Vetrotime 02-2003

Ajouter sa propre moutarde, c’est vraiment «in». On
en est fermement convaincu chez Globus. On trouve
entre-temps plus de 60 sortes sur les rayons du fournisseur
suisse d’épicerie fine: de la moutarde au curry,
à l’ananas, au ginger, à l’harissa ou au miel des bois.
«Nos clients sont à la recherche de l’extraordinaire»,
souligne-t-on chez Globus. «Et parmi les produits à la
mode, la moutarde est devenue un véritable produit
culte.»
L’art de vivre en pot de verre
On le voit également dans les autres grands magasins
de luxe européens. A Vienne, chez Meinl sur le Graben,
l’assortiment gigantesque de quelque 100 sortes
de moutarde répond pleinement à la demande. «Un
client cherche souvent une moutarde exotique qu’on lui
a servi au cours d’un dîner. Ou alors une véritable spécialité
lorsqu’il invite à dîner», dit un porte-parole de
chez Meinl. «Pour impressionner ses invités, il ne suffit
plus de mettre sur la table un fromage extravagant. Les
moutardes extraordinaires sont vraiment le dernier
cri.» Comme service particulier, Meinl suggère à ses
clients des combinaisons sortant de l’ordinaire telles
que p. ex. la moutarde qui convient pour une crème à
l’orange ou un plat de saumon.
Qu’elle soit à l’ail, à l’estragon, au chili, au basilic, au
calvados, à la bière ou au cassis, aux olives, oranges,
noix, safran ou champagne, toutes les moutardes
d’épicerie fine ont un point commun: elles sont vendues
en bocal de verre. «Le verre est noble et souligne la
qualité, parce qu’on peut vérifier le contenu d’un simple
coup d’œil», dit-on chez Globus. On passe ainsi
progressivement au verre pour les autres denrées ali-
La renaissance
des graines de moutarde
Jamais encore on n’avait eu le choix entre un aussi grand nombre
de sortes de moutarde: les ingrédients vont de la figue au whisky
en passant par la mangue. La pâte ordinaire de jadis est devenue
un produit de luxe à la mode.
mentaires. La célèbre marque propre de Globus est
exclusivement disponible sous emballage en verre. Elle
représente déjà près de 15 pour cent de l’assortiment
et le magasin réalise ainsi près de 30 pour cent de son
chiffre d’affaires – preuve s’il en est de la faveur que
connaît l’emballage en verre.
Le magasin zurichois Jelmoli mise lui aussi sur le verre
dans sa Gourmet Factory. «Le client moderne ne veut
pas seulement voir ce qu’il achète», précise-t-on, «il se
prononce sur le design de l’emballage.» Les couples
sans enfants et les personnes qui gagnent bien leur vie
achètent rarement de la moutarde en tube. Ils achètent
d’autant plus les pots de moutarde de 100 grammes en
épicerie fine. «On veut essayer et varier les plaisirs
sans devoir garder le même pot de moutarde pendant
deux ans», ajoute le porte-parole.
4000 ans de moutarde,
de la plus forte à la plus douce
La moutarde sous verre comme nouveau produit à la
mode et art de vivre – quelle renaissance! Avant que la
Confrérie des chefs de cuisine ne sauve la graine de
moutarde de la disparition totale voici quelques
années, on s’est abondamment moqué de la pâte de
moutarde de Monsieur Tout-le-Monde. Elle était tout juste
bonne à assaisonner les fades saucisses. On aurait dû
le savoir: la moutarde est une longue success story de
plus de 4000 ans!
La première indication sur cette période et sur le peuple
des Sumériens précise que les graines jaunes et
douces et les graines noires et piquantes de moutarde
n’étaient pas seulement écrasées entre les dents, mais
étaient aussi utilisées pour épicer les plats. Les Egyptiens
et les Grecs cultivaient la moutarde. Pythagore prétendait
même qu’elle aiguisait nos sens. On sait même
que les Romains la mélangeaient avec du vinaigre, de
l’huile et du miel, recette qui s’est maintenue jusqu’à
aujourd’hui. Au 14e siècle, la ville française de Dijon
obtint du pape le monopole de la moutarde qui devint
alors un condiment redoutable. Il existait encore 113
sortes à la moitié du siècle dernier – 84 pour les messieurs
et 29 pour les dames, comme le précise le romancier
Alexandre Dumas.
Parallèlement à la France, l’Angleterre et l’Allemagne
ont respectivement conquis le palais des gourmets avec
la moutarde forte au malt et la moutarde douce. Et si
aujourd’hui, ce n’est plus le fromage aux truffes, mais
la moutarde à l’estragon, au cacao et au whisky qui
devient la mesure de toute création culinaire, ceci a un
avantage essentiel: même comme produit d’épicerie
fine, la moutarde reste un produit relativement bon
marché. Un pot en verre de 100 grammes coûte entre
3.40 et 4.80 euros. Conditions favorables s’il en est
pour ajouter à l’avenir un peu plus de sa propre moutarde!
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