Friedrich Nietzsche - Sociologie:Système LMD
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<strong>Friedrich</strong> <strong>Nietzsche</strong> 16<br />
appréciateur - ce point de vue nécessairement inspiré du monde extérieur au lieu de<br />
reposer sur soi-même - appartient en propre au ressentiment : la morale des esclaves a<br />
toujours et avant tout besoin, pour prendre naissance, d'un monde opposé et extérieur<br />
: il lui faut, pour parler physiologiquement, des stimulants extérieurs pour agir ; son<br />
action est foncièrement une réaction. » [46] .<br />
La morale des forts<br />
En sens contraire, la morale des forts exalte la puissance, c'est-à-dire l'égoïsme, ou plaisir<br />
d'être soi, la fierté, l'activité libre et heureuse. Ces valeurs sont essentiellement le résultat<br />
d'une spiritualisation de l'animalité qui peut alors s'épanouir heureusement. Ainsi en Grèce<br />
la sexualité est-elle exprimée dans les cultes de Dionysos et dans l'art ; chez Platon, le désir<br />
de savoir est la conséquence d'une spiritualisation de l'instinct de reproduction. La morale<br />
des faibles agit en sens contraire, en cherchant à détruire à la racine tous les instincts, par<br />
haine de la vie, c'est-à-dire par suite d'une violence intériorisée qui ne peut s'exprimer que<br />
sous la forme négative de la destruction de soi (c'est le mauvais de la morale<br />
aristocratique). Par contraste, ce qui caractérisera le mieux une morale de forts, ce sera sa<br />
capacité d'élever des hommes cultivés, inventifs, actifs, doués d'une volonté forte et<br />
constructive.<br />
On ne doit pas cependant ignorer que les forts, dans l'histoire, sont tout d'abord (terme<br />
souligné par <strong>Nietzsche</strong> dans le premier aphorisme de la neuvième partie de Par-delà bien et<br />
mal) des hommes violents, mais cette violence n'est pas d'une même sorte que la violence<br />
du faible, qui lui aussi veut la puissance, mais par d'autres moyens. La violence du fort est<br />
spontanée et sans arrière-pensées, elle n'est pas vindicative, tandis que la violence du faible<br />
est calculée, et c'est une violence au service du ressentiment, i.e. de la haine. Bien que la<br />
force ne soit pas chez <strong>Nietzsche</strong> nécessairement exprimée par la violence, et, qu'en outre,<br />
la spiritualisation des instincts les plus agressifs soit la forme la plus haute de la culture, il<br />
reste que la "spontanéité" du fort est en premier lieu particulièrement cruelle, quelle que<br />
soit la civilisation considérée :<br />
« Cette "audace" des races nobles, audace folle, absurde, spontanée ; la nature même<br />
de leurs entreprises, imprévues et invraisemblables - Périclès célèbre surtout la<br />
ῥαθυμία des Athéniens - ; leur indifférence et leur mépris pour toutes sécurités du<br />
corps, pour la vie, le bien-être ; la gaieté terrible et la joie profonde qu'ils goûtent à<br />
toute destruction, à toutes les voluptés de la victoire et de la cruauté : - tout cela se<br />
résumait pour ceux qui en étaient les victimes, dans l'image du "barbare", de "l'ennemi<br />
méchant", de quelque chose comme le "Vandale". » [47]<br />
Cette violence n'est pas une fin en soi, mais est le socle de l'élévation humaine, sans lequel<br />
l'homme se renie et se mutile en tant qu'animal. L'ensemble des instincts qui font voir la<br />
proximité de l'homme avec la bête doit être, pour <strong>Nietzsche</strong>, spiritualisé, car cette<br />
spiritualisation est une augmentation de la volonté de puissance, par exemple dans la<br />
création artistique. Ainsi, lorsqu'il examine le processus d'élévation du fort, <strong>Nietzsche</strong>, qui a<br />
souligné la barbarie première de ce fort, ne met pas en avant la force physique, mais bien<br />
l'âme [48] . Et, dans Ainsi parlait Zarathoustra, il s'adresse ainsi aux hommes violents :<br />
« Le beau est imprenable pour toute volonté violente. [...]<br />
Et je n'exige la beauté de personne comme de toi, homme violent : que ta bonté soit la<br />
dernière de tes victoires sur toi-même. [...]