Portraits de résistants - PCF Bassin d'Arcachon
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<strong>de</strong>struction <strong>de</strong> pylônes électriques, <strong>de</strong> ponts, sabotage dans les usines, ces techniques <strong>de</strong><br />
guérilla sont celles qu’il avait apprises en Espagne. Début 1943, malgré leur difficulté à<br />
trouver <strong>de</strong>s armes, les FTP n’en réussissent pas moins à mener dans la région parisienne<br />
une guérilla urbaine qui fait écho à la victoire soviétique à Stalingrad (2 février). Et cela leur<br />
vaut une aura auprès <strong>de</strong> la population, généralement peu prisée par les chefs <strong>de</strong>s autres<br />
mouvements <strong>de</strong> résistance qui craignaient que les communistes ne fassent cavalier seul.<br />
L’arrivée <strong>de</strong> Joseph Epstein à la tête <strong>de</strong>s FTPF d’Île-<strong>de</strong>-France sous la responsabilité<br />
d’Albert Ouzoulias a eu une double conséquence.<br />
Tout d’abord, il a modifié la stratégie militaire <strong>de</strong>s FTP en proposant d’engager neuf, douze<br />
ou quinze combattants dans une opération là où précé<strong>de</strong>mment ils n’étaient que trois. Ce<br />
changement a permis <strong>de</strong>s opérations spectaculaires d’attaque <strong>de</strong> militaires allemands dans<br />
Paris mais aussi <strong>de</strong>s opérations <strong>de</strong> <strong>de</strong>structions industrielles décisives pour les Alliés : le 10<br />
novembre, par exemple, dans l’usine <strong>de</strong> l’Air liqui<strong>de</strong> à Boulogne-sur-Seine, ce sont vingtcinq<br />
combattants armés qui, après avoir dispersé le personnel présent, ont disposé dix<br />
engins explosifs sur différentes machines <strong>de</strong> l’atelier. Cette usine produisait l’oxygène<br />
nécessaire à la mise au point <strong>de</strong>s missiles balistiques V1 et V2 produits par l’Allemagne<br />
nazie en vue d’une attaque sur l’Angleterre. Par ailleurs, conscient que les risques étaient<br />
grands d’une guerre civile et que seule l’unité <strong>de</strong> la Résistance permettrait la victoire, il a<br />
favorisé l’intégration <strong>de</strong> toutes les sensibilités politiques dans les FTP et a soutenu l’action<br />
d’unification <strong>de</strong> l’armée secrète voulue par le général <strong>de</strong> Gaulle et Jean Moulin en vue <strong>de</strong><br />
l’insurrection nationale au moment du débarquement, sans renoncer à l’action immédiate.<br />
Il est arrêté le 16 novembre 1943, lors d’un ren<strong>de</strong>z-vous avec Missak Manouchian,<br />
responsable <strong>de</strong> la MOI sous ses ordres, mais ni le nom, ni le visage d’Epstein ne figurent sur<br />
l’Affiche rouge qui fera la gloire paradoxale du groupe Manouchian.<br />
C’était pourtant un « étranger », juif polonais, qui dirigeait les FTP <strong>de</strong> Paris et d’Île-<strong>de</strong>-<br />
France. Il incarnait parfaitement cette « juiverie internationaliste communiste » haïe par<br />
l’occupant et le gouvernement <strong>de</strong> Vichy. Mais, doté « d’un physique <strong>de</strong> bon aryen », blond,<br />
les yeux bleus, parlant la langue française sans aucun accent, Joseph Epstein a dissimulé<br />
jusqu’au bout son i<strong>de</strong>ntité sous le nom <strong>de</strong> Joseph Estain, communiste français né au<br />
Bouscat en Giron<strong>de</strong>. Joseph Epstein, n’étant considéré ni comme étranger, ni comme juif,<br />
ne servait pas la propagan<strong>de</strong> nazie et n’a donc pas été fusillé le 21 février 1944 avec le<br />
groupe Manouchian mais le 11 avril 1944 avec seize compagnons <strong>de</strong> combat, tous français.<br />
L’art <strong>de</strong> la clan<strong>de</strong>stinité <strong>de</strong> Joseph Epstein lui aura évité la gloire <strong>de</strong>s « vingt-trois » sans<br />
pour autant lui éviter la torture. Consciente <strong>de</strong> détenir le responsable régional FTPF, la<br />
briga<strong>de</strong> spéciale <strong>de</strong> Vichy appliquera un traitement particulièrement effroyable à Joseph<br />
Epstein. Littéralement écorché et « massacré », il ne donnera même pas sa réelle i<strong>de</strong>ntité.<br />
S’il a été détruit mais pas vaincu par les nazis, l’oubli dont il fut l’objet après-guerre n’a<br />
finalement pas pu, lui non plus, effacer son combat.<br />
Pascal Convert a publié en 2007 une biographie sur Joseph Epstein (Éditions Séguier).<br />
Il prépare une biographie (Éditions du Seuil) et un film documentaire (Les Films d’ici et<br />
France 2) sur Raymond Aubrac.<br />
Pascal Convert