Construction impossible et défense improbable : la ... - e-Sorbonne

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dans le Merlin, vertigier utilise des barons bretons déçus par la faiblesse
politique du jeune roi maine, mais une fois sur le trône, il rejette toute
responsabilité dans le régicide, châtiant ses complices au lieu d’assumer son
forfait et de récompenser ceux qui l’ont servi. alors que dans l’Historia Regum
Britanniæ les distinctions ethniques permettaient de ménager l’image des
nobles bretons, le Merlin fait apparaître au sein de l’aristocratie bretonne des
comportements beaucoup plus complexes. merlin reproche ainsi à vertigier
l’ambiguïté de son discours et de son attitude :
ensi faintesis ta parole, et cil a qui tu le desis entendirent que tu voloies bien
que il fu mort [...] et quant cil qui le roi mainet avoient mort vinrent devant
toi, tu les fesis destruire pour faire samblant qu’il t’avoit de sa mort pesé. mais
ce ne fu mie bone samblance dés que tu presis le regne, et tiens encore 29 .
le roi refuse d’assumer le crime qui l’a porté au pouvoir et condamne les
douze barons qui l’ont servi à une mort sanglante et infâme, s’attirant ainsi les
représailles de leur lignage :
tu n’es mie nostres sires ne la terre ne tiens tu loiaument, car tu l’as contre
dieu et encontre la sainte eglise. et saces bien que d’autre tel mort comme tu
as nos parens ocis te covenra il recevoir 30 .
cela mène à plusieurs affrontements armés entre ces barons rebelles et
leur roi illégitime 31 . même débarrassé de la menace de ses nobles barons,
vertigier continue à exercer un mauvais gouvernement qui suscite l’hostilité
de son peuple : « et quant il furent fors jeté si fu mout mauvais envers son
pueple si que li pueples nel pot sousfrir » 32 . c’est dans ce contexte politique
particulièrement agité que le roi entreprend de construire sa tour.
29 Ibid., p. 647. Les assassins de Maine passent à l’action quand Vertigier déclare que si le
roi était mort, il le remplacerait volontiers (ibid., p. 615). L’ambiguïté de cette déclaration
et de la responsabilité qui s’ensuit peut rappeler les circonstances troubles de la mort de
Thomas Becket, exécuté en 1170 par des gentilshommes du roi Henry II qui auraient pris à
la lettre son souhait d’être débarrassé de lui.
30 Ibid., p. 618.
31 « Maintes fois se combati Vertigier [aux barons], et tant qu’il les jeta de la terre » (ibid.). Les
combats de Vertigier contre ses barons sont inversés et amplifiés par rapport à ceux que
mène Arthur au début de la Suite Vulgate. Arthur est l’antithèse de Vertigier puisqu’il est
le roi élu par Dieu et défendu par les représentants de l’Église comme l’archevêque Brice.
En outre, la félonie de Vertigier envers son souverain légitime et son ingratitude envers
les barons qui se sont compromis pour lui permettre d’accéder au trône s’opposent à la
présentation constante d’Arthur comme roi juste et généreux. De plus, lorsque face aux
barons rebelles Arthur doit défendre par les armes sa légitimité à gouverner le royaume de
Bretagne, il bénéficie d’une tour qui lui sert de bastion armé, mais il ne se contente pas de
ce refuge, réglant le conflit par un affrontement militaire à découvert, tandis que Vertigier
périt brûlé dans sa forteresse.
32 Merlin, éd. cit., p. 618.