traitement des cas de promandibulie et de forte résorption chez l ...

Jean-Marie RIGNON-BRET
Christophe RIGNON-BRET
RÉSUMÉ
Nombreux sont les cas édentés
totaux présentant des rapports
de crêtes très défavorables
résultant de fortes résorptions
ou d'états de promandibulie.
Les problèmes posés et leurs
solutions sont évoqués à travers
deux cas cliniques complexes
montrant que l'évolution des
techniques d'empreinte et de
montage permettent,
actuellement, grâce à des
aménagements et certains
artifices, de satisfaire les
demandes esthétiques des
patients tout en respectant la
fonction.
TRAITEMENT DES CAS
DE PROMANDIBULIE ET
DE FORTE RÉSORPTION
CHEZ L'ÉDENTÉ TOTAL
L'esthétique et une rétention
insuffisante sont, de nos jours, les
doléances majeures de l'édenté total
appareillé. Le souci de conserver une
apparente jeunesse amène nos
contemporains à demander de rétablir,
non seulement la fonction masticatoire
perdue, mais aussi de préserver,
voire d'améliorer l'esthétique
existante de leur visage. De plus,
l'espérance de vie qui augmente a
pour conséquence d'accroître le
nombre d'édentés totaux, mais aussi
et surtout, d'accroître le nombre des
difficultés techniques auxquelles les
praticiens ont désormais à faire face.
Les fortes résorptions et les états de
promandibulie aboutissent à des rapports
de crêtes très défavorables.
Ces situations rendent particulièrement
délicates la réalisation des
empreintes maxillaires et mandibulaires,
ainsi que l'élaboration du montage
des dents prothétiques pour
satisfaire esthétique et fonction.
Chez l'édenté total, les états de forte
résorption résultent d’un phénomène
à caractère centripète au maxillaire et
centrifuge à la mandibule. Cela signifie
que les problèmes posés sont pratiquement
analogues entre un sujet
qui était initialement dans un rapport
de normocclusion en denture naturelle
et celui qui déjà présentait une pro-
REALITES CLINIQUES Vol. 8 n° 4 1997 pp. 435-450

1
Fig. 1 - Sourire de profil avec
anciennes prothèses
Fig. 2 - Occlusion avec anciennes
prothèses
Fig. 3 - Rapport des crêtes édentées
en relation centrée
Fig. 4 - Crête édentée maxillaire
Fig. 5 - Crête édentée mandibulaire
436
4
5
2
3
mandibulie avec inversion d'articulé.
Au stade de l'édentement total, les
difficultés naissent du fait qu'en projection
horizontale, la crête mandibulaire
édentée circonscrit entièrement
la crête maxillaire. Le cas est d'autant
plus complexe à traiter que la conver-
gence vers le haut des axes intercrêtes
est importante et résulte d'une
résorption extrême plutôt que d'un
état de promandibulie vraie existant à
l'état denté. En effet, dans cette dernière
situation, les surfaces d'appui
sont généralement restées de bonne
qualité et l'équilibration est facilitée
par le fait que le prognathe mandibulaire
vrai a souvent tendance à effectuer
essentiellement des mouvements
de glissements fonctionnels en propulsion,
les mouvements en diduction
étant généralement limités.
Nous nous proposons d’illustrer, à travers
la présentation de deux cas cliniques,
l’un caractérisé par de bonnes
surfaces d’appui, l’autre par des surfaces
d’appui très résorbées avec
présence de «crêtes flottantes», les
solutions permettant de satisfaire
esthétique et fonction dans deux
situations où les exigences esthétiques
des sujets étaient particulièrement
importantes.
TRAITEMENT
D'UNE PROMANDIBULIE
Le premier cas clinique concerne une
patiente de 68 ans, présentant une
promandibulie à l'état denté, qui avait
toujours souffert sur le plan esthétique
de cette dysmorphie et qui, suite
à la perte de toutes ses dents, a subi
un traitement prothétique par prothèse
totale bimaxillaire. Les prothèses
présentent un montage inversé et des
dents résines dont l'abrasion, diminuant
encore une dimension verticale
sous-évaluée, ne pouvait qu'accentuer
le caractère disgracieux de l'étage
inférieur du visage, que ce soit de
profil ou de face (fig. 1, 2, 3).
Les surfaces d'appui prothétiques
maxillaire et mandibulaire étaient
d'excellente qualité avec une fibromuqueuse
adhérente à l'os sous-jacent
(fig. 4, 5). L'intéressée ne formulait
aucune doléance sur l'aspect fonc-

6 7
tionnel des prothèses existantes.
L'observation clinique montre une
forte promandibulie avec une très
importante convergence vers le haut
des axes inter-crêtes, aussi bien au
niveau antérieur, que dans les
régions postérieures comme on peut
l'observer grâce à une matérialisation
de ceux-ci par des fils métalliques,
suite à une mise en articulateur des
modèles secondaires suivant un rapport
intermaxillaire précis (fig. 6, 7).
Compte tenu de la collaboration du
sujet et de sa motivation, de nouvelles
prothèses sont élaborées avec
des résultats permettant de satisfaire
les exigences fonctionnelles et esthétiques,
aussi bien de face, que de
profil. Les progrès obtenus peuvent
être constatés par comparaison avec
la situation antérieure (fig. 8, 9, 10,
11) et les solutions permettant d'atteindre
ces objectifs sont essentielle-
ment des artifices de montage et
d'empreinte développés ci-après.
Artifices de montage
En règle générale, pour les cas présentant
des rapports de crête en pro-
8 9
10 11
Fig. 6 - Matérialisation des axes
inter-crêtes de profil
Fig. 7 - Matérialisation des axes
inter-crêtes de face
Fig. 8 - Sourire de face avec
anciennes prothèses
Fig. 9 - Sourire de face avec
nouvelles prothèses
Fig. 10 - Profil avec anciennes
prothèses
Fig. 11 - Profil avec nouvelles
prothèses
437

Fig. 12 - Situation des dents
antérieures en coupe sagittale
Fig. 13 - Situation du plan
d’occlusion et des dents postérieures
en coupe frontale
Fig. 14 - Modèles secondaires placés
en articulateur avec plan d’occlusion
classiquement réglé
Fig. 15 - Modification de
l’orientation du plan d’occlusion
14 15
438
12 13
mandibulie, il est toujours souhaitable
de ne pas réaliser, comme cela avait
été fait pour cette patiente, un montage
inversé. C'est généralement possible
en lingualant légèrement les
dents mandibulaires et en vestibulant
les dents maxillaires de façon à obtenir,
à la limite, un articulé en bout à
bout incisif (fig. 12). Les figures 12 et
13 matérialisent les axes inter-crêtes
d'un cas similaire, qui montre également
qu'au niveau postérieur, c'est la
cuspide palatine de la molaire maxillaire
qui passe par l'axe inter-crête
avec une orientation perpendiculaire
à celui-ci. Cette situation est une position
limite pour assurer l'équilibre prothétique
au cours de la mastication,
c'est-à-dire lorsque les aliments durs
sont placés d'un seul côté sans aucun
contact du côté opposé et qu'il faut
répercuter toute la résultante des
forces à l'intérieur du polygone de
sustentation des prothèses (12, 26).
Il est important, au stade de l'enregistrement
du rapport intermaxillaire (2,
3, 14, 19, 26) de rétablir une dimension
verticale d'occlusion correcte.
Celle-ci est souvent sous-évaluée
chez le prognathe vrai, chez qui l'espace
libre d'inocclusion, très réduit,
est de l'ordre du millimètre. De plus,
chez ce type de sujet à l'état denté, le
plan d'occlusion des dents naturelles
est généralement situé au-dessus de
la langue en position de repos, c'està-dire
dans une situation beaucoup
plus haute que dans les cas de normocclusion.
Cela présente, au stade
du traitement de l'édentation totale
d'un tel cas, un avantage intéressant.
En effet, après avoir enregistré correctement
le rapport intermaxillaire
d'une façon classique avec une base
d'occlusion restituant une esthétique
satisfaisante au niveau antérieur, la
mise en articulateur des modèles
secondaires est effectuée (fig. 14). Il
suffit de conserver la référence esthétique
du bord antérieur supérieur et
de remonter le plan d'occlusion, classiquement
bissecteur au niveau postérieur
(fig. 15). La réduction ainsi
obtenue de la convergence vers le
haut des axes inter-crêtes postérieurs
dans le plan frontal, permet l'obtention
de l'articulé sub-normal déjà
décrit et analysé (fig. 12, 13). Cela
impose le choix de dents prothétiques
cuspidées très étroites dans le sens
vestibulo-lingual afin que les cuspides
linguales des dents mandibulaires ne
créent pas de zones de contre-

dépouilles susceptibles d'offrir à la
langue des possibilités de destabilisation
prothétique (fig. 12, 18 et prothèse
de droite fig. 20).
Cette manière de procéder a l'avantage
d'améliorer :
● l'équilibre fonctionnel des prothèses
(16) :
- obtention d'un articulé normal
(fig. 17, 18),
- équilibration avec contacts généralisés
simultanés,
- léger recouvrement des dents antéromaxillaires
sur les mandibulaires ;
● l'esthétique de la patiente :
- meilleur soutien des lèvres et du
modiolus,
- aspect sub-normal de face et de
profil (fig. 9, 11).
Si l'on compare les anciennes et les
nouvelles prothèses (fig. 16 à 21), on
s'aperçoit que les solutions proposées
pour satisfaire l'esthétique donnent
de l'ampleur à l'arcade maxillaire,
tout particulièrement dans la
région antérieure. La nouvelle prothèse
maxillaire offre plus d'espace à la
langue pour la stabilisation de la prothèse
mandibulaire. Cet effet stabilisateur
est obtenu grâce à l'aménagement
d'un profil d'extrados et d'un
"berceau lingual" adapté. Cette solution
permet une légère vestibuloversion
du groupe incisif mandibulaire
et favorise une bonne stabilisation
prothétique au niveau de l'orbiculaire
des lèvres. De plus, on remarque
qu'aux niveaux postérieurs tous les
principes bio-mécaniques d'équilibre
(10) sont satisfaisants, en particulier
en ce qui concerne le respect de l'aire
de Pound pour l'implantation des
dents cuspidées mandibulaires.
Artifices d'empreinte
La réussite du traitement, rendue possible
par ces artifices de montage,
pourrait être compromise sans l'utilisation
d'artifices d'empreinte. Ils ont
pour but l'obtention d'une sustentation
et d'une rétention optimale améliorant
16
17
le polygone de sustentation prothétique
de façon à pouvoir vestibuler les
dents maxillaires, tout particulièrement
au niveau antérieur.
On procédera de la façon suivante :
● prise des empreintes primaires (11
et 13) maxillaire et mandibulaire au
plâtre (1) ;
● réalisation de porte-empreintes individuels
(P.E.I.) en résine (2) comportant
1) Buccofix
2) Formatray
Fig. 16 - Anciennes prothèses,
en occlusion, vue vestibulaire
Fig. 17 - Nouvelles prothèses,
en occlusion, vue vestibulaire
439

18 19
20 21
22 23 24
Fig. 18 - Nouvelles prothèses,
en occlusion, vue linguale
Fig. 19 - Ancienne et nouvelle prothèse
maxillaire (extrados)
Fig. 20 - Ancienne et nouvelle prothèse
mandibulaire (extrados)
Fig. 21 - Ancienne et nouvelle prothèse
maxillaire (intrados)
Fig. 22 - Empreinte secondaire
maxillaire
Fig. 23 - Enregistrement du soutien
facial de face
Fig. 24 - Enregistrement du soutien
facial de profil
440
des bourrelets en composition dure (3)
préfigurant les futures arcades dentaires.
Le bourrelet maxillaire doit préfigurer
le soutien esthétique optimum
du modiolus et de la lèvre supérieure ;
● enregistrement de joints périphérique
(8) et postérieur (1).
● empreinte secondaire (fig. 22) réalisée
par l'intermédiaire d'un polyéther
de très basse viscosité (4) . L'enregistre-
ment des joints et la prise d'empreinte
sont réalisés sous l'action des mouvements
fonctionnels extrêmes de la
musculature périphérique, après un
réglage adapté du PEI.
● modification de l'empreinte secondaire
(fig. 23, 24).
3) Stent’s ou Govida blanc
4) Permadyne bleue Espe

Afin d'analyser et de quantifier les
possiblités de soutien de la lèvre
supérieure et du modiolus dans le but
de vestibuler, pour des raisons esthétiques,
les futures dents antéro-maxillaires,
un thiocol moyenne viscosité (5)
a été placé de prémolaire à prémolaire
dans la région vestibulaire antérieure,
puis l'empreinte secondaire déjà
prise a été parfaitement replacée en
bouche grâce aux qualités du matériau
polyéther. Etant maintenue en
place, tous les mouvements fonctionnels
faisant intervenir la musculature
périphérique, en particulier ceux de la
mimique et du sourire, ont été effectués
par la patiente jusqu'au début de
prise du matériau thiocol dont la fin de
polymérisation a été attendue bouche
entrouverte au repos.
Cet enregistrement avec cette
empreinte replacée en bouche permet
:
● de valider par la patiente la qualité
du soutien esthétique obtenu de face
et de profil,
● de vérifier l'impossibilité d'une perte
de rétention lors des mouvements
fonctionnels.
Le volume déterminé par l'ensemble
de cet enregistrement vestibulaire a
été reproduit au niveau du profil de
l'extrados et des dents prothétiques
antéro-maxillaires des nouvelles prothèses.
La préfiguration du soutien esthétique,
souhaitée en fonction de la future sustentation
et rétention prothétique a pu
être obtenue en utilisant rationnellement
tous les impératifs d'une
empreinte secondaire classique,
associés à l'utilisation de deux matériaux
de surfaçage élastique :
● l'un de très basse viscosité mais
très rigide après polymérisation, le
polyéther (4) ,
4) Permadyne bleue Espé
5) Neoplex régular Surgident
6) Permlastic Light Kerr
● l'autre de viscosité moyenne le thiocol
(5) qui présente l'avantage d'avoir
un temps de polymérisation très lent
permettant un modelage bien affiné
lors des différents mouvements fonctionnels.
En ce qui concerne l'empreinte secondaire
mandibulaire, elle a été réalisée
classiquement, compte tenu de la
qualité des surfaces d'appui mandibulaires
avec un mélange d'un thiocol de
moyenne viscosité (5) et d'un thiocol de
basse viscosité (6) (voir article de
M. Postaire dans ce numéro).
TRAITEMENT D'UN CAS
DE RÉSORPTION EXTRÈME
Le deuxième cas clinique concerne
une patiente de 65 ans, a priori similaire
au cas précédent, notamment en
ce qui concerne la motivation de l'intéressée
pour une restauration prothétique
esthétique et fonctionnelle.
Toutefois, dans ce cas particulier, les
prothèses totales existantes (fig. 25,
26) avec dents résine abrasées, également
articulées dans un rapport
inversé, ont provoqué une résorption
centripète au maxillaire et centrifuge à
la mandibule aggravant considérablement
les rapports de crêtes en promandibulie
(fig. 27).
De plus, l'examen endo-buccal, après
retrait des prothèses, révèle la présence
d'importantes crêtes flottantes,
aussi bien à la mandibule qu'au maxillaire.
Cette pathologie se rencontre souvent
lors du port de prothèses totales bimaxillaires
présentant une mauvaise
sustentation avec des joints périphériques
et postérieurs insuffisants,
associée à un montage inversé avec
dents résines dont l'abrasion au cours
du temps place souvent le sujet dans
des positions de compensation paracentrée
ou excentrée avec perte de
dimension verticale.
9

Fig. 25 - Occlusion avec
anciennes prothèses
Fig. 26 - Anciennes prothèses
(intrados)
27
Fig. 27 - Radiographie panoramique
montrant l’importante résorption
442
25 26
Les artifices de montage développés
pour le premier cas clinique ont été
appliqués intégralement pour satisfaire
les exigences esthétiques et fonctionnelles
de cette patiente avec
obtention d'un articulé parfaitement
équilibré en normocclusion (fig. 28).
Les résultats satisfaisants obtenus
sur le plan esthétique peuvent être
observés, aussi bien de face que de
profil, en comparant la nouvelle et
l'ancienne situation (fig. 29, 30, 31,
32).
Cette situation clinique complexe
n'aurait pas pu être menée à bien par
les seuls artifices de montage déjà
évoqués. Ceux-ci ont pu être utilisés
avec succès seulement après la réussite
d'un traitement chirurgical et en y
associant des artifices d'empreinte
spécifiques développés ci-après.
Apport du traitement
chirurgical
Chaque fois que l'état général du
sujet le permet, il est souhaitable,
pour obtenir une bonne sustentation
prothétique, d'éliminer chirurgicalement
tout tissu hyperplasique (23) ou
"crête flottante" (fig. 33, 34, 35).
Après port des prothèses existantes,
réadaptées périodiquement (5) avec
un matériau de rebasage retard (7) et
retrait des points de suture, les
empreintes sont entreprises dès
qu'une cicatrisation satisfaisante
montre une fibromuqueuse bien ahé-
7) Soft Oryl-Télédyne Getz

29
Fig. 28 - Occlusion avec nouvelles
prothèses
Fig. 29 - Sourire de face avec nouvelles
prothèses
Fig. 30 - Sourire de face avec anciennes
prothèses
31
28
30
Fig. 31 - Profil avec nouvelles prothèses
Fig. 32 - Profil avec anciennes prothèses
32
443

33
35
444
36 37
34
Fig. 33 - Crête flottante maxillaire
Fig. 34 - Crête flottante maxillaire
réséquée chirurgicalement
Fig. 35 - Suture maxillaire par points
séparés
Fig. 36 - Cicatrisation maxillaire à deux
mois
Fig. 37 - Crête mandibulaire après
résection de crête flottante et cicatrisation
à deux mois
rente à l'os sous-jacent, tant au maxillaire
(fig. 36), qu'à la mandibule
(fig. 37).
Le très important phénomène de
résorption osseuse fait apparaître une
convergence des axes inter-crêtes
vers le haut encore plus grande que
dans le cas précédent, nécessitant
d'autres artifices d'empreintes pour
compenser les effets de cette résorption
considérable, et assurer sustentation,
rétention et esthétique prothétique.
Ces artifices vont être développés
à travers la présentation des
technologies d'empreintes primaires,
secondaires et de complément utilisées
pour traiter cette patiente.

38 39
Empreintes primaires
Comme dans le premier cas clinique
des empreintes primaires maxillaire et
mandibulaire mucostatiques (11, 13)
au plâtre (1) ont été prises (fig. 38, 39)
suivant une technologie largement
décrite par ailleurs (13), dans le but
de réaliser des P.E.I. en résine (2) comportant
des bourrelets en composition
dure (3) préfigurant les futures arcades
dentaires.
Dans ce cas de très forte résorption
au maxillaire, contrairement au cas
précédemment décrit, le porteempreinte
de série choisi était de
taille bien supérieure à l'arcade résiduelle
et correspondait approximativement
à cette arcade avant qu'elle
subisse le phénomène de résorption,
de façon que celui-ci, faisant office de
porte-matériau, permette de retrouver,
après sa mise en place, un soutien
esthétique facial compensant l'effondrement
labial et jugal.
A partir de ces empreintes primaires
sont réalisés les deux P.E.I. (fig. 40).
P.E.I. et empreinte secondaire
mandibulaire
En ce qui concerne la réalisation du
P.E.I. mandibulaire, un modèle avec
double base engrènée a été réalisé
afin de pouvoir désinsérer, sur un
modèle fracturé, toute la zone postérieure
gauche de ce dernier. Cela per-
met ensuite de pouvoir retirer sans
difficulté le P.E.I. parfaitement
ajusté dans les zones de contredépouilles
rétro-molaires du modèle.
Ce P.E.I. est muni d'un bourrelet
préfigurant en tout point la future
arcade dentaire tout en étant
plus étroit que cette dernière,
notamment au niveau des futurs
groupes cuspidés. Le rôle de ce bourrelet
sera de fournir à la musculature
périphérique et à la langue un soutien
comparable à celui de la future arcade,
tout en laissant, par sa faible
épaisseur, la possibilité aux excès de
matériau d'empreinte secondaire de
s'évacuer en s'étalant, sans surextension
ou surépaisseur, sous l'effet des
mouvements fonctionnels demandés
à la patiente (28). Afin que les mouvements
fonctionnels extrêmes puissent
être effectués sans interférence, les
bords vestibulaires et linguaux du
P.E.I. sont classiquement réduits et
réglés en bouche (9, 18, 20, 21, 28).
Après avoir stabilisé à la pâte thermoplastique
verte (8) le P.E.I. dans les
régions des poches de Fish en sollicitant
au maximum à ce niveau le jeu
de la musculature, le joint sublingual
est enregistré (9) à la pâte thermoplastique
(8) 40
grise sous l'action des
2) Formatray
3) Stents ou Godiva Blanc
8) Pâte de Kerr en bâton
Fig. 38 - Empreinte primaire
mandibulaire au plâtre
Fig. 39 - Empreinte primaire
maxillaire au plâtre
Fig. 40 - Porte-empreintes individuels
maxillaire et mandibulaire
445

41 42
Fig. 41 - Enregistrement des zones de
stabilisation mandibulaire et du joint
sublingual
Fig. 42 - Empreinte secondaire
mandibulaire
446
mouvements fonctionnels linguaux
(fig. 41).
Un thiocol de viscosité moyenne (5) a
été retenu comme matériau d'empreinte,
compte tenu :
● de la surface d'appui prothétique
très résorbée, mais avec une fibromuqueuse
saine et adhérente à l'os
sous-jacent,
● d'une patiente présentant une musculature
périphérique puissante
capable d'évacuer sans créer de surextention
ou de surépaisseur un
matériau relativement compressif,
● de l'absence d'un joint périphérique
complet autorisant l'écoulement du
matériau sans contrainte (20, 21).
Une fois ce type de matériau placé en
couche peu épaisse, puis modelé aux
doigts humides, tout particulièrement
sur les bords du P.E.I., ce dernier est
porté en bouche et parfaitement appliqué
sur les surfaces d'appui en maintenant
une pression digitale au niveau
molaire, tandis que le sujet est invité
à mobiliser toute sa musculature périphérique
et linguale dans ses mouvements
fonctionnels extrêmes, la prise
complète du matériau étant attendue
bouche grande ouverte avec protraction
extrême de la langue.
La qualité de l'enregistrement sans
surextension, ni surépaisseur des
limites prothétiques périphériques
(fig. 42), a permis d'améliorer la sustentation
et la rétention de la nouvelle
prothèse par rapport à l'ancienne (fig.
48).
P.E.I. et empreinte secondaire
maxillaire
Les bords du P.E.I. maxillaire (fig. 43),
largement épaissis pour prendre en
compte le volume des bords obtenus
par la technique d’empreinte primaire
(13, 22), sont réglés physiologiquement
en bouche, en plusieurs étapes,
par l'utilisation de matériau polyéther
de haute (9) et moyenne (10) viscosité.
L'objectif est d'éviter toute interférence
fonctionnelle, de préfigurer la future
arcade dentaire et, par le biais du
bourrelet en composition dure (3) , de
vérifier le soutien esthétique facial.
Le polyéther est déposé (à la spatule
ou au mélangeur automatique (11) ) sur
toute la périphérie, enduite d'adhésif,
du P.E.I.
Modelé aux doigts humides il permet,
souvent en plusieurs temps, l'enregistrement
précis de la limite fonctionnelle
sans surextension, ni surépaisseur
(4, 6, 7, 15, 16, 17) :
● les bords et la zone postérieure du
P.E.I. réglée classiquement au niveau
de la limite (1) sont enduits d'adhésif
et de matériau haute viscosité (9) ,
3) Stent’s ou Godiva Blanc
5) Neoplex Regular Surgident
9) Permadyne Orange Espe
10) Impregum F. Espe
11) Pentamix Espe

● une fois mis en bouche, les mouvements
fonctionnels classiques et
extrêmes sont demandés à la patiente,
puis la polymérisation du produit
est attendue en position de repos,
bouche entrouverte,
● après avoir objectivé les surextensions
ou les surépaisseurs du P.E.I.
(fig. 44), les corrections sont effectuées
à la fraise résine par simple
meulage autant de fois qu'il est
44 45
46 47
nécessaire (fig. 45) pour obtenir un
joint satisfaisant (fig. 46) grâce à une
nouvelle couche de produit de viscosité
identique, basse ou moyenne (10) .
L'empreinte secondaire (fig. 47) est
réalisée en utilisant un élastomère
thiocol de basse viscosité (6) après
avoir préalablement enduit d'adhésif
l'intrados et les bords du P.E.I.
6) Permlastic Light Kerr
10) Impregum F. Espe
43
48
Fig. 43 - Modèle primaire permettant
l’épaississement des bords du P.E.I.
maxillaire
Fig. 44 - Mise en évidence des zones
de surextension ou de surépaisseur
Fig. 45 - Corrections des
surextensions ou surépaisseurs
Fig. 46 - Joint périphérique et
postérieur obtenus
Fig.47 - Empreinte secondaire
maxillaire
Fig. 48 - Nouvelles et anciennes
prothèses (intrados)
447

Fig. 49 - Endiguement postérieur à la
pâte de Kerr
Fig. 50 - Corrections des
interférences fonctionnelles sur
l’empreinte prise en occlusion
448
49 50
Elle s'effectue en demandant
à la patiente d'effectuer tous les
différents mouvements fonctionnels.
Le coffrage soigneux de cette
empreinte secondaire permet d'obtenir
ensuite un volume de bord rigoureusement
identique au niveau de la
nouvelle prothèse (fig. 48), garantissant
ainsi esthétique et fonction.
L'épaisseur des bords obtenus par
ces artifices d'empreintes primaires et
secondaires augmente, de façon
importante, non seulement la rétention,
mais aussi la surface de sustentation
prothétique ce qui permet de
vestibuler les dents antérieures et
postérieures et d'éviter des montages
en articulé inversé inesthétiques souvent
générateurs de résorption
accrue, tout particulièrement au
maxillaire (13, 22).
Empreinte de complément
Sans effectuer la moindre étape de
transition, malgré une augmentation
de près de huit millimètres de la
dimension verticale d'occlusion, les
nouvelles prothèses ont été portées
parfaitement équilibrées, à la satisfaction
de l'intéressée. Malgré cela, nous
avons voulu améliorer encore le
résultat obtenu, environ trois mois
après, par une empreinte de complément
(18, 22) réalisée au maxillaire
sur la nouvelle prothèse dans le but
de parfaire sustentation, rétention et
esthétique en prenant en compte l'effet
des charges occlusales (24, 25, 27) :
● la limite postérieure est endiguée à
la pâte thermoplastique verte (8) en faisant
exécuter à la patiente des mouvements
de grande ouverture buccale,
de diduction puis prononcer le A
grave, le durcissement de la pâte
étant attendu en occlusion de relation
centrée (fig. 49) ;
● une nouvelle empreinte est prise en
garnissant l'intrados et les bords de la
prothèse maxillaire d'une fine couche
de polyéther moyenne viscosité (10) .
Les mouvements fonctionnels
extrêmes et des mimiques sont effectués,
après quoi la patiente est guidée,
sans contrainte, dans son rapport
d'occlusion pour attendre la polymérisation
du produit, en évitant tout
proglissement de la base maxillaire.
Les zones légères de surextention et
de surépaisseur sont supprimées à la
fraise (fig. 50) ;
● après retrait de la totalité du matériau,
une nouvelle empreinte est pratiquée
dans les mêmes conditions
(fig. 51) ;
8) Pâte de Kerr en bâton
10) Impregum F. Espe

51 52
● à la suite d'un coffrage soigneux,
une réfection totale de la base prothétique
est effectuée (fig. 52).
Le fait que ce type d'enregistrement a
été réalisé à partir d'une prothèse
portée et parfaitement intégrée par le
sujet, garantit l'obtention de conditions
de sustentation, de rétention et
d'esthétique optimales.
CONCLUSION
Les artifices d'empreinte et de montage
préconisés permettent d'obtenir
des résultats esthétiques et fonctionnels
supérieurs dans des rapports,
assez exceptionnels, de promandibulie
avec ou sans pathologie. Le fait de
1. BEGIN M. et ROHR M. - Le joint vélo-palatin
en prothèse complète maxillaire. Cahiers de
Prothèse, 43 : 55-78, 1983.
2. BEGIN M. et ROHR M. - Le rapport intermaxillaire
en prothèse totale. Détermination
de la dimension verticale. L’Intormation Dentaire,
15 : 1175-1184, 1989.
3. BEGIN M. et ROHR M. - Le rapport intermaxillaire
en prothèse totale. L'enregistrement.
L'Information Dentaire, 20 : 1673-
1680, 1989.
4. DELCROIX P. POSTAIRE M., NASER B.,
RIGNON-BRET J.-M. et RAUX D. - Poly-
BIBLIOGRAPHIE
donner de l'ampleur à l'arcade maxillaire
pour assurer le soutien esthétique,
procure un espace vital à la
langue lui permettant de stabiliser la
prothèse mandibulaire, à l'opposé du
montage inversé qui conduit à la destabilisation
prothétique.
Ces artifices méthodologiques à
réserver aux cas complexes supposent
une bonne connaissance des
matériaux, des techniques d'empreinte
et de montage utilisés en prothèse
complète associée à une observation
clinique bien conduite.
Remerciements au Dr L. Maman,
pour le traitement chirurgical et à
Messieurs R. Lerpscher, S. Hurtado
éthers et empreinte secondaire. L'Information
Dentaire, 10 : 829-835, 1994.
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brides et freins en prothèse complète. Cahiers
de Prothèse, 86 : 18-25, 1994
Fig. 51 - Empreinte de complément
prise en occlusion
Fig.52 - Nouvelle prothèse (intrados)
449

450
Correspondance :
Jean-Marie Rignon-Bret
10, rue de Liège
75009 Paris
FRANCE
8.POMPIGNOLI M. - Le joint périphérique.
L’Information Dentaire, 2 : 91-103, 1987
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total mandibulaire. Revue Dentaire Libanaise,
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ABSTRACT
TREATMENT OF MANDIBULAR PROGNATHISM AND SEVERE RESORPTION IN
EDENTULOUS PATIENTS
The cases of totally edentulous patients who have very unfavorable relationships of alveolar ridge crests resulting from
marked resorption or mandibular prognathism are very numerous. The problems they present and their solutions are
discussed using two complex clinical cases which show that the evolution of impression techniques and mounting
techniques permit us, at present, to satisfy the esthetic demands of patients while respecting functional requirements.
RESUMEN
TRATAMIENTO DE LOS CASOS DE PROMANDIBULIA Y DE FUERTE RESORCION EN
EL DESDENTADO TOTAL
Son numerosos los casos de desdentados totales que presentan relaciones de crestas muy desfavorables, producidas por
fuertes resorciones o estados de promandibulia. Los problemas planteados y sus soluciones son evocados a través de dos
casos clínicos complejos, que muestran que la evolución de las técnicas de moldeado y de montaje permiten actualmente,
gracias a ciertas adecuaciones y astucias, satisfacer las exigencias estéticas de los pacientes al tiempo que se respeta la
función