24.RENCONTRE i nt e r vi e w Odile <strong>De</strong>cq Sois rebelle et bats-toi ! Architecte de renommée internationale, Odile <strong>De</strong>cq dit n’avoir aucun maître, n’appartenir à aucun mouvement. A ses yeux, en architecture, l’essentiel est la liberté, l’indépendance. <strong>GL</strong> <strong>events</strong> magazine - Octobre/October 2009
i nt e r vi e w RENCONTRE.25 Aujourd’hui, Odile <strong>De</strong>cq a des projets en cours dans le monde entier, notamment le Musée d’Art Contemporain de Rome (MACRO). Today, Odile <strong>De</strong>cq has projects in progress all over the world, in particular the Museum of Contemporary Art (MARCO) in Rome. Les rebelles agacent ou > séduisent, mais ils ne laissent pas indifférent. La foi chevillée au corps, l’audace et la liberté en bandoulière, ils forcent toujours peu ou proue le respect, l’admiration. L’architecte Odile <strong>De</strong>cq semble être de cette race-là. Celle des gens qui foncent. En ce qui la concerne, peutêtre cela est-il dû au professeur de dessin qui, durant ses années de lycée dans sa Mayenne natale, lui a rapidement fait prendre conscience de son sens artistique… Peut-être est-ce dû au fait qu’étudiante elle a su faire passer ses convictions avant les conventions : « À l’époque, je me disais que l’architecture n’était pas possible pour une fille. Je visais plutôt les arts plastiques mais, finalement, je me suis présentée au concours d’une école d’architecture ». À moins que la rébellion d’Odile <strong>De</strong>cq ne s’explique par la parole malheureuse qu’un architecte, ami de ses parents, a prononcée lorsqu’il a su qu’elle était reçue : « C’est très bien ! On a besoin de filles en architecture. Vous pourrez ainsi dessiner des cuisines et des placards… ». Rome, Tanger, Pékin… Quoiqu’il en soit, trente ans après, Odile <strong>De</strong>cq est loin d’être au placard. <strong>De</strong>puis qu’elle est sortie diplômée de son école d’architecture, en 1978, elle a créé un cabinet qui a vite fait parler de lui. Dès la fin des années 1980, en remportant le concours organisé par la Banque Populaire de l’Ouest pour son Centre administratif et social de Rennes, le cabinet Odile <strong>De</strong>cq-Benoît Cornette* acquiert une renommée internationale. Par son concept et son dessin, par le choix et l’assemblage de ses matériaux, ce projet fait la différence. « Nous étions outsiders. Si nous avons eu ce prix, c’est parce que nous étions un peu la caution jeunes de ce concours » juge bon de préciser Odile <strong>De</strong>cq. Quelques années plus tard, en 1996, le cabinet ODBC obtient une nouvelle prestigieuse victoire en remportant le concours du Centre de contrôle de l’Autoroute A14 et de son viaduc, à Nanterre. Odile <strong>De</strong>cq conçoit alors un projet totalement novateur puisqu’elle pose ce centre de contrôle non pas au sol, mais en hauteur contre le tablier de la passerelle autoroutière. « Grâce à ce projet, nous avons donné beaucoup de conférences à l’étranger, alors qu’en France nous faisions figure de francs-tireurs » explique Odile <strong>De</strong>cq qui, aujourd’hui, a des projets en cours dans le monde entier : le Musée d’Art Contemporain de Rome avec Burkhard Morass, la Maas Tower de Rotterdam, le Pavillon 8 pour <strong>GL</strong> <strong>events</strong> au Confluent de Lyon (lire encadré p. 26), la gare maritime du port de Tanger, ou encore l’Art Hotel de Pékin… Ce succès international, Odile <strong>De</strong>cq le doit, entre autres, à sa curiosité naturelle : « Dans les années 1980, avec mon compagnon, on passait notre temps à aller à Londres pour la musique, mais on en profitait pour regarder la transformation des Docks de Londres : les structures métalliques, etc. On fouillait partout dans le moindre chantier ». « Je me méfie des idéologies ! » « Architecte, c’est un métier où il faut faire preuve de ténacité, de résistance. Les femmes ont plutôt tendance à négocier alors que dans ce métier il faut oser l’affrontement » affirme Odile <strong>De</strong>cq. Il faut dire qu’en la matière, elle a été à bonne école. A l’U.P.6, son école d’architecture, depuis Mai 68, la tradition consistait à remettre en cause les Beaux Arts. Les enseignants qui répondaient aux noms de Castro ou de Le Dantec étaient tous de chevronnés soixante-huitards. « C’est sûrement pour cette raison que je n’ai jamais eu de vraie influence, de maître. Surtout pas ! Je me méfie des idéologies, des mouvements, des courants. Bien entendu, je regarde ce qui se fait dans le monde, mais je reste libre. » Rétrospectivement, à ses yeux, c’est précisément cette liberté, cette indépendance à l’heure des apprentissages qui l’ont construite : « Cela m’a forgé le caractère. C’était très bien comme ça. En architecture, il faut du talent et de la personnalité. Aujourd’hui, on a trop tendance à cadrer les étudiants en architecture. Au contraire, il faut les aider à faire advenir leur personnalité ». Un principe qu’elle essaie de mettre en œuvre au sein de l’école qu’elle dirige depuis un an. <strong>De</strong> quel établissement s’agit-il ? <strong>De</strong> la plus ancienne de France, l’Ecole Spéciale d’Architecture (ESA) de Paris créée par le célèbre architecte français Eugène Viollet-le- Duc (1814-1879) à l’époque en lutte contre l’académisme des Beaux Arts… Forcément ! * Nom de son compagnon avec lequel elle travailla jusqu’à son décès en 1998. Stand up and fight! Odile <strong>De</strong>cq is a world-renowned architect who claims to have had no master and to not belong to any particular movement. In her opinion, in architecture, the key is freedom and independence. Rebels either annoy or seduce, but > rarely leave people indifferent. With their faith pinned to their sleeve, audaciousness and freedom slung over their shoulder, they always command more or less respect and admiration. The architect Odile <strong>De</strong>cq seems to be one of their tribe. The tribe that rushes headlong into a task. As far as she is concerned, her rebellious streak may come from the art teacher she had and who, throughout her high school years in Mayenne, swiftly taught her how to become aware of her artistic sentiment. Or perhaps it comes from the fact that when she was a student, she always succeeded in putting her convictions before convention. “At the time, I told myself that architecture just wasn’t possible for a Octobre/October 2009 - <strong>GL</strong> <strong>events</strong> magazine