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l i f e s t y l e<br />
Des restaurants<br />
où l’on cuisine<br />
© Denis Rouvre<br />
On finirait par douter, ne plus y croire et surtout désespérer.<br />
C’est mal nous connaître. A lire les gazettes culinaires, la<br />
cuisine ne serait plus qu’affaire d’assemblage et de juxtaposition<br />
de produits. Le mangeur est prié de se pâmer devant une noix<br />
de Saint-Jacques encore vivante que le chef (peut-on encore parler<br />
de chef ?) aura consenti à agrémenter d’une pincée de fleur de sel et<br />
d’épices (plus l’intitulé est exotique mieux c’est !) et glisser quelques<br />
lamelles de betteraves crues (la chioggia de préférence). La tablée n’a<br />
plus qu’à communier devant l’oeuvre épurée, hymne rousseauiste, de ce<br />
chef naturellement bon, artiste de la mandoline dont le premier d’entre<br />
eux rayonne sur la planète depuis Copenhague (Vous connaissez René<br />
Redzepi, évidemment, le nouveau Paul Bocuse de cette non cuisine).<br />
Seulement voilà, à force d’improviser, de ne se fier qu’à son instinct<br />
(par paresse ou absence de talent diront les mal pensants), de ne se<br />
laisser guider que par le bout du nez d’un produit (fut-il puiser à la<br />
meilleur source), de confondre assemblage et cuisine, le chef finit par<br />
se prendre les pieds dans ses créations instantanées comme un artiste<br />
contemporain jetant une poignée de sable au centre de la salle d’un<br />
musée et criant au génie. La bonne nouvelle, c’est que comme toutes<br />
les modes celle-ci lassera et passera. Cependant, la cuisine restera<br />
comme dans tous ces restaurants que nous avons visités et aimés parce<br />
qu’ils sont aux antipodes de ces précieux ridicules.<br />
L’Octopus<br />
A Béziers, dans un décor rassurant, la cuisine de Fabien Lefebvre porte<br />
le sceau de la tradition gastronomique (tout sauf passéiste) française.<br />
Elle est réfléchie, pensée, travaillée, assise sur une histoire, celle d’un<br />
chef et d’un artisan qui s’est, au fil du temps et de son talent, mué en<br />
auteur. L’assiette n’en est que l’aboutissement. Le produit est porté<br />
au pinacle, non pas par une périlleuse improvisation, mais grâce un<br />
échafaudage de saveurs patiemment (et très souvent longuement)<br />
réfléchi. Ce jour-là la Saint-Jacques marinée et le Rouget de roche juste<br />
cuisiné dans ses sucs (dont la simplicité des intitulés est inversement<br />
proportionnelle au travail de l’auteur et au plaisir procuré au convive)<br />
en étaient d’éclatantes illustrations. Alors avant de prendre un billet<br />
d’avion pour Copenhague, sautez dans le premier TGV pour Béziers !<br />
12 rue Boieldieu - 34500 Béziers - Tél. : +33 (0)4 67 49 90 00<br />
www.restaurant-octopus.com<br />
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