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Platée - Opéra national du Rhin

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Les Dieux ?<br />

C’est vous, c’est moi !<br />

<strong>Platée</strong> est une œuvre vraiment absurde, surtout si l’on suit la tradition qui fait <strong>du</strong> personnage principal une grenouille.<br />

On organise un faux mariage entre le dieu des dieux et un batracien, et tout le monde fait mine d’y croire ! Certes,<br />

la mythologie nous a habitués à ces aberrations zoologiques (se demande-t-on comment Jupiter métamorphosé<br />

en cygne s’y est pris pour féconder Léda ?), mais pour un metteur en scène, la question se pose de façon très<br />

concrète : comment traite-t-on ces situations absurdes, surtout une fois que l’on a choisi d’inscrire l’action dans<br />

un contexte relativement réaliste et reconnaissable ? Je crois que ce qui est drôle, c’est précisément d’assumer<br />

complètement le côté absurde de ces situations, en particulier dans le jeu sur les dimensions (et donc sur les points<br />

de vue). Vue par des yeux humains, <strong>Platée</strong> est un petit batracien. Depuis sa perspective à elle, en revanche, tout est<br />

surdimensionné. Ou bien est-elle une grenouille géante, de la même taille que les autres personnages ? On rejoint<br />

la question initiale sur la nature exacte de l’héroïne, entre grenouille, fantasme et être humain. Nous avons décidé<br />

d’opérer comme une mutation progressive <strong>du</strong> personnage au fil de l’opéra ; si l’idée d’organiser un mariage, même<br />

faux, entre Jupiter et une grenouille peut initialement sembler incongrue, tout le monde (les personnages comme le<br />

public) s’y habitue peu à peu et finit par trouver cela parfaitement normal, et <strong>Platée</strong> s’humanise à mesure que son<br />

entourage se fait à cette idée. Délire collectif ? À ce sujet, j’ai beaucoup repensé à une nouvelle de Cortázar, Axolotl,<br />

où le narrateur se transforme imperceptiblement en l’un des reptiles qu’il observe quotidiennement au Jardin des<br />

Plantes. Raconté ainsi, cela paraît absurde, mais tout l’art de la nouvelle consiste à doucement amener le lecteur<br />

vers le moment de la métamorphose ; arrivé à ce point où le récit bascule, le lecteur est tellement conditionné qu’il<br />

accepte sans broncher de suivre l’écrivain qui l’a mené jusque là en le tenant par la main. D’une certaine manière,<br />

notre travail est le même : amener le spectateur aux frontières <strong>du</strong> vraisemblable et le lâcher là en espérant qu’il<br />

poursuive de lui-même le chemin. Cela relève effectivement <strong>du</strong> délire collectif.<br />

Mariame Clément, metteur en scène<br />

Mariame Clément<br />

Photo Gerardo Garciacano

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