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Portraits de résistants - PCF Bassin d'Arcachon

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comme moi très jeune et, en plus, il écrivait <strong>de</strong>s poèmes et <strong>de</strong>s textes ironiques ». Ils se<br />

rencontrent régulièrement à la barrière, parlent, discutent, se racontent leurs familles, se<br />

font <strong>de</strong>s confi<strong>de</strong>nces, les mois s’écoulent et leurs sentiments s’aiguisent. Guy, fougueux, lui<br />

arrache la promesse d’un baiser, elle y consent, mais quand ? « Je crois que j’ai eu le coup<br />

<strong>de</strong> foudre, le seul <strong>de</strong> ma vie.»<br />

Le 21 octobre 1941, Karl Hotz, un officier allemand <strong>de</strong> Nantes, est abattu. Châteaubriant<br />

doit payer le tribut exigé par les nazis. L’atmosphère du camp s’assombrit. Dans la baraque<br />

19, <strong>de</strong>s internés sont regroupés et Guy a confié à O<strong>de</strong>tte son inquiétu<strong>de</strong>. On connaît la suite.<br />

À 15 h 30, <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> feu trouent l’espace <strong>de</strong> la clairière <strong>de</strong> la Sablière et l’appel aux morts<br />

retentit. Vingt-sept noms défilent les uns après les autres… Môquet Guy… fusillé. O<strong>de</strong>tte et<br />

ses amies regagnent, désespérées, leur baraque. Sur le chemin, elle est alors interpellée par<br />

un gendarme qui lui dit à voix basse : «Tenez, Guy Môquet m’a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> vous donner<br />

une lettre, surtout, ne dites rien !» Sa première lettre d’amour, dans laquelle il lui rappelle la<br />

promesse du baiser… C’était le 22 octobre 1941. Le massacre <strong>de</strong> Châteaubriant allait<br />

marquer un tournant décisif, et le besoin d’agir pour rétablir les libertés s’en est trouvé<br />

renforcé. Un peu réservée, mais sûre d’elle, elle confie : « Après Châteaubriant, c’était<br />

terrible, je ne pouvais pas voir les Allemands et j’ai eu envie <strong>de</strong> tuer mes bourreaux. Ce qui<br />

m’a délivrée, c’est d’aller en Allemagne, à la Libération ; la misère était partout, les gens<br />

erraient dans la ville, c’était affreux ce que la guerre avait détruit. »<br />

Le sinistre tour <strong>de</strong>s camps, dont la France n’est pas avare, commence pour O<strong>de</strong>tte. Jusqu’en<br />

1944, elle va connaître Aincourt (Seine-et-Oise), Gaillon (Eure), Lalan<strong>de</strong> (Indre-et-Loire),<br />

Mérignac (Giron<strong>de</strong>). Aincourt, un ancien sanatorium, à peine moins sale que<br />

Châteaubriant, est tenu par le commissaire Andrey qui établit <strong>de</strong>s listes <strong>de</strong> meneurs<br />

utilisées pour les fusilla<strong>de</strong>s et les déportations. Beaucoup <strong>de</strong> femmes et d’enfants juifs y sont<br />

internés. «Puis un jour, les occupants sont venus chercher les femmes juives et les ont<br />

séparées brutalement <strong>de</strong> leurs enfants. Nous ne les avons pas revues.» En 1943, elle est<br />

transférée au camp <strong>de</strong> Gaillon, un lieu infect où <strong>de</strong>s rats courent partout sur <strong>de</strong>s paillasses<br />

immon<strong>de</strong>s. Les femmes, révoltées, flanquent les paillasses <strong>de</strong>hors. Six mois après, O<strong>de</strong>tte<br />

est emmenée au camp <strong>de</strong> Lalan<strong>de</strong>, où la brutalité ordinaire <strong>de</strong>s matons et <strong>de</strong>s matonnes le<br />

dispute à la nourriture infecte. Là encore, elle prend la tête d’une manifestation avec ses<br />

camara<strong>de</strong>s, et toutes les femmes se rebellent, renversent leurs gamelles. Otages, oui, mais<br />

dans la dignité. Les représailles sont immédiates, et le len<strong>de</strong>main, O<strong>de</strong>tte est déplacée avec<br />

ses camara<strong>de</strong>s au camp <strong>de</strong> Mérignac, où beaucoup <strong>de</strong> juifs sont incarcérés et évacués vers le<br />

camp <strong>de</strong> Drancy et en Allemagne. En 1944, dans le désordre qui commence à l’approche <strong>de</strong><br />

la Libération, elle s’éva<strong>de</strong> avec <strong>de</strong>ux amies, ne sachant où aller. « Nous avons rencontré une<br />

vieille dame qui nous a dirigées chez la famille Durroux à Bègles. Puis, on m’a expédiée à<br />

Bor<strong>de</strong>aux à l’Hôtel <strong>de</strong> Normandie où se trouvaient <strong>de</strong>s camara<strong>de</strong>s FTP. » Elle y rencontre<br />

son futur mari, Maurice Nilès, résistant communiste chargé <strong>de</strong> la région Sud-Ouest, maire<br />

<strong>de</strong> Drancy <strong>de</strong> 1959 à 1997 et député <strong>de</strong> 1958 à 1986. Elle était entrée adolescente à<br />

Châteaubriant, elle a vingt ans et c’est une jeune femme. O<strong>de</strong>tte Nilès, prési<strong>de</strong>nte <strong>de</strong><br />

l’Amicale <strong>de</strong> Châteaubriant, qui, à quatre-vingt-sept ans, transmet inlassablement l’histoire<br />

<strong>de</strong> la Résistance et celle <strong>de</strong> Guy Môquet, en particulier dans les établissements scolaires. «<br />

Notre amicale s’attache surtout à cultiver une mémoire non pas recroquevillée sur le passé,<br />

mais porteuse <strong>de</strong>s valeurs indispensables pour la citoyenneté d’aujourd’hui, génératrice<br />

d’espérances d’un autre mon<strong>de</strong> pour l’avenir. » Une femme mémoire.<br />

Monique Houssin, journaliste, écrivain

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