Campus - Le Monde
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Emploi<br />
Branchés<br />
Facebook peut nuire<br />
gravement au travail<br />
<strong>Le</strong>s contentieux entre salariés et employeurs liés à des propos<br />
critiques diffusés sur les réseaux sociaux sont difficiles à trancher,<br />
tant ces sites brouillent les pistes entre sphères privée et publique.<br />
Il disait avoir intégré un «club<br />
des néfastes ». Fin 2008,<br />
depuis son domicile, un salarié<br />
de la société de services<br />
Alten, s’estimant mal considéré<br />
par sa direction, avait ironisé<br />
sur sa page personnelle Facebook au<br />
sujet de l’existence d’un «cercle très<br />
fermé » au sein de son service.<br />
«Normalement, il y a tout un rite.<br />
D’abord, vous devez vous foutre de<br />
la gueule de votre supérieure hiérarchique,<br />
toute la journée et sans<br />
qu’elle ne s’en rende compte. Ensuite,<br />
il faudra lui rendre la vie impossible<br />
pendant plusieurs mois »,<br />
avait précisé, dans les commentaires,<br />
une ancienne salariée<br />
s’adressant à la nouvelle recrue. Et<br />
deux autres employées de renchérir<br />
:«Bienvenue au club », «nous<br />
allons voir si tu respectes bien le<br />
rite », achevant la conversation par<br />
l’usage de smileys.<br />
Ces propos n’ont pas fait rire l’entreprise.<br />
Informée des échanges<br />
par un autre employé, le profil<br />
Facebook étant accessible aux<br />
«amis des amis », la direction a<br />
licencié les trois salariés pour faute<br />
grave, au motif d’« incitation à la<br />
rébellion » et de «dénigrement de<br />
l’entreprise ».<br />
Après avoir reporté son jugement<br />
en raison d’un partage des voix, le<br />
conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt<br />
a finalement tranché,<br />
en novembre dernier, en faveur<br />
de la société Alten, considérant<br />
qu’une page Facebook n’est pas de<br />
nature privée, du moins si l’on utilise<br />
les réglages par défaut du site.<br />
Cette décision de justice a de nouveau<br />
soulevé la question de la délimitation<br />
entre espaces privé et<br />
public dans le monde du travail,<br />
alors que les réseaux sociaux<br />
brouillent les pistes du droit.<br />
Comme ces trois consultants, qui<br />
vont faire appel, plus de 2,5 millions<br />
de salariés évoquent leur entreprise<br />
sur le Web. Si 67 % le font de façon<br />
plutôt positive, 21 % ne se privent<br />
pas de critiquer leur employeur, en<br />
particulier la tranche des 25-34 ans,<br />
selon un sondage réalisé en janvier<br />
par Viavoice pour l’agence de communication<br />
Hopscotch.<br />
<strong>Le</strong> code du travail donne en effet le<br />
droit au salarié de s’exprimer librement<br />
sur ses conditions de travail,<br />
à l’intérieur comme à l’extérieur de<br />
son entreprise. Cette liberté passe<br />
en particulier par un droit à une<br />
correspondance privée, par lettre,<br />
e-mail, ou tout autre moyen de<br />
communication. «Dès lors, l’employeur<br />
ne peut, sans violation de<br />
cette liberté fondamentale, prendre<br />
connaissance des messages personnels<br />
émis par le salarié et reçus par<br />
lui grâce à un outil informatique »,<br />
précise un arrêt de la Cour de cassation<br />
de 2001.<br />
Mais cette liberté de correspondance<br />
privée est limitée par le droit<br />
de l’entreprise à faire valoir que<br />
46 /<strong>Le</strong> <strong>Monde</strong> <strong>Campus</strong> mardi 29 mars 2011