Le folklore comme matière de la fiction - Freelang
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pour s'affirmer <strong>comme</strong> spécifiquement vietnamienne ?<br />
III.2. Des traits distinctifs<br />
La spiritualité vietnamienne ne peut pas se définir uniquement par les apports <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s<br />
philosophies chinoises qu'elle a intégrés. <strong>Le</strong> peuple vietnamien a en effet toujours fait preuve<br />
d'une résistance affirmée à l'égard <strong>de</strong> toute assimi<strong>la</strong>tion et a toujours marqué son autonomie<br />
face aux envahisseurs et à leur influence, préservant un socle culturel soli<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s traits<br />
psychologiques qu'il est possible <strong>de</strong> distinguer.<br />
En premier lieu, l'intégration <strong>de</strong>s doctrines chinoises n'a été que partielle : si l'on a vu que<br />
certains contes <strong>de</strong> nos recueils s'en faisaient les dignes allégories, d'autres s'en détachent<br />
farouchement : le roi An Duong Vuong est perçu <strong>comme</strong> un impru<strong>de</strong>nt dans « L’arbalète<br />
magique » et le Bouddha <strong>de</strong> « Tam et Cam » se révèle impuissant face aux stratagèmes <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
belle-mère.<br />
S'il ne s'agit pas ici <strong>de</strong> reprendre les théories essentialistes <strong>de</strong> Duong Dinh Khue sur<br />
« l'originalité foncière <strong>de</strong> l'âme vietnamienne » , il convient toutefois <strong>de</strong> mentionner les<br />
gran<strong>de</strong>s lignes <strong>de</strong> son analyse, dans <strong>la</strong> mesure où elle a pu inspirer <strong>de</strong> nombreux écrivains et<br />
folkloristes, et qu'elle met en évi<strong>de</strong>nce certains traits propres à <strong>la</strong> culture du pays. Ainsi, il<br />
apparaît assez distinctement que le référentiel <strong>de</strong> base <strong>de</strong> l’individu vietnamien est <strong>la</strong> cellule<br />
familiale. C'est en son sein que <strong>la</strong> spiritualité s'éveille et que les hiérarchies se forment : les<br />
contes « Tam et Cam », « Pourquoi <strong>la</strong> mer est salée », « Or et caramboles » mettent en<br />
situation <strong>de</strong>s rivalités fraternelles, souvent au détriment du ca<strong>de</strong>t. Un autre topos <strong>de</strong> ces contes<br />
est <strong>la</strong> mort du père, associée à un discours <strong>de</strong> succession (dans « <strong>Le</strong> gâteau du Têt »<br />
notamment) : le personnages se définissent avant tout par leur filiation.<br />
De même quelques traits récurrents, à défaut d'être définitoires, peuvent être mentionnés. Un<br />
mot qui a pu revenir dans les textes <strong>de</strong>s écrivains franco-vietnamiens et dans les étu<strong>de</strong>s qui<br />
leur sont consacrées est celui <strong>de</strong> « <strong>la</strong>que ». Ce terme, chez à Anna Moi, nous renvoie à <strong>la</strong> fois<br />
à <strong>la</strong> couleur noire et à <strong>la</strong> perméabilité, <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>rité apparente <strong>de</strong> <strong>la</strong> surface. Il me semble être<br />
une métaphore particulièrement adaptée à l’esprit <strong>de</strong>s contes popu<strong>la</strong>ires qui transparait dans<br />
nos recueils contemporains : « noirceur » car ces contes semble empreint d'une mé<strong>la</strong>ncolie qui<br />
affleure à chaque page dans ces romans, et « <strong>la</strong>quée » car cette mé<strong>la</strong>ncolie, feutrée et pudique,<br />
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