MANUEL GÉNÉRAL - INRP

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MANUEL GÉNÉRAL DE L'INSTRUCTION PRIMAIRE
Causes de l'analphabétisme.
DANS un article précédent 1 nous écrivions :
« Après l'examen écrit, tous les jeunes
soldats qui ont obtenu la note 0 à la première
épreuve (écriture et orthographe) subissent
une épreuve orale de lecture ». A l'occasion de
cette épreuve individuelle, l'examinateur pose
quelques questions destinées à le renseigner
sur les causes de l'analphabétisme.
- En plusieurs années, nous avons pu réunir
lès réponses de 114 jeunes gens, dont le plus
grand nombre ne connaissent pas les signes
de l'alphabet. Sous la réserve de leur sincérité,
ces réponses ont permis d'étudier les deux
causes suivantes : régularité de la fréquentation,
situation de famille.
RÉGULARITÉ DE LA FRÉQUENTATION. —
Sur 114 illettrés, combien ont eu une scolarité
normale d'au moins 5 ans ? Nous en trouvons
15. En considérant seulement le dernier
examen qui portait sur 856 recrues, ils sont
6 qui constituent réellement le déchet de
notre école actuelle. C'étaient des enfants
auxquels ne convenaient pas nos méthodes
pédagogiques courantes.
Voici quelques-unes des réponses obtenues :
un conscrit a changé très souvent d'école;
trois avouent qu'ils avaient la « tête dure »;
trois ont tout oublié (ils avaient dû apprendre
fort peu) ; trois accusent nettement l'instituteur
de ne les avoir pas fait travailler. Les
autres réponses manquent de précision.
Tous les autres, soit 99, sont compris dans
le petit tableau suivant :
N'ont jamais fréquenté une école : 12.
Ont eu une fréquentation à peu près nulle
(moins d'un an) : 27.
Ont eu une fréquentation très irrégulière
pendant plus d'un an : 60.
D'après leur origine, nous trouvons dans
les deux premiers groupes : deux étrangers
qui n'ont jamais fréquenté d'école française,
un enfant de nomades, trois enfants de forains
et un enfant de mariniers qui ont eu une fréquentation
très irrégulière, parce que leur vie
ne s'accordait pas avec notre organisation
scolaire actuelle.
De plus, 8 soldats ont donné comme motif
de leur fréquentation irrégulière de longues
maladies de l'enfance. Après ces éliminations,
il en reste 84 qui auraient dû suivre normalement
les exercices scolaires. Cette constatation
troublante conduit à rechercher la
distance de l'habitation àl'école et la situation
de famille.
SITUATION DE FAMILLE. — Peu de jeunes
gens habitaient à 4 ou 5 kilomètres de l'école.
1. Voir Manuel général du 31 mars 1934.
Mais presque tous appartiennent à des familles
peu aisées r
14 sont orphelins, dont 3 appartiennent à des
familles nombreuses.
3 appartiennent à des familles de 3 enfants.
8 — — 4 -
7 — — 5 - 1
12 — — 6 —
6 — — 7 - ;
5 — — 8 -
5 — — 9 -
8 — — 10 — |
8 — — plus de 10
10 — à des familles nombreuses,
sans que l'examinateur ait précisé le > nombre
de frères et sœurs.
Plus de la moitié ont été employés aux
travaux des champs, soit avec leurs parents,
soit comme domestiques et parfois à partir de
7 ans.
IL est indéniable qu'une relation étroite existe
entre l'analphabétisme et la situation
de famille. Les illettrés proviennent presque
tous de familles nombreuses. Dès 7, 8 ou 10 ans,
ils ont dû apporter leur gain pour aider à subvenir
aux dépenses de la famille; ils ne sont
presque jamais allés à l'école; et, maintenant,
ils sont condamnés à vivre en dehors de notre
civilisation.
Notre enquête n'a porté que sur les illettrés,
Nous sommes persuadés que, si elle avait pu
s'étendre aux jeunes gens qui sont d'un niveau
intellectuel inférieur à celui d'un enfant de
9 ans, elle aurait montré que la cause de leur
ignorance doit être recherchée dans l'irrégularité
de la fréquentation. Et souvent, les
enfants qui fréquentent mal appartiennent à
des familles nécessiteuses.
Comme toute organisation humaine, notre
école a ses imperfections, elle enregistre des
échecs; mais ceux qui lui sont entièrement
imputables sont peu nombreux. C'est en
dehors de l'école même que, pour le plus
grand nombre, il faut en chercher les causes,
Il n'en reste pas moins qu'on se demande
avec quelque appréhension ce qui, socialement
et politiquement, peut résulter du fait que
le quart de nos jeunes gens possèdent une
instruction inférieure au savoir normal d un
enfant de 10 ans.
Nous rechercherons dans un prochain et
dernier article, si les cours que les jeunes gew
suivent pendant leur incorporation sont
capables d'améliorer cette situation.
D . T O U R A I N E ,
Inspecteur de l'Enseignement primaire.
DëLPAUD et MILLET. A R I T H M É T I Q U E . surfeur. UN vol. in-16, illustré, cartonné. 9 ff'