Alexa Sarbacane, épisode 5 - Eric Vincent

Stéphane. Pour la première fois de sa vie, elle redoutait ses pouvoirs. La force de leur capacité
de destruction. Si elle s'en servait, elle pouvait détruire son coeur pour de nombreuses
années. Aurait-elle la force d'y survivre, elle qui avait tant besoin d'exprimer sa joie avec
intensité, elle, la délurée n'hésitant jamais à céder avec complaisance à la provocation et à la
folie ? Cette révélation ferait-elle d'elle une détective "rangée", roulant en grosse limousine de
piètre qualité (Renault, Peugeot, Citroën, Fiat, etc...) ou d'excellente qualité (Mercedes) ?
S'habillerait-elle en noir, gris et blanc, oubliant définitivement les couleurs de l'arc-en-ciel
faisant sa légende ? Le risque n'était pas négligeable...
Elle souleva le dictionnaire médical et le plaça face à ses genoux toujours en tailleur (Note de
l'auteur : voir plus haut pour la définition.). Elle inspira profondément, posa les mains sur la
couverture, ferma les yeux et attendit patiemment que son moteur interne atteigne la
température de bon fonctionnement.
Tout à coup, l'image apparut dans son champ de vision. Rien de furtif, comme d'habitude.
Non, une image aussi précise qu'une photographie, aussi intense que possible, une vision de
trois ou quatre secondes, le temps nécessaire pour lever les doutes. Une toupie lumineuse,
brillant de mille feux. Identique en tout point à celle vue lorsqu'elle s'était retrouvée seule à
bord de la cabine de pilotage du Boeing 747. Elle rompit le contact avec le Vidal. Il disait
vrai.
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* *
Deux mois s'étaient écoulés sans que miss Sarbacane ne soit quasiment sortie de son
appartement. Depuis huit longues semaines, elle n'avait consenti qu'à rendre une visite à Ali
Gator pour acquérir la fameuse montre. L'appareil lui permettait des conversations vocales
surprenantes avec son ange gardien. Elle avait commandé un autre modèle au cas où le
premier tomberait en panne. Lorsqu’Ali l'avait questionnée sur le niveau de son moral, elle
avait esquivé élégamment la question et s'était éclipsée en laissant l'Egyptien quelque peu
désemparé.
Le répondeur avait été débranché, elle ne prenait plus la moindre affaire en charge. Nous
étions au début du printemps et pour une fois, la saison s'annonçait belle. Ce matin, Alexa
sortit de la salle de bains, ouvrit les volets et laissa entrer les rayons du soleil dans
l'appartement. Le ciel était aussi limpide que les yeux de miss Sarbacane, c'est à dire d'un bleu
parfait, sans le moindre nuage. Etait-ce un signe ?
Elle se dirigea sans mot dire vers le réfrigérateur, prise d'une fringale matinale assez légitime.
Elle tira la porte vers elle, recevant une dose inhabituelle de fraîcheur. Les aliments brillaient
par leur absence. Normal ! Aucune course entreprise depuis deux mois… Cela ne pouvait pas
aboutir à un miracle dans les compartiments fraîcheur, conservation et congélation.
- Zut ! Je n'ai rien à manger, ni à boire ! Pas même la moindre marmelade ! Miss Sarbacane, tu
mollis, ma fille ! Il va falloir que tu aies une petite conversation en tête-à-tête avec ton auteur
pour lui expliquer que tu ne peux pas décevoir ton public, tes milliards de fans !