19.07.2013 Views

PREMIERE

PREMIERE

PREMIERE

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

YAMAMOTO MATSUJIRO<br />

ET<br />

LA LANGUE FRANCAISE<br />

EN PROVINCE<br />

Introduction.<br />

1<br />

TANAKA Sadao.<br />

Nous avons vu longuement comment l'etude de la langue francaise avait pris naissance et s'etait<br />

developpee a Edo (Tokyo). Mais pour etre dans la verite et pour que la recherche de cette etude au<br />

Japon soit plus complete, nous devons necessairement aborder un autre aspect du probleme , a<br />

savoir:<br />

L 'oeuvre entreprise par les "Yogakusha" de province.<br />

Parmi ces erudits de province qui se sont specialises dans l'etude de la langue francaise, nous<br />

retiendrons le nom de<br />

YAMAMOTO MatsujirO de. Nagasaki.<br />

Nagasaki est reste longtemps "une fenetre entrouverte sur l'Occident"( 1). L'autoclaustration,<br />

depuis pres de deux siecles et demi, impose par le regime des Tokugawa"(1) etait déjà depassee.<br />

Le Japon s'ouvrait a l'Occident. Nagasaki attirait donc(2) des jeunes assoiffes de connaissances<br />

nouvelles.".<br />

C'est dans ce contexte politique que se place Yamamoto Matsujiro de Nagasaki.<br />

Il est fort regrettable que jusqu'a present on ait absolument ignore et le personnage et son<br />

oeuvre. Fort heureusement Haruo, le petit-fils de Yamamoto a eu l'amabilite de nous confier<br />

d'importants documents sur notre auteur et de nous autoriser a nous en servir dans cette etude .<br />

Nous l'en remercions vivement.<br />

Ainsi, en nous basant sur ces decouvertes interessantes, nous verrons comment Yamamoto a<br />

pu apprendre la langue francaise. Sa sante et ses moyens financiers ne lui ont pas permis de quitter<br />

son pays natal. C'est pour cette raison peut-etre qu'il est difficile de determiner le role qu'il a joue<br />

au Japon, apres la restauration de Meiji, mais l'etude de son oeuvre presente un interet que nous ne<br />

saurions negliger.<br />

I.<br />

A.<br />

<strong>PREMIERE</strong><br />

SA VIE.<br />

ETAPE (1845-1865)


2<br />

a) Les premieres etudes.<br />

Yamamoto Matsujiro ecrit dans ses memoires "Bansui Keireki"(3) qu'il naquit le 15 janvier<br />

1845 (2e annee de Koka), au numero 12 de la rue Koya, a Nagasaki. Son Ore s'appelait Seikai.<br />

Matsujiro etait le cinquieme enfant de la famille(4). A Page de 5 ans, en janvier 1850, it entra a<br />

l'ecole privee "Shuin Kooku" de son pere, situee dans la rue Edo. Ce fut la qu'il recut sa premiere<br />

education.<br />

Plus tard, de 11 ans a 14 ans, it etudia l'etude du chinois litteraire dans une autre ecole privee.<br />

b) La medecine et les sciences hollandaises.<br />

En janvier 1860, it cessa l'etude du chinois litteraire pour s'adonner a la medecine occidentale<br />

et aux sciences hollandaises. Il avait alors 15 ans. Son maitre, medecin du fief d'Omura, s'appelait<br />

MURASE Kyoan. En mars 1862, pour se perfectionner dans ces sciences hollandaises, it prit un<br />

autre maitre, NAGAYO Sensai, appartenant lui aussi au meme fief.<br />

A l'age de 19 ans, en mars 1864 (1ere annee de Genji), Matsujiro quitta Nagasaki pour aller<br />

etudier a Osaka. Mais de retour dans sa ville natale, 6 mois plus tard, it reprit l'etude de la mede-<br />

cine occidentale sous la direction d'Antoine-Francois BAUDUIN, de nationalite hollandaise, qui<br />

etait professeur a l'ecole superieure de medecine de Nagasaki. Il prit en meme temps un autre<br />

professeur de la meme ecole, mais cette fois un Japonais comme maitre des sciences hollandaises.<br />

a) Premier stage.<br />

II. ETUDE DE LA LANGUE FRANCAISE.<br />

Yamamoto MatsujirO, a l'exemple de beaucoup de ses contemporains, specialises dans la<br />

langue francaise, laissa de cote la medecine et les sciences hollandaises pour se consacrer a l'etude<br />

de la langue francaise.<br />

Du 15 aout 1865 a la fin d'octobre 1867, it etudia a l'Ecole Superieure des Langues etran-<br />

geres, dite "Saibikan", sous la direction du Pere Petitjean(5), d'un autre Francais, sans doute un<br />

employe du Consulat de France a Nagasaki et de SHIRAI KishO(6).<br />

Yamamoto note dans ses "Memoires" les livres qu'il utilisa pendant ses cours. Ce sont:<br />

"Methode familiere" (grammaire francaise) ,<br />

"Nouvelle grammaire francaise" , de Noel et Chapsal(7),<br />

"Petit cours de geographie moderne" , par E. Cortambert(8),<br />

"Notions de chimie" , de Monvel, B. Boutet(9).<br />

b) Deuxieme stage.<br />

Du 15 janvier 1868 au 24 decembre 1871, it continua ses etudes de francais, a la meme ecole<br />

superieure des langues etrangeres de Nagasaki qui venait de changer son nom en celui de "Kounkan".<br />

Ses maitres furent alors Guido Verbeck(10) et Leon Dury.<br />

Ses livres scolaires furent les suivants:<br />

"Notions de physique" , par Movel, B. Boutet,<br />

"Petit cours d'histoire universelle" ,<br />

"Petite histoire ancienne" ,<br />

"Petite histoire du Moyen -Age",


"Histoire des temps modernes" ,<br />

"Lectures francaises" .<br />

c) Troisieme stage.<br />

Enfin, du 25 decembre 1871 au 23 mars 1872, it alla etudier le francais, sous la direction de<br />

M. Dauphine, officier francais, attache au Consulat francais a Oura, dans le territoire des Conces-<br />

sions etrangeres.<br />

Il se servit des deux livres suivants:<br />

"Maximes de guerre et pensees de Napoleon I" ,<br />

"Notre organisation militaire de la Confederation de Napoleon III" .<br />

Yamamoto Matsujiro etudia done le francais pendant sept ans, de Page de 20 ans a Page de 27<br />

ans. Nous ne possédons aucun autre document en dehors de ses memoires, mais i1 dut continuer a<br />

etudier par ses propres moyens, comme nous le verrons par la suite.<br />

d) Leon Dury.<br />

Leon Dury naquit en 1819, a Lambesc (Bouches-du-Rhone). I1 prit part a la guerre de Crimee,<br />

en tant que medecin.<br />

Voici comment it fut appele a venir au Japon.<br />

Le Pere Mermet de Cachon, ayant ouvert un hOpital a Hakodate (Hokkaido), avec l'appui de<br />

son ami Kurimoto Izui (Joun) et du gouverneur de Hakodate, demanda un ' medecin francais a<br />

Paris. Ce fut Leon Dury qui fut designe.<br />

Or, les Russes commencaient a s'implanter a Ezo (Hokkaido). Eux aussi ouvrirent un grand<br />

hopital de 200 lits, tandis que celui du Pere Merrnet etait converti en hopital de veneriens. Ainsi<br />

quand Dury arriva au Japon, it se trouva sans travail, et le Ministre de France le fit nommer Consul<br />

a Nagasaki.<br />

En 1867, Dury accompagna la Mission Japonaise a 1'Exposition universelle de Paris. Ensuite,<br />

de 1868 a 1870, it enseigna le francais a l'ecole "Kounkan" (l'ancienne ecole "Saibikan"). Sa<br />

charge de consul terminee, en 1870, it devint officiellement professeur dans cette meme ecole.<br />

C'est a ce moment-la que Yamamoto lui servit d'interprete.<br />

L'ecole "KOunkan" fut fermee en 1871 et Dury se rendit a Kyoto. A l'ecole departementale,<br />

i1 enseigna pendant 4 ans le francais, l'histoire, la geographie, les sciences et meme la gymnastique<br />

militaire. De la, it alla a Tokyo ou it devint professeur a l'ecole "Tokyo Kaisei Gakko", qui est ac-<br />

tuellement l'universite de Tokyo. I1 y donna des cours de litterature francaise et d'histoire de<br />

France. Enfin it fut professeur a l'ecole superieure des langues etrangeres de Tokyo.<br />

Il rentra en France en 1877, emmenant avec lui quelques eleves de l'ecole francaise de Kyoto,<br />

pour les faire etudier au lycee de Marseille. En 1888, le gouvernement japonais lui octroya le titre<br />

de Consul honoraire de Marseille. C'est la qu'il mourut, le 24 octobre 1891, a rage de 72 ans(11).<br />

a) •Professorat de francais a "Saibikan ".<br />

III. ACTIVITES PROFESSIONNELLES.<br />

Et maintenant parlons brievement de ses activites.<br />

En juillet 1867, it fut nomme assistant a l'ecole superieure des langues etrangeres de Nagasaki,<br />

3


4<br />

"Salbikan" .<br />

En avril 1869, it fut charge du cours de francais dans cette meme ecole, qui s'appelait desor-<br />

mais "KOunkan".<br />

En decembre de la meme annee, it devint professeur adjoint. I1 eut comme eleve, a ce moment-<br />

la, SAIONJI Kinmochi, qui deviendra plus tard Premier Ministre.<br />

En juin 1871, it devint professeur titulaire. Mais au mois de decembre de la meme annee, le<br />

systeme educatif ayant change, l'ecole superieure "Kounkan" fut supprimee. Des lors, Yamamoto<br />

n'eut plus d'occasion d'enseigner le francais.<br />

b) Autres professions.<br />

1- Interpretariat.<br />

En fevrier 1874, it trouva neanmoins un emploi dans l'interpretariat, au Ministere de la Justice.<br />

Cependant it demissionna le 4 novembre de l'annee suivante. Yamamoto avait, parait-il, un carac-<br />

tere vif, du sans doute a son etat de sante, et d'apres son petit-fils, ce fut la raison de cette demission.<br />

2- Redacteur de journal.<br />

Apres it devint redacteur d'un petit journal intitule: "Ibun-sha".<br />

3- Traducteur.<br />

En octobre 1878, son maitre de francais, Shirai KishO, l'appela a Tokyo, sans doute pour le<br />

depanner. La, it fut traducteur. Mais it dut revenir a Nagasaki pour cause de maladie.<br />

4- Professeur de chinois litteraire.<br />

En mai 1880, nous le voyons professeur de chinois litteraire, a l'Ecole Normale de Nagasaki.<br />

Mais, le 1 er avril 1886, it demissionna de nouveau.<br />

5- Ecole privee.<br />

It fonda ensuite dans sa ville natale une petite ecole privee, appelee "Rakuzan-Kajiku". Tout<br />

en enseignant le chinois litteraire, it s'occupait de l'administration de son ecole.<br />

6- Cours supplementaires.<br />

Parfois meme, pour augmenter ses revenus sans doute, it allait enseigner dans d'autres ecoles<br />

privees. Dans ses memoires, it note le nom de ces etablissements:<br />

"TOzan -gakuin" et "Raten-gakko" .<br />

IV. MALADIE ET MORT.<br />

Yamamoto Matsujiro, avons-nous dit, n'avait pas une bonne sante. C'est sans doute pour cette<br />

raison qu'il ne pouvait jamais s'adonner a un long travail.<br />

a) Yamamoto n'eut qu'une fille unique.<br />

Yamamoto n'eut qu'une seule fille, Nobu, laquelle donna naissance a deux garcons comme le<br />

montre le graphique ci-dessous;<br />

Yamamoto MatsujirO — Tora (sa femme)<br />

Nobu (leur fille unique) — Tokushige (mari de Nobu)<br />

Haruo et Harushige.


) Sa femme, Tora, faisait du travail a mi-temps .<br />

Tora, sa femme, pour l'aider financierement , faisait du travail a mi-temps.<br />

— Elle fut d'abord surveillante a 1'Ecole Normale de Filles de Nagasaki .<br />

— Plus tard , elle ouvrit chez elle un cours prive de couture japonaise oil elle<br />

meme.<br />

c) Mort de Yamamoto.<br />

Yamamoto MatsujirO mourut a Nagasaki , le 4 janvier 1902, a lage de 57 ans.<br />

B. SON OEUVRE.<br />

Introduction.<br />

5<br />

enseignait elle-<br />

Yamamoto MatsujirO nous a laisse beaucoup de manuscrits se rapportant a la langue francaise.<br />

Nous l'avons vu plus haut, son petit-fils, Yamamoto Haruo, qui est actuellement professeur a l'uni-<br />

versite Soka, a Tokyo, possede tous ces manuscrits, comme it se doit.<br />

En dehors d'un dictionnaire allemand-japonais, edite en 1872, aucune de ses oeuvres n'a ete<br />

publiee. Nous en ignorons la raison, toutefois, lorsqu'on sait la difficulte que presentait la publica-<br />

tion d'un livre et que Yamamoto n'etait pas fortune, nous pouvons nous faire une idee. Autre chose<br />

regrettable, pour la plupart de ses oeuvres, nous ignorons la date exacte ou it les aurait ecrites.<br />

Nous avons dit "ses oeuvres", mais Yamamoto n'a laisse que peu d'ecrits complets. Pourtant<br />

it reste de lui beaucoup de notes manuscrites, qui semblent avoir ete ecrites au gre de son inspiration.<br />

L'auteur desirait certes revoir, retoucher et completer ces notes &parses. Dans celles-ci, on ne<br />

voit pas qu'il ait aborde un sujet a theme bien precis, si l'on en exclut les quelques oeuvres que<br />

nous allons etudier maintenant. I1 s'est contente, nous le croyons, de recueillir des notes et plus<br />

tard, quand it aurait du temps libre, celles-ci, groupees, pourraient donner naissance dans l'esprit de<br />

l'auteur a quelque theme précis.<br />

Il est donc difficile de se baser sur ces notes. Son petit-fils s'emploie a les ordonner, mais tant<br />

que cette question ne sera pas solutionnee, it nous est impossible de dresser une liste complete de<br />

ses oeuvres.<br />

En dehors de ses memoires "Bansui Keireki", les oeuvres completes de Yamamoto restent dans<br />

la ligne des preoccupations de l'epoque. Le Japon qui s'ouvrait a la civilisation occidentale se de-<br />

vait, pour entrer en relation avec les puissances etrangeres , connaitre leur langue. D'ou cette poussee<br />

vers l'etude de leurs langues.<br />

a. Dictionnaire allemand-japonais.<br />

I. "DICTIONNAIRES".<br />

Ici nous ne nous arréterons pas sur cet ouvrage, car it ne se rapporte pas a notre etude. Disons<br />

simplement qu'il a ete publie en 1872. C'est la seule oeuvre d'ailleurs de Yamamoto qui ait ete<br />

imprimee. Plus bas nous en donnons la raison.<br />

b. "Dictionnaires francais'<br />

1) "Futsugo-sogaku ".


6<br />

C'est un petit lexique japonais-francais. Manuscrit de 196 pages, it comprend 2.520 mots<br />

et mesure 20,6 cm. sur 13,3 cm.<br />

Sa composition ressemble a celle du "Dictionnaire trilingue" de Murakami.<br />

2) "Wafutsu-yakunO".<br />

Cet ouvrage est egalement une sorte de lexique japonais-francais. Il ressemblerait plutot<br />

a un carnet de notes.<br />

Ce manuscrit a 396 pages mais n'explique que 1.178 mots.<br />

Il est divise en 2 volumes et a les memes dimensions que le precedent ouvrage. Il a quelque<br />

ressemblance avec le "Dictionnaire en cinq langues" de Murakami.<br />

3) "Futsuwa-yakuno ".<br />

Ce lexique francais japonais est aussi un manuscrit en 2 volumes, mais it differe des 2 autres,<br />

en ce sens qu'il est redige dans le style occidental, c'est-à-dire par ordre alphabetique, de A a Z.<br />

Le premier volume va de la lettre A a la lettre I et le second volume de la lettre J a la lettre Z.<br />

C'est un ouvrage de 440 pages qui a les mémes dimensions que les 2 precedents. En voici la<br />

repartition:<br />

La lettre A comprend<br />

,7<br />

77<br />

77<br />

7,<br />

,7<br />

77<br />

7,<br />

77<br />

77<br />

77<br />

B<br />

C<br />

D<br />

E<br />

F<br />

G<br />

H<br />

La lettre J comprend<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

,7<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

,7<br />

77<br />

77<br />

I<br />

K<br />

L<br />

M<br />

N<br />

0<br />

P<br />

Q<br />

R<br />

S<br />

T<br />

U<br />

V<br />

,7<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

77<br />

Aucun mot ne figure aux lettres W, X,<br />

Yamamoto a laisse<br />

ce ne sont que des manu<br />

gals" ou le "Cahier de cplus<br />

position.<br />

99 mots.<br />

65 "<br />

174 "<br />

70 "<br />

78 "<br />

60 "<br />

50 "<br />

23 "<br />

36 "<br />

15 mots.<br />

1 "<br />

34 "<br />

71 "<br />

16 "<br />

20 "<br />

137 "<br />

9 "<br />

89 "<br />

92 "<br />

55 "<br />

1 "<br />

38 "<br />

"Dictionnaire allemand j aponais"<br />

exceptions, comme les "Themes fran-<br />

nous ignorons leur date de com-<br />

,


Nous serions heureux de savoir non pas pourquoi ii y avait cet engouement a composer des<br />

vocabulaires, puisque l'epoque le voulait<br />

, mais pourquoi on s'obstinait a les multiplier. Yamamoto<br />

ne pouvait pas ignorer l'existence des ouvrages de Murakami . Sans doute, mais it lui etait difficile<br />

de se les procurer.<br />

Voici donc un petit extrait du "Futsugo sogaku":<br />

2L z<br />

24L<br />

`G 4<br />

L- // r~~ .~.<br />

7I<br />

r.<br />

17<br />

"J~L<br />

7


8<br />

II. THEMES FRANCAIS.<br />

Yamamoto MatsujirO ne fut pas, comme Murakami, un autodidacte. Il apprit le francais,<br />

comme nous le savons, d'abord sous la direction du Pere Petitjean et de Shirai, ensuite de Verbeck<br />

et de Dury, a l'ecole superieure "Saibikan" de Nagasaki et enfin de Dauphine, employe au Consu-<br />

lat de France a Nagasaki.<br />

Yamamoto semble avoir eu en effet de bons et frequents rapports avec les Francais, chose qui<br />

pourrait nous etonner un peu car nous savons bien qu'a cette époque regnait encore dans l'ensemble<br />

du pays un violent courant d'hostilite envers les etrangers.<br />

Yamamoto continua l'etude de la langue francaise, meme apres avoir cesse toute occupation<br />

professionnelle, comme nous le montrent les multiples notes qu'il a laissees.<br />

Si nous voulons savoir comment il connaissait le francais, il nous parait indispensable d'examiner<br />

de plus pres deux autres ouvrages, a savoir:<br />

— les Themes manuscrits,<br />

a. Themes manuscrits.<br />

— le Cahier de conversation.<br />

Yamamoto a compose une oeuvre un peu particuliere mais inachevee. C'est ce que nous avons<br />

vu. Examinons maintenant le premier ouvrage que nous intitulons "Themes manuscrits".<br />

Ces "Themes manuscrits" englobent deux recueils:<br />

1) "Futsubunko"<br />

C'est le titre japonais de cet ouvrage que lui a donne l'auteur lui-meme, et que nous pourrions<br />

traduire en francais par "Manuscrits de textes francais".<br />

C'est un recueil d'exercices de traduction francaise. Chacun d'eux comporte un texte redige<br />

par Yamamoto en chinois litteraire et est suivi d'une traduction francaise faite egalement par<br />

l'auteur.<br />

Le recueil "Futsubunko" est un manuscrit de 42 pages et it est compose de 16 exercices.<br />

2) "Collection de themes francais" (12).<br />

Ce recueil, comme le precedent, est un ensemble d'exercices de themes, comme son nom I'in-<br />

dique. Mais ici Yamamoto n'a compose que le texte francais.<br />

Cette "Collection de themes francais" est un manuscrit de 88 pages qui contient 32 exercices.<br />

b. Analyse critique.<br />

Ces deux recueils, bien qu'ils soient differents par la forme se completent mutuellement, bien<br />

plus, ils ne semblent faire qu'un tout. C'est ce que nous voudrions essayer d'expliquer.<br />

Ces themes ne sont que des brouillons, comme presque toutes les oeuvres de Yamamoto, y<br />

compris les notes qui seront sans doute difficiles a classer. Cependant it ne fait pas de doute que<br />

l'auteur avait l'intention de revoir ces notes, de les corriger en vue d'une publication eventuelle. Et<br />

les deux recueils que nos etudions ici etaient deja méme assez avances, puisque une correction, du<br />

moins partielle, avait ete entreprise.<br />

Si ces oeuvres n'ont pas pu etre publiees, c'est parce que Yamamoto se trouvait dans une<br />

situation financiere precaire. Nous savons bien que sa femme, par exemple, etait obligee de travail-<br />

ler a mi-temps pour l'aider financierement dans son ecole privee "Rakuzan-Kajuku". De plus, son


etat de sante defectueux fut un serieux handicap.<br />

1) Date de composition.<br />

Comment situer cette oeuvre? A quelle date a-t-elle ete ecrite? Ici, nous ne sommes reduits<br />

qu'a des conjectures.<br />

"Futsubunko" et la "Colleciton d e themes frangais" ont ete ecrits, semble-t-il , au gre des<br />

loisirs de l'auteur.<br />

"Futsubunko"<br />

, commence en 1870, ou au plus tot en 1869, annee ou Yamamoto terminait<br />

ses etudes de frangais, dut etre probablement termine vers 1875.<br />

Ce n'est qu'une hypothese, mais nous maintenons ces dates. Dans ce recueil, it s'y trouve en<br />

effet quelques lettres datees de 1871, dont la plus claire est adressee a Dauphine , l'un des maitres<br />

de frangais de Yamamoto. Celui-ci, qui vient d'apprendre la defaite militaire de la France, prsente<br />

ses sympathies a son maitre apres l'issue fatale de la guerre franco-allemande de 1870-1871, et it<br />

lui offre ses services. En voici un extrait:<br />

"Monsieur F . Dauphine.<br />

Avant-hier au nuit ayant ecoute votre parole, je suis apitoyant votre malheur , dont cause<br />

semblait la guerre franco-allemande de 1870-71; Or it sera bon pour votre moyen d'existence , que<br />

vous pensiez l'instruction des jeunes hommes; Mais cette place est tres difficile de rassembler<br />

beaucoup des eleves; car le chemin est trop lointain; Ainsi je vous reservera une maison au milieu<br />

de la vine quelque personne louera a moi pour le college . . .<br />

9<br />

Votre disciple Yamamoto".<br />

Une autre lettre est datee du 11 mai de la septieme annee de Meiji , ce qui fait 1874.<br />

Pour la "Collection de themes francais", nous rencontrons la meme difficulte pour etablir les<br />

dates de composition. Mais logiquement parlant, ce second recueil est prosterieur au premier .<br />

En voici la raison. Sur les 16 textes qui composent le recueil "Futsubunko" , 5 sont repetes,<br />

presque mot pour mot, dans le second recueil. Its sont repetes et corriges apres coup, sur le texte<br />

de l'auteur. Ce qui est facile a verifier. Comparons donc les deux textes:<br />

Le premier texte se trouve dans le "FutsubunkO". Il n'est pas corrige et donc it parait ante-<br />

rieur au meme texte releve dans la "Collection de themes frangais".<br />

Le second texte, recopie presque mot a mot, se trouve dans le second recueil , mais corrige par<br />

le correcteur des themes, M. Bonne.<br />

Nous donnons ci-dessous un extrait d'un theme de Yamamoto sur le charbon , ecrit de sa main,<br />

tire du recueil "Futsubunko". Ce texte n'est pas corrige . Tandis que le deuxieme extrait, redige<br />

sur le meme sujet est reproduit dans la "Collection des themes frangais" . Ce dernier est corrige<br />

par F. Bonne.


10<br />

4Z,,fZt7<br />

A-L1ZZ<br />

r~r<br />

-‘-714<br />

ZZ'<br />

Dans le recueil "FutsubunkO", nous trouvons cependant six textes qui ont ete corriges et qui<br />

ne sont pas reproduits dans la "Collection de themes francais". De plus, les corrections de ces<br />

exercices sont ecrites de la main meme de l'auteur, bien qu'elles ne soient pas de lui, mais de qul-<br />

qu'un dont on ignore le nom. En effect, les memes fautes sont repetees dans d'autres exercices<br />

sans etre coulees. Si c'etait Yamamoto qui avait fait les corrections de lui-meme, it les aurait<br />

faites partout.<br />

La "Collection de themes francais" suit de pres "Futsubunko". Le second recueil aurait ete<br />

redige entre 1875 et 1882, annee qui est la date de l'arrivee a Nagasaki de F. Bonne, le correcteur


de Yamamoto.<br />

En supposant que l'auteur ait eu l'intention de faire corriger ses 2 recueils, nous ne compre-<br />

nons pas tres bien pourquoi tous les exercices ne l'ont pas ete. Peut-etre l'auteur, qui a du les com-<br />

poser au jour le jour, ne les avait pas au moment de la correction. Ou bien, nous pouvons penser<br />

que Yamamoto aurait compose les autres non corriges apres la premiere correction.<br />

Pour plus de clarte, donnons, en tableau comparatif, la proportion des exercices corriges et<br />

non corriges des deux recueils en question.<br />

(Recueils)(corriges)(non corriges)<br />

FutsubunkO610<br />

Collection de themes francais239<br />

Total2919<br />

Ce tableau est clair: cinq exercices sont reproduits dans les deux recueils, non corriges dans<br />

"Futsubunko" et corriges dans la "Collection de themes francais" . Preuve que ce second recueil est<br />

posterieur a l'autre. Et les 23 exercices corriges du second recueil ne sont pas repetes dans le premier.<br />

La "Collection de themes francais comporte une introduction: c'est une courte lettre dans<br />

laquelle Yamamoto demande a son correcteur, le Pere Bonne, de corriger ses themes(13).<br />

Voici cette lettre corrigee par Bonne:<br />

"M . F. Bonne, Missionnaire Apostolique.<br />

Je vous prie de corriger mes themes anciens avec votre encre rouge, s'il vous plait."<br />

Et en derniere page, l'auteur signe en grosses lettres de son ecriture son nom: Matsujiro<br />

Yamamoto.<br />

2) But de l'auteur.<br />

Les deux recueils de themes de Yamamoto semblent avoir le meme but: mettre en pratique ses<br />

connaissances de la langue francaise en faisant des themes. Yamamoto avait bien compris que<br />

c'etait la une des meilleures methodes pour apprendre une langue. On peut sourire devant les<br />

resultats obtenus mais nous ne saurions meconnaitre le merite de sa perseverance.<br />

Dans la "Collection de themes francais", nous trouvons a la fin du recueil plusieurs lettres<br />

(quatre sur cinq) qui sont signees du President de Tribunal de Nagasaki, Nakashima Masoutane.<br />

Ces lettres sont adressees soit au consul de Prusse, soit a celui de Hollande, soit a celui de Grande-<br />

Bretagne, soit a celui de Germanie. Ces 4 lettres, qui ont trait a des questions judiciaires, ont<br />

pour auteur le President du Tribunal. Celui-ci les avait redigees en japonais et Yamamoto les aurait<br />

traduites en francais. En effet, nous savons qu'il a travaille quelque temps a l'interpretariat du<br />

Ministere de la Justice.<br />

Mais ces quatre lettres ne sont pas redigees de la main de Yamamoto, dont nous connaissons<br />

bien l'ecriture. Elles ont ete ecrites par un calligraphe.<br />

Ici, l'auteur de ces lettres, ou plutOt le traducteur, Yamamoto, marque un reel progres sur ses<br />

autres themes.<br />

Pourquoi a-t-il fait ecrire ainsi ces quelques lettres? Nous ne le saurons jamais sans doute,<br />

cependant nous aimons a croire que ces lettres, speciales par leur genre , et relativement bien<br />

traduites, revetaient pour lui une grande importance et qu'il desirait les converser .<br />

11


12<br />

Donnos le texte de l'une de ces lettres:<br />

"Monsieur Marcus Flowers , Consul de la Grande Bretagne.<br />

" J'ai l'honneur de vous adresser cette lettre: Quand vous avez interroge Mr . Mitchell le 3 juin de<br />

"l'annee passee sur la question qui s'est elevee sur le reste du prix des bois de constructions vendus<br />

" par Kourolwa -Dal-Kitchi , habitant d'Ynasa, Mitchell a pretendu qu'il a perdu la lettre de conven-<br />

" tion . De la, it fut decide que Dal-Kitchi fut tenu de recevoir tout le reste de la somme sauf trente<br />

" piastres , frais de la construction: Cependant apres cette decision juridique, vous avez adresse au<br />

" gouverneur de Nagasaki -ken, Mr. Myagawa le lettre de convention que Mitchell avait déjà perdue,<br />

" et qui vient d'etre retrouvee afin qu'on examine encore mieux les differents s'elevant entre les<br />

" deux parties interessees .<br />

"Et comme le gouverneur nous en a informe , nous avons interroge Dal-Kitchi; it a dit alors<br />

" qu'il veut recevoir tout le reste d'argent , excepte 40 piastres, frais de la construction sur le total<br />

" de 108 piastres et 75 sens . C'est pourquoi, je vous prie d'ordonner a Mitchell de rembourser<br />

" promptement les reste d'argent payable a Dal -Kitchi .<br />

Nakachima-Masout ane;<br />

Gen-tchien hanzi, president du tribunal."<br />

Quant aux themes de Yamamoto, aussi bien du recueil "Futsubunko" que de la "Collection<br />

de themes francais", nous renvoyons le lecteur a l'Annexe oil nous donnons quelques-uns de ces<br />

themes.<br />

un mot.<br />

3) Linguistique.<br />

Ces divers themes nous donnent une idee de la linguistique de l'auteur. Disons-en maintenant<br />

Yamamoto rencontre les memes difficultes de la langue francaise que la plupart des etrangers,<br />

a savoir:<br />

— la conjugaison des verbes , surtout des verbes irreguliers,<br />

— la concordance des temps , etc.<br />

Ajoutons-y les difficultes propres aux Japonais. Pour mentionner celles qui nous ont le plus<br />

frappe, notons les suivantes:<br />

— le genre (masculin et feminin qu'ignore la langue japonaise)<br />

l'emploi de l'article,<br />

— l'accord du verbe , de l'adjectif, etc.<br />

— les elisions des particules ,<br />

-- la periode de la phrase ,<br />

— la ponctuation , la coupure des mots, etc.<br />

Donnons quelques exemples:<br />

"Sa courage" , "Sa intelligence", "La echeance", "La saison est froid", "Ces themes anciennes",<br />

"Le cadre de les themes" , "Au nuit", "A les jambes", "Vous le demanderez a le Consulat".<br />

Parfois meme Yamamoto "fabrique" ses mots:<br />

"punissable"<br />

, "vitement", "la preferation", etc.<br />

Malgre ses tatonnements, it a le souci du mot exact; pour ne pas se tromper, it ajoute parfois<br />

entre parentheses un synonyme:<br />

"La echeance (le terme)" "Sont sujets (exposés) a ..." "Son confrere (collegue)"


"Il est leur affaire (occupation)" "Le meurtre (l'assassinat)"<br />

"entendre *outer) l'accusation"<br />

.. .<br />

Yamamoto, dans ses textes, fait des coupures de mots que les Francais n'ont pas coutume de<br />

voir. Voici quelques exemples:<br />

"Vous n-ous honorerez ..." "... de si-x cent mille francs"<br />

"Pour ne pas vo-us donner la pe-ine ..."<br />

" ... da-ns quelques semaines". ". et cependan-t aucun ..." "J'aurai le pl-aisir de ..."<br />

"Il prie M . E. de vo-uloir ... "... elle ne po-urra pas (ou p=ourra pas)"<br />

"Je ser -ai a vos ordres ." "... pour valeur recu-e de vous ..."<br />

" ... plus particulierement ave-c vous..."<br />

III. CAHIER DE CONVERSATION.<br />

Le second ouvrage de Yamamoto que nous devons analyser est<br />

a) Objet de ce "Cahier".<br />

le "Cahier de conversations".<br />

C'est un manuscrit de 82 pages, d'un format de 19cm 10 sur 16cm5.<br />

Comme son nom l'indique, c'est un recueil de dialogues en francais, mais different cependant<br />

de ses themes. Dans ces exercices Yamamoto aborde divers sujets, tous tres simples et qui ont trait<br />

a la vie de tous les jours. Quelques-uns sont sur des themes suivis, par exemple:<br />

— Projet d'un voyage a Yokohama.<br />

— Le j ardin .<br />

— Engagement d'un domestique .<br />

— L'incendie .<br />

— Excursion a Enocima .<br />

Cependant la plupart de ces exercices ne sont pas titres et se suivent sans lien entre eux,<br />

comme une conversation a batons rompus.<br />

Nous pourrions appeler ce recueil:<br />

Manuel de conversation pratique.<br />

b) Ecriture d'un calligraphe.<br />

Le "Cahier de conversations" est un manuscrit, tout comme les autres ecrits de Yamamoto .<br />

Cependant it est ecrit differemment, c'est-à-dire que l'ecriture n'est pas tracee de la main de<br />

Yamamoto, mais de quelqu'un d'autre, c'est-a-dire d'un calligraphe , choisi par l'auteur. C'est ce<br />

que veut dire une phrase, placee en tete du manuscrit. Nous ignorons helas! le nom du calligraphe.<br />

Voici cette phrase, placee au debut du "Cahier de conversations" . L'ouvrage est dument date<br />

(1888) comme s'il s'agissait d'une publication.<br />

13


L'ecriture du "Cahier de conversations" de Yamamoto n'est pas celle de l'auteur, mais d'un<br />

calligraphe. Ci-dessous, nous en donnons une page: ecriture reguliere , stylee et droite, ce qui nous<br />

permettra de la comparer avec celle de Yamamoto.<br />

echantillon.<br />

11<br />

L<br />

fif -/ c.,//(<br />

/7/w I4'c..4L,.rez--,<br />

G''<br />

ep>r-L/.f't c~ ";-2/Ec.c.Zst_riocc/<br />

4~/Casc t • e^G/


A part 4 lettres contenues dans la "Collection de themes francais" (ce que nous avons deja<br />

vu), qui ont ete egalement ecrites par un specialiste de l'ecriture, tous les autres manuscrits sont<br />

ecrits simplement de la main de l'auteur. Pourquoi?<br />

Il existe sans doute diverses hypotheses, mais nous nous contenterons d'en retenir une, la seule<br />

qui nous parait la plus plausible.<br />

Yamamoto n'a publie qu'un de ses ouvrages: le dictionnaire allemand-japonais. I1 ne pouvait<br />

pas, materiellement parlant, en publier d'autres, du moins dans l'immediat, car it n'avait pas les<br />

ressources necessaires. Et s'il a fait ecrire ainsi son "Cahier de conversations", ce n'etait pas pour<br />

l'imprimer de suite. En effet, si c'etait son intention de la faire publier, it aurait mieux fait corriger<br />

les fautes, puisqu'il avait a proximite des Francais.<br />

Voici quelques-unes de ces fautes trop evidentes:<br />

"J'en ai aussi déjà bien promis"<br />

.<br />

"En definiment je n'y ai point Ole"<br />

.<br />

"L'eleve d'une ecole a eu la peine d'etre condamne a la domesticite<br />

, pour en avoir deserte".<br />

"Elle est tout pres d'ici , justement derriere de ma maison".<br />

C'est sans doute pour avoir la possibilite de publier d'autres ouvrages, que Yamamoto s'etait<br />

mis a enseigner dans plusieurs ecoles. Et pour augmenter encore ses revenus, it projetait meme<br />

d'ouvrir un cours de francais. Or pour cela it fallait un manuel. N'en auant pas, ou n'en possedant<br />

pas a son gout, it resolut d'en composer un. Et nous pensons que c'est le "Cahier de conversations".<br />

Pour que celui-ci fat plus lisible, it le fit ecrire par un calligraphe.<br />

Cela ne parait nullement surprenant. De nos jours encore, au Japon, it y a des specialistes des<br />

belles ecritures. Qui n'a pas admire, au moins une fois, avec art, les calligrapher maniaient le<br />

pinceau pour ecrire les caracteres chinois? C'est un métier encore en vogue et qui rapporte. Alors<br />

que des specialistes se soient egalement consacres a l'ecriture des langues etrangeres, est tout a fait<br />

dans la ligne artistique du Japon.<br />

d) Quelques extraits de dialogues.<br />

Ces conversations, si on les compare aux autres themes de Yamamoto, marquent un reel pro-<br />

gres de la connaissance de la langue francaise de l'auteur.<br />

Ici nous ne pouvons pas, helas! reproduire tous ses dialogues. Nous vous renvoyons a la fin,<br />

Annexe: "Cahier de conversation".<br />

1) Exercices bien reussis.<br />

Nous renvoyons d'abord a l'exercice "Projet d'un voyage a Yokohama" que nous reprodui-<br />

sions un peu plus haut.<br />

— "L'incendie .<br />

Hon.! on sonne le tocsin, oil donc le feu peut-il bien etre?<br />

En effet, voila les pompiers qui partent.<br />

Le feu parait eloigne.<br />

Le ciel est rouge dans le direction de Kyo-Bashi. Ha! j'ai des parents dans cette partie de la<br />

vine, j'espere qu'ils ne bruleront point.<br />

De quel cote souffle le vent?<br />

Nord-est. Ainsi vous n'avez donc rien a craindre. Dites donc, attention: prenez garde!<br />

17


18<br />

n'allez pas dans votre excitation tomber du belvedere.<br />

Dites donc, jeune homme, oil est le feu.<br />

On dit qu'il s'est declare dans une grande maison au pied d'Atago-sita.<br />

Ah!..."<br />

— "Voulez-vous venir ce soir prendre le the chez moi , je serai seul.<br />

Merci, mais je ne puis y aller, car j'ai decide d'accompagner ma soeur chez mon oncle .<br />

Oh demeure votre oncle?<br />

Il demeure a Assakusa.<br />

Assakusa est un quartier tres etendu; de quel cote demeure-t-il?<br />

11 demeure pres du portail du temple d'Assakusa.<br />

Quel est le chemin le plus court pour aller chez lui?<br />

C'est la rue de Fontio qui conduit directement au temple d'Assakusa.<br />

Quelle est l'occupation journaliere de votre oncle?<br />

Sa mission est tous les jours d'encaisser la monnaie deposee au temple par les fideles .. .<br />

— "Kinsei-Shiryaku" .<br />

A quelle époque l'ambassadeur du gouvernement des Etats-Unis d'Amerique est-il venu<br />

pour la premiere fois au Japon?<br />

Ce fut le 2 juin de l'annee 1853.<br />

Qui est-ce qui regnait au Japon a cette époque?<br />

C'etait 1'Empereur KOmel-TennO.<br />

Comment s'appelle cet ambassadeur?<br />

Il s'appelle Perry.<br />

Dans quel port est-il arrive?<br />

Il est arrive dans le port d'Ouraga qui se trouve dans la province de Sagami a environ<br />

quatre-vingt-dix kilometres de Tokio.<br />

Quelle etait sa mission?<br />

I1 avait pour mission de faire un traite d'amitie et de comerce avec le gouvernement japonais.<br />

Lorsque l'ambassadeur presenta sa lettre de creance au gouvernement japonais, que lui<br />

fut-il repondu?<br />

I1 fut repondu que, suivant une vieille loi du pays, it ne devait ni pouvait recevoir une<br />

lettre d'un etranger.<br />

Qui est-ce qui a ordonne aux pretres d'Ice de faire de grandes prieres pour implorer de<br />

Dieu l'expulsion des etrangers?<br />

Ce fut le Micado ..."<br />

2) Quelques exemples moins heureux (14).<br />

— "Etes-vous alle voir le colosse de Nara .<br />

Pas encore, mais je crois y aller bientot avec Mr. Daibutsu. J'en ai aussi déjà lui promis si<br />

nous y allons, combien de jours y restrons-nous?<br />

Nous y resterons huit jours.<br />

A quels jours fixons-nous notre depart?<br />

Nous le fixons a la semaine prochaine.


Combien de lieues y a-t-il d'ici a Nara?<br />

I1 y en a envion cent cinquante.<br />

Combien de jours faut-il pour y aller?<br />

Si vous y aller a pied, it faut quinze jours, mais si vous prenez le bateau a vapeur, it n'en<br />

faut que quatre ... "<br />

— "Une personne est venu , i1 y a quelque instant.<br />

Je vous l'amenerai, aussitOt que j'en trouvais.<br />

Il est probable qu'il soit absent.<br />

J'ai entendu dire que Napoleon III etait mort; est-ce vrai?<br />

Ce la probablement vrai, car un eleve de la sixieme division l'a lu dans une journee de Yedo.<br />

Le calendrier japonais ayant ete remplace cette annee par celui europeens, pensez-vous que<br />

ce changement puisse avancer ou retarder l'epoque des vacances"?<br />

C. TRIADE MURAKAMI - IRIE - YAMAMOTO.<br />

Pour terminer cet article, it nous paralt interessant d'etablir une comparaison entre les trois<br />

auteurs que nous avons analyses tout au long de cette etude.<br />

Nes a la meme époque, ils ont eprouve les memes soucis, envisage les memes methodes, tous<br />

tournes vers le meme but, mais chacun selon son temperament et ses capacites.<br />

1) Ressemblances et divergences.<br />

a. Murakami.<br />

Murakami a eu, sans aucun doute, la tache la plus ingrate. 11 fut un pionnier: nous savons com-<br />

ment it fut oblige d'apprendre le francais tout seul. Et meme lorsqu'il vint a Edo, en janvier 1851,<br />

les etrangers n'etaient pas encore admis a y sejourner, comme cela se faisait depuis longtemps déjà<br />

a Nagasaki. Et quand enfin les ambassades etrangeres furent autorisees a s'y fixer librement, Mura-<br />

kami etait sur le point de terminer sa carriere.<br />

Murakami a publie de nombreux ouvrages. Il le pouvait certes puisqu'il etait patronne et finan-<br />

ce par le fief de Matsushiro.<br />

Sans vouloir lui enlever le merite ni meconnaitre sa valeur d'ecrivain, nous savons qu'il n'avait<br />

pas une bonne prononciation francaise. Les evenements n'ayant pas permis qu'il fut mis en contact<br />

avec des Francais, it ne put pas s'exercer a la conversation francaise.<br />

D'ailleurs presque tous ses ouvrages ne sont que des lexiques que nous connaissons deja. Sur le<br />

tard, en 1872, lorsque le besoin d'apprendre les langues d'Europe s'etait davantage fait sentir,<br />

Murakami publia le "Manuel de conversation trilingue". Nous aimons a croire que ce dernier livre<br />

servit de manuel pour son ecole Tatsurido.<br />

b. Irie.<br />

Irie semble bien avoir lui aussi etudie la langue francaise tout seul, mais pendant peu de temps.<br />

Il se servit alors des premiers ouvrages de Murakami. Ensuite it suivit deux cours de francais, sous la<br />

direction de Henri Weuve.<br />

Sa petite-fille nous dit bien qu'il avait une prononciation defectueuse et, pour se corriger, it<br />

avait une methode vigoureuse. Son sejour en France dut lui permettre d'acquerir une bonne<br />

prononciation et de se perfectionner, plus que les autres, dans la connaissance de la langue fran-<br />

19


20<br />

caise. Les lettres que nous avons déjà citees.en font foi.<br />

Irie sejourna en France aux frais du gouvernement japonais, du moins pendant les premieres<br />

annees. Neanmoins it n'a laisse que peu de chose.<br />

Eh dehors de son journal "Memoires de mon voyage et mon sejour en Europe", nous posse-<br />

dons des lettres, sans grande importance; parce que toutes ou presque sont administratives: it<br />

etait president de 1'Association des etudiants japonais en France.<br />

Dans une lettre adressee a Weuve, avant son depart pour la France, it demande a son maitre<br />

de francais, interprete a 1'Ambassade de France, de lui corriger ses themes. De quels themes s'agit-<br />

il? Nous l'ignorons, car jusqu'a present nous n'avons pas pu les retrouver.<br />

Reste-t-il encore de lui quelque autre ouvrage? On serait tente de le croire. Irie avait en grande<br />

estime le philosophe Auguste Comte. "Le Cercle du Savoir", manuscrit egalement introuvable, lui<br />

serait attribue.<br />

De plus, Irie fut traducteur des lettres et des memoires de la Mission Militaire Francaise, mais<br />

nous ne lui connaissons aucun autre ecrit personnel. Il faut sans doute attribuer cette pauvrete<br />

litteraire a sa mauvaise sante et a sa fin prematuree, car it mourut en 1878, a peine age de 44 ans.<br />

c. Yamamoto.<br />

Yamamoto fut avantage par la presence de Francais a Nagasaki, missionnaires ou officiels du<br />

Consulat francais.<br />

Il commenca a etudier le francais en 1865, deux ans apres l'arrivee des premiers missionnaires<br />

francais, et jusqu'a sa mort it eut a proximite des Francais, puisqu'il ne quitta guere sa vine natale.<br />

Yamamoto, contrairement a Irie, a laisse une oeuvre relativement abondante.<br />

En dehors de son "dictionnaire allemand j aponais", nous avons mentionne ses trois lexiques:<br />

1) Futsugo-sogaku: lexique japonais-francais,<br />

2) Wafutsu-yakuno: lexique japonais-francais,<br />

3) Futsuwa-yakuno: Lexique francais japonais.<br />

Nous avons egalement parle plus haut deux de recueils de themes et du "Cahier de conversation".<br />

Tous ces ouvrages sont des manuscrits. Yamamoto pensait sans doute publier un jour toutes<br />

ces oeuvres, comme it l'avait fait pour le dictionnaire allemand japonais. Mais it ne disposait que de<br />

ses ressources personnelles, et nous savons qu'il n'etait pas fortune.<br />

I1 reste encore de lui beaucoup de notes manuscrites, eparses et inachevees. Maladif lui aussi,<br />

it n'a pas pu donner le meilleur de sa jeunesse a une oeuvre qui lui semblait pourtant tenir a coeur.<br />

Toutefois nous en connaissons suffisament pour porter sur lui un jugement equitable.<br />

2) Tableau comparatif des activites des trois auteurs.<br />

En confrontant Murakami, Irie et Yamamoto, it nous vient naturellement a l'esprit la question<br />

sans doute secondaire, mais qui demeure pourtant dans la ligne de notre recherche: ces trois<br />

auteurs se sont-ils rencontres un jour?<br />

Donnons d'abord un tableau comparatif de leurs activites.


Annees<br />

1811, 8 avril.<br />

1824, juillet.<br />

1834 .....<br />

1841<br />

1845 .....<br />

1848-1850<br />

1851, janvier.<br />

1854<br />

1856<br />

1857<br />

1859-1867<br />

1860<br />

1863<br />

1864<br />

.. .<br />

1865 .. .<br />

1867<br />

1868<br />

1869 .. .<br />

1871 .. .<br />

1872<br />

1873 .. .<br />

1874<br />

1877<br />

1878...<br />

1880-1886<br />

1882<br />

1885<br />

1886...<br />

1890<br />

1902...<br />

...<br />

TABLEAU COMPARATIF-<br />

Murakami (1811-1890)<br />

Ne a Sakuyama. .........<br />

A Edo (Kyobashi). ........<br />

A Matsushiro............<br />

Cours complet de Francais.<br />

A Edo (Fukagawa). .....<br />

Dictionnaire trilingue.<br />

" en 5 langues .<br />

55<br />

Prof. adjoint, traduc. Bansho.<br />

Dictionn. japon.-anglais. . .<br />

Grand Diction. franc. japon.<br />

Traduc. Traite de tactique.<br />

Fondat. Ecole Tatsurido.<br />

Manuel conversation trilingue.<br />

Fermeture Ecole Tatsurido.<br />

Membre Academie Tokyo.<br />

Legion d'Honneur.......<br />

Mort a79ans. ........<br />

DE<br />

Irie (1834-1878)<br />

Ne a Matsue.<br />

A Edo, francais.<br />

Francais (Weuve).<br />

Prof. adjoint, Ban sho.<br />

Traducteur.<br />

Prof. Academie oyale.<br />

A Paris.<br />

MURAKAMI,<br />

President Assoc. E ?tud. japo . n. ..................<br />

Tuber culo se. ........<br />

Mort (30 janvier)1 janvier) loni :parn<br />

IRIE ET YAMAMOTO.<br />

Yamamoto (1845-1902)<br />

Ne a Nagasaki.<br />

. .ecine. A Osaka,<br />

21<br />

................... 1811<br />

Francais a aikan. Assist.<br />

Francais a Saibikan.<br />

. . Chargé cours, prof. adj. Saib.<br />

Prof. titul. Koun-kan.<br />

. . Dictionnaire allem.-japon.<br />

Interprete Minister. Just.<br />

Redacteur Journal "Ibunsha".<br />

A Tokyo, traduc. (Shirai).<br />

. . Prof. chin. litter. Ecol. Norm.<br />

. . Petite ecol. priv."Rakuzan".<br />

.. Mort a rage de 57 ans.<br />

1824<br />

1834<br />

1841<br />

1845<br />

1848<br />

1851<br />

1854<br />

1856<br />

1857<br />

1861<br />

1860<br />

1861<br />

1863<br />

1864<br />

1865<br />

1867<br />

1868<br />

1869<br />

1871<br />

1872<br />

1873<br />

1874<br />

1875<br />

1877<br />

1878<br />

1880<br />

1882<br />

1885<br />

1886<br />

1890<br />

1902


22<br />

3) Relations entre nos trois auteurs.<br />

Lorsque Yamamoto naquit, en 1845, Murakami avait deja 34 ans et Irie, 11 ans a peine. Et<br />

quand Irie mourut a Paris, en 1878, age seulement de 44 ans, Murakami avait 67 ans et Yamamoto<br />

33.<br />

Pourrions-nous répondre a la question posee precedemment, a savoir si Murakami, Irie et<br />

Yamamoto s'etaient recontres? Helas ! ici encore nous sommes obliges de nous contenter de<br />

probabilites.<br />

En 1868, Murakami ouvrait son ecole Tatsurido. C'etait l'annee ou Irie etait professeur a l'Aca-<br />

demie Royale. Quant a Yamamoto, it etudiait le francais a l'ecole superieure de Nagasaki, "Saibi-<br />

kan". Aucune rencontre ne parait donc possible entre Yamamoto et Irie. Mais it est probable que<br />

Irie rencontra a Edo Murakami. II devait meme le connaitre avant cette date, puisque Murakami<br />

etait professeur adjoint et traducteur a 1'Institut "Bansho-shirabe-sho", de 1859 a 1867. Or Irie<br />

se trouvait au meme institut, en 1861, comme professeur adjoint egalement. Its n'ont donc pas pu<br />

s'ignorer. D'autant plus que nous supposons que Irie avait etudie le francais au debut en s'aidant<br />

des premiers livres de Murakami.<br />

En 1878, Yamamoto se rendit a Edo, pendant quelques mois,quand son maitre Shirai l'appela<br />

pres de lui. Cependant rien ne nous laisse penser qu'il y rencontra Murakami. Celui-ci d'ailleurs,<br />

que venait de fermeTr definitivement son ecole Tatsurido, en 1877, s'etait retire de toute activite.<br />

Conclusion.<br />

Il parait difficile de porter un jugement definitif sur Yamamoto, puisque nous ne possedons<br />

pas encore entiérement son oeuvre.<br />

Comme tous ses contemporains, it avait compris le besoin immediat de son temps: entrer en<br />

contact avec les pays occidentaux en apprenant leur langue.<br />

Privilegie a Nagasaki, it put se mettre en relation avec les etrangers, surtout les Francais.<br />

Cependant, en restant en province, it lui fut impossible de percer, a l'exemple de Murakami ou de<br />

Irie.<br />

Ses diverses professions lui permirent de nouer de multiples relations, mais sa mauvaise sante<br />

l'empecha de donner toute la mesure de son talent.<br />

Ses nombreuses notes, de quelle utilite nous seront-elles, lorsqu'elles seront classees? Nous ne<br />

pouvons pas encore le dire. Quoiqu'il en soit, les ecrits qu'il nous a laisses, s'ils sont interessants,<br />

manquent d'envergure.<br />

Pour etre juste toutefois, disons que Yamamoto donne un bel exemple de perseverance. Nous<br />

ignorons egalement l'etendue de ses qualites pedagogiques, mais d'apres ce que nous connaissons<br />

de lui, it paraissait aimer son métier de professeur. Peut-etre rectifierons-nous un peu notre juge-<br />

ment en sa faveur plus tard, lorsque nous pourrons analyser toutes ses notes mises en ordre.<br />

L'avenir nous le dira.


D. ANNEXES.<br />

I . MONSEIGNEUR PETITJEAN.<br />

Nous avons nomme plus haut le Pere Petitjean . Ce dernier a joue un role trop important a<br />

Nagasaki, patrie de Yamamoto,<br />

plus longuement.<br />

a l'epoque qui nous interresse ici<br />

, pour ne pas en parler un peu<br />

Nous nous referons a la notice intitulee "Compte rendu des travaux de 1885 de la Societe des<br />

Missions Etrangeres, Rue du Bac , 128", a laquelle nous empruntons de nombreux passages.<br />

"Monseigneur Petitje an, eveque de Myriophite et Vicaire Apostolique du Japon meridional .<br />

"Le 7 octobre dernier (1884) , a Nagasaki, s'eteingnait une existence dont le souvenir demeu-<br />

rera consigne dans les annales de l'Eglise catholique du XIXe . Mgr. Petitjean a ete, en effet, choisi<br />

par la divine Providence pour etre le principal instrument de ses misericordes en faveur de la chretiente<br />

du Japon, qu'il a tire du tombeau oil elle dormait depuis plus de deux siecles de persecution .<br />

"Mgr . Bernard-Thaddee Petitjean naquit a Blanzy (diocese d'Autun) , le 14 juin 1829.. .<br />

"Au dire de son entourage , it etait recueilli et pieux, ce qui incita le cure de Blanzy a discerner<br />

chez lui des aptitudes a la vocation sacerdotale. L'enfant fut admis dans une ecole de latin ou<br />

son cure lui fit faire toutes ses etudes classiques .<br />

"Des cette époque it lisait avec une avidite, remarquee de son maitre et de ses ccndisciples ,<br />

le recueil des Annales de la Propagation de la Foi et s'enquerait avec un interet particulier de tout<br />

ce qui touchait aux mission chez les peuples infideles .<br />

Apres avoir acheve son cours de theologie au grand seminaire d'Autun , le futur eveque de<br />

Myriophite passa deux ans au petit seminaire comme professeur . De 1854 a 1856, it exerca le<br />

ministere a Verdun oil it laissa les meilleurs souvenirs. Pendant les deux annees suivantes it parcourt<br />

le diocese en qualite de missionnaire.. .<br />

"Le 10 juillet 1859 , age de 30 ans, voulant obeir a la voix interieure qui le pressait de consa-<br />

crer le reste de sa vie a l'evangelisation des nations infideles , it quitta le diocese et se rendit au<br />

Seminaire des Missions Etrangeres a Paris.<br />

"M . Petitjean etait au Seminaire depuis plus de huit mois et l'epoque de son depart pour les<br />

Missions etait proche, lorsqu'un evenement inattendu en avanca le jour et en fixa le but . Plusieurs<br />

jeunes missionnaires attendaient a Bordeaux le moment de s'embarquer; un d'eux , Mr. Berthet,<br />

qui etait destine pour le Japon, mourut subitement et M. Petitjean fut envoye en toute hate pour<br />

prendre sa place a bord et en mission.. .<br />

"A son arrivee a Hong -kong , M. Petitjean fut envoye aux lies Liou-kiou, aupres de M. Furet,<br />

reste seul depuis le depart pour le Japon de MM. Girard, Mounicou et Mermet. L'empire japonais ,<br />

inaccessible depuis des siecles, venait enfin d'être contraint d'ouvrir ses portes au commerce etran-<br />

ger, un traite avait ete conclu avec la France et les autres nations.. .<br />

"Aux Liou -kiou , rien n'etait change, les missionnaires demeuraient condamnes a l'inaction et<br />

y menaient une vie exclusivement employee a 1'etude et a la priere. Cette vie pour M. Petitjean<br />

dura deux annees.. .<br />

"En 1863<br />

, les deux missionnaires furent appeles au Japon. M. Furet, charge de fonder le poste<br />

de Nagasaki, se rendit directement dans cette ville ou apres quelques mois de sejour a Yocohama ,<br />

23


24<br />

M. Petitjean vint le rejoindre. lls y continuerent leur vie d'etude et de priere et commencerent la<br />

construction de ce sanctuaire dedie aux premiers martyrs japonais, et qui devait etre le theatre de<br />

la resurrection de l'Eglise du Japon.<br />

"L'edifice fut acheve et solennellement inaugure au commencement de 1865 . Admirablement<br />

situe sur le penchant d'une colline qui domine la rade et la ville de Nagasaki, it fut bientot le<br />

rendez-vous d'une foule de visiteurs. Mais ceux-ci semblaient n'y etre attires que par une curiosite<br />

tout humaine; et, a leur egard, le zele et le devouement des missionnaires paraissaient frappes d'une<br />

complete sterilite.. .<br />

"L'edit fameux , qui fut publie en 1640, immediatement apres l'execution des quatre ambassa-<br />

deurs portugais, arrives de Macao et debarques a Nagasaki, s'exprimait en ces termes.<br />

"Tant que le soleil echauffera la terre , qu'il n'y ait pas de chretiens assez hardis pour<br />

venir au Japon. Que tous le sachent, quand ce serait le roi d'Espagne en personne, ou le<br />

Dieu des chretiens. Celui qui violera cette defense le paiera de sa tete".<br />

Ainsi fut-il fait en 1642, en 1666, en 1709, c'est-à-dire a chaque tentative entreprise du dehors<br />

pour essayer de porter les secours de la religion aux descendants des neophytes ... et des glorieux<br />

martyrs.. .<br />

"Toutefois , a quelques indices recueillis avec avidite ... it etait permis de supposer que,<br />

malgre les terribles et persistantes rigueurs deployees pendant deux siecles et demi . . . tout<br />

vestige du christianisme n'avait pas disparu du Japon... .<br />

"Parmi ces indices ... une lettre de M. Girard, Superieur de la Mission du Japon note ce-<br />

ci:(15).<br />

"Un jour l'archimandrite<br />

, chapelain de l'amiral Pontiatine, se promenait dans la<br />

campagne de Shimoda avec sa croix pectorale en evidence. Un paysan l'accoste et lui<br />

montre une autre croix qu'il portait lui aussi sur sa poitrine, mais cachee sous ses habits, lui<br />

disait qu'il etait du petit nombre de ceux qui malgre les persecutions avaient conserve au<br />

Japon les traditions du christianisme ... ; qu'ils conservaient la croix comme le symbole<br />

d'une croyance plus precieuse pour eux que la vie. .. "<br />

C'etait au Pere Petitjean qu'etait reserve l'honneur incomparable et la joie ineffable de la de-<br />

couverte de ces descendants chretiens.<br />

Dans les Annales de la Propagation de la Foi, le Pere raconte lui-meme comment it fut mis sur<br />

les traces de cette Eglise que l'on croyait aneantie:<br />

"Le 17 mars 1865 , vers midi et demi, une quinzaine d'indigenes environ se tenaient a<br />

la porte de l'eglise. Le missionnaire (c'etait M. Petitjean lui-meme) s'y rend pour leur<br />

ouvrir, entre avec eux et s'agenouille pour prier quelques instants. A peine avait-il eu le<br />

temps de reciter un Pater, que trois femmes agees, d'environ cinquante a soixante ans,<br />

agenouillees pres de lui, lui dirent, la main sur la poitrine et a voix basse:<br />

— Notre coeur , a nous tous qui sommes ici, ne differe pas du vOtre.<br />

— Vraiment? repondit le Pere. Mais d'ou etes-vous donc?<br />

Ces femmes montrent leur village et ajoutent:<br />

— Chez nous, presque tout le monde nous ressemble.<br />

Les jours suivants, les missionnaires se rendent dans le village designe et y constatent la<br />

presence de pres de deux mille cinq cents chretiens. Un d'eux, catechiste, leur affirme qu'il<br />

y en a beaucoup d'autres dissemines dans toute l'etendue de l'empire.


Depuis le mois de mai jusqu'au mois de septembre, de semaine en semaine, les indica-<br />

tions donnees par les trois Japonaises se verifient par des faits toujours plus nombreux et<br />

plus peremptoires; it n'y avait plus a douter. Il devenait certain que, en depit des persecu-<br />

tions terribles et d'un plus terrible isolement, on pouvait compter encore au Japon des<br />

milliers de familles dans lesquelles s'etaient conservees les ceremonies integrales du bap-<br />

tame, la foi au Redempteur mort pour le salut des hommes, la devotion a la Sainte Vierge,<br />

les prieres essentielles, a savoir: le Pater, l'Ave, le Credo, le Confiteor, avec l'acte de con-<br />

trition, des invocations a Saint Michel, regarde comme le patron de l'empire japonais, enfin<br />

la double conviction que les ministres du Dieu veritable devaient etre affranchis des liens du<br />

mariage et tenir leur mission du grand Chef residant a Rome.. .<br />

"Ce fut la , on peut le dire, l'oeuvre la plus importante et aussi la plus ardue de M. Petitjean; sa<br />

reussite exigeait beaucoup de patience, de travail et de prudence. Il fallait en effet dissiper les<br />

douter des chretiens, rassurer leur timidite, fixer leurs hesitations, contenir les ardeurs imprudentes<br />

des plus ardents, eloigner les dangers d'une persecution menacante et preparer les fideles au combat<br />

et au martyre. Tout cela M. Petitjean l'entreprit et le realisa avec un rare bonheur.<br />

"Cependant les evenements qui se passaient a Nagasaki n'avaient pu demeurer entierement<br />

secrets. Pie IX en avait ete le premier confident. Le grand Pape, en apprenant ces merveilleux<br />

details, n'avait pu s'empecher de verser des larmes de bonheur; depuis it concut pour la mission du<br />

Japon une affection toute speciale. I1 temoigna toujours une bonte toute paternelle a celui qui<br />

avait ete le principal instrument de la divine Providence dans l'oeuvre de la resurection de l'Eglise<br />

du Japon. Il lui confia le soin de ce troupeau ... et le nomma, en mai 1866, eveque de Myrio-<br />

phite et Vicaire Apostolique du Japon.<br />

"Le sacre se fit a Hong -Kong , en octobre de la méme annee.. .<br />

"L'annee suivante , en novembre 1867, une nouvelle persecution eclata. Pendant six ans, les<br />

malheureux chretiens furent en bute a toutes sortes de vexations, des milliers de fideles, hommes,<br />

femmes et enfants furent deportes, emprisonnes , tortures et plusieurs centaines moururent<br />

sere et de faim.<br />

de mi-<br />

"L'orage se dissipa en 1873<br />

... Il fallut alors organiser la mission, etablir les missionnaires,<br />

construire des eglises, ouvrir des ecoles. Haas! la tâche etait dure... Mgr. Petitjean fit un voyage<br />

en Europe, a la fin de 1875, pour trouver des secours, et demanda au Sait-Siege la division de sa<br />

mission en deux Vicariats. Il obtint le Japon meridional; c'etait la qu'il avait passé les annees les<br />

plus belles et les plus fecondes de son apostolat.. .<br />

Il revint a Nagasaki oil it devait finir sa carriere, pres de ce sanctuaire qui etait devenu cele-<br />

bre par la decouverte des chretiens. Cependant avant de mourir it eut l'immense consolation d'or-<br />

donner les trois premiers pretres de l'Eglise ressuscitee du Japon.<br />

"Une maladie de foie dont it souffrait depuis de longues annees se compliquait d'une maladie<br />

de coeur et d'une anemie profonde... Le mardi, 7 octobre, en la fête du Sait Rosaire , it rendit<br />

son ame a Dieu.<br />

"A la nouvelle de la mort de leur Pere bien -aime , les chretiens accoururent de toutes parts<br />

pour contempler encore une fois ses traits, prier aupres de sa couche funebre et lui payer le tribut<br />

de leurs regrets et de leur douleur. Les obseques du venerable Prelat eurent le caractere d'une veri-<br />

table manifestation a laquelle prirent part , les Europeens de toutes nationalites et de toutes<br />

croyances et plusieurs milliers de chretiens japonais.<br />

25


26<br />

"Aujourd'hui les restes mortels de Mgr . Petitjean reposent dans le sanctuaire, au pied de l'autel<br />

ou, it y a dix neuf ans, 1'Eglise du Japon est sortie de son tombeau... "<br />

Le Pere Petitjean, quoique tres pris par son ministere, eut d'autres activites. D'un abord facile<br />

et d'un commerce agreable, it sut creer de multiples relations.<br />

Plus haut, nous avons signale que Yamamoto Matsujiro fut son eleve de francais. Voici ce qu'il<br />

ecrivait, dans une lettre datee du 26 janvier 1865:(16).<br />

"Le gouverneur de la vine m'envoie deux de ses officiers avec priere d'accepter une<br />

chaire de professeur de francais au college qu'il vient de fonder pour l'etude des langues<br />

etrangeres (17).<br />

Je reponds aux envoyes que, malgre tout mon desir d'être agreable a leur noble maitre,<br />

it m'est impossible de donner une reponse avant d'être delivre des soucis de la construction<br />

de l'eglise.<br />

— Mais quand desirez-vous que votre temple de la priere soit acheve? repondent-ils .<br />

J'indique le leT janvier. Its me quittent sur cette parole, promettant de revenir bientot.<br />

Des le lendemain, les ouvriers arrivent en nombre triple, on travaille jour et nuit si bien que<br />

l'eglise se trouve achevee au jour designe."<br />

Le premier janvier 1865, le Pere Petitjean fut invite au Consulat de France. I1 y rencontra le<br />

gouverneur de Nagasaki.<br />

"Excellence , lui dit-il avec une parfaire bonne grace, vous attendez de moi que j'occu-<br />

pe la chaire de langue frangaise dans le college que vous venez de fonder. Maintenant je suis tout<br />

a votre disposition."<br />

En effet, le Pere Petitjean commenca ses cours, le 6 janvier de cette meme annee. "Son ensei-<br />

gnement, poursuit F. Mamas, dans l'ouvrage precite, clair et methodique fut vite apprecie de ses<br />

jeunes eleves. M. Petitjean se declara de son cote tres content de la tenue generale et de l'application<br />

de ses eleves."<br />

II. MONSEIGNEUR FRANCOIS BONNE.<br />

Plus haut, nos avons signale que le Pere Francois Bonne etait le correcteur des themes de<br />

Yamamoto. Ici, nous donnons quelques details supplementaires, que nous avons trouves au<br />

"Necrologe dans le compte rendu des travaux de 1913" de la Societe des Missions Etrangeres de<br />

Paris.<br />

"Francois Bonne naquit a Saint -Christophe-la-Grotte (Chambery-Savoie) , le 25 mars 1855..<br />

Apres deux annees de latin au presbytere, M. Bonne entrait en quatrieme au petit seminaire<br />

de Pont-de-Beauvois, le 18 octobre 1869. La, it allait trouver le milieu le plus favorable pour faire<br />

naitre en lui la vocation de missionnaire. Un irresistible courant, une veritable conspiration d'he-<br />

roisme semblait, a cette époque plus que jamais, entrainer vers le seminaire de la rue du Bac, les<br />

modeles de l'etablissement. C'est ainsi qu'en cette annee 1869, se rencontrerent sur les bancs de<br />

quatrieme le futur Mgr. Bonne et le futur Mgr. Choulet, Vicaire Apostolique de la Mantchourie<br />

meridionale. En outre, Mgr. Berlioz, eveque de Hakodate et Mgr. Guillon, massacre dans sa<br />

cathedrale de Moukden, le 2 juillet 1900, s'y trouvaient leurs aines d'un ou de deux ans. Enfin,<br />

Mgr. Combaz, eveque de Nagasaki, devait les suivre a deux annees de distance... Mgr. Bonne


passa ensuite au grand seminaire de Chambery ou it resta 3 ans (1873-1876) pour y faire son cours<br />

de philosophie et une premiere annee de theologie... A la fin de sa premiere annee de theologie,<br />

sa resolution fut prise, it se fit admettre au seminaire des Missions Etrangeres... I1 y passa trois<br />

ans.<br />

"M . Bonne, ayant ete ordonne pretre, le 20 septembre 1879, quittait Paris le 26 novembre<br />

et s'embarquait a Marseille, le 30 du méme mois, a destination du Japon meridional. En ce temps-<br />

la, c'etait le champ envie par les aspirants des Missions Etrangeres. L'Eglise du Japon, apres le<br />

premier et sanglant baptéme recu deux siecles auparavant, et la longue persecution qui semblait<br />

devoir pour toujours sceller son tombeau, venait d'offrir au monde etonne le spectacle d'une de<br />

ces résurections inesperees, qui nous prouve une fois de plus que le sang des chretiens est une<br />

semence, et que, sur la terre qui en fut arrosee, la foi du Christ ne saurait mourir !.. .<br />

"M Bonne arriva au Japon , le 23 janvier 1880 et, apres quelques mois d'etude de la langue, it<br />

fut envoye a l'ile d'Amakusa. Il ecrit, le 3 fevrier 1881:<br />

"Depuis deux mois j'ai pour district une ile magnifique contenant 200 .000 habitants,<br />

"et situee tout pres de la cote oil Saint Francois Xavier aborda quand it vint au Japon .<br />

"Cette lie a pour nom "Amakusa" , ce qui signifie "plante du ciel" ou "herbe celeste".<br />

"La plupart des habitants descendent d'anciens chretiens , car autrefois elle etait entiere-<br />

"ment au Christ , "<br />

"A cette époque , les bateaux a vapeur ne connaissaient pas encore le chemin d'Amakusa et les<br />

voyages du missionnaire, d'ile en ile, se faisaient sur une mechante barque decouverte. M. Bonne,<br />

qui aimait tant escalader les montagnes de sa nouvelle Savoie, n'avait guere le pied marin. A peine<br />

dans la barque, it s'y couchait sans fausse honte pour ne se relever qu'au point d'arrivee. C'est au<br />

cours de ces voyages qu'il contracta sans doute les germes d'une pleuresie dont les attaques repe-<br />

tees, braisant sa forte constitution, devaient l'entrainer prematurement dans la tombe. Au com-<br />

mencement de septembre 1882, Mgr. Petitjean l'appelait a la direction du seminaire de Nagasaki...<br />

"Les vingt -neuf annees de vie obscure que mena M . Bonne au seminaire de Nagasaki, furent<br />

. . . les echelons d'une ascension continue vers Dieu. Livre a lui-meme son caractere etait vif<br />

jusqu'a la violence, it le transforma ... jusqu'a devenir un modele de douce!ur. Il avait du Savo-<br />

yard le vouloir tenace, mais sans entetement, it savait volontiers interrroger et ecouter.. .<br />

"Lorsqu'il en prit la direction , le seminaire de Nagasaki etait a ses debuts... Le 31 decem-<br />

bre de la meme annee, trois mois apres sa nomination, it imposait les mains avec 1'eveque, aux<br />

trois premiers pretres japonais ordonnes depuis la persecution... I1 se mit a la tache tout de<br />

suite, en commencant par assurer dans son seminaire des habitudes d'ordre, de discipline et d'esprit<br />

de foi..."<br />

Vint enfin le moment ou ses superieurs et ses confreres augurerent pour lui un autre avenir.<br />

Comme, en 1890, Mgr. Midon, premier eveque d'Osaka, venait de mourir, le nom de Bonne fut mis<br />

en avant pour le remplacer, mais sa presence au seminaire fut jugee encore trop necessaire. Ensuite<br />

on le demanda a la direction du seminaire de la rue du Bac, a Paris, mais Mgr. Cousin, son eveque,<br />

ne voulut pas se separer de lui.<br />

Il ne faut pas croire que 1'activite du Pere Bonne se born-ft aux limites du seminaire de Naga-<br />

saki. Elle rayonnait au contraire a cause des exigences de ses fonctions. Pendant 25 ans, it fut le<br />

conseiller fidele de Mgr. Cousin.<br />

"M . Bonne etait tout entier a son paisible labeur, dans lequel it comptait finir ses jours, lors-<br />

27


28<br />

que, le 25 septembre 1910, une depeche de Paris arrivait a Tokio, annoncant sa nomination<br />

comme Archeveque. La nouvelle etait communiquee, des le lendemain, a l'elu. Bonne connaissait<br />

certes depuis quelque temps déjà le choix des missionnaires de Tokio, mais it esperait toujours<br />

etre epargne. Quand la notification officielle lui fut faite, it repondit par un refus respectueux mais<br />

formel. Il avait meme renvoye au seminaire de Paris son bref de nomination.<br />

"Rome avec raison , en jugea autrement. Le 15 janvier 1911, le bref de nomination faisait<br />

retour, accompagne d'une lettre du Cardinal Prefet de la Propagande, intimant a l'elu l'ordre<br />

d'accepter..."<br />

Le sacre de Mgr. Bonne eut lieu, le ler mai suivant, en l'eglise de Notre-Dame des Martyrs de<br />

Nagasaki, au pied de cette montagne rougie du sang des premiers martyrs japonais. Au prelat<br />

consecrateur, Mgr. Cousin, s'etaient joints 4 eveques, 70 missionnaires et 4.000 chretiens. Les deux<br />

assistants du nouvel elu etaient deux de ses anciens condisciples, Mgr. Berlioz et Mgr. Choulet.<br />

Parti de Nagasaki le 8 mai, le nouvel archevéque prenait possession de son siege le 11 du meme<br />

mois. Sans plus tarder, it se mit a visiter son diocese. I1 etait a peine arrive que tous les dimanches<br />

pendant trois mois, etaient promis et engages pour les ceremonies de confirmation et autres<br />

ceremonies. Mais un evenement inattendu autant que douloureux le ramena a Nagasaki, c'etait la<br />

mort de Mgr. Cousin.<br />

Cependant, au milieu de toutes ses occupations, de cette vie "a la vapeur", comme it disait, sa<br />

sante semblait jusqu'alors s'etre maintenue. Tout a coup, en novembre, Mgr. Bonne fut atteint<br />

d'une nouvelle pleuresie: c'etait la quatrieme. Apres diverses alternatives de haut et de bas, le mal<br />

semblait enraye et le malade paraissait s'acheminer vers la convalescence, lorsque, dans la niut du<br />

10 au 11 janvier, son etat s'aggrava subitement. Le matin du 11, comme it ne se reveillait pas, on<br />

appela le medecin. Ce fut en vain. A 9 h.30, sans douleur apparente, l'archeveque rendit le dernier<br />

soupir.<br />

"Les funerailles eurent lieu , le 15 janvier, presidees par Mgr. Berlioz, eveque de Hakodate et<br />

Mgr. Chatron, eveque d'Osaka..... Mgr. Bonne repose dans un cimetiere(18) de Tokio, aupres de<br />

son predecesseur, Mgr. Ossouf. Le monument que lui a eteve la piete des pretres et des fideles,<br />

porte gravee cette inscription aussi simple que le fut son existence:"<br />

"Virtute vixit , memoria vivit, gloria vivet !"<br />

III. LEON DURY.<br />

Plus haut, nous avons dit un mot sur Leon Dury, professeur de Yamamoto a l'ecole<br />

"Kounkan" . F. Marnas, dans son ouvrage "La religion de Jesus ressuscitee au Japon"(19) nous<br />

fournit sur Dury quelques details interessants sur son sejour au Japon.<br />

Leon Dury naquit en 1819, a Lambesc, dans le departement des Bouches-du-Rhone. It apprit<br />

la medecine a Marseille. En 1854, it prit part, en tant que major de l'armee, a la guerre de Crimee.<br />

Voici comment it fut appele a aller au Japon.<br />

Le Pere Mermet de Cachon fut envoye a Hakodate (Hokkaido), le 25 novembre 1858. Nous<br />

savons comment it sut se creer des relations. 11 concut le projet d'un hOpital, puis fort de l'appui<br />

de son ami Kurimoto Izui, it soumit son plan au gouverneur de Hakodate, dont it refit la lettre<br />

suivante:


"Tres noble Maitre francais ,<br />

Depuis bientot un an que nous avons l'honneur de vous connaitre , nous n'avons qu'a<br />

nous feliciter de nos rapports avec vous. Tous les enseignements exacts et certains sur<br />

le monde et l'Europe en particulier, nous ont ete fournis par votre savoir . D'heureuses<br />

innovations ont ete faites ici sous votre inspiration . Votre infatigable activite a stimule<br />

et eveille plusieurs bonnes idees parmi nos premiers officiers . Le projet si longtemps<br />

muri entre vous et le premier docteur de la cour de l'empereur , a savoir l'etablissement<br />

d'un hopital europeen et japonais nous a plu extremement . Le plan trace par vous et<br />

les conditions d'existence de l'etablissement nous ont ete soumis . Nous promettons<br />

notre concours en tout. Votre intention, qui s'accorde si bien avec la notre , d'y fonder<br />

en meme temps une ecole qui serait surtout medicale, dirigee par un docteur europeen<br />

et par votre tres haut ami, le docteur Kurimoto Izui , nous a paru si bonne que nous<br />

vous prions de la mettre a execution le plus tot possible . Vous dites modestement que<br />

vous n'etes pas medecin et que votre intention est de demander un docteur en France .<br />

Quoique nous ayons toujours cru que la medecine ne vous etait pas plus inconnue que<br />

les autres sciences, nous nous en rapportons a vous en toutes choses , et nous esperons<br />

pouvoir vous entretenir chez vous ou dans notre residence plus longuement sur ce<br />

sujet. Dit avec respect.<br />

9e mois 5e pour. Si<br />

gne: Take-no-uchi, Shimotsuke no Kami."<br />

29<br />

Au noble savant Francais.<br />

Avec l'approbation du Pere Girard, superieur de la mission du Japon , it demanda un medecin a<br />

Paris, par l'intermediaire du Ministre de France , Duchesne de Bellecourt. Cc fut Leon Dury qui fut<br />

designe. Mermet n'avait pas compte sur l'activite envahissante des Russes qui commencaient a<br />

Ezo (Hokkaido), et qui venaient d'ouvrir eux aussi un grand hopital , avec 200 lits et des medecins.<br />

L'hOpital de Mermet de Cachon fut, malgre ses protestations , converti en etablissement<br />

pour veneriens. Mermet resolut bien de fonder un autre hopital, mais it ne put realiser ce projet.<br />

Ainsi quand Leon Dury arriva au Japon, it se trouva sans travail . Le Ministre de France le fit<br />

nommer Consul a Nagasaki, ou it arriva en 1862 . Il devait y rendre de grands services aux mis-<br />

sionaires.<br />

En janvier 1863, le Pere Furet arriva a Nagasaki lui aussi et pendant quelque temps it logea<br />

avec le Consul Dury, chez un Hollandais protestant . Le gouverneur de la ville leur trouva un grand<br />

temple ou ils habiterent jusqu'a ce qu'ils purent trouver un emplacement convenable et pour le<br />

consulat et pour la mission.<br />

En 1867, Dury accompagna la Mission japonaise a l'Exposition universelle de Paris . Il revint<br />

a Nagasaki l'annee suivante et pendant deux ans , it enseigna le francais a l'école "Kounkan" (l'an-<br />

cienne "Saibikan"). En 1870, quand it quitta le poste de counsul , it devint officiellement<br />

professeur de cette meme ecole, succedant a Guido Fridolin Verbeck. C'est a ce moment-la qu'il<br />

eut Yamamoto Matsujiro comme interprete.<br />

L'ecole "Kounkan" cessa en juillet 1871. Dury alors se rendit a Kyoto , pour enseigner le<br />

francais a l'ecole francaise departementale . Dury y vivait avec ses eleves, dormant et mangeant avec<br />

eux. I1 y enseigna le francais, l'histoire , la geographic, les sciences et meme la gymnastique militaire.<br />

A Nagasaki, it s'etait mane avec une Alsacienne qui l'avait accompagne a Kyoto . Sa femme ensei-


30<br />

gna aux jeunes filles de cette meme ecole le francais et la couture.<br />

En 1875, lorsque son contrat expira, Dury se rendit a Tokyo et devint professeur a l'ecole<br />

"Tokyo Kaisei Gakko" , actuellement l'universite de TOkyO. I1 y donna des cours de litterature et<br />

d'histoire de France. Plus tard, it fut professeur a l'ecole superieure des langues, "TOkyO Gaikoku<br />

Gakko" (20).<br />

Pendant les quinze annees de son sejour au Japon; en dehors de son mandat de consul a Naga-<br />

saki, Leon Dury professa donc dans plusieurs etablissements scolaires, a savoir:<br />

— de 1868 a 1871 , a l'ecole "KOunkan" de Nagasaki.<br />

— de 1871 a 1875 , a l'ecole francaise departementale de Kyoto.<br />

— de 1875 a 1876 , a i'ecole "Tokyo Kaisei Gakko", actuellement l'universite de Tokyo.<br />

— de 1876 a 1877, a l'ecole superieure de langues de TOkyO.<br />

Nous avons un detail interessant sur l'ecole superieure de langues de Nagasaki "KOunkan".<br />

Nous sommes en mesure de donner la repartition a cette époque des langues etrangeres enseignees<br />

dans cet etablissement. Sur 180 eleves,<br />

-- 111 eleves avaient choisi la langue anglaise: 61%<br />

— 48 "" " " francaise: 27%<br />

— 22 "" " " russe:12%<br />

Dury rentra en-France en mars 1877. I1 avait demande au Prefet de KyOto et obtenu l'autori-<br />

sation d'emmener avec lui huit eleves de l'ecole francaise de KyOto, pour leur faire suivre<br />

etudes en France. A son arrivee a Marseille, it les fit entrer dans un lycee. Plus tard ces huit Japo-<br />

nais, chacun suivant ses capacites, furent admis dans diverses ecoles superieures ou entrerent dans<br />

des usines pour s'instruire.<br />

Le gouvernement japonais, en reconnaissance de ses services rendus au Japon, lui accorda, le<br />

2 avril 1888, le titre de Consul honoraire de Marseille. Dury se montra tres touché de cette marque<br />

d'estime.<br />

Il mourut a l'age de 72 ans, le 24 octobre 1891, au consulat japonais de Marseille, ou i1 s'etait<br />

retire quelques jours avant sa mort.<br />

IV. THEMES FRANCAIS DE YAMAMOTO MATSUJIRO.<br />

A cet article, Yamamoto et la langue francaise en province, nous avons renvoye le lecteur<br />

a 1'Annexe. Voici donc quelques themes de Yamamoto.<br />

Les deux recueils "FutsubunkO" et "Collection de themes francais" nous donnent sa force<br />

dans la connaissance de la langue francaise, mais nous ne pouvons pas porter un jugement complet,<br />

car les themes de Yamamoto ne sont pas toute son oeuvre. D'autre part, ces themes sont inegaux,<br />

plusieurs paraissent etre anciens. Nous les donnons cependant a titre d'exemple.<br />

Nous distinguons les deux recueils:<br />

1) Pour le recueil "Futsubunko", nous donnons:<br />

— trois exercices qui n'ont pas ete corriges,<br />

— quatre exercices qui ont ete corriges.<br />

Pour les themes non corriges, nous nous contentons de les mettre a la suite. Nous les numero-<br />

tons pour plus de clarte.


Pour les themes qui ont ete corriges, nous donnons d'abord le texte original , non corrige et en<br />

dessous le texte corrige. Cela nous permettra de comparer.<br />

2) Pour le recueil "Collection de themes francais", nous ne donnons que sept exercices qui<br />

ont ete corriges et nous procedons comme pour le recueil "FutsubunkO".<br />

a) Exercices qui n'ont pas ete corriges.<br />

1. Recueil "Futsubunko".<br />

1- Depuis longtemps je vous avais negligé mon complement, attendu que vous etez absent ,<br />

alors j'avais appris avec plaisir que vous aviez alle a Petersbourg, la capitale Russe par la preferation<br />

de la cour du souverain, et recemment, vous retournaiez en achevant grand merte sans aucun<br />

dangereus; c'est vraiment l'honneur de Nagasaki; Quant a moi touts les faits sont toujours malheurs<br />

parce que mon vice apporte les prois des calomnies, et la tache qui depend au patriotisme, incom-<br />

mode les progres des sciences Francais; Mais je vous pries de ne m'abandonner pas avec votre<br />

amitie. Cette fois la fortune n'aide pas mais je me rendrais chez vous, pour que j'essuyerais avec<br />

soin le dessoneur; Adieu jusque un temps de vous voir; A present la saison est froid, gardez votre<br />

sante avec courage.<br />

2- Pour commencer une ecole vous avez dit qu'il faut 5 piastres par un mois que 15 eleves<br />

chacune pairaient; Cependant c'est tres impossible pour Japonaise qui n'ont pas la coutume<br />

d'en payer autant; Parce que 5 piastres ne sont obtenu pour lui que avec beaucoup de peine et sont<br />

si precieux que on peut vivre avec cela deux ou trois mois; Ainsi je vous conseille que vous ensei-<br />

gniez 100 eleves pendant 3 heures le matin ou soir et seulement preniez un mois demi-piastres pour<br />

chacune qui ensemble devinera la somme de 50 piastres par un mois et meme encore grand si vous<br />

rassemblerez plus des eleves; Quand it vous plait, je vous procurerai une maison apporterai au<br />

gouvernement et chercherai eleves.<br />

3- "Le 11 Mars de Meiji.A Messieurs Consulat.<br />

J'ai l'honneur de vous informer que cette fois le Saibansyo (le tribunal ou cour de justice) est<br />

etabli a Nagasaki, dont nous, moi et autres juges, se chargerons par l'ordre du grand gouvernement<br />

et que depuis 11 Mars les affaires de ce proces et polices est agi par nous .<br />

,<br />

Alors je vous prie que les rapports entre vous et nous soit mutuellement amiables pour des<br />

lettres et les conseillers.<br />

b) Exercices qui ont ete corriges.<br />

Avec votre bonheur.<br />

Votre serviteur, Nakasima Masoutane,<br />

departement de loi de Gon tyon hanji."<br />

1- Texte original.<br />

"Nous vous saluons ce jour de l'an aussi nou s vous souhaitons que l'alliance entre deux<br />

pays invariablement soit la plus confiante et que l'amitie de vous et de nous soit excellemment<br />

fidele."<br />

Texte corrige.<br />

Nous vous felicitons pour ce jour de l'an et nous vous souhaitons que l'alliance entre nos<br />

deux pays soit invariable et la plus confiante et que notre amitie soit tres fidele .<br />

31


32<br />

2- Texte original.<br />

"On dit que depuis le mois passé differents vaisseaux etrangers entraient be aucoup dans le<br />

havre, ainsi tous les fonctionnaires de la 'douane etaient extraordinairement occupes et mais c'etait<br />

favorable pour eux, car en leurs pensions se multipliaient d'abondant d'un disieme sur les droits de<br />

douane."<br />

Texte corrige.<br />

On dit que depuis le mois passe des navires etrangers sont entres en grand nombre au<br />

Havre, aussi les fonctionnaires de la douane sont extraordinairement occupes, mais c'est favorable<br />

pour eux, car leur pension est augmentee d'un dixieme sur les droits de douane.<br />

3- Texte original.<br />

"Je suis commence la tache de traduire notes sur l'organisation militaire par votre ancien<br />

empereur Napoleon III; Arols it a beaucoup des membres que mon ignorance ne peut pas compren-<br />

dre et pour cela mon progres du travail sont tres difficiles; J'en suis bien chagrin; Ainsi je vous prie<br />

que vous compatissiez a ma peine et que vous exprimiez moi ce que je vous demanderai quelque-<br />

fois Quoiqu'il vous incommodera beaucoup. Votre humble serviteur.<br />

Texte corrige.<br />

J'ai commence la tache de traduire les Notes sur l'organisation militaire par votre ancien<br />

empereur Napoleon Trois; Alors it y a beaucoup de passages que mon ignorance ne peut pas corn-<br />

prendre et pour cela mon travail est tres difficile. J'en suis bien chagrin. Ainsi je vous prie de<br />

compatir a ma peine et de m'exprimer ce que je vous irai demander de temps a autres. Excusez la<br />

liberte que j'ose prendre et veuillez bien me croire votre .. .<br />

II. Recueil "Collection de themes francais".<br />

Ici, nous ne donnons que quelques themes qui ont ete corriges et nous procedons comme<br />

precedemment, c'est-a-dire que nous mettons d'abord le texte original et dessous le texte corrige.<br />

1. Texte original.<br />

"Monseigneur<br />

. F. Bonne,<br />

Missionnaire Apostolique;<br />

Je vous prie; que vous corrigez ces mon themes anciennes avec votre encre rouge, S'il<br />

vous palit; quoiqu'il incommodera votre temps.<br />

Texte corrige.<br />

Le cadre de les themes Francais<br />

Par Matsujiro-Yamamoto."<br />

Monsieur F. Bonne (21),<br />

Missionnaire Apostolique,<br />

Je vous prie de corriger mes themes anciens avec votre encre rouge, s'il vous plait.<br />

2- Texte original.<br />

Collection de themes francais<br />

par Matsujiro Yamamoto.<br />

"L'etat du malade , Mats-zakiyakiti.<br />

La blessure du coup a la tempe droite est longeur de 3 zoum, profondeur (enfoncement)<br />

de 8 Bou; qulle doit etre cousue trois fois.


La coup de l'epaule droite est inflammatoire en partie.<br />

I1 a aussi beaucoup de la blessure dans la tete: qui quelquefois est vertigineuse, apres saigne-<br />

ment, vomitif, sans appetit, la forme de la blessure est inflammatoire; et souffrante et fievreuse;<br />

l'excrêment (fiente) est dure c'est a dire, causer 1'ethisix.<br />

Ainsi je remediais aux blessures et lui donnais du remede fraichir."<br />

Texte corrige.<br />

Etat du malade Matsuzaki Yakichi.<br />

La blessure faite a la tempe droite est longue de 3 zun, profonde de 8 bu, large de 5 bu .<br />

Ell a ete cousue trois fois.<br />

La blessure faite a l'epaule droite est enflammee en partie.<br />

Il a aussi une blessure a la tete; it eprouve quelquefois le vertige . La blessure est enflammee;<br />

it souffre et a de la fievre; les selles sont dures.<br />

Je soigne ses blessures et ordonne des remedes qui doivent rafraichir.<br />

3- Texte original.<br />

"Ceux qui brisent les lois de leur contree, sont sujets (exposés) a punition; selon les lois<br />

de l'Angleterre, Larcin (vol) qui (lequel) est prise meubles des autres personnes est punissable<br />

avec emprisonnement, faussete (falsification) que est signante nome de autre presonne a decevoir<br />

est punissable avec transport (exil ou deportation), trahison et meurtre (assassinat) sont punissa-<br />

bles avec mort.<br />

Les Proces (jugements) par jures (jure) est une excellente institution de grande Bretagne;<br />

conformement a cela (elle) douze du peuple considerant chez cour avec le juge a determiner si<br />

prisonniers sont coupables du crime ou non cela, it est leur affaire (occupation) que entendre<br />

(ecouter) l'accusation, que ecouter aux temoignages, que considerer a la defense et que apporter<br />

un jugement sur (dessus) auquelle le juge passe sentence, selon la loi."<br />

Tex to corrige.<br />

Ceux qui transgressent les lois de leur contree peuvent etre punis selon les lois de l'Angle-<br />

terre, le vol des meubles d'une personne est puni d'emprisonnement; le faux en ecriture qui con-<br />

siste a signer le nom d'une autre personne est puni d'exil ou de deportation, la trahision et le<br />

meurtre sont punis de mort.<br />

Le jugement par jures est une excellente institution de la Grande-Bretagne; ainsi on nomme<br />

douze membres du peuple qui composent la cour avec le juge et determinent si les inculpes sont<br />

coupables ou non. Its doivent entendre l'accusation, ecouter les temoignages, entendre la defense<br />

et formuler un avis sur lequel le juge base sa sentence conformement a la loi.<br />

4- Texte original.<br />

"Monseigneur evec .<br />

Je suis votre ansien eleve ayant recu votre instruction dans I'ecole Sinmati(22), et it est<br />

dix ans que je n'avais pas bonheur de vous visiter; parce que vous vene pas la et alle a Yokohama;<br />

Ainsi je suis extrellement joie de vous revoir maintenant, done je vous souhet que vous donne (si<br />

a moi votre grace de donner) votre bonte, de vous me instruise avec votre querque discipline ,<br />

pretre, s'il vous plait"<br />

Text corrige.<br />

Monseigneur,<br />

Je suis un de vos anciens eleves de l'ecole de Sinmati; et it y a dix ans que je n'ai pas eu<br />

33


34<br />

le bonheur de vous visiter. La raison n'est autre que celle de votre absence et de votre long sejour<br />

a Yokohama.<br />

Actuellement j'ai une vraie joie de vous revoir et je vous prie de vouloir bien me continuer<br />

vos bons offices en daignant encore me donner quelques lecons.<br />

5- Texte original.<br />

"Avant -hier au nuit ayant ecoute votre parole , je me suis apitoyant votre malheur, dont<br />

cause semblait la guerre Franco-Allemande de 1870-71; Or it sera bon pour votre moyen d'exis-<br />

tence, que vous pensez l'instruction des jeunes hommes; Mais cette place est tres difficile de<br />

rassembler beaucoup des hommes; car it y a le chemin est trop lointain; Ainsi je vous reserverai une<br />

maison au milieu de la ville que quelque personne louera a moi pour le college; Alors eleves multi-<br />

pliera si vous donnera la peine de vous venir ici tous les jours; Cependant it est necessaire que vous<br />

prendrez le moins possible, chez un mois chacun reconnaissance; Parce que Japonais n'ont pas la<br />

coutume d'en donner grande quantite: mais vous l'obtenirez beaucoup tant que eleves seront<br />

multiplie; c'est comment votre pensee."<br />

Texte corrige.<br />

Avant-hier soir apres la conversation que nous avons eue, je me suis apitoye sur votre<br />

malheur dont la cause est la guerre franco-allemande de 1870-71. I1 sera bon comme moyen d'exis-<br />

tence, de penser a instruire des jeunes gens. Mais it est tres difficile ici de rassembler beaucoup<br />

d'eleves, car it y a loin de Nagasaki a Oura. Ainsi je vous reserverai une maison au centre de la ville<br />

que quelqu'un me louera pour le college. Alors les eleves se multiplieront, si vous voulez vous donner<br />

la peine de venir ici tous les jours. Cependant it est necessaire de prendre le moins possible par<br />

mois pour pension, parce que les Japonais n'ont pas la coutume de payer de forte somme. Mais<br />

vous pourrez l'augmenter quand le college sera devenu nombreux. C'est certainement la votre<br />

pensee.<br />

6- Texte original.<br />

"Nous avons des charbons durs ou des houilles avec percelles dont quantite tous les mois<br />

fournissent chaque 89 tonnes an moins par trois mines de Omra Mats-sima et fixe prix 3 Hoe 2<br />

bou pour tonne, qui nous pouvrions dormer aussi d'apres prix courant de temps, si vous voulez;<br />

Il y a aussi des houilles simplement grosse morceaux qui tous les mois elevent chaque a 29 tonnes<br />

au moins par meme endroit et c'est aussi negocie d'apres prix courant, quoiqu'il a fixe prix du 4<br />

hoe 3 bous pour 1 tonne; it est sans doute de nous apporter tous les mois quantite de celle-ci celle-<br />

la et cependant demandonnez aucun emprunt anterieur comme autres marchands; tandis que nous<br />

recevrons des argents comptants, des que nous mettrons dans votre mains; Ainsi nous vous deman-<br />

dons que vous en contractiez sans une hesitation."<br />

Texte corrige.<br />

Nous avons des charbons durs ou des houilles melangees dont chacune fournit tous les<br />

mois une quantitie de 89 tonnes dans trois mines a Omra Mats-sima. Le prix fixe est de 3 ryo<br />

2 bu la tonne que nous pourrions donner aussi d'apres le prix courant si vous voulez. ii y a aussi<br />

des mines de houille sans mélange en gros morceaux qui tous les mois fournissent chacune 29<br />

tonnes au moins. Nous les cederions aussi d'apres le prix courant, bien que le prix fixe soit de 4<br />

ryo 3 bu la tonne. Nous vous apporterons exactement tous les mois quantite de celle-ci ou de<br />

celle-la. Mais si nous n'exigeons aucun paiement avant livraison, comme les autres marchands, nous<br />

esperons que vous ne nous ferez subir aucun retard dans l'acquit de ce dont nous sommes conve-


nus. Nous comptons bien que vous nous adresserez vos commandes sans aucune hesitation.<br />

7- Texte original.<br />

"A Mr . Marcus Flowers,<br />

Vice-consul de France.<br />

J'ai l'honneur de vous informer. Un jour deux hommes notres natifs, Mankiti et Sanjilo,<br />

s'etait rendu chez la maison de Francais, Hyver pour recevoir l'argent du beurre, it les a eprouve<br />

comme voleurs sans payer l'argent du beurre et leur a excite son chien, de sorte que ils etaient<br />

blesses a les jambes et cuisses pour se mordre; Afin qu'autrefois les habits de sa servante, Tama,<br />

ont ete perdu, tandis que ils ne jamais les eurent connaftru, Alors le 22 juillet de Meiji 6 annee,<br />

M. Nagasaki-Kenlei Miyagawa-Fonsauki ayant vous inform& que Hyver soit examine soit justicie<br />

et l'argent des remedes lui soit commande pour deux blesses, vous avez repondu que vous jugerez<br />

apres vous le demanderez a le Consulat de France.<br />

I1 est ce que M. Miyagawa-Fonsa-uki me rapportait cette fois; Maintenant c'est commen alle.<br />

Je vous prie que vous jugiez vitement. Avec votre bonheur.<br />

Texte corrige.<br />

Avril Meiji 7."<br />

A M. Marcus Flowers,<br />

Vice-consul de France.<br />

J'ai l'honneur ieur de vous informer de l'affaire suivante. Deux hommes de notre pays, Man-<br />

kiti et Sanjilo, s'et<br />

avaient vendu. M. Hyver les a traites de voleurs sans payer et leur a lance son chien, de sorte qu'ils<br />

ont ete blesses aux<br />

ont ete perdus.<br />

M. Nagasaki-Kenlei Miyagawa-Fonsa-uki, vous ayant prie<br />

ner a payer l'argent des remedes pour guerir les deux blesses,<br />

l'affaire apres avoir fait venir l'inculpe au consulat de France.<br />

C'est ce que m'a rapporte M. Miyagawa-Fonsa-uki.<br />

Maintenant oil en est l'affaire? Je vous prie de rendre le jugement desire le plus vite possible.<br />

Avec votre bonheur.<br />

Gentinhanji Nakasima Mastane.<br />

Avril Meiji 7.<br />

35<br />

Gentinhanji Nakasima Mastane.<br />

pour recevoir l'argent du beurre qu'ils<br />

fois les habits de sa servante, Tama,<br />

de juger M. Hyver et de le condam-<br />

vous avez repondu que vous jugeriez


36<br />

Notes:<br />

(1) Francois Toussaint: Histoire du Japon. Fayard, Paris, 1969. p. 319.<br />

(2) Sugi Toshio: Cent ans d'etudes francaises au Japon. Publications de la Maison Franco-Japonaise, Presses<br />

Universitaires de France, Paris, 1973.<br />

(3) Tanaka Sadao: Bakumatsu Ishin-ki ni okeru Furansu-gakusha no kenkyu; Etudes sur les hommes verses<br />

dans la connaissance du francais, a l'epoque de la fin du regime shogunal des Tokugawa et au debut de<br />

l'epoque de Meiji. Bulletin de l'Universite Soka (No. 1), Tokyo, 1977.<br />

Cela signifie "Memoires de Bansui". "Bansui" est un nom d'emprunt de Yamamoto. Dans le Japon<br />

d'autrefois c'etait une coutume de changer son prenom. Ce document est la propriete de M. Yamamoto<br />

Haruo, son petit-fils.<br />

Tanaka Sadao: La vie de Yamamoto Matsujiro. Bulletin de l'Universite Soka (No. 3), Tokyo, 1979.<br />

(4) Nous avons recu de M. Yamamoto Haruo les details suivants sur 4 de ces enfants, en plus de Matsujiro.<br />

— Kinu , une fille, mourut 2 ou 3 mois apres sa naissance.<br />

— Seijiro , un garcon (1828-1876), devint fils adoptif de son oncle Takeuchi.<br />

-Sen , une fille (1831-1876), se maria avec un samoural de Nagasaki qui s'appelait Ikebe. Plus tard, elle<br />

divorga a cause d'une grave maladie.<br />

-Kanjiro<br />

, un garcon (1835), mourut a l'age de 3 ans.<br />

(5) Bernard-Thaddee Petitjean (1829-1884), etait membre de la Societe des Missions Etrangeres de Paris. Il<br />

arriva a Nagasaki en aout 1863. C'est lui qui allait etre le temoin emu de la survivance de plusieurs milliers<br />

d'anciens chretiens, echappes aux persecutions.<br />

En janvier 1865, deux mois avant la decouverte des vieux chretiens, it fut sollicite par le gouverneur de<br />

la vale d'accepter -une chaire de professeur de francais a cette ecole, recemment ouverte. Petitjean commenca<br />

ses cours, le 6 janvier de cette annee.<br />

Pour plus amples renseignements, cf. Annexe: Monseigneur Petitjean.<br />

(6) Kisho s'appelait aussi Gijuro. II naquit a Nagasaki en 1839. Il fut d'abord interprete du gouvernement du<br />

Bakufu. Apres la restauration de Meiji, it devint fonctionnaire dans le nouveau gouvernement. Plus tard<br />

enfin, it fut nomme Consul aux Etats-Unis. Il mourut en 1896.<br />

(7) Tanaka Sadao: Essai sur l'etude de la langue francaise vers la fin du regime de Tokugawa. Bulletin de l'Universite<br />

Soka (No. 2), Tokyo, 1978.<br />

(8) Ibid.<br />

(9) Ibid.<br />

(10) Guido Fridolin Verbeck etait un Americain d'origine hollandaise. Il arriva a Nagasaki, en 1859, comme<br />

missionnaire, mais comme it ne put pas exercer son ministere, it devint professeur d'anglais et de francais<br />

dans plusieurs ecoles de Nagasaki.<br />

(11) Leon Dury a beaucoup enseigne le francais au Japon, voila pourquoi nous lui consacrons un court paragraphe<br />

a d, et pour plus de details, cf. Annexe: Leon Dury.<br />

(12) Le titre donne par Yamamoto est en realite different. Le voici: "Le cadre de les themes francais". Or,<br />

comme l'auteur demande a son correcteur des themes de corriger s'il y a lieu et que ce dernier l'a fait, nous<br />

agissons selon la pensee de Yamamoto en adoptant le titre corrige, a savoir: "Collection de themes francais".<br />

(13) Francois Bonne appartenait a la Societe des Missions Etrangeres de Paris. I1 arriva au Japon, le 23 janvier<br />

1880. Apres quelques mois d'etude de la langue japonaise, it fut envoye dans l'ile d'Amakusa. Au debut<br />

de 1882, it fut appele a Nagasaki pour la direction du Seminaire japonais. I1 y resta 29 ans. C'etait ainsi que<br />

Yamamoto le rencontra et entra en relation avec lui. Bonne devint le correcteur de ses themes. Bonne fut<br />

nomme en 1911 Archeveque de Tokyo ou it mourut peu apres, en 1912. Pour plus amples details, voir Annexe:<br />

Monseigneur Bonne.<br />

(14) En lisant ces exercices de Yamamoto, nous avons l'impression que le copiste — qui n'etait pas Francais —<br />

a commis des erreurs de copie en retranscrivant le texte de l'auteur. Car it est impensable que Yamamoto ne<br />

soit pas capable d'ecrire le meme mot de la meme facon d'une ligne a l'autre. Voyez, par exemple: "Cornbien<br />

de jours restrons-nous ... ? "Nous y resterons huit jours."<br />

(15) Francisque Mamas: La Religion de Jesus ressuscitee au Japon. Seminaire des Mission Etrangeres, Paris,<br />

1931. Tome 1, pp. 371-372.<br />

(16) Ibid. Tome 1, p. 519, etc.


(17)<br />

(18)<br />

(19)<br />

(20)<br />

(21)<br />

(22)<br />

Ce college des langues etrangeres n'etait autre que 1'Ecole Superieure "Salbikan" de Nagasaki, ou Yamamoto<br />

etudia le francais.<br />

Selon le Memorial de la Societe des Missions Etrangeres, par A. Launay, 2e partie, p. 70; Mgr. Bonne ainsi<br />

que Mgr. Ossouf sont enterres au cimetiere de Aoyama.<br />

Mamas: Tome 1 pp. 378-379.<br />

Quelques eleves de l'ecole francaise de Kyoto avaient suivi Dury a Tokyo et entrerent a l'ecole superieurs<br />

de langues. Citons parmi ces derniers Tomii Masaaki, qui deviendra par la suite un célèbre juriste.<br />

M. F. Bonne, correcteur des themes de Yamamoto, a corrige le terme "Monseigneur" que lui donne Yamamoto.<br />

M. Bonne ne fut eveque que plus tard, en 1911.<br />

L'ecole "Sinmati", dont parle Yamamoto, n'est autre que l'ecole superieure de langues etrangeres de<br />

Nagasaki, "Salbikan" ou "Kounkan".<br />

(Nous remercions vivement M.<br />

cet article.)<br />

Jean MONEGER de son concours, ce qui nous a permis de rediger<br />

37

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!