Manuel de numismatique française - University of Toronto

32 DE LA MATIÈRE DES MONNAIES
monnaies '. Comme la fonte des métaux précieux et des espèces,
en vaisselle ou joyaux, était la forme usuelle de la thésaurisation
dans l'ancien temps, inversement, si la situation l'exigeait, — et
le roi ne se faisait pas faute de le prescrire 2, — vaisselle et joyaux
retournaient au creuset comme billon à frapper monnaie ^. Tel
fut longtemps le sens du mot billon '*
: l'argent (ou même l'or)
saucé •", quand il était en lingot ou en pièces démonétisées, et destiné
au monnayage. Le billon, c'est le métal hors œuvre.
Au moyen âge, ces divers apports étaient limités, et le public
ne cessa de soulîrir d'une certaine pénurie de matière **. Le billon
passait et repassait sous le marteau. Aussi voyons-nous les rois
se préoccuper de ne pas trop user le billon (p. 34, n. 7) ou tolérer
des survivances de pièces anciennes comme nous en avons signalé
(p. 18). Par la découverte des mines d'Amérique^ le métal devint
plus abondant, et l'on put créer des pièces plus lourdes ^.
Les époques d'abondance relative de l'or sont le règne de Philippe
VI, les débuts de Charles VI et la période de 1640 à 1660. La
grande époque de Vargent est celle qui se relie aux Carolingiens;
1. H. Denise, Des refontes de monnaies sous l Ancien régime, danfi Gaz.
nnm., 1906, 43 et 393.
2. En général, le roi exigeait le tiers de la vaisselle des particuliers en
échange de ses monnaies.
3. L. B. de Serres explique la saisie de la « vaisselle » sous Philippe IV
{Politique de Ph. le Bel, p. 524). Au début du règne de Charles VI, le roi et
ses oncles livrent leur vaisselle pour frapper monnaie, et au moment de l'ordonnance
cabochienne, le roi engage ses joyaux qu'il s'emploie à racheter plus
tard. Pour François I*', voy. E. Levasseur, M. de François I", p. lxxiv, n. 1
et 2, Les ornements d'église servirent aux deux partis à frapper monnaie pendant
les Guerres de religion. (Les trésors des temples ont joué un rôle analogue
dans l'antiquité.) Louis XIV causa par ses refontes la perte des chefsd'œuvre
de l'orfèvrerie française, etc. ... — Cf. Boizard, Traité, p. 74 ; Abot
de B., Dict., s. v. vaisselle. — Le bronze provenant de la fonte des vieux
canons a été utilisé par Louis XIV pour la Dardenne, et le métal de cloche
allié au cuivre rouge, en 1791.
4. Sous Louis XV et Louis XV'I, le billon est la petite monnaie d'argent
saucé ; c'est aujourd'hui la monnaie de cuivre.
5. On dit de l'or comme de l'argent, qu'il sera envoyé « au marc pour
billon », mais l'expression hillonnus auri est rare. Voici un passage d'un
manuscrit latin de Lyon (signalé par M. L. C^illet) où le billon est de l'or :
" si via precluderetur ne numismata auri vetera etalia quaî hoc in regno non
cuduntur, quithilonus (sic) appellatur, a regno non extraheretur. «
6. Sur le manque de monnaies au moyen âge, voy. A. Dieudonné, Bibl.
£c. c/i., 1911, 325 {c. r. d'aprèsA, Landry).
7. Sur la production des mines d'Amérique, voy. A. Sœtbeer, Edelmetall
Produklion. . . seil der Enldeckuntf Amerika's, suppl. aux Mi ffhei Inncfen di^
Pctermann; cf. Wailly, Levasseur et notre eh. VI, p. 92.