Friedrich Nietzsche - Sociologie:Système LMD
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<strong>Friedrich</strong> <strong>Nietzsche</strong> 24<br />
Dès lors, nous projetons les catégories de l'action dans le monde des phénomènes, et<br />
croyons que tout événement suppose une substance qui ne se peut réduire aux qualités<br />
phénoménales. C'est là l'idée d'une chose en soi.<br />
Cette erreur n'est donc pas seulement induite par le langage, comme les autres erreurs,<br />
mais elle a un caractère originellement psychologique dont il faut expliquer pourquoi elle a<br />
eu un si grand succès.<br />
Ce succès s'explique si l'on considère que cette erreur dans la connaissance de soi comme<br />
cause a été interprétée comme libre arbitre (ce point est analysé par <strong>Nietzsche</strong> dans le<br />
chapitre du Crépuscule des idoles intitulé Les quatre grandes erreurs). Elle fait référence à<br />
la thèse de <strong>Nietzsche</strong> selon laquelle la liberté a été inventée pour rendre les hommes<br />
responsables de leurs actes.<br />
Si nous suivons le raisonnement de <strong>Nietzsche</strong>, l'ensemble des erreurs de la métaphysique a<br />
ainsi une origine théologique et morale : l'homme est la cause de ses actes ; son moi est sa<br />
substance, son être, d'après lequel il va interpréter le monde des phénomènes en y<br />
projetant cette causalité psychologique qui sépare ce qui agit (un sujet, un substrat de ce<br />
qui devient) de ses effets. Cette croyance entraîne l'invention de l'unité, de l'identité, de la<br />
causalité, etc. toutes ces catégories qui prendront une forme systématique dans la<br />
métaphysique.<br />
Le nihilisme<br />
« L'invité le plus inquiétant se tient à notre porte. »<br />
Selon <strong>Nietzsche</strong>, le rapport de l'homme au monde, tant en ce qui concerne la volonté<br />
(désirs, aspirations, espoirs) que l'entendement et la raison (métaphysique, connaissance)<br />
fut jusqu'ici essentiellement le résultat de jugements moraux nés du ressentiment<br />
d'impuissants qui disent "non" à la réalité et la vie, tout en se parant des plus hautes vertus<br />
de la morale. C'est cette idée qu'il exprime, dans le Crépuscule des idoles: « [...] il y eut des<br />
moralistes conséquents avec eux-mêmes: ils voulaient l'homme différent, à savoir vertueux,<br />
ils le voulaient à leur image, à savoir cagot; c'est pour cela qu'ils niaient le monde. » Et,<br />
plus loin : «La morale, dans la mesure où elle condamne dans l'absolu, et non au regard de<br />
la vie, par égard pour la vie, ou en regard des intentions de la vie, est une erreur<br />
intrinsèque... » La théologie assura la pérennité de cette détermination morale de<br />
l'existence, et la philosophie s'en fit l'auxiliaire. Nul philosophe, en effet, ne s'interrogea sur<br />
la valeur de la vérité ; cette valeur fut toujours pour ainsi dire donnée par définition, et il en<br />
fut de même pour le bien.<br />
Que peuvent alors signifier de tels jugements ? Dans la mesure où ils se construisent en<br />
opposition à l'apparence, ils ne peuvent signifier que le néant : Dieu, l'être, le bien et tout<br />
pensée de l'en soi, de l'absolu, sont les symptômes d'une même volonté de vaincre le<br />
devenir, associé au néant, d'une volonté d'en finir qui, paradoxalement en apparence, se<br />
met à créer des valeurs. Ces valeurs, cependant, expriment la grande lassitude,<br />
l'épuisement de l'homme face au monde. Cela s'exprime de diverses manières dans le<br />
monde moderne : la guerre, l'ennui, le désœuvrement, la recherche d'excitations morbides<br />
ou de plus en plus violentes (alcool, érotisme), la recherche d'activités abrutissantes<br />
(travail), la vie au jour le jour et inconsistante de la vie publique intellectuelle (journalisme,<br />
opportunisme des universitaires rémunérés), les conflits psychiques (névrose, hystérie), etc.<br />
C'est pourquoi, le nihilisme est selon <strong>Nietzsche</strong> l'événement majeur de l'Europe, il en est<br />
même le destin depuis Platon. Mais ce nihilisme éclate aujourd'hui : il exprimerait alors un