Vers des villes durables Amérique du Nord, Europe du ... - Urbamet

24
CHAPITRE I : LISBONNE
Par Marie Llorente
Loin d’apparaître comme le parangon de la « ville durable », Lisbonne, capitale du Portugal et
poumon économique du pays fait partie de ces métropoles européennes dont la morphologie
socio-spatiale a profondément muté au cours du XXème siècle. Relativement bien maîtrisé et
organisé jusque dans les années 1950, le développement urbain a ensuite littéralement explosé
sous le coup de la croissance industrielle, de l'exode rural 33 et bien sur de la diffusion de
l’automobile. Au début des années 2000, le diagnostic socio-urbain est préoccupant au regard
du développement durable.
Mais à cette période, l’enjeu de la « ville durable » est peu présent dans les discours des
acteurs urbains et dans les politiques publiques, contrairement à Vancouver par exemple. La
recherche d’un compromis entre les dimensions économiques, sociales et environnementales
et plus spécifiquement l’enjeu de la préservation de l’environnement comme condition d’un
développement plus soutenable, ne ressortent pas dans l’agenda politique, ni dans les
documents de planification. La vision que les acteurs ont du territoire et de ses défis s’articule
plus massivement autour de la question de l’attractivité et du rayonnement de la métropole.
Dans l’affichage, l’objectif principal est d’ériger Lisbonne au rang de « capitale atlantique de
l’Europe » et par ailleurs, d’améliorer le cadre et la qualité de vie des habitants. Pour
comprendre ce positionnement, il faut rappeler que ce qui apparaît alors comme la
préoccupation majeure pour les Lisboètes et le Portugal est l’enjeu de se prémunir contre le
risque de marginalisation économique et géopolitique, encore plus sensible depuis
l'élargissement de l’Union vers l'Est. Le développement durable apparaît presque superflu.
Mais en moins de dix ans, nous verrons qu’il est arrivé progressivement sur le devant de la
scène, certes de manière très inégale, mais il a été saisi comme une véritable opportunité pour
adapter une ville ancienne aux défis qui se posent aujourd’hui.
L’agglomération doit en effet faire face à une série de problèmes d’envergure, tant sur le plan
environnemental que social, dus à plusieurs décennies de développement urbain anarchique et
quasiment sans contrôle. On peut citer quelques tendances de fond qui ne sont d’ailleurs pas
exclusives à cette ville : une métropolisation récente, rapide et brutale qui a généré de fortes
disparités socio-spatiales ; en corollaire, on observe à la fois étalement périurbain et mitage, le
déclin du centre de l’agglomération et des quartiers périphériques de très mauvaise qualité, la
prédominance de la voiture individuelle, des déplacements pendulaires très importants, la
pollution du Tage, fragilisation de l’écosystème de l’estuaire...
Ainsi, si l’on adopte une lecture synchronique de cette agglomération, c'est-à-dire si l’on
cherche à apprécier un niveau de durabilité à un moment donné, elle n’apparaît clairement pas
comme exemplaire. En revanche, ce qui fait l’intérêt de cette étude de cas est précisément une
analyse diachronique qui aborde la durabilité à travers son évolution et en revisitant les
trajectoires de développement. Comme nous en faisons l’hypothèse, la durabilité en soi
33 C’est un phénomène très massif au Portugal puisqu’il se traduit par la désertification de l'intérieur des terres et aujourd’hui,
les campagnes ne sont plus peuplées que par une population vieillissante.