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Perspectives<br />
Capitalisme en Haïti : Etat des lieux et perspectives<br />
(3ème partie)<br />
Par : Ralph Stherson SENAT*<br />
Pour une tentative de lire la complexité<br />
politique et socio-économique de la<br />
société haïtienne contemporaine avec<br />
la théorie marxiste<br />
A propos du commerce : après<br />
l’indépendance et au cours de<br />
l’époque suivante<br />
Après l’indépendance, le commerce<br />
passa aux mains des haïtiens, particulièrement<br />
des affranchis qui, aux<br />
temps de la colonie jouissaient d’une<br />
certaine aisance. De cette façon surgit<br />
peu à peu une bourgeoisie marchande,<br />
formée en majorité de commerçants<br />
mulâtres. Rappelons-nous bien que les<br />
deux élites nationales, à savoir, l’élite<br />
civile formée de bourgeois commerçants<br />
principalement, et l’élite militaire<br />
formée de généraux et commandants<br />
d’arrondissement, par excellence féodaux<br />
fonciers, luttaient constamment<br />
pour le pouvoir. Les plus-values et les<br />
rentes foncières, au lieu d’être réinvesties,<br />
sont plutôt utilisées pour le financement<br />
des révoltes. Après chaque<br />
mouvement, chaque pillage, chaque<br />
incendie, le capital de la bourgeoisie<br />
haïtienne diminuait et celle-ci devait<br />
très souvent se retirer définitivement<br />
des affaires. A dire vrai, la bourgeoisie<br />
nationale s’est trouvée « confronter<br />
à la difficulté presque insurmontable<br />
d’accumuler du Capital ». En effet,<br />
profitant des divisions et luttes entre<br />
caciques de tendance ou de régions<br />
différentes, et, par la faveur de la superstructure<br />
politique semi-féodale,<br />
l’influence économique étrangère pénétra<br />
facilement dans le pays ; de plus,<br />
les hommes de négoce étrangers et les<br />
grandes puissances essaient de fortifier<br />
leurs positions économiques et<br />
leur influence politique. Ils parviennent<br />
jusqu’à « contrôler entièrement le commerce<br />
d’importation et d’exportation,<br />
de même que le commerce de détail.<br />
La banque était entre leurs mains, ainsi<br />
que le financement des dettes extérieures<br />
» . Les commerçants étrangers<br />
installés dans le pays sont intimement<br />
mêlés aux rivalités locales. Ils peuvent<br />
agir d’autant plus impunément<br />
qu’ils bénéficient de la protection des<br />
représentants diplomatiques et des<br />
bateaux de guerre de leurs pays. En finançant<br />
les révoltes, les commerçants<br />
étrangers font d’une pierre deux coups<br />
: d’abord, ils contribuent à la ruine des<br />
commerçants locaux pour mieux usurper<br />
leur place ; ensuite, ils augmentent<br />
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leurs capitaux en exigeant à l’Etat de<br />
rembourser leurs pertes –très souvent,<br />
ils exigent beaucoup plus qu’ils ont réellement<br />
perdu –, assez souvent, sous la<br />
pression de fortes menaces.<br />
En fait, le système économique<br />
installé dans le pays au cours de cette<br />
période est un capitalisme d’affaire,<br />
essentiellement commercial. « Alors<br />
même que leurs gouvernants condamnaient<br />
par le verbe la deuxième République<br />
du nouveau monde, les<br />
marchands américains accumulent des<br />
bénéfices substantiels de leur commerce<br />
avec Haïti. En 1821, ils fournissaient<br />
déjà près de 45% des importations haïtiennes.<br />
L’Angleterre suivait avec 30%,<br />
la France venait en troisième avec 21%<br />
».<br />
Au cours de la seconde moitié<br />
du XIXème siècle, les commerçants<br />
anglais, allemands et levantins, tirant<br />
profit de la question du sucre, de la revalorisation<br />
de la spéculation sucrière,<br />
accumulent aux dépends de la Nation<br />
haïtienne d’importantes sommes de<br />
capitaux. Haïti, jusqu’à la première<br />
moitié du XXème siècle n’a pas connu<br />
d’entreprise industrielle d’envergure,<br />
du genre de la HASCO par exemple.<br />
L’économie, en majeur partie rurale,<br />
se débattait et se débat encore dans<br />
les langes d’une division du travail<br />
restreinte, marquée au coin de la production<br />
vivrière familiale, d’une manufacture<br />
embryonnaire et d’un artisanat<br />
sans perspective de métamorphose<br />
industrielle. Ceci provient de la permanence<br />
des structures semi-féodales,<br />
hostiles au développement du marché<br />
intérieur, à l’introduction de technique<br />
de production moderne et, partant, à<br />
l’augmentation de la productivité du<br />
travail à la campagne, condition sine<br />
qua non de l’industrialisation et de<br />
la production [à grande échelle] (…)<br />
D’autre part, l’absence de voies de<br />
communication modernes, le manque<br />
d’énergie électrique, de techniciens,<br />
comme l’absence d’infrastructure<br />
économique propice au développement<br />
industriel explique en partie la médiocrité<br />
et la lenteur du développement des<br />
forces productives en Haïti .<br />
Au début du XXème siècle, la<br />
pénétration du capital étranger, surtout<br />
du capital marchand, se faisait sentir de<br />
manière importante. De plus commencèrent<br />
à s’installer des entreprises fruitières,<br />
comme l’American Dyewood of<br />
Boston, la compagnie de M. Fritz Hortman<br />
installée en 1901 à Bayeux et la<br />
compagnie Mac Donald qui s’occupait<br />
de l’exploitation des bananes depuis<br />
1907. D’autres investisseurs s’orientent<br />
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vers les services de transport et de communication.<br />
Par exemple, la compagnie<br />
Mc Donald installa des voies ferrées<br />
reliant Port-au-Prince à Saint-Marc, et<br />
les grandes lignes de communication<br />
maritime accaparèrent le commerce<br />
extérieur ; même le service de cabotage<br />
tomba sous la férule étrangère.<br />
La domination du capital étranger<br />
et le rôle de l’Etat (défenseur des intérêts<br />
de ce capital étranger et des grands<br />
propriétaires fonciers féodaux liés à ce<br />
capital étranger) ne sont pas de nature<br />
à favoriser le développement d’un capital<br />
national. « Elle (la domination du<br />
capital étranger) constitue [plutôt] un<br />
obstacle majeur à l’accumulation national<br />
du Capital ». Les commerçants et<br />
investisseurs étrangers ne vinrent pas<br />
accumuler les capitaux pour développer<br />
la société féodale et établir les prémisses<br />
pour la transition vers une forme de<br />
production plus avancée. Ils visaient<br />
avant tout à réunir des millions pour<br />
les emporter ensuite et les transformer<br />
en capital dans leurs propres pays.<br />
Autrement dit, « une fois leur fortune<br />
faite, ils s’embarquaient pour l’étranger<br />
». Comme le signal H. W. Singer, les investissements<br />
étrangers dans les pays<br />
sous-développés ne sont que des investissements<br />
d’ordre géographique,<br />
c’est-à-dire, les équipements de production<br />
établis par le capital étranger<br />
dans ces pays servent généralement à<br />
des fins d’exportation et ne deviennent<br />
jamais partie organique de la structure<br />
économique interne de ces pays.<br />
Le capitalisme commercial,<br />
monopolisé par les commerçants<br />
et investisseurs étrangers aboutit<br />
beaucoup plus au renforcement de<br />
la dépendance, du caractère semicolonial<br />
de l’économie haïtienne.<br />
Entre obstacles des structures semiféodales<br />
et l’impitoyable concurrence<br />
du Capital étranger naît l’échec des<br />
tentatives proprement nationales d’une<br />
accumulation primitive du Capital en<br />
Haïti.<br />
L’accumulation primitive du Capital<br />
est une tranche de vie importante<br />
dans l’histoire du mode de production<br />
capitaliste. Elle a eu pour effet en occident,<br />
le développement du capital et des<br />
forces productives. Dans les premiers<br />
moments du capitalisme européen, les<br />
capitaux primitivement accumulés ont<br />
provoqué le développement des moyens<br />
de production. Ce développement<br />
de plus en plus considérable, a été responsable<br />
des révolutions agricoles et<br />
industrielles subséquentes. Arrivant<br />
jusque-là, d’autres secteurs du capitalisme<br />
ont vu le jour. Mais le tout se greffe<br />
sur la base productive. Autrement<br />
dit, le capitalisme est un ensemble de<br />
secteurs d’activités érigé sur le secteur<br />
de la production qui en est la base essentielle.<br />
Cette mise au point doit permettre<br />
de faire la lumière sur le cas d’Haïti.<br />
La formation économique et sociale<br />
haïtienne, a-t-elle été capitaliste<br />
dans ses débuts ? Ou a-t-elle jamais été<br />
une société de production avec une infrastructure<br />
et des rapports de production<br />
de type capitaliste ?<br />
Comme mentionné plus haut, la<br />
création de la colonie de St-Domingue<br />
au XVIIème siècle entre dans le cadre<br />
du capitalisme marchand de la bourgeoisie<br />
montante française. Cependant,<br />
au plan interne, l’organisation du travail<br />
de la colonie se faisait suivant le<br />
strict mode esclavagiste de production.<br />
La production coloniale était essentiellement<br />
agricole. Comme on l’a déjà<br />
vu, une longue guerre destructrice a<br />
permis aux esclaves et aux catégories<br />
sociales intermédiaires (les affranchis)<br />
de St-Domingue d’avoir raison sur le<br />
système esclavagiste et de proclamer<br />
l’indépendance d’Haïti au début du<br />
XIXème siècle. A partir de là, a débuté<br />
la véritable histoire proprement haïtienne<br />
du pays.<br />
Sous prétexte de protéger les investissements américains en Haïti, une<br />
nuée de marines débarqua dans les ports haïtiens le 28 juillet 1915. Avec<br />
l’occupation militaire d’Haïti par les américains, débute un véritable<br />
processus d’installation du mode de production capitaliste<br />
Pour nommer la formation<br />
économique et sociale d’Haïti.<br />
Les différents auteurs qui se sont<br />
penchés sur la question de caractériser<br />
la formation économique et sociale<br />
d’Haïti, ont été presque tous d’accord<br />
sur le fait que le pays, au lendemain de<br />
1804, n’a pas réussi son bond vers le<br />
capitalisme. Jn-Jacques Doubout, dans<br />
une sorte de périodisation, a signalé<br />
que de 1793 à 1807, il s’était établi en<br />
Haïti une période de transition caractérisée<br />
par une tentative de passage vers<br />
le capitalisme sans connaître l’étape<br />
féodale. Gérard Pierre-Charles luimême,<br />
dans son livre titré L’économie<br />
haïtienne et sa voie de développement,<br />
écrit : « on s’explique alors difficilement<br />
que, dans des conditions pareilles et à<br />
la faveur de l’indépendance intégrale<br />
dont jouissait le pays, ne soit apparu<br />
un secteur de bourgeoisie marchande<br />
locale, qui en accumulant un capital<br />
aurait pu stimuler le développement<br />
de la société postcoloniale » . André<br />
Georges-Adam, dans son livre sur<br />
la crise de 1867-1869 affirme que «<br />
Haïti est une société semi-féodale » .<br />
La seule source de richesse qui est exploitée<br />
dans cette société est la terre.<br />
Or, à cause de différents facteurs, elle<br />
n’est pas efficacement mise en valeur.<br />
L’économiste Gérald Brisson nous dit<br />
qu’il ne suffit pas de caractériser la formation<br />
économique et sociale d’Haïti<br />
comme une société semi-féodale et<br />
semi-coloniale (…), il faut [surtout]<br />
expliquer pourquoi les intérêts d’une<br />
poignée de propriétaires fonciers se<br />
trouvent en contradiction irréductible<br />
avec ceux de la paysannerie et de toute<br />
la nation. C’est parce que cette poignée<br />
de gens, avant la révolution de 1791-<br />
1804, était, comme les colons français,<br />
des riches planteurs et possesseurs<br />
d’esclaves, répond Jean Casimir ; ce<br />
dernier nous rappelle que la révolte<br />
des « esclaves » a détruit leur fortune<br />
et la perte de la Perle des Antilles leur<br />
a affecté aussi bien que les colons métropolitains.<br />
En effet, une fois réalisée<br />
l’indépendance, cette poignée de gens<br />
s’est repositionnée sur la scène politicoéconomique<br />
de la nation nouveau-née.<br />
Les appropriations arbitraires des terres<br />
vacantes les rendaient grands propriétaires<br />
fonciers et, en tant que administrateurs<br />
du nouvel Etat, leur tentative<br />
de raviver l’économie de plantation afin<br />
de redorer leur blason leur opposait aux<br />
masses des anciens esclaves devenus<br />
cultivateurs. Ces derniers refusaient<br />
catégoriquement de travailler dans<br />
des conditions similaires aux temps<br />
de l’esclavage. Ils choisissaient depuis<br />
lors de se replier dans leur « pays en<br />
dehors ». Les grandes propriétés mal<br />
acquises sont restées improductives<br />
parce qu’elles ne sont pas mises en valeur.<br />
Depuis, une sorte de mur de Berlin<br />
virtuel sépare la paysannerie de la poignée<br />
de spoliateurs qui, politiquement,<br />
économiquement et culturellement, domine.<br />
Mise à part l’expérience dessalinienne<br />
et christophienne, la question<br />
de la mise en place d’une grande production<br />
rationnelle dans l’agriculture<br />
et d’un développement économique<br />
général, a toujours échoué. Sinon, elle<br />
a toujours dépendu de la pénétration<br />
du capital étranger. De 1804 jusqu’à<br />
l’occupation américaine de 1915, Haïti<br />
n’a jamais été une société à structure<br />
économique capitaliste. L’accumulation<br />
primitive a été à nouveau, le fait des<br />
étrangers. Car, eux seuls ont profité des<br />
structures semi-féodales pour accumuler<br />
du Capital.<br />
En somme, Jn-Jacques Doubout,<br />
Gérard Pierre-Charles, Benoit Joachim,<br />
Michel Hector, André Georges-Adam,<br />
pour ne citer que ces auteurs, sont tous<br />
d’avis que la société établie en Haïti dès<br />
1807 est semi-féodale et le versement<br />
à la France d’une indemnité en 1825,<br />
en guise de paiement de la dette de<br />
l’indépendance, inaugure son ère semicoloniale.<br />
Tentatives d’une certaine<br />
« bourgeoisie commerciale<br />
et industrielle nationale »<br />
d’accumuler du Capital<br />
L’éclatement du mouvement paysan du<br />
Sud, connu sous le nom de mouvement<br />
des Piquets, a renversé le gouvernement<br />
de Jn-Pierre Boyer et a inauguré<br />
la crise de 1843. A l’issue de cette crise,<br />
on a assisté à une « relative extension<br />
de la petite exploitation paysanne<br />
(…) ». Par la faveur de cette extension<br />
de la petite exploitation paysanne,<br />
« l’exportation de certaines denrées a<br />
atteint un niveau qui dépasse les plus<br />
belles années de l’ère coloniale. C’est<br />
par exemple le cas du café. La quantité<br />
exportée se situe déjà en 1887-1888<br />
autour de 40.000 tonnes. La même<br />
situation se présente pour le cacao dont<br />
pour les mêmes années, les deux milliers<br />
de tonnes ne s’étaient jamais vus<br />
à St-Domingue ni en Haïti. Dans les<br />
chiffres consignés, pareillement pour<br />
les tranches annuelles, les ventes du<br />
coton et du bois de campêche destinés<br />
à l’étranger s’élèvent à des quantités<br />
jusqu’alors inconnues depuis 1804<br />
». Toutefois, en dépit de cette relative<br />
augmentation de la production agricole,<br />
aucune accumulation nationale<br />
du capital n’a été effectuée au cours de<br />
cette période. La mentalité féodale des<br />
élites économique et politique d’alors<br />
ne favorisait pas une pareille initiative.<br />
Les commerçants étrangers du bord<br />
de mer étaient les seuls à profiter des<br />
efforts de la paysannerie. Pour rendre<br />
compte du rôle des catégories qui ont<br />
participé dans l’exploitation des efforts<br />
de la paysannerie, M. R. Trouillot<br />
écrit : « L’Etat et le négoce sucent la<br />
Suite à la page (16)<br />
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<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol. 6, No. 3 • Du 1er au 7 Août 2012