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50 chandelles pour<br />
Jean Derome<br />
En juin dernier, le saxophoniste, flûtiste et compositeur<br />
Jean Derome célébrait ses 50 ans. Reconnu<br />
comme l’un des chefs de file de ces musiques dites<br />
« actuelles » au Québec, cet artiste aux multiples talents<br />
compte parmi les membres fondateurs de la maison de<br />
disques Ambiances Magnétiques. Pourtant, Derome roulait<br />
déjà sa bosse depuis plus de dix ans sur les scènes<br />
montréalaises avant la création de ce label en 1983.<br />
L’Avant-Ambiances<br />
En juillet dernier, dans son domicile du Plateau-Mont-<br />
Royal, Derome retraça pour nous les principaux jalons<br />
d’une carrière déjà fort bien remplie. Pour lui, tout a<br />
commencé avec une modeste flûte à bec, instrument<br />
joué d’abord par sa mère. Esprit curieux et aventureux<br />
de nature, il se mit à expérimenter sur le tôt, il s’amusa,<br />
entre autres, à démonter un piano passablement mal en<br />
point hérité d’un voisin pour en utiliser les cordes. Vers<br />
quinze ans, il se procure sa première flûte traversière et<br />
s’y consacrera exclusivement pendant plus de dix ans,<br />
adoptant par la suite le saxophone alto au début des<br />
années 80, suivi du soprano et du baryton.<br />
En 1971, il fait ses débuts professionnels au sein du<br />
groupe Octographe, mais c’est au sein du trio Nébu<br />
qu‘on commence à le remarquer. Durant cette même<br />
décennie, il côtoya deux regroupements importants,<br />
soit l’Atelier de musique expérimentale (AME) et<br />
l’EMIM (Ensemble de Musique Improvisée de<br />
Montréal). Par ailleurs, il se produisit à l’Amorce, la<br />
légendaire boîte du Vieux-Montréal gérée par le tout<br />
aussi légendaire Quatuor du Jazz Libre du Québec.<br />
Au fil des ans, Jean Derome s’est aussi frotté à plusieurs<br />
grandes pointures internationales, entre autres le<br />
regretté saxophoniste Steve <strong>La</strong>cy (une importante<br />
influence, de son propre aveu), le batteur hollandais<br />
Han Bennink, sans oublier le très influent guitariste<br />
Fred Frith, avec qui il a enregistré et tourné. Parmi ses<br />
confrères montréalais, il su√t de mentionner les deux<br />
Pierre (Tanguay et Cartier, avec qui il forme le trio Évidence,<br />
ensemble voué au répertoire de Monk), Normand<br />
Guilbeault et, bien sûr, sa compagne Joane Hétu.<br />
Pourtant, c’est son duo Les granules avec le guitariste<br />
René Lussier qui reste son aventure la plus marquante<br />
pour le public, une collaboration de plus de vingt ans<br />
qui se termina pour de bon en 1997.<br />
De l’impro à la compo<br />
Musicien aux multiples talents instrumentaux, Derome<br />
joue de trois flûtes et d’autant de saxophones, en plus<br />
d’un arsenal de jouets et de « cossins » qu’il utilise dans<br />
ses moments les plus ludiques. Connu sur nos scènes<br />
comme improvisateur chevronné, il est aussi un compositeur<br />
protéiforme, se projet le plus connu étant son<br />
ensemble les Dangereux Zhoms, ou encore un projet<br />
plus récent, « Canot-Camping », une improvisation structurée<br />
pour grand ensemble qui sera présentée dans le<br />
Vieux-Port les 24 et 25 de ce mois-ci dans le cadre de<br />
l’événement Escales Improbables (voir article en p. 47)<br />
Moins connu du grand public, son travail de compositeur<br />
pour le cinéma est un élément non-négli-<br />
Marc Chénard<br />
geable de son univers musical. Au festival du Nouveau<br />
Cinéma, fin octobre, on pourra entendre des musiques<br />
écrites pour deux films d’animation (« Liaisons » et<br />
«Rupture »), produits par Jean Detheux, un cinéaste<br />
d’origine belge établi au Canada.<br />
Récipiendaire de plusieurs distinctions, notamment<br />
le « Freddy Stone Award » — décerné à un artiste actif<br />
dans le domaine des musiques créatives au Canada —<br />
et un prix Opus pour l’artiste québécois ayant eu le<br />
meilleur rayonnement international, Jean Derome se<br />
dit un assidu du travail, habitude<br />
acquise sur le tôt lorsqu’il dut<br />
travailler d’arrache-pied pour se<br />
qualifier à l’examen d’entrée en<br />
flûte au Conservatoire de<br />
Montréal. Au fil des ans, il a été<br />
confronté à des situations qui<br />
ont été très instructives sur les<br />
réalités quotidiennes du musicien<br />
de jazz. Il aime raconter sa<br />
première visite à New York en<br />
1973, lorsque Pierre Cartier et<br />
lui partirent à la recherche du<br />
célèbre centre de performance<br />
animée par le saxophoniste Sam<br />
Rivers, le Studio Rivbea. En dépit<br />
des propos élogieux tenus dans<br />
les magazines français, les deux<br />
jeunes québécois eurent toutes<br />
les peines du monde à trouver<br />
l’endroit, dans le Lower East Side. Entendant de la<br />
musique au seuil de la porte, ils suivirent le son et<br />
furent accueillis par Rivers, balai en main, qui leur<br />
expliquait qu’il effectuait des travaux de rénovation.<br />
Pourtant, en apprenant que les deux visiteurs étaient de<br />
Montréal, le célèbre musicien se montrait plus que<br />
désireux de se rendre à Montréal avec ses accompagnateurs<br />
de marque, le batteur Barry Altschul et le bassiste…<br />
Dave Holland !<br />
Accueilli sur des scènes partout dans le monde, de<br />
Montréal à Vancouver, de Bologne à Santiago et même<br />
à Perth en Australie, Jean Derome reste quand même<br />
fidèle à son bercail, si bien qu’il est mu par un principe<br />
de loyauté inébranlable envers ses collaborateurs de<br />
longue date. Qui plus est, il se sert aussi du principe<br />
premier arrivé, premier servi au moment de fixer ses<br />
engagements : peu importe qu’on lui fasse une offre<br />
plus alléchante pour un autre spectacle, il respecte<br />
toute date déjà arrêté dans son calendrier. Tout aussi<br />
généreux dans son propos verbal que musical, Jean<br />
Derome a tracé une voie importante dans la musique au<br />
Québec, bien que la reconnaissance du genre musical<br />
auquel il est associé a longtemps tardé à venir de la part<br />
des instances publiques. Lui et les siens ont en quelque<br />
sorte été des pionniers et il constate que d’autres<br />
bénéficient aujourd’hui de leurs efforts pour se placer<br />
les pieds. Carrière bien remplie, certes, mais souhaitons<br />
lui encore bien d’autres années à poursuivre cette aventure<br />
actuelle, dont il est l’un des plus dignes et sympathiques<br />
représentants. p<br />
JAZZ<br />
Au mois d’octobre,<br />
Jean Derome aura<br />
l’occasion de croiser<br />
le fer avec un autre<br />
musicien de renommée<br />
internationale,<br />
le saxo ténor et<br />
soprano britannique<br />
Evan Parker. On en<br />
reparlera le mois<br />
prochain, c’est<br />
promis.<br />
septembre 2005 september 49