Construction impossible et défense improbable : la ... - e-Sorbonne

vertigier doit se rendre aux marges de son royaume pour préserver sa propre
existence mais c’est la survie de son peuple qui semble à long terme menacée
par l’expansion saxonne. or l’idée d’une forteresse susceptible de défendre les
intérêts du roi et de son peuple se trouve mise à mal par les déboires liés à la
construction.
dans l’Historia Regum Britanniæ, après s’être allié aux pictes, vertigier
engage une nouvelle alliance avec les saxons. son mariage avec Ronwen
suscite l’hostilité de son peuple et le mécontentement de ses barons chrétiens.
au lieu d’étendre son territoire avec les terres de son épouse, vertigier se défait
du Kent qu’il donne en contrepartie au saxon engist en dépouillant le comte
breton gorangonus 21 . cette alliance injuste qui brise d’anciens statuts ouvre
la porte à l’invasion saxonne, car la première action d’engist est d’appeler
en renfort les saxons octa et Ébissa avec leurs forces armées. le problème
est également religieux : alors que les bretons poussent vertigier à chasser les
saxons, invoquant la loi chrétienne et la menace numérique et religieuse que
les païens font peser sur eux 22 , le roi préfère s’appuyer sur ses nouveaux alliés.
mais la faiblesse politique de vertigier est telle que les saxons finissent par se
retourner contre lui. ils le chassent aux confins de son royaume, se contentant
de l’épargner lors du massacre des plus importants seigneurs bretons. c’est
après ces pourparlers où des centaines de barons et comtes sont traîtreusement
assassinés que vertigier, réfugié en cambrie, érige sa forteresse :
Finalement il convoqua ses mages, les consulta et leur donna l’ordre de lui
indiquer la voie à suivre. ils lui répondirent de se faire bâtir une tour très solide
21 Le changement linguistique de Vertigier lors du toast qu’il porte en l’honneur de Ronwen
témoigne de son aliénation et illustre son abdication face aux Saxons. On peut se référer
pour une analyse des enjeux de cette alliance au deuxième chapitre de l’ouvrage de
Michelle Warren qui propose de façon plus générale une réflexion sur le contexte historique,
géographique et politique dans lequel émergent les textes insulaires et continentaux
voués à l’histoire des rois de Bretagne aux x i i e et xiii e siècles : Michelle Warren, History
on the Edge : Excalibur and the Borders of Britain, 1100-1300, Minneapolis, University of
Minnesota Press, 2000.
22 « Britones, timentes audatiam eorum dixerunt regi ut ipsos ex finibus regni sui expelleret.
Non enim debebant pagani chritianis communicare nec intromitti qui christinana lex
prohiberat. Insuper tanta multitudo advenerat ita ut civibus terrori esset. Jam nesciebatur
quis paganus esset, quis christianibus, quia pagani filias et consanguineas eorum sibi
associaverant. [...] At Vortegirnus [...] super omnes gentes propter conjugem suam ipsos
diligebat » (HRB, § 101). « Les Bretons, qui redoutaient l’audace des Saxons, demandèrent
au roi de les chasser hors des frontières de son royaume. En effet, les païens ne devaient
pas entrer en relation avec les chrétiens, ni être admis parmi eux puisque la loi chrétienne
l’interdisait. De plus, les Saxons étaient arrivés en nombre si important qu’ils terrifiaient la
population. Et désormais, on ne savait plus qui était païen, qui était chrétien, car les païens
s’étaient unis aux filles et sœurs des chrétiens. [...] Mais Vortigern [...] préférait les Saxons
à tout autre peuple, à cause de son épouse ».
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irène fabry Construction impossible et défense improbable : la tour du roi Vertigier