par des quartiers<br />

artisanaux, également installés près de la Loire, jusqu’au<br />

sud de notre espace (artisanats du bâtiment, métiers de la<br />

pelleterie, corroyeurs, etc.). Il paraît encore bien loin du<br />

lieu d’étude, de réflexion et de méditation qu’il va devenir<br />

au bas Moyen Âge.<br />

Ce quartier, retranché derrière la muraille orientale, accède<br />

par la « vieille porte de Bourgogne » au faubourg de ce nom<br />

et aux chemins menant en Champagne et en Bourgogne.<br />

À l’intérieur des murs, un axe nord sud conduit sans doute<br />

à la Porte-Neuve. Un autre axe permet, en parallèle, de<br />

rejoindre le cloître et l’église Saint-Pierre-le-Puellier. La<br />

partie occidentale du quartier est reliée à la muraille par<br />

plusieurs voies transversales, ancêtres de la rue Jean-Calvin<br />

et de la rue du Puits-de-Linières, de la rue du Gros-Anneau<br />

et de la rue des Africains actuelles.<br />

Michel Philippe,<br />

chercheur indépendant<br />

215


216 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - L’espace universitaire<br />

FIG. 1<br />

Les sites universitaires<br />

Persistance d’un habitat privé<br />

Dans tout cet espace, outre les écoles nouvelles, figure un<br />

habitat privé. Celui-ci longe la rue de Bourgogne, souvent<br />

appartenant à la commanderie de Saint-Marc. Celle-ci est<br />

implantée de part et d’autre de cette rue depuis le 12 e siècle<br />

et entretient des maisons paroisse Saint-Liphard, autour de<br />

l’hôtel du Grand Chaluchet, ainsi que dans les paroisses de<br />

Saint-Germain, Saint-Sauveur et de Saint-Victor, en deçà<br />

et au-delà de la muraille gallo-romaine (1) .<br />

Autour de l’église Saint-Pierre-le-Puellier, des parties du<br />

cloître sont baillées à des particuliers, notamment devant<br />

l’église. Quelques documents du début du 13 e siècle<br />

montrent l’évolution du patrimoine immobilier de l’abbaye<br />

de Saint-Pierre-le-Puellier (2) . L’ancienne abbaye de femmes<br />

qui lui a donné son nom, connue au moins depuis un acte<br />

de 840-843 reproduit dans le cartulaire de Sainte-Croix,<br />

a été depuis érigée en église collégiale, dotée de chanoines<br />

et en église paroissiale. Elle est sans doute augmentée<br />

d’une chapelle dédiée à Saint-Gilles et à Saint-Loup, dans<br />

la mesure où celle-ci semble partie prenante du cloître de<br />

Saint-Pierre-le-Puellier au milieu du 15 e siècle (3) . Une autre<br />

maison du cloître, détenue par le cordonnier Guillaume<br />

Ducoin, est vendue par lui en juin 1225 (4) .<br />

(1) Paris, Archives nationales, S 5010B, Orléans, Grande rue de Bourgogne, 10 e liasse, maisons de la<br />

commanderie de Saint-Marc depuis 1163.<br />

(2) Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. latin 10089, cartulaire de Saint-Euverte, p. 261 et 264,<br />

décembre 1227 et février 1227-1228.<br />

(3) GAILLARD 1990 : p. 71. Orléans, Archives départementales du Loiret, 2J 2485, 17 mai 1460, « maison<br />

mygneuse au cloitre Saint-Pierre-le-Puellier entre la maison de la rochelle appartenant à la<br />

chapelle de Saint-Gile et Saint-Loup et l’hotel dudit cloître ».<br />

(4) THILLIER-JARRY 1906 : acte CCIX, juin 1225.


D’autres habitats sont perceptibles sur la rue Saint-Flou<br />

actuelle et au milieu du pâté de maisons des écoles. L’église<br />

du même nom a été construite au début du 11 e siècle<br />

par Robert le Pieux, sous le nom de Notre-Dame (à<br />

l’époque aussi dénommée Notre-Dame-entre-Mur-et-<br />

Fossé (5) ). Forts de cette fondation, et de son auguste<br />

dépendance, les moines de la Conception, alias de Saint-<br />

Flou, vont établir leur domaine seigneurial sur un certain<br />

nombre de places proches de leur église, sur l’actuelle rue<br />

Saint-Flou, mais également sur l’actuelle rue de l’Université.<br />

Ils sont sans doute dès le 13 e siècle détenteurs des seigneuries<br />

foncières des terrains sur lesquels s’établiront les bâtiments<br />

appelés les « Grandes Écoles », vers 1500.<br />

L’espace de cet îlot est également occupé par des vergers,<br />

des places vides et des vignes, attestés sur le haut de la rue<br />

des Africains et au-delà de la muraille orientale. De l’autre<br />

côté du fossé, à l’est, la paroisse du Crucifix-Saint-Aignan,<br />

constitue un des faubourgs de la Ville. Ce nom lui vient<br />

d’une chapellenie fondée en 1192 par Philippe Auguste en<br />

l’église de Saint-Aignan, plus tard érigée en cure sous le<br />

nom de paroisse du Crucifix-Saint-Aignan, au sein même<br />

de cette église (6) .<br />

Effacement des fonctions militaires<br />

de la muraille<br />

La fin du 15 e siècle marque la fin de la muraille, dans<br />

sa fonction défensive. Celle-ci s’entrouvre pour laisser le<br />

passage de l’ouest vers l’est en plusieurs endroits. Perdant<br />

de son aspect répulsif, elle peut être domestiquée, ce<br />

que ne manqueront pas de faire des individus de toutes<br />

origines, sans doute confortés en leur démarche par le<br />

caractère à la fois martial, mais surtout symbolique, de<br />

cette défense antique. Les premières mentions d’une<br />

utilisation de la muraille à des fins privées remontent à la<br />

fin de 1493. Cette année, le pâtissier et marchand Jacques<br />

Bremeux prend à ferme une allée « étant au droit du haut<br />

de la tour de la porte Bourgogne, contenant 2 toises en<br />

longueur et d’une toise en largeur, joignant de la maison<br />

du dit preneur », à tenir et exploiter moyennant 2 sols<br />

parisis de cens annuel (7) . Ces premières mentions sont<br />

relatives à la porte Bourgogne, la « vieille » porte d’accès au<br />

faubourg Saint-Aignan et de Bourgogne… Les termes de<br />

« vieille » ou « ancienne », qualifiant tantôt la porte, tantôt<br />

la muraille gallo romaine, impliquent des constructions<br />

nouvelles, ou en cours, pour l’appareil défensif à l’est de<br />

la Ville.<br />

À cette époque, l’administration ducale baille à l’avocat<br />

Liphard Hureau une tour appartenant au duc, en la<br />

muraille de l’ancienne clôture de la ville, joignant l’église<br />

Notre-Dame-de-la-Conception (Saint-Flou), « a prendre<br />

depuis les murs de leglise jusqu’au pave de la rue par<br />

lequel on va de lecu blanc a Saint-Aignan et tenant dune<br />

autre part a lhotel davalon, compris lespesseur des murs<br />

et carrures de la dite tour avenir au dit pave, pour 8 sols<br />

parisis de rente annuelle. D’après une autre copie, maître<br />

Liphard Hureau sera tenu de faire couvrir cette tour et y<br />

faire édifice, tellement qu’elle puisse valoir la dite rente,<br />

voire plus… Chaque fois que le duc voudra utiliser la<br />

tour il devra dédommager l’avocat pour cela » (8) . Plusieurs<br />

informations sont ici données. La première confirme la<br />

colonisation de la muraille ancienne et sa perte d’intérêt<br />

défensif pour la cité. Une autre peut être trouvée dans la<br />

description du bâti, et dans un nouveau chemin reliant les<br />

maisons du quartier à l’église Saint-Aignan. Cela pourrait<br />

correspondre à la rue du Chêne-Percé ; en effet, la maison<br />

de l’Écu-Blanc semble bien marquer l’angle entre la rue<br />

Saint-Flou et la rue du Puits-de-Linières ; dès lors, le<br />

chemin le plus direct vers Saint-Aignan semble passer par<br />

la rue du Chêne-Percé (9) .<br />

Adossé à la muraille gallo-romaine, ce quartier vit non<br />

seulement à l’ombre de celle-ci, mais il tend désormais<br />

à la coloniser, et à s’appuyer sur celle-ci. On en voit une<br />

illustration à travers une visite de la rue du Chêne-Percé<br />

(5) GAILLARD 1 990 ; la fondation serait de 1020, selon Soyer ; le nom de Saint-Flou apparaît en<br />

1350. Parmi les autres noms de ce lieu fi gure aussi celui de Notre-Dame-de-la-Conception :<br />

Auxerre, Archives départementales de l’Yonne, H 440, fol. 36 « un papier informe, ou il paraît<br />

une notte, que le prieur de notre dame de la conception a été donné à l’abbaye de Saint-Jean de<br />

sens en l’an mil cent quarante par un évesque d’Orléans, et que cette donnation a été confi rmée<br />

par la bulle du pape Eugenne trois en l’an mil cent cinquante ». Voir aussi Auxerre, Archives<br />

départementales de l’Yonne, H 376, Cartulaire de l’abbaye de Saint-Jean-lès-Sens.<br />

(6) LOUIS GAILLARD, Les noms des rues d’Orléans, 1989-1990, 153 p, manuscrit déposé aux<br />

Archives départementales du Loiret, p. 112.<br />

(7) Paris, Archives nationales, R4 1047, 8 novembre 1493.<br />

(8) Paris, Archives nationales, R4 1047 et 306, fol. 81, acte du 6 août 1493. Parcelle actuelle BL 101 ?<br />

numéro de parcelle 341 dans le plan-terrier de Perdoux à la fi n du 18 e siècle ; numéro de parcelle<br />

432 dans le cadastre napoléonien au début du 19 e siècle ; deux maisons du Grand et Petit-Écu-<br />

Blanc, se joignant, sont indiquées paroisse Saint-Liphard, dans un compte de Saint-Liphard, Orléans,<br />

Archives départementales du Loiret, 2J 2485, 22 mai 1540.<br />

(9) Voir à ce sujet une mention donnée dans le terrier de 1610 (Paris, Archives nationales, R4* 614, fol. 62v°) :<br />

« la rue de la conception allant au puis de lignieres du costé de Sainte-Croix : la maison faisant le coing<br />

de la ditte rue de la conception appelée l’escu blanc appartenant a anthoine simon, en laquelle est<br />

demeurant sebastien de cleves ; à cens de la damoiselle escorcol ». En ce qui concerne Liphard Hureau<br />

(et sa famille), un descendant de ce nom possède en 1543 la parcelle Perdoux 334 (cadastre fi n 18 e<br />

siècle), BL 95 ou Napo 409 (cadastre début 19 e siècle), rue de la Corne de Cerf.<br />

217


218 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - L’espace universitaire<br />

FIG. 2<br />

Occupation des sols<br />

à la fin du 15 e siècle<br />

(S.A.M.O. : conception Michel Philippe -<br />

DAO Laurent Mazuy)


effectuée en 1581. Celle-ci intéresse d’abord l’ancienne<br />

Porte Bourgogne, puis la Tour-Blanche. À noter qu’il<br />

n’est nulle part fait mention de vestiges des deux tours<br />

intermédiaires, à savoir celles de Saint-Flou et d’Avallon,<br />

sans doute annihilées depuis ; quant à la muraille,<br />

subsistante on le sait, jusqu’à nos jours, elle fait désormais<br />

partie du décor, intégrée à celui-ci sous l’appellation<br />

de « muraille ancienne » ou de « vieille muraille »,<br />

terminologie reprise dans la plupart des descriptions des<br />

maisons des rues Saint-Flou et de la Tour-Neuve aux 16 e<br />

et 17 e siècles.<br />

Face à la Tour-Blanche, la maison attribuée à Pierre du<br />

Lys, symbolise la transition entre le 15 e et le 16 e siècles.<br />

Présence d’une tannerie<br />

L’étude menée il y a quelques années par le Service<br />

Archéologique Municipal et par le Service Régional<br />

d’Archéologie sur le sud de ce quartier a permis une<br />

approche archéologique des ateliers de tannerie. Leur<br />

implantation semble se faire au 15 e siècle. « L’étude des<br />

bacs de tanneurs situés au sud du site indique que ce<br />

type d’aménagement est appelé à subir de nombreuses<br />

réfections. Leur destruction prend place aux environs du<br />

18 e siècle (10) ». Une rapide étude historique confirme les<br />

résultats des archéologues, en datant certains ateliers, à<br />

l’exemple de la maison du tanneur Étienne Groslet, proche<br />

la Tour Carrée, en la grande cour touchant aux murs de<br />

la ville ; dans le terrier de 1610, une « grange à plains »<br />

représentative d’une activité de tannerie est indiquée à cet<br />

endroit, preuve d’une permanence de cette activité. Une<br />

autre présence de marchand tanneur est attestée en 1480,<br />

donnant sur la rue de la Folie (11) . Aux 16 e et 17 e siècles,<br />

ces activités se poursuivent en la rue de la Tannerie, sous<br />

la forme d’étables, de halles, de moulins et de tanneries.<br />

Celles de raffinerie prendront progressivement le relais<br />

au 17 e siècle, remplacées à la fin du siècle suivant par la<br />

vinaigrerie Dessaux.<br />

Premières installations des établissements<br />

scolaires<br />

La première université se caractérise d’abord par la diversité<br />

d’écoles particulières, comparables à des cours donnés par<br />

des maîtres (FIG. 2). Chaque école prend le nom d’un maître<br />

ou du propriétaire du lieu. Celles-ci s’installent dans un<br />

espace compris aujourd’hui entre la rue de l’Université, la<br />

rue du Pommier et la rue du Puits-de-Linières, la rue du<br />

Gros-Anneau, la rue Courreau (aujourd’hui disparue) et la<br />

rue des Africains.<br />

L’Université enclose dans les murs de l’enceinte galloromaine<br />

de la ville s’ouvre à la fin du 15 e siècle (12) . La<br />

colonisation de la muraille, du côté de la rue actuelle de<br />

la Tour-Neuve, lui permet de s’intégrer enfin parmi la<br />

population.<br />

La proximité des Guerres de religion ne va pas rompre<br />

l’équilibre entre le « haut du quartier » alors voué à l’étude<br />

et à la détente, et le « bas du quartier » industrieux. Mais,<br />

incontestablement, les reconstructions et la réorganisation<br />

partielle de la voirie locale vont le transfigurer. Une<br />

certaine déchéance morale condamnera alors la formation<br />

universitaire enseignée sur les bords de la Loire. Cela se fera<br />

avec le temps, pas avant le milieu du 17 e siècle, comme un<br />

écho lointain aux fracas de ce siècle.<br />

L’aménagement d’un nouvel<br />

espace universitaire<br />

Le terme de « Grandes Écoles » qualifiera à partir du 16 e<br />

siècle un bâtiment très spécifique situé dans la rue actuelle<br />

de l’Université (FIG. 3), autrefois appelée « rue des Grandes<br />

Écoles » (13) . Enseignants et élèves sont principalement<br />

établis sur la rue du Gros-Anneau et la rue des Anges ;<br />

en 1543, les « Grandes Écoles de France » occupent trois<br />

parcelles du prieuré de Saint-Flou ; l’une d’elles est habitée<br />

par l’enseignant Morice Vincent. Le bas de la rue du<br />

Gros-Anneau « aultrement les deux anges », comprend<br />

quatre parcelles : les deux dernières relèvent de « suppots<br />

(10) Voir SAMO 1994.<br />

(11) Orléans, Archives départementales du Loiret, 2J 2485, compte de Saint-Liphard (2 Mi 3616),<br />

28 janvier 1470 ; Paris, Archives nationales, R4* 614, fol. 89, cloître Saint-Pierre-le-Puellier : « la<br />

maison du portail de la grand cour, au bout de laquelle y a une grange à plains, appartenant a me<br />

jacques mesmin procureur... ». Il s’agit de la parcelle Perdoux 242 (cadastre fi n 18 e siècle). La<br />

parcelle donnant sur la rue de la Folie est Perdoux 297, attestée en 1480, selon Orléans, Archives<br />

municipales, C 1954, dossier SRI, Dessaux, numéro 107 de l’étude.<br />

(12) Voir à ce sujet la communication sur la librairie de l’Université « L’Université d’Orléans aux 15 e et<br />

16 e siècles », par Clément Alix, Julien Noblet et Michel Philippe, Journées du Patrimoine 2008, en<br />

cours de publication par la Société Archéologique et Historique de l’Orléanais ; d’après le rapport<br />

effectué précédemment pour le Service Archéologique Municipal d’Orléans.<br />

(13) Ce bâtiment, disparu au début du 19 e siècle, donnera une nouvelle ampleur à l’Université<br />

d’Orléans, par l’unité et la qualité architecturale du lieu. L’Université d’Orléans est assimilable à<br />

un établissement unique, de belle qualité architecturale. Ces « Grandes Écoles » deviendront une<br />

référence matérielle et architecturale mais également une sorte de label de qualité grâce à un<br />

enseignement du droit largement loué dans tout le monde occidental.<br />

219


220 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - L’espace universitaire<br />

FIG. 3<br />

Vue des restes<br />

des « Grandes<br />

Écoles », 1846<br />

(Charles Pensée -<br />

Aquarelle, rehauts de gouache<br />

et crayon graphite,<br />

h. 35,2 x l. 27,8 cm - MHAO,<br />

inv. 999.32.1)


de l’Université », dont la Maison du Chameau. Après<br />

l’édification vers 1420-1421 de sa « librairie » (FIG. 4), rue<br />

de l’Escrivinerie, l’expansion universitaire se traduit dans<br />

l’acquisition de deux bâtiments voisins, à savoir l’hôtel du<br />

Chameau et celui du Petit-Anneau en 1527.<br />

Peu à peu, le cœur de l’Université, autour de la rue<br />

Courreau, se transforme au profit d’un habitat privé et<br />

plutôt misérable au début. Deux maisons à l’angle nordest<br />

de la rue Courreau, appartenaient à feu maître Jehan<br />

Coignart, peut-être également un enseignant. Les archives<br />

en décrivent la longue et turbulente histoire, depuis leur<br />

construction en juin 1414, à savoir pour la première « ung<br />

hostel couvert partie de thuille et partie desseaulme…<br />

ouvrant pardevant sur les escolles de France ». Le 9<br />

avril 1467, cette maison est baillée à rente à messire<br />

Jehan Pépin, pour 59 ans. Elle appartient alors à Jehan<br />

Acarie, propriétaire des écoles de France, et se compose<br />

de deux maisons, jardins et appartenances en un seul<br />

tenant, devant les écoles de France ; elle ouvre sur la rue<br />

Courreau ; en février 1522, cette maison est saisie par le<br />

Roi puis mise à l’encan. La maison est adjugée au couvent<br />

de la Madeleine par décret de justice. Le 22 mars 1527,<br />

le couvent de la Madeleine baille à rente au marchand<br />

orléanais Jacques Serize « une masure ou souloit avoir<br />

deux maisons et court ou meilleu que soulloit tenir feu<br />

Maistre jehan coignart, sur la rue courreau, devant et à<br />

l’opposite des vielles escoles de France, tenant dun long<br />

a une maison qui fut a feu Maistre pierre des ormes luy<br />

vivant cure de lion en beausse, qui semblablement est<br />

tenue des religieuses, d’autre long a fiacre tayer, d’un bout<br />

a Maistre julien chartier, paroisse Saint-Flou, chargée de<br />

20 sols parisis de rente annuelle ; en outre le preneur<br />

sera tenu d’employer aux réparations et édifices en cette<br />

masure 100 livres tournois d’ici 4 ans ; pour cela, il a<br />

hypothéqué une maison qu’il a joignant la dite masure et<br />

tenue aussi du couvent de la madeleine » (14) .<br />

D’autres pièces ont été apportées par E. Jarry quant à la<br />

construction de ces bâtiments (15) .<br />

Un quartier protestant<br />

L’Université d’Orléans est un lieu d’expression et de liberté<br />

de pensée. Jean Le Maire s’interroge sur la conversion de<br />

l’étudiant Jean Calvin au sein de ce libre cercle d’idées. Celuici<br />

logeait en une maison héritée de ses parents, composée<br />

d’une cave, de chambres basses et hautes, de cuisine, étable,<br />

études, etc. Le bâtiment supposé tel a été démoli en 1941.<br />

FIG. 4<br />

Vue de la salle des thèses<br />

Charles Pensée - Fusain, encre<br />

noire et gouache,<br />

h. 42,6 x l. 40,4 cm<br />

(Orléans, musée historique et archéologique<br />

de l’Orléanais)<br />

(14) Paris, bibliothèque nationale de France, ms. fr. 11982, titres de l’abbaye de la Madeleine, f°. 1.<br />

(15) JARRY E. 1920 : p. 42-72 ; Preuves : 19 mai 1505, quittance de 2 037 livres 10 sols sur la construction<br />

des grandes écoles, minute Sevin, étude Gaulier ; maçons Jehan Mynier et Macé Droyneau ;<br />

etc. le montant total est de 3 150 livres tournois, montant du marché passé entre l’Université et<br />

feu Hervé de la Couste, 2 mai 1510, autre quittance avec le maître des œuvres de maçonnerie<br />

Jehan Mynier, minute Chappet, étude Gillet ; 28 avril 1511, quittance pour solde du paiement de la<br />

construction des grandes écoles, minute B. Martin, étude Berlencourt<br />

221


222 <strong>EMPREINTE</strong> <strong>URBAINE</strong> - L’espace universitaire<br />

Tombant en ruines, il échappera aux bombardements mais<br />

sa vétusté ne pourra le sauver (16) (FIG. 5)<br />

L’influence des idées réformées dans ce quartier n’est pas<br />

un leurre. Luce Madeline a dressé une liste de 426 maisons<br />

détenues en 1570 par des Huguenots, ou prétendus tels.<br />

Les idées nouvelles touchent en particulier le milieu<br />

des imprimeurs et des libraires, installés en bordure du<br />

quartier, dans la rue allant à Bonne-Nouvelle (rue Pothier,<br />

pour François Guyard et Pierre Rousset, et sept autres<br />

personnes). Ces réformés se trouvent en particulier autour<br />

de Saint-Pierre-le-Puellier et de son cloître. Cette paroisse<br />

apparaît comme une ville dans la ville, tellement elle semble<br />

marginale, et elle se ressent comme telle, dans le dédale<br />

de ses rues, cours, impasses, plus ou moins secrets (17) . Si<br />

les idées réformées touchent des familles de toute la ville,<br />

elles paraissent mieux implantées dans les populations plus<br />

besogneuses longeant le cours de la Loire. D’après le récit<br />

de l’étudiant allemand Johann Wilhelm von Botzheim,<br />

présent au moment de la Saint-Barthélémy, et qui habitait<br />

vers le cloître Saint-Pierre-le-Puellier, « notre maison se<br />

trouvait environnée de maisons huguenotes ». Il évoque<br />

alors le dédale que devait être ce vieux quartier où l’on<br />

communiquait par les greniers, les caves et les jardins (18) .<br />

Cette situation dura jusqu’à la Saint-Barthélémy (19) .<br />

S’agit-il d’une coïncidence, la présence dans cet espace de<br />

trois établissements de jeu de paume tranche avec les autres<br />

quartiers d’Orléans (20) (FIG. 6). Ces lieux sont bien attestés<br />

au 17 e siècle, mais ils existent auparavant. Le jeu de paume<br />

appelé le Petit Bellesbat apparaît en 1544 rue de la Tour-<br />

Neuve, sans doute proche du cimetière de la Conception.<br />

Cette année-là, les frères Foiret baillent à loyer pour 6 ans,<br />

à Anthoine Cailly, une maison avec jeu de paume, appelée<br />

le petit Bel Ebat, rue de la Croix, tenant au cimetière de<br />

Saint-Flou, par-derrière aux murailles ; il réparera la galerie<br />

du jeu de paume, le long du cimetière, et la mettra « en<br />

bricolle », entretiendra la couverture des autres galeries (21) .<br />

En 1612, ce lieu n’existe déjà plus ; à son emplacement s’est<br />

bâtie « une maison et grande cour qui était anciennement<br />

en deux maisons et deux jeux de paume appelés le Petit<br />

Bellesbat, détenu par la veuve pierre gorant… » Cette<br />

parcelle de la famille Gorrand s’intitulera les Fratres au 17 e<br />

siècle, peut-être pour illustrer une dynastie familiale (22) ?<br />

Les deux autres salles sont établies au centre du quartier. La<br />

maison et jeu de paume de la Petite Marquette, appartenant<br />

à François Fournier, et occupés par Cesar Bazin, figurent rue<br />

Courreau, du côté de la Conception, c’est-à-dire sans doute<br />

FIG. 5<br />

Maison de Jean Calvin ?<br />

au bas de la rue. Elle doit jouxter la maison et jeu de paume<br />

de la Grande Marquette, située rue des Africains, détenue<br />

par le même propriétaire en 1610. La même année, un autre<br />

jeu de paume est localisé au bas de cette même rue, côté rue<br />

du Gros-Anneau : la maison et jeu de paume d’Avallon ouvre<br />

sur la rue Courreau ; elle appartient à Pierre Rouet, au lieu de<br />

Françoise d’Avallon, qui a annexé trois maisons (23) . !<br />

(16) LE MAIRE 1960 : p. 328-332.<br />

(17) BIMBENET 1858.<br />

(18) MADELINE 1997 : p. 3-18.<br />

(Archives départementale du Loiret, 22 Fi 2-3,<br />

collection Eugène Chauffy)<br />

(19) Orléans, Archives départementales du Loiret, série A 1800-2200 et B 1-1535, tome II, imp. G. Jacob, 1886.<br />

(20) Il existe un autre établissement entre les rues des Tanneurs et de la Folie, d’après Cahier d’archéologie,<br />

Service Archéologique Municipal d’Orléans (SAMO), juin 1997.<br />

(21) Orléans, Archives départementales du Loiret, 2J 2485, compte de St Liphard (2 Mi 3616), 9 juin 1544.<br />

(22) Paris, Archives nationales, R4* 312, État des maisons à Orléans, 1581, f° 70v° ; R4* 615, 109, 1612 et<br />

mai 1677.<br />

(23) Paris, Archives nationales, R4* 614, terrier de 1610. Un autre établissement de jeu de paume est établi<br />

plus bas dès 1571, parcelle Perdoux 281, selon Archives Municipales d’Orléans, C 1956, dossier<br />

Dessaux établi par le Service Régional de l’Inventaire ; une tannerie occupe les lieux aux 18 e et 19 e siècles.<br />

Le nom d’Avallon vient sans doute de celui de Françoise d’Avallon, présente sur place en 1543.


FIG. 6<br />

Occupation des sols à la fin du 16 e siècle<br />

(plan SAMO - conception Michel Philippe - DAO Laurent Mazuy)<br />

Quartier canonial de la cathédrale (tracé du 18 e siècle)<br />

Paroisse Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle (terrier de 1543)<br />

Paroisse Saint-Liphard (terrier de 1543)<br />

Paroisse Saint-Flou (terrier de 1543)<br />

Paroisse Saint-Pierre-le-Puellier (terrier de 1543)<br />

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