SERT 24_Janot.pdf - OpenstarTs - Università degli Studi di Trieste

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Préfixes intensifs français et italiens constitueront, comme nous allons le voir 10 , les bases des formations que nous proposons d’analyser. Le superlatif absolu représente la qualité à son degré le plus élevé sans comparaison avec d’autres. Les locuteurs contemporains français et italiens disposent de plusieurs cadres morphologiques, entre lesquels ils peuvent choisir, leur permettant d’exprimer ce degré et de nuancer l’intensité. Autrement dit, les différents procédés que le locuteur a à sa disposition pour rendre l’idée superlative absolue du nom et de l’adjectif (vers le plus ou vers le moins) lui permettent aussi de moduler l’intensité. a. le degré absolu de l’adjectif D’une façon générale, nous pouvons affirmer que les deux langues possèdent fondamentalement les mêmes cadres syntaxiques et morphologiques, avec des vitalités et des « rentabilités » différentes, que nous pouvons présenter comme suit 11 : SUPERLATIF ABSOLU DE L’ADJECTIF Procédé Intensité Exemple Français : Adverbes → + très, extrêmement, bien, Ces factions sont très fort, tout à fait … extrémistes. Préfixes → + super-, hyper-, ultra- … Ces factions sont superextrémistes Suffixes → + -issime De telles factions sont rarissimes Italien : Adverbes → + molto, assai, … Tali fazioni sono assai estremiste Préfixes → + super-, iper-, arci- … Sono fazioni super-estremiste Suffixes → + -issimo /-errimo/ -entissimo Tali fazioni sono rarissime/celeberrime S’il est possible de relever dans les deux langues l’existence des mêmes systèmes quant à l’expression du superlatif absolu de l’adjectif, il nous faut cependant, en termes de vitalité et de productivité, nous arrêter un instant sur le suffixe –issime en français. Il est en effet mentionné dans les grammaires de 10 Voir Annexe 2 - Bases pp. 162-165. 11 Les exemples proposés appartiennent au domaine politique, puisque c’est ce champ qui va nous intéresser de plus près, et ont été construits par nous. 11
12 Les formations par préfixation intensive grecque et latine ... référence comme élément faisant partie du système morphologique français mais son emploi ne se limite qu’à quelques formations jugées littéraires ou recherchées voire désuètes et, somme toute, occasionnelles 12 . Ce statut amène les linguistes s’intéressant au système des degrés à ne pas le considérer, et à affirmer qu’il n’existe plus : « Constatons d’abord que le système suffixal du latin n’a plus de correspondant vivant dans la langue française et que celle-ci n’a pas pu s’en constituer un. Pour étayer cette affirmation, examinons en effet le sort réservé aux superlatifs en -issime, apparus au XVI e siècle. Venus d’Italie par l’intermédiaire des qualificatifs de dignité, ils se répandent comme une véritable mode, ainsi qu’en témoigne Henri Estienne (Dialogue du langage françois italien, I, 285) : « A propos de ce grandissime dont je viens d’user, notez que ces superlatifs sont maintenant fort plaisants aux courtisans, comme sonnans fort bien et ayant quelque garbe ; tellement qu’il vous faudra prendre garde de dire plutôt doctissime, que très-docte ; plutôt bellissime que trèsbeau ; plutôt bonissime que très-bon ». Mais une fois la mode passée, seuls subsistent les qualificatifs de dignité ; les formes de superlatifs en –issime apparaissent vieillies au XVIIe siècle ; elles ne sont plus employées que par les auteurs burlesques. La 2 e édition du dictionnaire de Furetière confirme ce vieillissement. Ces superlatifs « rarissime, bellissime, grandissime, habilissime ne sortent guère de la conversation ; on les souffre tout au plus dans une lettre pourvu même que cela ne soit pas très sérieux » 13 . Il semble toutefois, d’après les recherches récentes sur les néologismes en français contemporain, que ce suffixe connaisse un certain regain de vitalité. 14 En italien, le suffixe -issimo fait partie intégrante du système intensif et a toujours disposé, contrairement au français, d’une vitalité constante. Toutefois, il faut tout de même préciser qu’il ne s’adapte pas indifféremment à tous les adjectifs et tenir compte de l’existence d’autres suffixes intensifs comme -errimo ou -entissimo avec lesquels il peut entrer en concurrence ; de même il 12 Goose A., Grevisse M., 1993 (13e édition), Le bon usage, Louvain-la-Neuve, Duculot, § 555, p. 857 : « Le suffixe -issime marque un haut degré dans des termes d’étiquette : excellentissime, révérendissime, illustrissime, éminentissime ; – dans rarissime et richissime, ainsi que dans des formations occasionnelles, parfois plaisantes, de la langue littéraire. […] Le suffixe -issime est emprunté à la fois du lat. -issimus et de l’ital. -issimo » – Voir aussi les informations historiques sur ce suffixe. 13 Guilbert L. et Dubois J., Formation du système préfixal intensif , cit., pp. 88-89. 14 « La multiplication des formes en -issime (lelouchissime, ringardissime, italianissime, automobilissime, etc.) dément une assertion de Ferdinand Brunot affirmant que « toute pensée de ressusciter les superlatifs synthétiques en -isme ou -issime a disparu. » in Pruvost J. et Sablayrolles J.-F., 2003, Les néologismes, Paris, PUF, p. 73.
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