Portraits de résistants - PCF Bassin d'Arcachon

Collard… RC, pour ne pas que la chemise le trahisse. La toile de la Résistance se tisse, les
réseaux s’étoffent. En 1943, de Gaulle crée le Conseil national de la Résistance (CNR),
structure officieuse d’une entreprise historique. Il lui faut un chef, ce sera Moulin.
48, rue du Four, Paris. Le CNR se réunit pour la première fois, ce 27 mai 1943. C’est la
victoire du rêve de la France libre. Citons Malraux : « Ce CNR, qui groupe les mouvements,
les partis et les syndicats de toute la France, c’est l’unité précairement conquise, mais aussi
la certitude qu’au jour du débarquement, l’armée en haillons de la Résistance attendra les
divisions blindées de la libération. » Ils sont une vingtaine ce soir-là, et Jean Moulin
nommera deux secrétaires généraux au CNR, Robert Chambeiron et Pierre Meunier. Les
membres du CNR ne sont pas tous frères d’idéologie. Il faut fédérer à tout prix, faire fi des
deux courants qui, selon Robert Chambeiron, mènent à la Résistance. « Certains, comme
moi, sont entrés en Résistance parce qu’ils étaient antifascistes, résolument de gauche.
Nous n’avons pas accepté l’idéologie destructrice du nazisme. D’autres, parce qu’ils étaient
anti-allemands, sur des bases patriotiques et nationalistes. » Pourtant, une chose est sûre.
Les racines de la Résistance sont populaires, ses forces vives sont prolétaires. « C’est dans le
peuple; en premier lieu dans la classe ouvrière, la seule, écrivait François Mauriac,
demeurée fidèle à la patrie profanée, que réside la force vive de la Resistance. » Chambeiron
sourit. « On disait qu’à Vichy, dans les couloirs de l’hôtel du Parc où siégeait le
gouvernement de Pétain, il y avait plus d’amiraux que sur la mer. » Opportunisme. « Les
représentants des pouvoirs économiques se sont attelés à la charrue du nazisme et ont
participé au pillage de la France. » Quand Moulin est dénoncé et arrêté à Caluire, le 
 21
juin 1943, le CNR se retrouve sans tête. « On nous avait chargés d’un instrument, mais
personne ne nous avait dit comment en jouer. » Il a fallu renommer un président, ce sera
Georges Bidault. « Parce que Moulin lui faisait confiance. »
Ses quatre années de clandestinité, Robert Chambeiron les raconte depuis la fin de la
guerre. Parce que le renouveau que promettait le programme politique du CNR adopté le 15
mars 1944 ne l’a jamais quitté, des Vosges où il fut député de 1945 à 1951 (radical), puis de
1956 à 1958 (progressiste), au Parlement européen où il fut élu du groupe communiste de
1979 à 1989, le message n’a pas faibli, habité par le vœu d’une société plus juste. « La liberté
n’est qu’un leurre quand elle n’a pas la justice sociale comme compagne. » Président
délégué de l’Association nationale des anciens combattants (Anacr), intervenant dans les
écoles, au rendez-vous de tous les anciens, il ne peut pas, même s’il l’avait voulu, tourner la
page. « C’est comme la tunique de Nessus, ça gratte la peau. » Comment tourner la page
quand les retraites, fruits du programme du CNR, sont mises à mal, quand les acquis
sociaux sont ébréchés, quand les « leçons » de l’histoire ne sont plus que « devoir de
mémoire ». Et si la guerre n’avait pas forcé son destin, Robert Chambeiron aurait été, quoi
qu’il arrive, un résistant. « Mon milieu familial, mes engagements de jeunesse, m’auraient
poussés à résister, je ne sais ni avec qui, ni où, ni comment. » Conscient d’être « une petite
partie de la grande histoire », il peut encore dire haut et fort, que « la désobéissance,
parfois, est une valeur morale ».
MARION D’ALLARD