« crypto-communisme » et <strong>de</strong> « double jeu » à l’égard <strong>de</strong> la Résistance ! Il est scandalisé. À cinquante-sept ans, il déci<strong>de</strong> donc <strong>de</strong> se muer en historien puis en écrivain et élabore cette véritable cathédrale que sont ses cinq volumineux livres sur Jean Moulin, publiés entre 1983 et 1999, notamment le magistral Jean Moulin, la République <strong>de</strong>s catacombes, ainsi que, récemment, le premier volume <strong>de</strong> ses merveilleux mémoires, Alias Caracalla (1). Puisse-t-il faire la grâce, à ses contemporains et aux générations à venir, <strong>de</strong> prolonger son témoignage sur lui-même et sur ce XXe siècle et ce début du XXIe siècle qu’il aura traversés avec tant d’éclat. (1) Éditions Gallimard, 2009. Anna Musso et François Berriot
06 Septembre 2010 Robert Chambeiron « La désobéissance, parfois, est une valeur morale » Par Marion D’Allard, Journaliste. Compagnon <strong>de</strong> Jean Moulin, secrétaire général du Conseil national <strong>de</strong> la Résistance, Robert Chambeiron a vécu la guerre au rythme <strong>de</strong> Londres. Résistant <strong>de</strong> la première heure, militant jusqu’à la <strong>de</strong>rnière, il continue, aujourd’hui, <strong>de</strong> défendre sa France. Paris, 16e arrondissement. Assis dans son salon, Robert Chambeiron se raconte, et à travers lui, la Résistance. À 95 ans, force vive <strong>de</strong> l’histoire, le poids <strong>de</strong>s ans n’entame ni sa mémoire, ni sa volonté <strong>de</strong> défendre, encore aujourd’hui, cette République qu’il a contribué à relever quand, en 1940, elle s’est agenouillée. Septembre 1939, la France et l’Angleterre déclarent la guerre à l’ennemi nazi et Robert Chambeiron travaille <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux ans, sous la direction <strong>de</strong> Pierre Meunier, dans le cabinet <strong>de</strong> Pierre Cot, au ministère <strong>de</strong> l’Air. Il n’a que vingt-quatre ans. Une brasserie <strong>de</strong> la place Saint-Michel, Paris. « Pierre Meunier, bourguignon, aimait la vian<strong>de</strong> faisandée. Un jour qu’il allait manger <strong>de</strong>s oiseaux, il tomba mala<strong>de</strong>. » Robert Chambeiron n’a plus <strong>de</strong> supérieur. On le convoque. « Pierre Meunier est à l’hôpital, je voudrais que vous le remplaciez. » Comme si c’était hier, Robert Chambeiron décrit les yeux noirs, le regard profond, le charisme <strong>de</strong> celui qui l’avait convoqué. « Personne ne discutait ce qu’il disait, on sentait qu’il n’avait pas l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> prendre la parole pour ne rien dire.» C’était Jean Moulin. Première rencontre avant que la guerre ne les sépare. Mobilisé en Afrique du Nord, la poignée <strong>de</strong> main à Montoire entre Pétain et Hitler du 2 octobre 1940 signe la fin <strong>de</strong> l’engagement militaire <strong>de</strong> Robert Chambeiron, le début <strong>de</strong> sa résistance. Il rentre à Paris, reprend contact avec Meunier. Le hasard a fait le reste. Et finalement, avec le sourire <strong>de</strong> la reconnaissance, Robert Chambeiron parle <strong>de</strong> « miracle ». Un bistrot du côté <strong>de</strong> la Ma<strong>de</strong>leine, Paris. Moulin a été révoqué <strong>de</strong> ses fonctions <strong>de</strong> préfet. Nous sommes en novembre 1940. Chargé par <strong>de</strong> Gaulle d’organiser la Résistance en France, « Moulin voulait recenser les premiers frémissements». Un inventaire pour lever une armée <strong>de</strong> l’ombre. Chambeiron participera à l’unification <strong>de</strong>s cellules résistantes en zone nord, occupée. Les Buttes-Chaumont, Paris. Le jeune résistant vit ses quatre ans <strong>de</strong> clan<strong>de</strong>stinité dans le Paris allemand. Quatre ans durant lesquels « la Résistance mange toutes les minutes <strong>de</strong> votre journée». Il se souvient <strong>de</strong> la Gestapo qui vient frapper à sa porte, <strong>de</strong> la gardienne <strong>de</strong> l’immeuble qui joue la montre, <strong>de</strong> sa course aux Buttes-Chaumont pour échapper aux petits bras d’Hitler, <strong>de</strong> la peur, et au final, <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong>s faux papiers « qui doivent résister aux premiers coups d’œil ». Anecdote. Alors que Robert Chambeiron sort d’une enveloppe jaunie ses papiers <strong>de</strong> clan<strong>de</strong>stin, il raconte : « Il fallait se méfier. Certains se sont fait gauler parce que les initiales <strong>de</strong> leurs papiers ne correspondaient pas à celles brodées sur leur chemise. » Détail. Robert Chambeiron sera donc Robert-Paul Chaudin, Robert-Paul
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